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29juin05


Arrêt de la Cour d'Assises de Bruxelles condamnant Etienne Nzabonimana et Samuel Ndashyikirwa pour des homicides commis lors du conflit au Rwanda


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LA COUR D'ASSISES DE L'ARRONDISSEMENT ADMINISTRATIF DE BRUXELLES-CAPITALE

séant à Bruxelles,

rend l'arrêt suivant:

Vu l'arrêt de la cour d'appel séant à Bruxelles, rendu le 27 avril deux mille quatre, portant mise en accusation et renvoi devant la cour d'assises de :

1. NZABONIMANA Etienne, sans profession, né à Kirwa-Kigarama (Rwanda) le 22 mai 1951 résidant à Schaerbeek, rue Thiéfry 21/2, de nationalité rwandaise, actuellement détenu ;

2. NDASHYIKIRWA Samuel alias MANZI Samuel, né à Kirwa-Kaberangwe (Rwanda) le 16 septembre 1961, domicilié à Antwerpen, Lange Beeldekensstraat 78, réfugié ONU d'origine rwandaise, actuellement détenu ;

accusés d'avoir,

dans la préfecture de Kibungo, au Rwanda, entre le 1er janvier 1994 et le 23 avril 1994,

les faits relevant de la compétence territoriale des juridictions belges par application de l'article 6 -1e bis du Titre préliminaire du Code de procédure pénale et de l'article 29 §3, al. 5 de la loi du 5 août 2003 relative aux violations graves du droit international humanitaire, commis les infractions graves énumérées ci-après, qualifiées crimes de droit international, portant atteinte par action ou omission aux personnes et aux biens protégés par les Conventions signées à Genève le 12 août 1949 et approuvées par la loi du 3 septembre 1952 et par les Protocoles I et II additionnels à ces Conventions, adoptés à Genève le 8 juin 1977 et approuvés par la loi du 16 avril 1986 ;

- soit donné l'ordre même non suivi d'effet, de commettre des crimes de droit international ;

- soit proposé ou offert de commettre des crimes de droit international ou accepté une pareille proposition ou offre ;

- soit provoqué à commettre des crimes de droit international, même si la provocation n'a pas été suivie d'effet ;

- soit participé, au sens des articles 66 et 67 du Code pénal, aux crimes de droit international, même si la participation n'a pas été suivie d'effet, à savoir ;

    a. soit exécuté ces crimes ou coopéré directement à leur exécution ;

    b. soit, par un fait quelconque, prêté pour l'exécution de ces crimes une aide telle que, sans leur assistance, ces crimes n'eussent pu être commis ;

    c. soit, par dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, directement provoqué à ces crimes ;

    d. soit, par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics, par des écrits, des imprimés, des images ou des emblèmes quelconques, qui ont été affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public, provoqué directement à commettre ces crimes ;

    e. soit donné des instructions pour commettre ces crimes ;

    f. soit procuré des armes, des instruments, ou tout autre moyen qui a servi à ces crimes sachant qu'ils devaient y servir ;

    g. soit, hors le cas prévu au point b ci-dessus, avec connaissance, aidé ou assisté i'auteur de ces crimes dans les faits qui les ont préparés ou facilités, ou dans ceux qui les ont consommés ;

- soit omis d'agir dans les limites de leur possibilité d'action alors qu'ils avaient eu connaissance d'ordres donnés en vue de l'exécution de crimes de droit international ou de faits qui en commencent l'exécution alors qu'ils pouvaient en empêcher la consommation ou y mettre fin ;

- soit tenté, au sens des articles 51 à 53 du Code pénal, de commettre des crimes de droit international ;

A. volontairement, avec intention de donner la mort et avec préméditation, commis un homicide sur les personnes ci-après mentionnées, en l'espèce notamment :

I. Le premier (Nzabonimana)

1. à Kibungo, à une date indéterminée, entre le 11 et le 15 avril 1994 sur les personnes de G. et de sa fille ;

2. à Rukira, le 12 avril 1994, sur les personnes de G. F. et G. G. ;

3. à Kibungo, à l'évêché (économat), les 15 et 18 avril 1994, sur les personnes de K. M., K. E., K.E., Z. L., Z. O., M. C., H. D., M. F., M. M., son fils et sa fille, K. B., sa femme et ses enfants, les grands-parents, la maman, les deux soeurs et les deux frères de K. J.-C., R. E. ;

4. à Nyarubuye, à des dates indéterminées, entre le 13 avril 1994 et le 19 avril 1994, sur les personnes de G. A., M. J., H. F. et M. J. ainsi que leurs trois enfants N. J., M. C. et G. P. ;

5. dans la préfecture de Kibungo, entre le 6 avril 1994 et le 23 avril 1994 notamment le 10 avril 1994 à la paroisse de Kibungo, à une date indéterminée, entre le 11 et le 15 avril 1994 au bureau communal de Birenga, le 12 avril 1994 à Rukira, les 15 et 18 avril 1994, à l'evêché (économat) de Kibungo, sur un nombre indéterminé de personnes non identifiées à ce jour ;

II. Le premier (Nzabonimana) et le deuxième (Ndashyikirwa)

1. à Kirwa, à une date indéterminée entre le 7 et le 10 avril 1994, sur la personne de R. J.-B. ;

2. à Kirwa, notamment sur la place du marché (Kajevuba), à une date indéterminée, entre le 8 et le 11 avril 1994 sur les personnes de N. J., N. B., K. F., R. R. J.-P., H., R. S., M., T. ;

3. à Kirwa, à une date indéterminée, entre le 10 et le 13 avril 1994, sur la personne de T. J. ;

4. à Rutonde et à Kirwa, à des dates indéterminées, entre le 10 et le 18 avril 1994 sur les personnes de S. F. et ses enfants, M. et N. ;

5. à Kirwa, à une date indéterminée, entre le 7 avril 1994 et le 23 avril 1994, su les personnes de N. D., N. A., M. F., S. C., B. C U. et M. ;

6. à Kirwa, à des dates indéterminées, entre le 6 avril 1994 et le 23 avril 1994, sur un nombre indéterminé de personnes non identifiées à ce jour ;

B. avoir tenté de, volontairement avec intention de donner la mort et avec préméditation, commettre un homicide sur les personnes ci-après mentionnées, la résolution de commettre le crime ayant été manifestée par des actes extérieurs qui forment un commencement d'exécution de ce crime, et qui n'ont été suspendus ou n'ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes de leur volonté ;

I. le premier (Nzabonimana)

1. à Nyarubuye, le 14 avril 1994 sur la personne de G. J. ;

2. à Kibungo, à l'évêché, les 15 et 18 avril 1994 sur la personne de K. J.-C. ;

II. Le premier (Nzabonimana) et le deuxième (Ndashyikirwa)

1. à Kirwa, le 21 avril 1994, sur la personne de M. J. ;

2. à Kirwa, à une date indéterminée entrele 13 avril 1994 et le 18 avril 1994, sur la personne de M. S. alias N. ;

Vu l'acte d'accusation dressé en conséquence de cet arrêt par Monsieur Ph. Meire, magistrat fédéral et Monsieur A. Winants, avocat général près la cour d'appel de Bruxelles, magistrat fédéral délégué, le 2 mars deux mille cinq, dont il a été donné lecture par Messieurs Ph. Meire, magistrat fédéral et A. Winants, avocat général, magistrat fédéral délégué.

Vu la déclaration préliminaire dont il a été donné lecture par maîtres M. Hirsch et E. Gillet, conseils des parties civiles qu'ils représentent.

Vu l'acte de défense de l'accus NDASHYIKIRWA Samuel alias MANZI Samuel, dont il a été donné lecture par maître V. Lurquin.

Ouï les témoins produits :

- par le procureur fédéral
- par la défense des accusés
- par les parties civiles

et cités à la requête du procureur fédéral.

Ouï les accusés dans leurs observations contre les dépositions des témoins.

Ouï les parties civiles :

1. G. J.
domicilié [XXX]
2. U. P.
domicilié à [XXX]
3. U. V.
domiciliée à [XXX]
4. R. J.
domiciliée à [XXX]
5. N. A.
domiciliée à [XXX]
6. R. F.
domiciliée à [XXX]
7. M. J., domiciliée à [XXX] tant en son nom propre qu'en tant qu'administratrice des biens de ses enfants H. K. B., I. U. L., T. R. et T. J, [XXX]
représentées par maîtres P. Lardinois et L. Walleyn, avocats du barreau de Bruxelles,

8. U. A.
domiciliée [XXX]
représentée par maître J.M. Nkubanyi, avocat du barreau de Bruxelles,

9. S. J.-P.
domicilié [XXX]
10. N. E.
domicilié [XXX]
11. M. G.
domicilié [XXX]
12. N. J.-L.
domicilié [XXX]
13. R.-M. H
domiciliée [XXX]
représentées par maîtres P. Legros, M. Libert et V. Bodson, avocats du barreau de Bruxelles

14. K. L.
faisant élection de domicile au cabinet de son conseil, avenue Brugmann 429 à 1180 Bruxelles
représentée par maître X. Magnée, avocat du barreau de Bruxelles,

15. M. W. N.
domicilié [XXX]
16. N. C.
demeurant à Kigali - Rwanda
17. M. J.
demeurant à Kigali - Rwanda
représentées par maître F. Clément de Cléty, avocat du barreau de Bruxelles,

18. W. T.
domiciliée [XXX]
19. K. D.
domiciliée [XXX]
représentées par maître O. Slusny, avocat du barreau de Bruxelles,

20. M. E.
domicilié [XXX]
21. U. H.
domiciliée [XXX]
représentées par maître X. Attout, avocat du barreau de Charleroi,

22. K. V.
faisant élection de domicile au cabinet de son conseil, avenue Brugmann 429 à 1180 Bruxelles
représentée par maître C. Fastrez, avocat du barreau de Bruxelles,

23. U. A.
domiciliée [XXX]
24. M. M.-L.
domiciliée [XXX]
25. A. D.
domiciliée rue [XXX]
représentées par maître M.J. Kajijuka, avocat du barreau de Bruxelles,

26. S. A.
faisant élection de domicile chez son conseil, rue des Palais 178 bte 16 à 1030 Bruxelles
27. M. A.
faisant élection de domicile chez son conseil, rue des Palais 178 bte 16 à 1030 Bruxelles
représentées par maître A.M. Karongozi, avocat du barreau de Bruxelles,

28. U. D.
domiciliée [XXX]
représentée par maître A. Amrani, avocat du barreau de Bruxelles,

29. U. R. résidant au Rwanda, faisant élection au cabinet de son conseil, rue Dautzenberg 42 à 1050 Bruxelles
représentée par maître N. Kumps, avocat du barreau de Bruxelles,

30. B. B.
31. M. E.
32. M. E.
33. K. N. J. I.
34. M. L.
35. M. F.
36. G. J.
37. M. P.
38. M. O.
39. M. G.
40. K. P. C.
41. M. J.
42. M. A.
- tous résidant au Rwanda, faisant élection de domicile au cabinet de leurs conseils rue Dautzenberg 42 à 1050 Bruxelles
représentées par maîtres N. Kumps et M. Hirsch, avocats au barreau de Bruxelles,

43. U. M., [XXX]
représentée par maître M. Hirsch, avocat au barreau de Bruxelles,

44. G. O. [XXX]
45. G. T. [XXX]
46. M. V., domiciliée à Kibungo ( Rwanda )
47. M. J.-B., domicilié à Kibungo ( Rwanda )
48. M. C., domiciliée à Kibungo ( Rwanda )
49. M. C., domiciliée à Kibungo ( Rwanda )
50. B. J.-C., domicilié à Kibungo ( Rwanda )
- tous ayant fait élection de domicile au cabinet de leur conseil, avenue Van Goidtsenoven 97 à 1190 Bruxelles.
représentées par maître J.P. Dumont, avocat du barreau de Bruxelles.

51. G. U. M. A., résidant dans le secteur Kibungo, ville de Kinbungo ( Rwanda )
52. B. J., résidant dans le secteur Fukwe, cellule Kagusa ( Rwanda )
53. R. E., résidant dans le secteur Kibungo, ville de Kibungo ( Rwanda )
54. Z. I., en son nom personnel ainsi qu'en sa qualité de représentant légal de son fils mineur Z. T., domicilié [XXX]
55. G. E., résidant dans le district de Rukira, province de Kibungo ( Rwanda )
56. T. P. et M. B., résidant [XXX]
57. K. J.-C., résidant dans la ville de Kibungo ( Rwanda )
58. L. P., résidant [XXX]
59. U. B., résidant à Kigali ( Rwanda )
60. M. S., résidant à Kirwa ( Rwanda )
61. U. P., mineur d'âge fils de C. M. et de D. H., résidant chez et étant représenté par Monsieur T. P. et M. B. [XXX]
62. U. E., résidant à [XXX]
63. M. J. Et K. C., résidant à Kigali ( Rwanda )
représentées par maître E. Gillet, avocat du barreau de Bruxelles.

en leurs moyens à l'appui de l'accusation.

Ouï dans ses moyens à l'appui de l'accusation, Monsieur le procureur fédéral par l'organe de son magistrat fédéral, Monsieur Ph. Meire et son magistrat fédéral délégué, Monsieur A. Winants, avocat général.

Ouï l'accusé NZABONIMANA Etienne dans ses moyens de défense tant par lui-même que par la voix de ses conseils maîtres C. Vergauwen et D. Holzapfel. avocats du barreau de Bruxelles.

Oui l'accusé NDASHYIKIRWA Samuel alias MANZI Samuel dans ses moyens de défense tant par lui-même que par la voix de ses conseils maîtres G. Vanderbeck et V. Lurquin, avocats du barreau de Bruxelles.

Ouï les accusés en dernier lieu.

Vu la déclaration du jury sur les questions posées par le Président comme résultant de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusation.

Attendu qu'il résuite de la déclaration du jury que l'accusé :

NZABONIMANA Etienne, sans profession, né à Kirwa-Kigarama (Rwanda) le 22 mai 1951, résidant à Schaerbeek, rue Thiéfry 21/2, de nationalité rwandaise, actuellement détenu ;

est coupable d'avoir,

dans la préfecture de Kibungo, au Rwanda, entre le 1er janvier 1994 et le 23 avril 1994,

les faits relevant de la compétence territoriale des juridictions belges par application de l'article 6 -1e bis du Titre préliminaire du Code de procédure pénale et de l'article 29 §3, al. de la loi du 5 août 2003 relative aux violations graves du droit international humanitaire commis les infractions graves énumérées ci-après, qualifiées crimes de droit international portant atteinte par action ou omission aux personnes et aux biens protégés par les Conventions signées à Genève le 12 août 1949 et approuvées par la loi du 3 septembre 1952 et par les Protocoles I et II additionnels à ces Conventions, adoptés à Genève le 8 juin 1977 et approuvés par la loi du 16 avril 1986 ;

- soit donné l'ordre même non suivi d'effet, de commettre des crimes de droit international ;

- soit proposé ou offert de commettre des crimes de droit international ou accepté une pareille proposition ou offre ;

- soit provoqué à commettre des crimes de droit international, même si la provocation n'a pas été suivie d'effet ;

- soit participé, au sens des articles 66 et 67 du Code pénal, aux crimes de droit international, même si la participation n'a pas été suivie d'effet, à savoir :

    a. soit exécuté ces crimes ou coopéré directement à leur exécution ;

    b. soit, par un fait quelconque, prêté pour l'exécution de ces crimes une aide telle que. sans son assistance, ces crimes n'eussent pu être commis ;

    c. soit, par dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, directement provoqué à ces crimes ;

    d. soit, par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics, par des écrits, des imprimés, des images ou des emblèmes quelconques, qui ont été affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public, provoque directement à commettre ces crimes ;

    e. soit donné des instructions pour commettre ces crimes ;

    f. soit procuré des armes, des instruments, ou tout autre moyen qui a servi à ces crimes sachant qu'ils devaient y servir ;

    g. soit, hors le cas prévu au point b ci-dessus, avec connaissance, aidé ou assiste l'auteur de ces crimes dans les faits qui les ont préparés ou facilités, ou dans ceux qu les ont consommés ;

- soit omis d'agir dans les limites de sa possibilité d'action alors qu'il avait eu connaissance d'ordres donnés en vue de l'exécution de crimes de droit international ou de faits qui en commencent l'exécution alors qu'il pouvait en empêcher la consommation ou y mettre fin ;

A. commis un homicide intentionnel sur les personnes ci-après mentionnées, en l'espèce notamment :

I.

1. à Kibungo, à une date indéterminée, entre le 11 et le 15 avril 1994 sur les personnes de G. et de sa fille ;

2. à Rukira, le 12 avril 1994, sur les personnes de G. F. et G. G. ;

3. à Kibungo, à l'evêché (économat), le 15 ou le 18 avril 1994, sur les personnes de K. M., K. E., K. E., Z. L., Z. C., M. C., H. D., M. F., M. M., son fils et sa fille, K. B., sa femme et ses enfants, les grands-parents, la maman, les deux sœurs et les deux frères de K. J.-C., R. E. ;

4. à Nyarubuye, à une date indéterminée, entre le 13 avril 1994 et le 19 avril 1994, sur les personnes de G. A., M. J., H. F. et M. J. ainsi que leurs trois enfants, N. J, M. C. et G. P. ;

5. dans la préfecture de Kibungo, entre le 6 avril 1994 et le 23 avril 1994 notamment le 10 avril 1994 à la paroisse de Kibungo, à une date indéterminée, entre le 11 et le 15 avril 1994 au bureau communal de Birenga, le 12 avril 1994 à Rukira, les 15 et 18 avril 1994, à l'évêché (économat) de Kibungo, sur un nombre indéterminé de personnes non identifiées à ce jour ;

II.

1. à Kirwa, à une date indéterminée entre le 7 et le 10 avril 1994, sur la personne de R. J.-B. ;

2. à Kirwa, notamment sur la place du marché (Kajevuba), à une date indéterminée, entre le 8 et le 11 avril 1994 sur les personnes de N. J., N. B., K. F., R., R. J.-P., H., R. S., M., T. ;

3. à Kirwa, à une date indéterminée, entre le 10 et le 13 avril 1994, sur la personne de T. J. ;

4. à Rutonde ou à Kirwa, à une date indéterminée, entre le 10 et le 18 avril 1994 sur les personnes des enfants de S. F. : M. et N.

5. à Kirwa, à une date indéterminée, entre le 7 avril 1994 et le 23 avril 1994, sur les personnes de N. D., N. A., M. F., S. C., B. C. U. et M. ;

6. à Kirwa, à des dates indéterminées, entre le 6 avril 1994 et le 23 avril 1994, sur un nombre indéterminé de personnes non identifiées à ce jour ;

B. avoir tenté de, commettre un homicide intentionnel sur les personnes ci-après mentionnées, la résolution de commettre le crime ayant été manifestée par des actes extérieurs qui forment un commencement d'exécution de ce crime, et qui n'ont été suspendus ou n'ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes de volonté de l'auteur, à savoir :

I.

1. à Nyarubuye, le 14 avril 1994 sur la personne de G. J. ;

2. à Kibungo, à l'évêché, les 15 et 18 avril 1994 sur la personne de K. J.-C. ;

II.

1. à Kirwa, le 21 avril 1994, sur la personne de M. J. ;

2. à Kirwa, à une date indéterminée entre le 13 avril 1994 et le 18 avril 1994, sur la personne de M. S. alias N.

Attendu qu'il résulte de la déclaration du jury que l'accusé :

NDASHYIKIRWA Samuel alias MANZI Samuel, né à Kirwa-Kaberangwe (Rwanda) le 16 septembre 1961, domicilié à Antwerpen, Lange Beeldekensstraat 78, réfugié ONU d'origine rwandaise, actuellement détenu

est coupable d'avoir,

dans la préfecture de Kibungo, au Rwanda, entre le 1er janvier 1994 et le 23 avril 1994,

les faits relevant de la compétence territoriale des juridictions belges par application de l'article 6 -1° bis du Titre préliminaire du Code de procédure pénale et de l'article 29 §3, al. 5 de la loi du 5 août 2003 relative aux violations graves du droit international humanitaire, commis les infractions graves énumérées ci-après, qualifiées crimes de droit international, portant atteinte par action ou omission aux personnes et aux biens protégés par les Conventions signées à Genève le 12 août 1949 et approuvées par la loi du 3 septembre 1952 et par les Protocoles I et II additionnels à ces Conventions, adoptés à Genève le 8 juin 1977 et approuvés par la loi du 16 avril 1986 ;

- soit donné l'ordre même non suivi d'effet, de commettre des crimes de droit international ;

- soit proposé ou offert de commettre des crimes de droit international ou accepté une pareille proposition ou offre ;

- soit provoqué à commettre des crimes de droit international, même si la provocation n'a pas été suivie d'effet ;

- soit participé, au sens des articles 66 et 67 du Code pénal, aux crimes de droit international, même si la participation n'a pas été suivie d'effet, à savoir :

    a. soit exécuté ces crimes ou coopéré directement à leur exécution ;

    b. soit, par un fait quelconque, prêté pour l'exécution de ces crimes une aide telle que, sans son assistance, ces crimes n'eussent pu être commis ;

    c. soit, par dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, directement provoqué à ces crimes ;

    d. soit, par des discours tenus dans des réunions ou dans des lieux publics, par des écrits, des imprimés, des images ou des emblèmes quelconques, qui ont été affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public, provoqué directement à commettre ces crimes ;

    e. soit donné des instructions pour commettre ces crimes ;

    f. soit procuré des armes, des instruments, ou tout autre moyen qui a servi à ces crimes, sachant qu'ils devaient y servir ;

    g. soit, hors le cas prévu au point b ci-dessus, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur de ces crimes dans les faits qui les ont préparés ou facilités, ou dans ceux qui les ont consommés ;

- soit omis d'agir dans les limites de sa possibilité d'action alors qu'il avait eu connaissance d'ordres donnés en vue de l'exécution de crimes de droit international ou des faits qui en commencent l'exécution alors qu'il pouvait en empêcher la consommation ou mettre fin ;

A. commis un homicide intentionnel sur les personnes ci-après mentionnées, en l'espèce notamment :

I. ...

II.

1. ....

2. à Kirwa, notamment sur la place du marché (Kajevuba), à une date indéterminée, entre le 8 et le 11 avril 1994 sur les personnes de N. J., N. B., K. F., R. R. J.-P., H., R. S., M., T. ;

3. à Kirwa, à une date indéterminée, entre le 10 et le 13 avril 1994, sur la personne de T. J. ;

4. à Rutonde ou à Kirwa, à une date indéterminée, entre le 10 et le 18 avril 1994 sur les personnes de S. F. et ses enfants, M. et N. ;

5. à Kirwa, à une date indéterminée, entre le 7 avril 1994 et le 23 avril 1994, sur les personnes de N. D., N. A., M. F., S. C., B. C. U. et N. ;

6. à Kirwa, à des dates indéterminées, entre le 6 avril 1994 et le 23 avril 1994, sur un nombre indéterminé de personnes non identifiées à ce jour ;

B. avoir tenté de commettre un homicide intentionnel sur les personnes ci-après mentionnées, la résolution de commettre le crime ayant été manifestée par des actes extérieurs qui forment un commencement d'exécution de ce crime, et qui n'ont été suspendus ou n'ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur, à savoir :

I. ...

II.

1. à Kirwa, le 21 avril 1994, sur la personne de M. J. ;

2. à Kirwa, à une date indéterminée entre le13 avril 1994 et le 18 avril 1994, sur la personne de M. S. alias N. ;

Attendu que la cour, après en avoir délibéré, a déclaré se réunir à la majorité du jury sur les 32ième et 44ième questions.

Ouï le ministère public dans son réquisitoire pour l'application de la loi.

Ouï l'accusé NZABONIMANA Etienne et son conseil maître C. Vergauwen, avocat du barreau de Bruxelles, dans leurs observations à cet égard.

Ouï l'accusé NDASHYIKIRWA Samuel alias MANZI Samuel et ses conseils maîtres V. Lurquin et G. Vanderbeck, avocats du barreau de Bruxelles, dans leurs observations à cet égard.

Ouï les accusés en dernier lieu.

Attendu que les faits commis par NZABONIMANA Etienne et NDASHYIKIRWA Samuel alias MANZI Samuel sont qualifiés crimes par la loi étant punis de peines criminelles par les articles :

- art 3,50,130 et 147 communs aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 ;

- les articles 85 §§ 1 et 2 du protocole additionnel I, 1 et 2 § 1 et 4 § 2a du protocole additionnel II à ces Conventions ;

-l'article 1§3.1e,2,4,5 et 6 de la loi du 16 juin 1993 abrogé par la loi du 5 août 2003 ;

- les articles 21,22,24,89,90,91,166,310 et 393 du Code pénal rwandais ;

- les articles 51,52,66,67,80,136 quater 1er - 1°, 136 quinquies, 136 sexies, 136 septies, 136 octies, 392,393,394 du Code pénal belge ;

Attendu que les accusés sont reconnus coupables de plusieurs crimes ;

Qu'en cas de concours de plusieurs crimes, la peine la plus forte est seule prononcée.

Attendu que sur proposition du président il est décidé à la majorité absolue, des motifs qui ont conduit à la détermination de la peine dans le chef des accusés, qui sont les suivants :

Attendu que les accusés ont été reconnus coupables d'avoir participé à des homicides intentionnels et tentatives d'homicides intentionnels commis en 1994 au Rwanda, et plus précisément dans la préfecture de Kibungo, dans le cadre du conflit armé non international qui opposait les Forces Armées Rwandaises (F.A.R.) et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés;

Que ces homicides intentionnels et tentatives d'homicides intentionnels visaient en particulier les Tutsis et des Hutus dit "modérés";

Que des dizaines de milliers de personnes furent tuées entre le 6 et le 23 avril 1994 dans la préfecture de Kibungo;

Attendu que de tels faits, commis à très grande échelle, de manière atroce et parfois devant les membres des familles des victimes, voire leurs propres enfants, n'auraient pu être commis sans la participation de nombreuses personnes, telles les accusés;

Qu'il convient toutefois de se replacer dans le contexte historique, politique, et socio-culturel du Rwanda depuis 1959 pour pouvoir apprécier l'existence de circonstances atténuantes dans le chef des accusés;

Qu'il n'est pas contesté que des violences ethniques ont éclaté bien avant avril 1994, engendrant un climat de tensions profondes, renforcé par des discriminations régionales frappant tant certains Hutus que les Tutsis, et par la création du multipartisme;

Attendu qu'il ressort des débats que dans la préfecture de Kibungo, lieu d'échanges commerciaux, les commerçants jouaient un rôle important dès lors qu'ils étaient sollicités, depuis l'émergence du multipartisme, à financer les activités politiques, et notamment celles du M.R.N.D. dont la position était prédominante dans la préfecture de Kibungo;

Qu'outre les apports financiers, les moyens offerts en soutien des activités politiques locales consistaient à fournir des moyens de locomotion aux militants des partis, et plus spécialement dans le cas présent, du M.R.N.D., et des rafraîchissements lors des meetings ou réunions diverses;

Attendu qu'il est constant que, quel que soit le rôle joué au niveau local par les accusés, les appels incessants à la haine étaient diffusés au niveau national, au quotidien, par les médias, et notamment par la Radio Télévision Libre-des Mille Collines (R.T.L.M.);

Que, dès lors, il y a lieu d'admettre des circonstances atténuantes en ce qui concerne les deux accusés, vu le contexte dans lequel les faits se sont déroulés dans cette préfecture, et de la circonstance qu'ils ont chacun sauvé la vie de certains Tutsis, non pour en tirer profit mais en raison de liens d'amitié réels;

Qu'en outre, ils n'ont jamais fait l'objet d'une quelconque condamnation;

Attendu que pour apprécier la peine à prononcer à l'égard de chacun des accusés, il convient de tenir compte du fait que Samuel Ndashyikirwa avait une position sociale beaucoup moins importante que son demi-frère, Etienne Nzabonimana;

Attendu, en ce qui concerne Etienne Nzabonimana, que la peine qui sera prononcée ci-après prend en compte le rôle qu'il a joué dans les faits qui eurent lieu de par ses fonctions de grand commerçant, sa position sociale faisant autorité, ses relations avec les personnes au pouvoir, les autorités locales et des personnalités fortes telles que des officiers de haut rang de l'armée;

Qu'en outre, propriétaire de nombreux véhicules (camions, camionnettes, etc) et employeur d'une dizaine de personnes, déclarées ou non, il jouissait d'un statut de notable dans la préfecture de Kibungo, statut qui a facilité sa participation aux faits;

Que la peine est proportionnelle à la gravité des faits auxquels il a participé et le rôle qu'il y a joué;

Attendu, en ce qui concerne Samuel Ndashyikirwa, que pour l'appréciation de la peine qui sera prononcée ci-après, il y a lieu de tenir compte du fait que, dans une moindre mesure que son demi-frère et à l'échelle de la colline, il occupait également une position importante dans ce village de Kirwa, où il était considéré comme un notable faisant autorité, riche commerçant, possédant notamment trois véhicules, statut qui a facilité sa participation aux faits;

Que la peine est proportionnelle à la gravité des faits auxquels il a participé et le rôle qu'il y a joué;

Attendu que la loi du 16 juin 1993 a été abrogée par la loi du 5 août 2003 mais que les faits qui étaient réprimés par la première le demeurent dès lors que la seconde a maintenu le caractère répréhensible de ces faits.

Que les peines prévues par les deux lois sont identiques.

Vu les articles

- 1,7, 9,19, 31, 44, 50, 51,52,62,66,67,79,80,136 quater 1er-1°, 136 quinquies, 136 sexies, 136 septies, 136 octies, 392,393,394 du Code pénal belge.
-130 de la loi du 12 avril 1894;
- 2 et 3 de la loi du 23 août 1919;
- 223, 358, 365 et 370 du code d'instruction criminelle;.
- 1, 2, 11, 12, 13, 19, 21, 31 à 38, 41, 48, 68 par. 1 de la loi du 15 juin 1935 modifiée par la loi du 24 mars 1980;
- 28 à 41 de la loi du 1er août 1985;
- l'arrêté royal du 18 décembre 1986 modifié par la loi programme du 24 décembre 1993;
-1 de la loi du 5 mars 1952 modifiée par la loi du 26 juin 1992 modifié par la loi programme du 24 décembre 1993 et modifié par l'A.R. du 11 décembre 2001, et modifié par les articles 35 et 45 de la loi du 7 février 2003 et l'A.R. du 22 décembre 2003 ;
- la loi du 26 juin 2000 relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution ;
- l'A.R. du 20 juillet 2000 portant exécution de la loi du 26 juin 2000 ;
- 3 de l'arrêté royal du 8 mars 1936;
- A.R. du 29 juillet 1992 modifié par l'A.R. du 23 décembre 1993;
- la loi du 10 juillet 1996;
- art 3,50,130 et 147 communs aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 ;
- les articles 85 §§ 1 et 2 du protocole additionnel I, 1 et 2 § 1 et 4 § 2a du protocole additionnel II à ces Conventions ;
- l'article 1 §3.1°,2,4,5 et 6 de la loi du 16 juin 1993 abrogé par la loi du 5 août 2003 ;
- les articles 21,22,24,89,90,91,166,310 et 393 du Code pénal rwandais ;

LA COUR,

Après en avoir délibéré avec le jury conformément aux dispositions de l'article 364 du code d'instruction criminelle,

Condamne NZABONIMANA Etienne
du chef des faits dont il a été déclaré coupable par le jury, à:
DOUZE ANS DE RECLUSION
L'acquitte pour le surplus ;

Condamne NDASHYIKIRWA Samuel alias MANZI Samuel
du chef des faits dont il a été déclaré coupable par le jury, à:
DIX ANS DE RECLUSION
L'acquitte pour le surplus ;

Les condamne solidairement aux frais du procès envers la partie publique, taxés jusqu'ores à la somme de 123.449,49 euros.

Les condamne chacun à l'obligation de verser une somme de DIX EUROS à titre de contribution au fonds spécial pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence.

Dit que par application de la loi sur les décimes additionnels, la somme de dix euros sera portée à cinquante-cinq euros.

Les condamne chacun en outre au paiement d'une indemnité de VINGT-CINQ EUROS en vertu de l'Arrêté Royal du 29 juillet 1992 modifié par l'A.R. du 23 décembre 1993 et par l'A.R. du 11 décembre 2001.

Les déclare interdits à perpétuité des droits énumérés en l'article 31 du code pénal modifié par l'article 130 de la loi du 12 avril 1894.

Les déclare destitués des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont ils sont revêtus.

Ordonne que les effets saisis seront restitués à leurs légitimes propriétaires conformément à la loi.

Prononcé en audience publique de la cour d'assises à Bruxelles, le 29 juin deux mille cinq, où étaient présents et siégeaient:

Mme. K. Gérard
     président de chambre séant à Bruxelles,

Mme: V. Boon
Mme. C. Bruyneel
     juges au tribunal de première instance séant à Bruxelles, assesseurs, à ce désignés par le président du tribunal,

M. Ph. Meire
     magistrat fédéral
     et

M. A. Winants
     avocat général
     magistrat fédéral délégué

Mme. G. Doolaege
     greffier au prédit tribunal.

M. Bourakadi Mustapha, chef du jury,

M. Vandevelde Yves, Mme. Ludkiewicz Aleksandra, Mme. Dumont Cynthia. M. Bonnet Claude, M. Geritzen Willy, Mme. Hiroux Anne, M. Jadot Serge, Mme. Wuyts Anne, Mme. Di Meo Jeanne, Mme. Petre Anne, Mme. Dethise Martine, jurés.

[Signature]
G. Doolaege

[Signature]
K. Gérard


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