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01jui95


Arrêt de la Cour de cassation confirmant la condamnation de Paul Touvier pour crimes contre l’humanité


Le : 28/07/2014
Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du 1 juin 1995
N° de pourvoi: 94-82590 94-82610 94-82614
Publié au bulletin

Président : M. Le Gunehec, président
Rapporteur : M. Guilloux., conseiller apporteur
Avocat général : M. Libouban., avocat général
Avocats : MM. Pradon, Capron, Choucroy, Ryziger, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Monod, Mme Roué-Villeneuve, la SCP Waquet, Farge et Hazan., avocat(s)


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET des pourvois formés par :- X... Paul, contre l'arrêt de la cour d'assises des Yvelines, en date du 20 avril 1994, qui l'a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de crimes contre l'humanité et contre les arrêts incidents rendus au cours des débats, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils. LA COUR, Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le moyen de cassation complémentaire, pris de la violation par fausse application du statut du Tribunal de Nuremberg, annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945, violation de l'article 4 du Code pénal, de l'article 7 du Code de procédure pénale, du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, manque de base légale : " en ce que, ayant répondu par l'affirmative aux questions concernant sept homicides volontaires, commis avec préméditation le 29 juin 1944, et à la question : " Est-il constant que ces actions ont été commises dans le cadre d'un plan concerté, pour le compte d'un Etat hégémonique, en l'occurrence l'Allemagne nazie, à l'encontre de personnes choisies en raison de leur appartenance à une collectivité raciale ou religieuse ? ", la cour d'assises des Yvelines a condamné Paul X... à la réclusion criminelle à perpétuité pour crimes contre l'humanité ; " au motif que les faits déclarés constants par la Cour et le jury constituent le crime prévu et puni par l'article 6, alinéa 20 et dernier alinéa du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945, la loi du 26 décembre 1964 et les articles 121-6, 121-7, 221-1 du Code pénal et 296, 297 et 302 de l'ancien Code pénal ; " alors que l'accord de Londres et le statut du tribunal de Nuremberg susvisés ayant seulement fait l'objet d'un décret de promulgation en date du 6 octobre 1945, sans délégation législative, et n'ayant été ni approuvés par une loi ni ratifiés, dès lors que la loi du 26 décembre 1964 ne contenant qu'une " référence " à la Charte du tribunal international jointe en annexe à l'accord de Londres du 8 août 1945 ne présente pas le caractère d'une loi d'approbation d'un traité ou d'un accord international, et qu'elle n'en a ni la portée ni la valeur, l'arrêt attaqué, en donnant effet à l'article 6 du statut du Tribunal de Nuremberg susvisé, a violé non seulement l'article 4 du Code pénal et l'article 7 du Code de procédure pénale, mais encore le préambule de la Constitution qui, reprenant l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, prohibe formellement la rétroactivité de la loi pénale ; "  

Attendu que les dispositions du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg annexées à l'accord de Londres, du 8 août 1945, ont été régulièrement intégrées à l'ordre juridique interne ; Qu'en effet, aux termes mêmes de son article 7, cet Accord est entré en vigueur au jour de sa signature ; qu'en outre, il a été promulgué par décret du gouvernement provisoire de la République française, en date du 6 octobre 1945 ; D'où il suit que le moyen ne peut être admis ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2262 et 2270-1 du Code civil, 10 et 591 du Code de procédure pénale : " en ce que l'arrêt incident n° 1 a rejeté les conclusions de Paul X... visant à faire déclarer irrecevables les constitutions de partie civile postérieures au 30 juin 1974 ; " aux motifs que " la loi nouvelle introduit dans le droit interne le principe de l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, principe consacré par la jurisprudence de la Cour de Cassation " (cf. arrêt attaqué, p. 1, 3e considérant) ; " que le moyen tiré de la prescription de l'action civile est d'ordre public ; que, nonobstant les dispositions de l'article 10 du Code de procédure pénale, la Cour de Cassation n'a pas écarté les parties civiles déjà constituées en cours d'instruction " (cf. arrêt attaqué, p. 1, 4e considérant) ; " que les dispositions de l'article 10 ne font pas obstacle à la recevabilité de toutes les constitutions de partie civile " (cf. arrêt attaqué, p. 1, 5e considérant) ; " 1o alors que le fait, d'une part, que la chambre criminelle de la Cour de Cassation ait eu le pouvoir de relever, éventuellement d'office, l'irrecevabilité des constitutions de partie civile postérieures au 30 juin 1974, et, d'autre part, qu'elle n'ait pas exercé ce pouvoir, n'implique pas que ces constitutions de partie civile soient recevables ; " 2o alors que l'action civile se prescrit selon les règles du Code civil ; qu'en opposant les dispositions de la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 à la fin de non-recevoir soulevée par Paul X..., la cour d'assises a violé l'article 10 du Code de procédure pénale " ; Attendu que c'est à bon droit que, par l'arrêt critiqué, la Cour a rejeté les conclusions de l'accusé tendant à déclarer irrecevables les constitutions de parties civiles postérieures au 30 juin 1974 ; Qu'en effet, lorsqu'elle est exercée devant la juridiction répressive, l'action civile se trouve, en vertu de l'article 10 du Code de procédure pénale, soumise au même régime de prescription que l'action publique ; Que, dès lors, l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité s'applique tant à l'action publique qu'à l'action civile pouvant résulter de tels crimes ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation du principe fondamental du respect des droits de la défense, des articles 6 § 3 a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 591 du Code de procédure pénale : " en ce que l'arrêt incident n° 3 a écarté les conclusions de Paul X..., lesquelles visaient à faire dire à la cour d'assises si les poursuites dirigées contre lui trouvaient leur fondement dans les dispositions de l'article 6, alinéa 1er c et 6, dernier alinéa, de la charte du Tribunal militaire international de Nuremberg, ou bien dans les dispositions des articles 211-1 et suivants de l'actuel Code pénal ; " aux motifs que, " conformément aux prescriptions de l'article 6 § 3 a et b de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accusé Paul X... a été informé, en temps opportun, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui par l'arrêt de renvoi rendu le 2 juin 1993 par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, qui lui a été signifié le 13 juillet 1993, et qui est devenu définitif " (cf. arrêt attaqué, p. 1, 1er considérant) ; " que les faits visés dans ledit arrêt ne sauraient recevoir leur qualification légale qu'en fonction des questions qui seront posées à la Cour et au jury au vu de l'instruction faite à l'audience " (cf. arrêt attaqué, p. 1, 2e considérant) ; " qu'il appartiendra, alors, aux parties d'élever, si elles l'estiment utile, un incident contentieux au sujet de ces questions, comme le prévoit l'article 352 du Code de procédure pénale " (cf. arrêt attaqué, p. 1, 3e considérant) ; " que la Cour ne pourrait, sans préjuger le fond, se prononcer, dès à présent, sur ces qualifications " (cf. arrêt attaqué, p. 1, 4e considérant) ; " alors que tout accusé a le droit d'être informé à court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; que la nature et la cause d'une accusation s'entendent non seulement des faits qui sont imputés à l'accusé, mais aussi à leur qualification, ainsi que de la disposition légale dont cette qualification résulte ; qu'en refusant d'indiquer à Paul X... s'il lui incombait de se défendre d'une accusation fondée sur les articles 6, alinéa 1er c et 6, dernier alinéa, de la charte du Tribunal militaire international de Nuremberg, ainsi que le portait l'arrêt de renvoi, ou bien d'une accusation fondée soit sur l'article 211-1 de l'actuel Code pénal, soit sur l'article 212-2 du même Code, soit encore sur l'article 212-3 de ce même Code, ainsi que l'entrée en vigueur de l'actuel Code pénal pouvait le donner à penser, la cour d'assises, qui n'a pas garanti l'égalité des parties au procès dont elle était saisie, a violé le principe du respect des droits de la défense " ; Et sur le dixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 112-1 et 212-1 du Code pénal, 362 et 591 du Code de procédure pénale : " en ce que l'arrêt attaqué a condamné Paul X... à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de crime contre l'humanité ; " au motif que " les faits déclarés (...) constants par la Cour et le jury constituent le crime prévu et puni par les articles 6, alinéa 2 c, et 6, dernier alinéa, du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945, la loi du 26 décembre 1964 et les articles 121-6, 121-7, 221-1 du Code pénal et 296, 297 et 302 de l'ancien Code pénal " (cf. arrêt de condamnation, p. 5, considérant unique) ; " alors que les dispositions nouvelles du Code pénal s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ; que l'incrimination définie par l'article 212-1 du Code pénal, dont les éléments constitutifs coïncident avec les circonstances relevées dans la déclaration commune de la cour d'assises et du jury, supprime pour partie l'incrimination de crime contre l'humanité telle qu'elle est issue de la charte du Tribunal militaire international de Nuremberg et de la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964, puisqu'elle exige, pour que des exécutions sommaires soient constitutives d'un crime contre l'humanité, qu'elles résultent d'une " pratique massive et systématique " ; qu'en faisant application, dès lors, du droit issu de la charte du Tribunal militaire international de Nuremberg et de la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964, de préférence au dispositif de l'article 212-1 du Code pénal, la cour d'assises a violé les textes susvisés " ; Les moyens étant réunis ; Attendu que Paul X... a été renvoyé devant la cour d'assises par application des dispositions spécifiques réprimant les crimes contre l'humanité commis au nom des puissances de l'Axe ; que ces textes n'ayant pas été abrogés et le Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 n'ayant pas sur ce point d'effet rétroactif, les moyens sont inopérants ; Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation du principe fondamental du respect des droits de la défense, des articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 328 et 591 du Code de procédure pénale : " en ce que l'arrêt attaqué a condamné Paul X... à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de crime contre l'humanité ; " alors que tout accusé a le droit de se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination ; qu'il ne ressort pas du procès-verbal des débats que le président des assises, lorsqu'il a procédé à l'interrogatoire de Paul X..., l'ait prévenu qu'il avait le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination " ;  

Attendu que, si l'article 328 du Code de procédure pénale n'impose pas à l'accusé de répondre aux questions qui lui sont posées par le président, aucune disposition légale ou conventionnelle ne fait obligation à ce magistrat de le prévenir qu'il a le droit de conserver le silence ;  

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;  

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 3 d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale :  

" en ce que l'arrêt incident relaté p. 48 et 49 du procès-verbal des débats a rejeté les conclusions par lesquelles l'accusé, Paul X..., sollicitait l'audition de M. Edouard Y...;  

" au motif qu'" au vu des résultats de l'instruction orale à laquelle il a été procédé, l'interrogatoire du témoin Edouard Y..., conformément aux dispositions des articles 654, 655 et 656 du Code de procédure pénale, n'apparaît pas indispensable à la manifestation de la vérité " (procès-verbal des débats, p. 49) ;  

" alors que tout accusé a le droit d'obtenir la convocation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; qu'en se bornant à énoncer de façon générale, sans référence ni aux charges invoquées contre l'accusé, ni à l'obligation de maintenir l'égalité entre les parties, que l'audition de M. Edouard Y..." n'apparaît pas indispensable à la manifestation de la vérité ", la cour d'assises, qui ne se demande pas si cette audition n'était pas au moins utile à la manifestation de cette vérité ou à la défense de l'accusé, a privé sa décision de motifs " ;  

Attendu que M. Edouard Y..., Premier ministre, cité en qualité de témoin, ayant fait connaître que, pour des raisons personnelles, il n'envisageait pas de comparaître devant la cour d'assises pour y déposer, l'un des avocats de l'accusé, par conclusions écrites, a demandé son audition dans les formes prévues par les articles 654 et 655 du Code de procédure pénale, afin de lui faire préciser s'il pouvait indiquer dans quelles conditions une mesure de grâce avait été accordée à Paul X... par le président Georges Pompidou ;  

Attendu qu'après avoir sursis à statuer jusqu'à la fin des débats, la Cour, par arrêt incident rendu conformément aux dispositions des articles 316 et 346 du Code de procédure pénale, a rejeté cette demande au motif qu'au vu de l'instruction orale à laquelle il avait été procédé, l'audition du témoin n'apparaissait pas indispensable à la manifestation de la vérité ;  

Attendu qu'en prononçant ainsi, la Cour na pas méconnu les dispositions de l'article 6 § 3 d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les conclusions dont elle était saisie n'articulaient aucun fait ou circonstance de nature à caractériser l'importance du témoignage ;  

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;  

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 3 d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale :  

" en ce que l'arrêt incident relaté p. 53 et 54 du procès-verbal des débats a rejeté les conclusions par lesquelles l'accusé, Paul X..., sollicitait l'audition de M. Jean Z... ;  

" au motif qu'" en l'état des débats, le supplément d'information sollicité n'apparaît pas nécessaire à la manifestation de la vérité " (procès-verbal des débats, p. 53) ;  

" alors que tout accusé a le droit d'obtenir la convocation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; qu'en se bornant à énoncer de façon générale, sans référence ni aux charges invoquées contre l'accusé, ni à l'obligation de maintenir l'égalité entre les parties, que l'audition de M. Jean Z... " n'apparaît pas nécessaire à la manifestation de la vérité ", la cour d'assises, qui ne se demande pas si cette audition n'était pas au moins utile à la manifestation de cette vérité ou à la défense de l'accusé, a privé sa décision de motifs " ;  

Attendu que, par arrêt incident rendu dans les formes de droit, la Cour a rejeté la demande de supplément d'information formulée par l'un des avocats de l'accusé à la fin de l'instruction à l'audience, en vue de recevoir la déposition de M. Jean Z..., doyen de l'Académie française, qui n'avait été ni cité ni dénoncé ; que, pour motiver son refus, la Cour énonce que le supplément d'information n'apparaît pas nécessaire à la manifestation de la vérité ;  

Attendu qu'en l'état de cette appréciation souveraine, et alors qu'il ne résulte d'aucune mention du procès-verbal des débats que l'instruction à l'audience ait révélé des éléments nouveaux de nature à justifier la mesure sollicitée, il n'a été porté aucune atteinte aux dispositions conventionnelles invoquées ;  

D'où il suit que le moyen est inopérant ;  

Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation du principe fondamental du respect des droits de la défense, 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 309 et 591 du Code de procédure pénale :  

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Paul X... à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de crime contre l'humanité ;  

" alors que le principe du respect des droits de la défense suppose l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits de parties ; qu'il implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'il ressort du procès-verbal des débats que les avocats des parties civiles ont plaidé les 11, 12, 13, 14 et 15 avril 1994, que le ministère public a requis le 18 avril 1994, et que les avocats de la défense ont plaidé le 19 avril 1994 ; que, la défense ayant été placée dans une situation de net désavantage par rapport à ses adversaires lorsqu'il s'est agi, pour elle, de présenter ses moyens, le principe du respect des droits de la défense a été méconnu " ;  

Attendu que le procès-verbal des débats constate que le calendrier des plaidoiries a été arrêté par le président avec l'accord de toutes les parties et qu'il était prévu que les avocats de l'accusé plaideraient à partir du 19 avril 1994 sans qu'il soit apporté la moindre restriction à leur temps de parole ;  

D'où il suit que le moyen manque en fait ;  

Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la charte du Tribunal militaire international de Nuremberg, 1er de la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964, 349, 357 et 591 du Code de procédure pénale :  

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Paul X... à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de crime contre l'humanité ;  

" 1° alors que la Cour et le jury doivent, à peine de nullité, être interrogés sur toutes les circonstances constitutives de l'infraction ; que le libellé de la question n° 15, telle que cette question est rapportée dans la déclaration commune de la cour d'assises et du jury, n'est pas conforme à la définition que la charte du Tribunal militaire international de Nuremberg donne du crime contre l'humanité, puisqu'il ne fait pas apparaître que, pour qu'un tel crime soit constitué, il faut que l'accusé ait voulu prendre part à un plan concerté contre des personnes choisies en raison de leur appartenance à une collectivité raciale ou religieuse, et qu'il ait entendu agir pour le compte d'un pays européen de l'Axe ;  

" 2° alors qu'il y a complexité prohibée si la même question posée à la Cour et au jury contient plusieurs faits ou circonstances qui peuvent donner lieu à des réponses distinctes et qui, diversement appréciées, peuvent conduire à des conséquences pénales différentes ; que le libellé de la question n° 15 est ambigu, et, partant, complexe, puisqu'il est possible d'y répondre affirmativement tant lorsqu'on estime, d'une part, que le plan concerté en vue de l'extermination de personnes choisies en raison de leur appartenance à une collectivité raciale ou religieuse, a été établi pour le compte de l'Allemagne nazie, et, d'autre part, que l'accusé n'a pas agi pour le compte de l'Allemagne nazie (il n'y a pas, alors, crime contre l'humanité, mais seulement crime de guerre prescriptible), que lorsqu'on estime que l'accusé a agi à la fois dans le cadre d'un plan concerté contre des personnes choisies en raison de l'appartenance à une collectivité raciale ou religieuse et pour le compte de l'Allemagne nazie (il y a, alors, crime contre l'humanité imprescriptible) " ;  

Attendu que la question n° 15 a pour objet d'interroger la Cour et le jury, non pas sur la culpabilité de l'accusé, mais, d'une façon abstraite, sur les circonstances particulières et indissociables qui confèrent aux crimes spécifiés aux questions nos 1 à 14 le caractère de crimes contre l'humanité ;  

Que, dès lors, cette question n'est pas entachée de complexité prohibée ;  

Attendu que, par ailleurs, l'élément intentionnel inhérent à toute infraction criminelle résulte des questions nos 16 et 17, résolues par l'affirmative ;  

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;  

Sur le huitième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la charte du Tribunal militaire international de Nuremberg, 1er de la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 et 591 du Code de procédure pénale :  

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Paul X... à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de crime contre l'humanité ;  

" alors que, suivant l'article 8 de la charte du Tribunal militaire international de Nuremberg, " le fait que l'accusé a agi conformément aux instructions de son gouvernement ou d'un supérieur hiérarchique ne le dégagera pas de sa responsabilité, mais pourra être considéré comme un motif de diminution de la peine, si le tribunal décide que la justice l'exige " ; que la déclaration commune de la cour d'assises et du jury ne justifie pas que la cour d'assises et le jury se sont demandés si Paul X... a agi conformément aux instructions de son gouvernement ou d'un supérieur hiérarchique, et si la justice exigeait que cette circonstance emportât diminution de la peine " ;  

Attendu qu'en décidant d'infliger à Paul X... le maximum de la peine encourue à la majorité qualifiée de huit voix au moins, la cour d'assises a nécessairement écarté toute cause de diminution de peine, et notamment celle prévue par l'article 8 du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg ;  

D'où il suit que le moyen ne saurait être retenu ;  

Sur le neuvième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-18 et 132-24 du Code pénal, 362 et 591 du Code de procédure pénale :  

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Paul X... à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de crime contre l'humanité ;  

" alors qu'en cas de réponse affirmative sur la culpabilité, le président donne lecture aux jurés des dispositions des articles 132-18 et 132-24 du Code pénal ; que cette disposition, protectrice des droits de l'accusé, est d'ordre public ; qu'il ne résulte pas de la déclaration commune de la cour d'assises et du jury, que le président des assises a observé la formalité de la lecture des articles 132-18 et 132-24 du Code pénal " ;  

Attendu que la feuille de questions énonce " qu'après avoir délibéré dans les conditions prévues par l'article 362 du Code de procédure pénale, la Cour et le jury condamnent à la majorité de huit voix au moins Paul X... à la peine de la réclusion criminelle à perpétuité " ;  

Attendu qu'il résulte de ces énonciations que, comme le prescrit l'article 362 précité, le président a donné lecture aux jurés des dispositions des articles 132-18 et 132-24 du Code pénal ;  

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;  

Et sur le onzième moyen de cassation, pris de la violation du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, de l'article 4 du Code pénal :  

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Paul X... à la réclusion criminelle à perpétuité pour s'être rendu complice à Lyon, les 28 et 29 juin 1944, d'un crime contre l'humanité ;  

" alors qu'en prononçant cette peine, en répression d'un acte commis en 1944, antérieurement au traité international du 8 août 1945 créant l'incrimination, ainsi qu'à la loi du 26 décembre 1964 l'intégrant dans le droit interne, l'arrêt attaqué a violé le principe fondamental de la non-rétroactivité de la loi pénale consacré par le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 avril 1789, lesquels, occupant le plus haut échelon dans l'ordre juridique français, ne sauraient être primés par un traité international quelconque " ;  

Attendu que la répression des crimes de droit commun, constitutifs de crimes contre l'humanité au sens du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945, relève selon ce texte de la loi nationale ;  

Attendu que la peine prononcée contre Paul X... entrait dans les prévisions des articles 296, 297 et 302 du Code pénal applicables au moment des faits ;  

Qu'ainsi n'a pas été méconnu le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale ;  

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;  

Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;  

REJETTE les pourvois. 


Analyse:

Publication : Bulletin criminel 1995 N° 202 p. 547
Décision attaquée : Cour d'assises des Yvelines , du 20 avril 1994
Titrages et résumés : 1° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accord de Londres du 8 août 1945 - Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg annexé - Intégration à l'ordre juridique interne.

1° Les dispositions du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg annexées à l'accord de Londres, du 8 août 1945, ont été régulièrement intégrées à l'ordre juridique interne. En effet, aux termes mêmes de son article 7, cet accord est entré en vigueur au jour de sa signature ; en outre, il a été promulgué par décret du gouvernement provisoire de la République française, en date du 6 octobre 1945(1).

2° CRIME CONTRE L'HUMANITE - Imprescriptibilité - Action civile.

2° L'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité s'applique tant à l'action publique qu'à l'action civile pouvant résulter de tels crimes et ce qui, lorsqu'elle est exercée devant la juridiction répressive, est soumise, en vertu de l'article 10 du Code de procédure pénale, au même régime de prescription que l'action publique(2).

2° PRESCRIPTION - Crimes contre l'humanité - Imprescriptibilité - Action civile 3° LOIS ET REGLEMENTS - Conventions internationales - Crime contre l'humanité - Nouveau Code pénal - Application dans le temps - Effet rétroactif (non).

3° Les dispositions spécifiques réprimant les crimes contre l'humanité commis au nom des puissances de l'Axe n'ayant pas été abrogées, les dispositions du Code pénal entrées en vigueur le 1er mars 1994 n'ont pas, sur ce point, d'effet rétroactif.

3° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accord de Londres du 8 août 1945 - Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg annexé - Crime contre l'humanité - Nouveau Code pénal - Application dans le temps - Effet rétroactif (non) 4° COUR D'ASSISES - Débats - Accusé - Interrogatoire - Droit de l'accusé à conserver le silence - Avertissement du président (non).

4° Si l'article 328 du Code de procédure pénale n'impose pas à l'accusé de répondre aux questions qui lui sont posées par le président, aucune disposition légale ou conventionnelle ne fait obligation, à ce magistrat, de la prévenir qu'il a le droit de conserver le silence.

4° COUR D'ASSISES - Droits de la défense - Débats - Accusé - Interrogatoire - Droit de l'accusé à conserver le silence - Avertissement du président (non) 5° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6.3 d - Droit de l'accusé d'interroger ou de faire interroger des témoins - Cour d'assises - Témoin défaillant - Demande d'audition - Rejet - Constatations suffisantes.

5° Dès lors que les conclusions dont elle était saisie n'articulaient aucun fait ou circonstance de nature à caractériser l'importance du témoignage, justifie sa décision au regard de l'article 6.3 d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la Cour d'assises qui énonce, pour rejeter la demande d'audition du Premier ministre dans les formes prévues par les articles 654 et 655 du Code de procédure pénale, qu'au vu de l'instruction orale à laquelle il a été procédé, l'audition de ce témoin n'apparaît pas indispensable à la manifestation de la vérité(3).

5° COUR D'ASSISES - Débats - Témoins - Témoin défaillant - Passé outre aux débats - Motifs - Constatations suffisantes 6° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6.3 d - Droit de l'accusé d'interroger ou de faire interroger des témoins - Cour d'assises - Demande de supplément d'information - Arrêt incident rejetant la demande - Régularité - Conditions.

6° La cour d'assises, en rejetant la demande de supplément d'information formulée par l'accusé à la fin de l'instruction à l'audience, au motif que cette mesure n'apparaît pas nécessaire à la manifestation de la vérité, ne méconnaît pas les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, dès lors que les débats n'ont révélé aucun élément nouveau de nature à justifier la mesure sollicitée(4).

6° COUR D'ASSISES - Arrêts - Arrêt incident - Motifs - Motifs ne préjugeant pas le fond - Arrêt rejetant une demande de supplément d'information - Régularité - Conditions 7° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6.1 - Droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement - Cour d'assises - Débats - Président - Direction des débats - Temps de parole des avocats des parties civiles et du ministère public supérieur à celui des avocats de la défense - Rupture de l'égalité des armes (non).

7° Ne saurait être invoquée une atteinte au principe de l'égalité des armes, lorsque le calendrier des plaidoiries a été arrêté par le président avec l'accord des parties, sans que soit apportée la moindre restriction à leur temps de parole.

7° COUR D'ASSISES - Débats - Président - Direction des débats - Temps de parole des avocats des parties civiles et du ministère public supérieur à celui des avocats de la défense - Rupture de l'égalité des armes (non) 7° COUR D'ASSISES - Droits de la défense - Débats - Président - Direction des débats - Temps de parole des avocats des parties civiles et du ministère public supérieur à celui des avocats de la défense - Rupture de l'égalité des armes (non) 8° COUR D'ASSISES - Questions - Complexité - Crime contre l'humanité - Question interrogeant la Cour sur des circonstances conférant à un crime le caractère d'un crime contre l'humanité - Complexité prohibée (non).

8° N'est pas entachée de complexité prohibée la question libellée " in abstracto ", interrogeant la Cour et le jury sur les circonstances particulières et indissociables qui confèrent, aux crimes dont l'accusé a été déclaré complice, le caractère de crimes contre l'humanité.

9° COUR D'ASSISES - Délibération commune de la Cour et du jury - Décision sur la peine - Vote à la majorité de huit voix au moins - Crime contre l'humanité - Cause de mitigation de la peine (article 8 du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg) - Effet.

9° En décidant d'infliger à l'accusé le maximum de la peine encourue à la majorité de 8 voix au moins, la cour d'assises a nécessairement écarté toute cause de diminution de peine, et notamment celle prévue par l'article 8 du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg(5).

9° CRIME CONTRE L'HUMANITE - Peines - Cause de mitigation (article 8 du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg) - Cour d'assises - Vote à la majorité de huit voix au moins - Effet11° : CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accord de Londres du 8 août 1945 - Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg annexé - Crime contre l'humanité - Répression - Principe de non-rétroactivité de la loi pénale - Respect - Conditions 10° COUR D'ASSISES - Questions - Feuille de questions - Mentions - Mentions nécessaires - Décision sur l'application de la peine - Lecture des articles 132-18 et 132-24 du Code pénal - Visa de l'article 362 du Code de procédure pénale - Portée.

10° Les mentions de la feuille de questions, selon lesquelles la Cour et le jury ont délibéré dans les conditions de l'article 362 du Code de procédure pénale suffisent à établir que, comme le prescrit cet article, le président a donné lecture aux jurés des dispositions des articles 132-18 et 132-24 du Code pénal.

11° CRIME CONTRE L'HUMANITE - Répression - Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg - Principe de rétroactivité de la loi pénale - Respect - Conditions.

11° La répression des crimes de droit commun constitutifs des crimes contre l'humanité au sens du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg relève, selon ce texte, de la loi nationale. Il s'ensuit que n'est pas méconnu le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale, lorsque la peine prononcée entre dans les prévisions des articles du Code pénal applicables au moment des faits(6).

Précédents jurisprudentiels : CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1983-10-06, Bulletin criminel 1983, n° 239, p. 610 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 1984-01-26, Bulletin criminel 1984, n° 34 (2), p. 90 (rejet), et l'arrêt cité. CONFER : (2°). (2) A rapprocher : Chambre criminelle, 1976-06-30, Bulletin criminel 1976, n° 236 (2), p. 620 (cassation), et les arrêts cités. CONFER : (5°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1991-06-13, Bulletin criminel 1991, n° 252 (1), p. 648 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (6°). (4) Cf. Chambre criminelle, 1992-01-08, Bulletin criminel 1992, n° 4 (4), p. 5 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (9°). (5) Cf. Chambre criminelle, 1988-06-03, Bulletin criminel 1988, n° 246, p. 637 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (11°). (6) Cf. Chambre criminelle, 1975-02-06, Bulletin criminel 1975, n° 42, p. 113 (cassation), et les arrêts cités.

Textes appliqués :

  • 10° :
  • 11° :
  • 11° :
  • 1° :
  • 2° :
  • 3° :
  • 4° :
  • 5° :
  • 5° :
  • 7° :
  • Accord de Londres 1945-08-08
  • Code civil 2262, 2270-1
  • Code de procédure pénale 10
  • Code de procédure pénale 132-18, 132-24, 362
  • Code de procédure pénale 328
  • Code de procédure pénale 349Code de procédure pénale 654, 655
  • Code pénal 211-1, 212-2, 212-3Code pénal 4
  • Constitution 1958-10-04 préambule
  • Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 1950-11-04 art. 6.1
  • Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 1950-11-04 art. 6.3 d
  • Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 1950-11-04 art. 6.3 d 6°:
  • Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen 1789-08-26 art. 8
  • Loi 64-1326 1964-12-26 art. 1

International Criminal Law:
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