Crime d'agression
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26nov14


Décision conforme du Conseil fédéral portant approbation des amendements au Statut de Rome de la Cour pénale internationale relatifs au crime d’agression et aux crimes de guerre


Ständerat - Wintersession 2014 - Dritte Sitzung - 26.11.14-08h15
Conseil des Etats - Session d'hiver 2014 - Troisième séance - 26.11.14-08h15
14.021

Internationaler Strafgerichtshof.
Änderung des Römer Statuts
(Verbrechen der Aggression und Kriegsverbrechen)

Cour pénale internationale.
Amendement du Statut de Rome
(crime d'agression et crimes de guerre)

Erstrat - Premier Conseil

Seydoux-Christe Anne (CE, JU), pour la commission: La Cour pénale internationale est une institution permanente dont le siège se trouve à La Haye. Elle est compétente pour juger les crimes les plus graves: crimes de guerre, crimes contre l'humanité, génocides. La Cour pénale internationale a été instituée par le Statut de Rome du 17 juillet 1998. En sont parties 122 Etats.
Lorsqu'il s'agit d'examiner des amendements au Statut de Rome, il faut convoquer une conférence de révision. Lors de la Conférence de révision de Kampala, en Ouganda, qui s'est tenue du 31 mai au 11 juin 2010, deux amendements ont été adoptés: d'une part, la définition du crime d'agression et des conditions d'exercice de la compétence de la Cour pénale internationale dans ce domaine et, d'autre part, l'élargissement de l'article 8 relatif aux crimes de guerre. Je commence par le crime d'agression.
L'interdiction du recours à la force est un principe fondamental de la Charte des Nations Unies et constitue une norme de droit impératif du droit international. Cette disposition s'applique exclusivement aux Etats. Or, en fin de compte, les actes d'agression sont causés par des personnes ayant le pouvoir de les ordonner; c'est donc au niveau individuel qu'il faut lutter contre ces actes. Il s'agit en effet d'un crime de dirigeant. Il y a dès lors deux composantes dans la définition du crime d'agression.
Premièrement, le crime d'agression présuppose une agression commise par un Etat. Cet acte doit par ailleurs constituer une violation manifeste de la Charte de l'ONU par sa nature, sa gravité et son ampleur. Il doit donc s'agir d'un acte d'agression d'une gravité qualifiée.
Deuxièmement, le crime d'agression doit émaner d'une personne réellement en mesure de contrôler ou de diriger l'action politique ou militaire d'un Etat. Cet individu doit préparer, planifier, lancer ou exécuter l'acte d'agression.
Par ailleurs, quelles sont les conditions d'exercice de la compétence de la Cour pénale internationale à l'égard du crime d'agression? Trois conditions doivent être remplies pour que la compétence de la Cour pénale internationale soit donnée: premièrement, l'Etat agresseur et l'Etat agressé doivent être membres du Statut de Rome; deuxièmement, l'Etat agresseur ou l'Etat agressé doit avoir ratifié les amendements en question; et troisièmement, l'Etat agresseur ne doit pas avoir fait une déclaration déclinatoire, c'est-à-dire avoir déclaré à titre préventif qu'il ne reconnaît pas la compétence de la Cour pénale internationale à l'égard du crime d'agression pour le cas où il commettrait lui-même un acte d'agression - en quelque sorte, l'Etat annonce la couleur.
Le Conseil de sécurité peut saisir la Cour pénale internationale d'une situation concernant un Etat partie ou un Etat non partie. Dans ce cas, lorsque c'est le Conseil de sécurité qui saisit la Cour pénale internationale, une éventuelle déclaration déclinatoire resterait sans effet.
La Cour pénale internationale ne pourra exercer sa compétence qu'à partir de 2017 au plus tôt. De plus, 30 Etats au moins devront alors avoir ratifié les amendements relatifs au crime d'agression. En outre, l'assemblée des Etats parties devra avoir activé la compétence de la Cour pénale internationale par une décision prise par consensus ou à la majorité des deux tiers. Actuellement, 19 Etats ont ratifié les amendements relatifs au crime d'agression. En effet, la République de Saint-Marin a rejoint les autres Etats signataires ayant ratifié ces amendements depuis notre séance de la Commission de politique extérieure du 17 novembre 2014. Selon le Conseil fédéral, il est inutile de transposer le crime d'agression prévu par le Statut de Rome en droit national. C'est en effet la Cour pénale internationale qui apparaît la mieux placée pour juger un crime d'agression, de par sa nature même, puisqu'il s'agit d'un crime d'agression d'un Etat.
De plus, le droit international ne prévoit pas d'obligation pour les Etats parties de transposer dans le droit national les crimes définis par le Statut de Rome. Sur l'ensemble des Etats qui ont ratifié le crime d'agression, seuls trois - le Luxembourg, la Slovénie et la Croatie - l'ont transposé dans leur droit national.
En ce qui concerne les ajouts à l'article 8 du Statut de Rome relatifs aux crimes de guerre, l'article 8 du Statut de Rome interdit l'emploi de "poison ou d'armes empoisonnées", de "gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que tous liquides, matières ou procédés analogues" et l'utilisation de balles à expansion dans les conflits armés internationaux.
Au moment de l'adoption du Statut de Rome, les Etats parties n'ont pas voulu qu'il en aille de même dans les conflits non internationaux. Or, dans un cas comme dans l'autre, les souffrances des victimes sont terribles, et force est de constater que la plupart des conflits armés actuels sont des conflits internes. Cet amendement ne sera applicable qu'aux Etats parties qui l'ont ratifié. Actuellement, 21 Etats l'ont fait. Il faut relever que la Suisse a coparrainé la résolution prévoyant l'élargissement de l'article 8 du Statut de Rome relatif aux crimes de guerre.
En conclusion, je dirai que la Suisse lutte depuis des années contre l'impunité. En ratifiant l'amendement qui nous est soumis, nous permettons à notre pays de renforcer les compétences de la Cour pénale internationale et de contribuer au respect de l'interdiction du recours à la force, au maintien de la paix et de la sécurité ainsi qu'au respect des droits de l'homme, garants de la dignité humaine, qui sont bien trop souvent foulés aux pieds.
C'est pourquoi la Commission des affaires juridiques vous invite, à l'unanimité, à accepter l'arrêté fédéral portant approbation des amendements au Statut de Rome de la Cour pénale internationale relatifs au crime d'agression et aux crimes de guerre.


Burkhalter Didier, président de la Confédération: Le rapport de Madame Seydoux est très complet, je l'en remercie. Il s'agit en effet dans ce dossier de lutte contre l'impunité. Cette lutte est depuis toujours un domaine particulier de la Suisse, non pas parce que nous voulons absolument la mener mais parce que nous visons une paix durable, objectif qui n'est pas atteignable sans qu'on y adapte la justice. C'est la raison pour laquelle ces différents éléments qui s'ajoutent au Statut de Rome sont très importants. Je suis heureux que votre commission les reconnaisse et les soutienne et je vous demande de bien vouloir le faire également dans ce conseil.
La Cour pénale internationale a toujours été essentielle pour la Suisse. Nous avons soutenu sa création et la soutenons depuis toujours. Nous avons également pris acte de ces deux amendements au Statut de Rome en 2010, portant sur le crime d'agression et sur l'élargissement de la définition des crimes de guerre, qu'il s'agit aujourd'hui d'approuver. Le crime d'agression consiste, en droit international, à lancer une guerre interdite. L'interdiction du recours à la force est une des règles les plus fondamentales de la coexistence des Etats et représente surtout un progrès considérable obtenu au cours du siècle passé. La Charte des Nations Unies rend illégal le recours à la force entre Etats, sauf légitime défense et sauf mandat du Conseil de sécurité. Cette interdiction ne lie que les Etats. L'amendement sur le crime d'agression permet d'introduire une responsabilité pénale individuelle.
L'intérêt est assez grand également pour la Suisse, qui n'est pas une puissance mondiale et doit donc miser sur le droit et non sur la force. Dans ce sens, la ratification consolide la sécurité, l'indépendance et la souveraineté territoriale de la Suisse. L'effet dissuasif de la répression de l'agression va aussi dans le sens d'autres objectifs de politique extérieure, tout spécialement la politique de promotion de la paix et celle des droits de l'homme.
Madame Seydoux a déjà donné la définition du crime d'agression, je n'y reviens pas dans le détail, mais j'insiste sur le fait qu'il s'agit véritablement d'un crime de dirigeant. Concernant la compétence de la cour, Madame la conseillère aux Etats a également expliqué l'ensemble des éléments, donc je n'y reviens pas non plus, sinon pour répéter que la compétence de la cour à l'égard du crime d'agression est pour l'instant différée et qu'il faut attendre que 30 Etats aient ratifié les amendements. Actuellement, il y en a une petite vingtaine. Tout cela ne se fera de toute manière pas avant 2017.
Concernant le droit suisse, le Conseil fédéral estime que le droit pénal suisse ne doit pas être modifié. Contrairement aux cas de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide, il n'est pas prévu de reprendre le crime d'agression dans le droit pénal suisse. Il n'y a pas d'obligation juridique de répression nationale du crime d'agression. Le Conseil fédéral estime en effet que le crime d'agression se distingue des autres crimes en ce que l'acte constitutif de l'agression est obligatoirement le fait d'un Etat. Selon les modalités d'exercice de compétence de la cour, cela voudrait dire que les autorités de poursuite pénale et les tribunaux suisses auraient, le cas échéant, à se prononcer sur l'existence d'un acte d'agression entre deux autres Etats et leurs plus hauts dirigeants. La Cour pénale internationale, avec son assise très large de 122 Etats, est donc beaucoup mieux placée pour cela qu'un pays isolé. La majeure partie des pays ayant ratifié cet amendement partage notre point de vue.
Concernant l'élargissement de la définition des crimes de guerre, vous avez également entendu Madame Seydoux expliquer que l'utilisation de certaines catégories d'armes était déjà prohibée dans les conflits armés internationaux. Elle le sera également dans les conflits armés internes, soit dans les guerres civiles. Les différentes armes qui ont été évoquées sont concernées par cet élargissement de la définition des crimes de guerre.
Le Conseil fédéral est favorable à ces amendements, car le type de conflit lors duquel est commis l'acte ne fait aucune différence pour la victime et ne change rien à la gravité du crime. La distinction qui prévalait jusqu'ici était fondée sur des arguments historiques et tenait au fait que les Etats refusent souvent toute ingérence extérieure dans les guerres civiles. Il y a une telle multiplication de ce type de conflits que nous devons envisager cet élargissement maintenant, d'autant plus que la Suisse assume une responsabilité particulière puisqu'elle est dépositaire des Conventions de Genève et qu'elle accueille le Comité international de la Croix-Rouge. Le Conseil fédéral est donc d'avis qu'il faut ratifier ces amendements, tout comme les 21 Etats parties qui l'ont déjà fait. La question de la transposition dans le droit national ne se pose pas, contrairement au crime d'agression. Le droit national ne fait pas de distinction entre les types de conflits. Le droit pénal suisse couvre déjà les crimes nouvellement interdits par le Statut de Rome.
Le Conseil fédéral vous remercie, par conséquent, de bien vouloir adopter l'arrêté fédéral portant approbation de ces importants amendements au Statut de Rome.


Eintreten wird ohne Gegenantrag beschlossen
L'entrée en matière est décidée sans opposition

Bundesbeschluss über die Genehmigung der Änderungen des Römer Statuts des Internationalen Strafgerichtshofs betreffend das Verbrechen der Aggression und die Kriegsverbrechen
Arrêté fédéral portant approbation des amendements au Statut de Rome de la Cour pénale internationale relatifs au crime d'agression et aux crimes de guerre

Detailberatung - Discussion par article

Titel und Ingress, Art. 1, 2
Antrag der Kommission
Zustimmung zum Entwurf des Bundesrates

Titre et préambule, art. 1, 2
Proposition de la commission
Adhérer au projet du Conseil fédéral

Angenommen - Adopté

[Source: Bulletin officiel, 14.021 Conseil des Etats, 26nov14]

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