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12fév17


Loi n° 2007-02 du 12 février 2007 modifiant le Code pénal, y incorporant le crime de génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité


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EXPOSE DES MOTIFS

Le Sénégal se devait d'adapter sa législation aux règles et normes du statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale après la ratification dudit statut. En incorporant dans le code pénal le crime de génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, il respecte également les exigences de complémentarité.

La mise en oeuvre du statut de Rome est une opportunité d'intégration de règles internationales d'origine conventionnelle et coulumière qui, parce qu'elles sont de droit internationale humanitaire, s'appliquent en temps de conflit armé pour alléger les souffrances causées. En effet le droit international humanitaire comprend des règles spécifiques visant à protéger ceux qui ne participent pas aux hostilités ou qui ont cessé d'y participer à l'exemple des combattants blessés ou capturés. Elles protègent également les biens affectés ou pouvant être affectés par le conflit.

Ces règles ont pour autre objectif de restreindre, pour des raisons humanitaires, le droit des parties au conflit d'utiliser les méthodes et les moyens de leur choix dans la conduite des hostilités. Le fondement du droit international humanitaire est constitué par les quatres conventions de Genève de 1949 et leurs deux protocoles additionnels de 1977 ainsi que d'autres traités visant à protéger les biens culturels. A cela s'ajoute les normes coutumières c'est à dire des règles générales s'appliquant à tous les Etats et reconnues par ceux-ci comme juridiquement obligatoires.

La plutart des instruments juridiques internationaux exigent des Etats parties des lois nationales pénales pour réprimer les violations du droit international humanitaire.

Par l'adoption de telles règles, le Sénégal va se doter de la capacité à poursuivre les trois crimes internationaux définis, pour le moment, par le statut de Rome et s'assurer la primauté juridictionnelle de ses tribunaux sur celle de la Cour pénale internationale.

La technique de la transposition littérale des infractions a été adoptée pour affirmer le caractère de jus cogens des règles posées. Les incriminations même si elles recoupent certaines posées ailleurs dans le code pénal n'en gardent pas moins leur spécificité. Il en est de même de la nouvelle disposition dont l'objet est d'assurer l'intégrité de la distribution du service public de la justice. Ce dispositif va permettre à l'institution judiciaire de se mettre au diapason des normes les plus relevées.

Telle est l'économie du présent projet de loi.

L'Assemblée nationale a adopté, en sa séance du mercredi 31 janvier 2007 ;

Le Président de la République promulgue la loi constitutionnelle dont la teneur suit :

Article premier. - Il est ajouté au Code pénal un article 197 bis ainsi rédigé : «sera puni d'un emprisonnemen d'un à trois ans et d'une amende de 500.000 francs ; 1.500.000 francs ou l'une de ces deux peines seulement toute personne qui commet une atteinte à l'administration de la justice, à savoir :

1. le faux témoignage d'une personne qui a pris l'engagement de dire la vérité ;

2. la production d'éléments de preuve faux ou falsifiés en connaissance de cause ;

3. la subordination de témoins, les manoeuvres visant à empêcher un témoin de comparaître ou de déposer librement, les représailles exercées contre un témoin en raison de sa déposition, la destruction ou la falsification d'éléments de preuve ou l'entrave au rassemblement de tels éléments ;

4. l'intimidation d'un membre ou d'un agent de la juridiction, l'entrave à son action ou le trafic d'influence afin de l'amener, par la contrainte ou la persuasion, à ne pas exercer ses fonctions ou à ne pas les exercer comme il convient ;

5. les représailles contre un membre ou un agent de la juridiction en raison des fonctions exercées par celui-ci ou par un autre membre ou agent ;

6. la sollicitation ou l'acceptation d'une rétribution en faveur d'un membre ou agent de la juridiction dans le cadre de ses fonctions officielles.

Art. 2. - Il est ajouté au livre troisième du Code pénal titre II, un chapitre III intitulé : «Des crimes de droit international» comprenant les articles 431-1 à 431-6 ainsi rédigés :

    Article 431-1 : Du crime de génocide

    Constitue le crime de génocide l'un des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel, ou déterminé à partir de tout autre critère :

      1. l'homicide volontaire ;

      2. l'atteinte grave à l'intégrité physique ou morale du groupe ;

      3. la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraver sa destruction totale ou partielle ;

      4. la mesure visant à entraver les naissances au sein du groupe ;

      5. le transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.

    Article 431-2 - Des crimes contre l'humanité

    Constitue un crime contre l'humanité l'un des actes ci-après commis à l'occasion d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile :

      1. le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute forme de violence sexuelle de gravité comparable ;

      2. l'homicide volontaire ;

      3. l'extermination ;

      4. la déportation ;

      5. le crime d'apartheid ;

      6. la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d'exécutions sommaires, d'enlèvement de personnes suivi de leur disparition ;

      7. la torture ou les actes inhumains causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique et psychique inspirés par des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste.

    Article 431-3 - Des crimes de guerre

    Constitue un crime de guerre l'un des actes ci-après lorsqu'il concerne des membres des forces armées, blessés, malades ou naufragés, des prisonniers de guerre ou des biens protégés par les dispositions des conventions de Genève du 12 août 1949 :

      1. l'homicide volontaire ;

      2. la torture ou les actes inhumains y compris les expériences biologiques ou causant intentionnellement de grandes souffrances à l'intégrité physique et psychique ;

      3. la destruction et l'appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ;

      4. le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée à servir dans les forces armées ;

      5. le fait de priver un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée de son droit d'être jugé régulièrement et impartialement ;

      6. la déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale;

      7. la prise d'otage ;

    b/ les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international, à savoir l'un quelconque des actes ci-après :

      1. le fait de lancer des attaques délibérées contre la population.civile en général ou contre des civils qui ne prennent pas directement part aux hostilités ;

      2. le fait de lancer des attaques délibérées contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire ou de paix conformément à la Charte des Nations unies, pour autant qu'il aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil ;

      3. le fait de lancer une attaque délibérée en sachant qu'elle causera des pertes en vies humaines ou des blessures parmi les populations civiles, des dommages aux biens à caractère civil ou des dommages étendus, durables et graves à l'environnement nature! qui seraient manifestement excessifs par rapport à l'avantage concret et direct attendu ;

      4. le fait d'attaquer ou de bombarder par quelque moyen que ce soit des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires ;

      5. le fait de tuer ou blesser un combattant qui, ayant déposé les armes ou n'ayant plus de moyens de se défendre, s'est rendu à discrétion ;

      6. le fait d'utiliser indûment le pavillon parlementaire, le drapeau ou des insignes militaires et l'uniforme de l'ennemi ou de l'Organisation des Nations Unies et, ce faisant, causer la perte de vies humaines- ou des blessures graves ;

      7. le fait de transférer directement ou indirectement une partie de la population civile d'une puissance occupante dans le territoire qu'elle occupe ou la déportation ou le transfert à l'intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d'une partie de la population de ce territoire ;

      8. le fait de lancer des attaques délibérées contre des bâtiments consacrés à la religion, à l'enseignement, à l'art, à la science ou à l'action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés pour autant que ces bâtiments ne soient pas des objectifs militaires;

      9. le fait de soumettre des personnes de la partie adverse tombées en son pouvoir à des mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles qu'elles soient qui ne sont ni motivées, par un traitement médical, dentaire ou hospitalier ni effectués dans l'intérêt de ces personnes, et qui entraînent la mort de ceîles-ci ou mettent sérieusement en danger leur santé ;

      10. le fait de tuer ou blesser par traîtrise des individus appartenant à la nation ou à l'armée adverse ;

      11. le fait de déclarer qu'il ne sera pas fait de quartier ;

      12. le fait de détruire ou de saisir les biens de la partie adverse sauf dans les cas où ces destructions ou saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la guerre ;

      13. le fait de déclarer éteints, suspendus ou non recevables en justice les droits et actions des nationaux de la partie adverse ou les contraindre à prendre part aux opérations de guerre dirigées contre leur pays même si ces nationaux sont au service du belligérant avant le commencement des hostilités ;

      14. le fait de piller une ville ou une localité, même prise d'assaut ;

      15. le fait d'utiliser du poison, des armes empoisonnées, des gaz asphyxiants, toxiques ou assimilés ou tous liquides, matières ou engins analogues ;

      16. le fait d'utiliser des balles qui se dilatent ou s'aplatissent facilement dans le corps humain, telle que celles dont l'enveloppe dure ne recouvre pas entièrement le centre ou est percée d'entailles ;

      17. le fait d'employer des armes, projectiles, matériels et méthodes de combat de nature à causer des maux superflus ou des souffrances inutiles ou à agir sans discrimination en violation du droit international des conflits armés à condition que ces armes, projectiles, matériels et méthodes de combat fassent l'objet d'une interdiction générale et qu'ils soient inscrits dans une annexe du statut de Rome de la Cour pénale internationale adopté selon les dispositions de ses articles 121 et 123 ;

      18. les atteintes à la dignité de la personne par des traitements humiliants et dégradants ;

      19. le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle constituant une infraction grave aux conventions de Genève;

      20. le fait d'utiliser la présence d'un civil ou d'une personne protégée pour éviter que certains points, zones ou forces militaires ne soient la cible d'opérations militaires;

      21. le fait de lancer des attaques délibérées contre les bâtiments, le matériel, les unités et les moyens de transport sanitaire, et le personnel utilisant conformément au droit international, les signes distinctifs prévus par les conventions de Genève ;

      22. le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement de mineurs dans les forces armées nationales et de les faire participer activement à des hostilités ;

    c) en cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international, les violations graves de l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève du 12 août 1949 à savoir l'un quelconque des actes ci-après commis à ['encontre de personnes qui ne participent pas directement aux hostilités y compris les membres des forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention ou par toute autre cause :

      1. l'homicide volontaire, l'atteinte à l'intégrité physique sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels et la torture ;

      2. l'atteinte à la dignité de la personne par les traitements humiliants dégradants ;

      3. la prise d'otage ;

      4. les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable rendu par une juridiction régulièrement constituée, assorti des garanties judiciaires généralement reconnues comme indispensables ;

    d) l'alinéa (c) du présent article s'applique aux conflits armés ne présentant pas un caractère international. Il ne s'applique donc pas aux situations de troubles et tensions internes tels qu'émeutes, actes isolés et sporadiques de violence ou actes de nature similaire.

    Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits afmés ne présentant pas un caractère international, dans le cadre établi du droit international à savoir l'un quelconque des actes ci-après :

      1. le fait de lancer des attaques délibérées contre la population civile en général ou contre des civils qui ne prennent pas directement part aux hostilités ;

      2. le fait de lancer des attaques contre les bâtiments, le matériel, les unités et les moyens de transport sanitaire et le personnel utilisant, conformément au droit international, des signes distinctifs des Conventions de Genève ;

      3. le fait de lancer des attaques délibérées contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou véhicules employés dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies pour autant qu'ils aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil ;

      4. le fait de lancer des attaques délibérées contre des bâtiments consacrés à la religion, à renseignement, à l'art, à la science ou à l'action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux ou des malades et des blessés sont rassemblés pour autant que ces bâtiments ne soient pas des objectifs militaires ;

      5. le fait de piller un village, une localité même pris d'assaut ;

      6. le fait de soumettre au viol, à l'esclavage sexuel, à la prostitution forcée, à la grossesse forcée, à la stérilisation forcée ou à toute autre forme de violence sexuelle constituant une infraction grave à l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève :

      7. le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement de mineurs dans les forces armées ou dans les groupes ou de les faire participer activement à des des hostilités ;

      8. le fait d'ordonner le déplacement de la population civile pour des raisons ayant trait au conflit sauf dans les cas où la sécurité des civils ou des impératifs militaires l'exige ;

      9. le fait de tuer ou blesser par traîtrise des adversaires combattants ;

      10. le fait de déclarer qu'il ne sera pas fait de quartier ;

      11. le fait de soumettre des personnes d'une autre partie au conflit tombées en son pouvoir à des mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles qu'elles soient qui ne sont ni motivées, par un traitement médical, dentaire, ou hospitalier ni effectuées dans l'intérêt de ces personnes, et qui entraînent la mort de celles-ci ou mettent sérieusement en danger leur santé ;

      12. le fait de détruire ou de saisir les biens d'un adversaire sauf si les destructions ou saisies sont impérativement commandées par les nécessités du conflit ;

      13. l'alinéa e) du présent article s'applique aux conflits ne présentant pas un caractère international. Il ne s'applique donc pas dans une situation de troubles et tensions internes tels que les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence ou les actes de nature similaire ; il s'applique aux conflits armés qui opposent de manière prolongée sur le territoire national les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés ou des groupes armés organisés entre eux.

    Article 431-4 - Rien dans l'article précédent n'affecte la responsabilité de l'Etat de maintenir ou rétablir l'ordre public ou de défendre l'unité et l'intégrité territoriale nationale par tous les moyens légitimes.

    Article 431-5 - Constitue un crime de droit international le fait de commettre un acte ou une activité interdit par une des conventions ou protocoles ci-arjrès

    1°) la convention de la Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et son premier protocole

    2°) la convention de 1976 sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou à d'autres fins hostiles ;

    3°) la convention de 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, son protocole l relatif aux éclats non localisables, son protocole II sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de mines, pièges et autres dispositifs et son protocole 111 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des armes incendiaires ;

    Article 431-6 - Les infractions aux articles 431-1 à 431-5 du présent code ayant entraîné la mort sont punies des travaux forcés à perpétuité.

    Dans tous les autres cas elles sont passibles des travaux forcés de dix à trente ans.

Nonobstant les dispositions de l'article 4 du présent code, tout individu peut être jugé ou condamné en raison d'actes ou d'omissions visés au présent chapitre et à l'article 295-1 du Code pénal, qui au moment et au lieu où ils étaient commis étaient tenus pour une infraction pénale d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations, qu'ils aient ou non constitué une transgression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu.

La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Dakar, le 12 février 2007

Abdoulaye WADE.

Par le Président de la République :

Le Premier Ministre,
Macky SALL


[Source: Journal Officiel de la République du Sénégal No. 6332, Dakar, pp. 2377-2380, 10mar07]

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