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juin14


Résumé Analytique
Rapport mondial sur les drogues 2014


Résumé analytique

Chaque année, le Rapport mondial sur les drogues passe en revue les principales évolutions intervenues sur les marchés des différentes catégories de drogues, de la production à la consommation, en passant par le trafic, avec notamment l'émergence de nouveaux itinéraires et de nouvelles modalités de trafic. Le chapitre premier du Rapport mondial sur les drogues 2014 donne une vue d'ensemble des dernières tendances en matière d'opiacés, de cocaïne, de cannabis et d'amphétamines (dont l'"ecstasy") et des incidences de l'usage de drogues sur la santé. Le chapitre 2 se concentre sur le contrôle des précurseurs chimiques utilisés dans la fabrication de drogues illicites.

Les informations détaillées dont on dispose concernant l'offre, ainsi que les nouvelles données relativement limitées concernant la demande, permettent de déduire que, dans l'ensemble, à l'échelle mondiale, la prévalence de l'usage illicite et de l'usage problématique |1| de drogues se maintient, le nombre total d'usagers augmentant proportionnellement à l'accroissement de la population mondiale.

Cela étant dit, chaque région présente des particularités quant à certaines drogues. La polytoxicomanie, que l'on définit généralement comme l'usage simultané ou consécutif de deux substances ou plus, reste une préoccupation majeure, du point de vue tant de la santé publique que de la lutte antidrogue.

L'usage de drogues et ses conséquences sanitaires et sociales

L'usage de drogues continue de faire de terribles ravages, entraînant la perte de précieuses vies humaines ou de nombreuses années de main-d'œuvre. Le nombre de décès liés à la drogue déclarés en 2012 atteindrait, selon les estimations, 183 000 (ou un chiffre situé entre 95 000 et 226 000), ce qui correspond à un taux de mortalité de 40,0 décès (entre 20,8 et 49,3) pour un million de personnes chez les 15-64 ans. C'est moins qu'en 2011, mais cette baisse peut s'expliquer par la diminution du nombre de décès signalée par quelques pays asiatiques.

À l'échelle mondiale, on estime qu'en 2012, entre 162 millions et 324 millions de personnes, soit entre 3,5 % et 7,0 % de la population âgée de 15 à 64 ans, avaient consommé une drogue illicite - généralement une substance de type cannabis, opioïde, cocaïne ou stimulant de type amphétamine - au moins une fois au cours de l'année écoulée.

L'usage problématique de drogues - qui est le fait des consommateurs réguliers et des personnes souffrant de troubles liés à l'usage de drogues ou de dépendance - reste stable et continue de concerner entre 16 millions et 39 millions de personnes. Toutefois, des disparités subsistent en matière d'assistance car, chacune de ces dernières années, seul un usager problématique sur six a eu accès à des services de traitement de la toxicomanie.

Bien que le grand public puisse percevoir le cannabis comme la moins dangereuse des drogues illicites, le nombre de personnes cherchant à se faire traiter pour des troubles liés à l'usage de cette substance a augmenté ces 10 dernières années, particulièrement dans les Amériques, en Océanie et en Europe. Néanmoins, les principales drogues consommées par les personnes demandant un traitement sont restées les opiacés en Asie et en Europe, et la cocaïne dans les Amériques.

En ce qui concerne la consommation de drogues par injection, l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), la Banque mondiale et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), s'appuyant sur les données les plus récentes à leur disposition, ont estimé conjointement qu'elle était pratiquée par 12,7 millions de personnes (entre 8,9 millions et 22,4 millions). Cela correspond à une prévalence de 0,27 % (entre 0,19 et 0,48 %) de la population âgée de 15 à 64 ans |2|. Le problème est particulièrement aigu en Europe orientale et en Europe du Sud-Est, où le taux de consommation de drogues par injection est 4,6 fois plus élevé que la moyenne mondiale.

Les usagers de drogues qui partagent leur matériel d'injection sont particulièrement vulnérables au VIH et à l'hépatite C. On estime qu'en moyenne 13,1 % des personnes qui s'injectent des drogues seraient porteuses du VIH. L'ONUDC, la Banque mondiale, l'OMS et l'ONUSIDA estiment ensemble à 1,7 million (entre 0,9 million et 4,8 millions) le nombre d'usagers de drogues par injection porteurs du VIH. La situation est particulièrement grave dans deux régions du monde: l'Asie du Sud-Ouest et l'Europe orientale/Europe du Sud-Est, où l'on estime la prévalence du VIH parmi les usagers injecteurs à 28,8 % et 23,0 % respectivement. Plus de la moitié des personnes qui s'injectent des drogues vivraient avec l'hépatite C.

La lutte contre le VIH parmi les usagers injecteurs, par la mise en œuvre d'un ensemble complet de neuf interventions |3| ayant fait la preuve de leur efficacité, dans le cadre de ce qu'on appelle aussi des "services de réduction des risques", est une composante clef de la stratégie mondiale visant à stopper la propagation du VIH. Parmi ces mesures, les quatre plus efficaces en matière de prévention, de traitement et de prise en charge du VIH sont les programmes d'échange d'aiguilles et de seringues, les traitements de substitution aux opiacés (et autres traitements de la dépendance dans le cas de personnes qui s'injectent des drogues non opioïdes), le dépistage du VIH et le conseil, et le traitement antirétroviral.

C'est en Europe occidentale et centrale, où les interventions de réduction des risques se développent depuis plus de 10 ans, entraînant une réduction du nombre de cas d'infection à VIH diagnostiqués parmi les usagers de drogues injecteurs et de décès liés au sida attribués aux pratiques d'injection à risque, qu'est enregistré le meilleur niveau de couverture des quatre mesures les plus efficaces. Cependant, des épidémies récentes d'infection à VIH survenues parmi les usagers injecteurs dans certaines parties de l'Europe montrent que la propagation du virus peut évoluer rapidement dans des zones où la portée des services et des interventions est réduite.

Il est avéré qu'un très fort pourcentage des usagers de drogues par injection ont connu la prison. Par ailleurs, l'usage de drogues, par injection ou non, est très répandu en milieu carcéral. Dans les prisons, le manque d'accès aux soins de santé, voire leur absence, particulièrement pour le traitement de la toxicomanie et pour la prévention, le traitement et la prise en charge du VIH, est très préoccupant. En effet, la population carcérale devrait avoir accès à des services au moins équivalents à ceux dont bénéficie le grand public. En Europe par exemple, le nombre de détenus qui avaient consommé une substance illicite au cours de leur incarcération variait entre 4 % et 56 %.

En Europe, la crise financière semble avoir eu une incidence sur les modalités de la consommation de drogues, incidence qui s'est traduite par des conséquences sanitaires et sociales. Bien qu'on ne dispose pas pour l'instant de données complètes, il semble que deux phénomènes aient émergé dans certaines parties de l'Europe parallèlement à la crise financière. Premièrement, on observe une évolution des modalités de l'usage de drogues, en direction parfois d'une prise de risques accrue; et deuxièmement, on constate que le niveau de couverture des services de réduction des risques a baissé, ce qui, selon des travaux de recherche récemment publiés, a augmenté la probabilité de comportements d'injection à risque et donc favorisé la propagation d'infections telles que l'infection à VIH ou l'hépatite C.

Profil des drogues, par catégorie

Opiacés

Les opiacés et opioïdes sont les drogues problématiques qui causent les plus forts taux de morbidité et de mortalité liée aux drogues dans le monde. Pour la troisième année consécutive, l'Afghanistan, qui est le plus grand cultivateur de pavot à opium au monde, a constaté une augmentation des superficies cultivées (passées de 154 000 hectares en 2012 à 209 000 hectares en 2013). Le même phénomène est constaté au Myanmar, dans une moindre mesure. En 2013, la production mondiale estimée d'héroïne a retrouvé les niveaux observés en 2008 et 2011.

À l'échelle mondiale, la superficie consacrée à la culture illicite d'opium en 2013 était de 296 720 hectares, soit le chiffre le plus élevé depuis 1998, année des premières estimations.

Des éléments indiquent que l'héroïne afghane touche de plus en plus de nouveaux marchés, tels que l'Océanie et l'Asie du Sud-Est, approvisionnés jusqu'à présent par l'Asie du Sud-Est. La traditionnelle route des Balkans sert apparemment toujours au transit d'héroïne afghane vers les marchés lucratifs de l'Europe occidentale et centrale, mais son importance diminue en raison de différents facteurs, tels que l'efficacité de la répression et la contraction du marché en Europe occidentale et centrale, comme en attestent la baisse de la consommation et des saisies d'opiacés dans la sous-région ainsi que celle du niveau de l'offre comparé aux niveaux record de 2007.

La "route du Sud" est en pleine expansion: l'héroïne est passée en contrebande par la zone au sud de l'Afghanistan et acheminée en Europe via le Proche et le Moyen-Orient et l'Afrique, mais aussi directement depuis le Pakistan.

Aux États-Unis d'Amérique, une nouvelle tendance se dessine chez les usagers de drogues dépendants aux opioïdes, qui remplacent les opioïdes de synthèse par de l'héroïne, substance qui est de plus en plus disponible dans certaines parties du pays et qui permet aux usagers réguliers d'entretenir leur dépendance à moindre coût. Par ailleurs, la nouvelle formulation d'un des principaux médicaments de prescription consommée illicitement, l'OxyContin, l'a rendu plus difficile à inhaler ou à injecter.

Après une forte hausse en 2011, les saisies mondiales d'héroïne et de morphine illicite ont diminué en 2012, restant tout de même supérieures aux niveaux de 2010 et des années précédentes. Les fluctuations sont dues avant tout aux saisies réalisées en Asie du Sud-Ouest et en Europe occidentale et centrale. Cela n'empêche pas qu'en 2012, les saisies d'héroïne ont augmenté dans beaucoup d'autres régions, principalement l'Europe orientale et l'Europe du Sud-Est, l'Asie du Sud et l'Océanie. Dans des pays clefs situés le long de la "route du Nord", qui relie l'Afghanistan à la Fédération de Russie, ces saisies, et donc vraisemblablement le flux d'héroïne, ont diminué de façon significative. En parallèle, on observe un nombre important de petites saisies de désomorphine de fabrication artisanale qui sert probablement à remplacer l'héroïne.

L'apparition de nouveaux comportements potentiellement plus nocifs, notamment l'usage illicite d'opioïdes tels que le fentanyl, a été remarquée chez les personnes dépendantes aux opioïdes en Estonie, aux États-Unis et en Finlande. On a observé que les consommateurs d'opioïdes faisaient alterner opioïdes pharmaceutiques ou de prescription et héroïne, selon la substance la plus disponible, la plus accessible et la moins chère du marché.

Cocaïne

Si la fabrication et le trafic de cocaïne ont eu une forte incidence dans les Amériques, la disponibilité générale de la cocaïne aurait baissé à l'échelle mondiale. Au 31 décembre 2012, la superficie nette estimée des cultures de cocaïer était à son niveau le plus bas depuis 1990 (date des premières estimations), soit 133 700 hectares, un chiffre en baisse de 14 % comparé à celui de 2011.

Les saisies mondiales de cocaïne ont augmenté, passant de 634 tonnes en 2011 à 671 tonnes en 2012. Les plus fortes hausses ont été enregistrées en Amérique du Sud et en Europe occidentale et centrale.

L'usage de cocaïne reste relativement concentré dans les Amériques, en Europe et en Océanie, et la production a lieu presque exclusivement dans trois pays d'Amérique du Sud. Bien que l'on ne dispose pas de preuves concluantes concernant l'ampleur de la consommation de cocaïne en Afrique et en Asie, les experts sont d'avis que l'usage de cocaïne se développe dans certaines poches de ces deux régions, du fait de l'intensification du trafic passant par l'Afrique et de l'enrichissement des deux continents.

C'est dans les Amériques que l'on constate l'usage de cocaïne le plus problématique. En Amérique du Nord, la consommation de cocaïne est en baisse depuis 2006, du fait en partie d'une pénurie prolongée. Toutefois, plus récemment, une légère augmentation de la prévalence a été observée aux États-Unis, tout comme une hausse des saisies effectuées en mer.

La consommation et le trafic de cocaïne ont pris de l'ampleur en Amérique du Sud, particulièrement au Brésil en raison de facteurs tels que la situation géographique et l'importante population urbaine du pays.

En Europe occidentale et centrale, le deuxième marché au monde après les Amériques, les indicateurs de l'offre globale montrent une possible remontée de la disponibilité de la cocaïne; la pureté de la substance vendue au détail s'est améliorée dans certains pays où le marché de consommation est important. En revanche, on ne constate pas de hausse de la demande, mais plutôt une diminution de l'usage dans certains pays où celui-ci avait atteint de hauts niveaux.

Ces dernières années, le marché océanien s'est élargi, mais les habitudes de consommation y diffèrent de celles constatées sur d'autres marchés en ce qu'un grand nombre d'usagers (d'où une forte prévalence) consomment peu fréquemment, peut être en raison du prix élevé de la cocaïne.

Tendances des principaux indicateurs relatifs à l'offre de drogues et à la réduction de l'offre de drogues, 2003-2013

Source : Données sur les saisies: questionnaire destiné aux rapports annuels, complété par d'autres sources officielles. Données sur les cultures: estimations de l'ONUDC, fondées sur les systèmes nationaux de surveillance des cultures illicites appuyés par l'ONUDC et complétées par d'autres données officielles.
a Dont l'amphétamine, les substances de type "ecstasy", la méthamphétamine, les stimulants de type amphétamine non spécifiés, les autres stimulants et les stimulants de prescription. Dans les catégories "autres stimulants" et "stimulants de prescription", seules les saisies dont le poids ou le volume ont été précisés sont prises en compte.

Cannabis

La culture et la production d'herbe de cannabis ("marijuana") reste très répandue, tandis que la production de résine de cannabis ("haschisch") demeure limitée à quelques pays d'Afrique du Nord, du Moyen-Orient et d'Asie du Sud-Ouest. En Afghanistan, malgré la diminution de la superficie des cultures, la production potentielle de résine de cannabis était plus élevée en 2012 qu'en 2011 en raison d'un meilleur rendement à l'hectare.

La consommation mondiale de cannabis semble avoir diminué, si l'on en juge notamment par la tendance à la baisse des chiffres estimatifs concernant l'usage qui ont été communiqués par un certain nombre de pays d'Europe occidentale et centrale. Cependant, aux États-Unis, la diminution du sentiment de risque associé à la consommation de cannabis a mené à une hausse de cette dernière. En parallèle, chaque année davantage de consommateurs de cannabis demandent à se faire traiter.

En Europe, le marché a évolué ces 10 dernières années: l'herbe de cannabis, de production locale ou régionale, gagne du terrain sur la résine, qui provient en grande partie du Maroc et qui était auparavant la principale substance de type cannabis disponible en Europe, comme le montrent les données relatives aux saisies.

De nouveaux cadres réglementaires mis en place dans les États du Colorado et de Washington aux États-Unis ainsi qu'en Uruguay ont rendu légal l'usage du cannabis à des fins récréatives, avec certaines restrictions. Les nouvelles lois comportent des dispositions concernant la chaîne d'approvisionnement, et prévoient à la fois la culture commerciale sous licence et la culture personnelle. Il est encore trop tôt pour juger des effets de ces changements sur l'usage récréatif et l'usage problématique de cannabis et sur les nombreux secteurs qui peuvent être touchés, comme la santé, la justice pénale et les recettes et dépenses publiques. Des années de surveillance étroite seront nécessaires pour que l'on comprenne les répercussions plus générales de ces nouveaux cadres réglementaires et que l'on puisse orienter en conséquence la prise de décisions quant à la politique à suivre.

Vu les travaux de recherche existants, on pourrait s'attendre à ce qu'en raison de l'atténuation du sentiment de risque et de la hausse de la disponibilité, la consommation de cette substance et l'initiation des jeunes augmentent. Les recettes fiscales tirées de la vente de cannabis au détail devraient contribuer aux recettes publiques. Cependant, il faudra mettre en balance les recettes attendues et les coûts de la prévention et des soins de santé.

Stimulants de type amphétamine

S'il est difficile de quantifier la fabrication mondiale de stimulants de type amphétamine, on constate que le nombre de laboratoires démantelés qui fabriquaient ces stimulants, principalement de la méthamphétamine, a continué d'augmenter. La fabrication de méthamphétamine en Amérique du Nord a connu une nouvelle hausse, comme en témoigne la forte augmentation du nombre de laboratoires de méthamphétamine dont on a signalé le démantèlement aux États-Unis et au Mexique.

Sur le total de 144 tonnes de stimulants de type amphétamine saisis dans le monde, la moitié ont été saisis en Amérique du Nord et un quart en Asie de l'Est et du Sud-Est. La saisie de grandes quantités d'amphétamine est toujours signalée au Moyen-Orient, en particulier en Arabie saoudite, en Jordanie et en République arabe syrienne.

L'Asie centrale et l'Asie du Sud-Ouest constituent de nouveaux marchés, comme le montrent les niveaux -faibles - des saisies et de la consommation de méthamphétamine signalés par deux pays de ces sous-régions. L'Asie du Sud-Ouest devient aussi une importante zone de production de méthamphétamine destinée à l'Asie de l'Est et du Sud-Est. La production en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale se développe également.

Les saisies d'"ecstasy" ont augmenté en 2012. De grandes quantités ont été saisies en Asie de l'Est et du Sud-Est mais aussi en Europe (Europe du Sud-Est et Europe occidentale et centrale), ces régions ayant représenté ensemble plus de 80 % des saisies mondiales d'"ecstasy".

L'usage impropre de stimulants ou de médicaments prescrits dans le cadre du traitement du trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH) n'est pas rare, même si seuls quelques pays signalent son existence dans la population générale et chez les jeunes. Bien que l'usage impropre de stimulants de prescription ne soit pas négligeable dans d'autres régions, c'est en Amérique du Nord et du Sud qu'il a principalement cours.

Nouvelles substances psychotropes et marchés en ligne

Alors qu'Internet est toujours utilisé pour le trafic de drogues et le commerce illicite de précurseurs chimiques, le recours au "Web caché" ne cesse d'augmenter. Le "Web caché" constitue un marché virtuel auquel on ne peut accéder par les outils de recherche et où les services de détection et de répression peuvent difficilement identifier les propriétaires et utilisateurs des sites, dont les identités sont masquées grâce à des méthodes de dissimulation élaborées. Le "Web caché" offre ainsi un refuge aux acheteurs et vendeurs de drogues illicites, qui réalisent leurs opérations principalement en monnaie numérique (Bitcoin).

Si l'on ignore quelle part exactement des opérations relatives aux drogues a lieu sur le "Web caché", la valeur de ces opérations ainsi que l'éventail des drogues disponibles semblent augmenter. Il est apparu à l'occasion de son démantèlement qu'un important site du "Web caché", "Silk Road", avait réalisé 1,2 milliard de dollars de chiffre d'affaires en deux à cinq ans d'activité. Des éléments indiquent qu'il existe un marché de niche sur le "Web caché" pour les nouvelles substances psychoactives ainsi que pour le cannabis, l'héroïne, la méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA) et la cocaïne de grande qualité.

Enfin, la prolifération des nouvelles substances psychoactives reste problématique, le nombre de ces substances (348 en décembre 2013, contre 251 en juillet 2012) dépassant nettement le nombre des substances psychoactives placées sous contrôle international (234 substances).

Criminalité liée à la drogue

Les chiffres enregistrés par les autorités en ce qui concerne la criminalité liée à l'usage personnel et au trafic de drogues, pris séparément, ont connu une hausse entre 2003 et 2012, ce qui contraste avec la tendance générale à la baisse des infractions contre les biens et de la criminalité violente. Toutefois, la part des auteurs d'infractions liées à la drogue au casier desquels figuraient déjà des infractions d'usage personnel est restée stable compte tenu du fait que le nombre d'usagers a augmenté pendant cette période. À l'échelle mondiale, la grande majorité des infractions liées à l'usage de drogues concernent le cannabis.

Les infractions liées au trafic varient selon le type de drogue et les modes d'approvisionnement qui entrent en jeu dans les différentes régions.

La majorité des personnes arrêtées pour des infractions liées à la drogue ou soupçonnées de telles infractions sont des hommes; la part des femmes varie en fonction du type de drogue, ce dont on peut déduire leurs préférences. Ainsi, c'est en rapport avec les sédatifs ou tranquillisants que l'on observe le plus fort pourcentage de femmes parmi les personnes arrêtées ou soupçonnées (25 %).

Contrôle des précurseurs

La plupart des drogues, qu'elles soient synthétiques ou d'origine végétale, sont fabriquées à l'aide de produits chimiques. Ceux-ci ne sont qu'un des composants requis pour la fabrication illicite de drogues d'origine végétale (héroïne et cocaïne), mais ils constituent les composants de base des drogues synthétiques fabriquées illicitement.

Au vu du développement de la fabrication de drogues synthétiques, le contrôle de ces produits chimiques, connus sous le nom de précurseurs, est devenu essentiel aux fins de la réduction de l'offre car les approches traditionnelles, telles que l'éradication des cultures illicites et le développement alternatif, ne peuvent être appliquées aux drogues de synthèse.

La structure et les tendances de la production et du commerce de produits chimiques utilisés dans la fabrication illicite de drogues présentent des points potentiellement vulnérables. Au fil des années, la communauté internationale a renforcé un système de contrôle visant à permettre le commerce légal de ces produits tout en empêchant leur détournement à des fins de fabrication illicite.

Un certain nombre de résultats ont été obtenus en matière de contrôle des précurseurs, mais ils ont déclenché de la part des trafiquants et des fabricants de drogues illicites toute une série de réactions qui présentent de nouvelles difficultés pour le contrôle international des drogues.

Vulnérabilité de l'industrie chimique au détournement de précurseurs

L'industrie chimique a connu de forts taux de croissance et d'importants mouvements géographiques ces dernières décennies, en particulier ces 20 dernières années, au cours desquelles la production mondiale a doublé et le commerce plus que triplé. Durant cette même période, l'essentiel de la production s'est déplacé vers l'Asie, où ce secteur en plein essor se caractérise à présent par un important groupement de petites entreprises en concurrence. Ces récentes évolutions ont rendu l'industrie chimique potentiellement plus vulnérable au détournement de précurseurs qu'auparavant, lorsqu'elle était dominée par des conglomérats verticalement intégrés.

En outre, les risques de détournement de précurseurs aux fins de la fabrication clandestine de drogues se sont accrus en raison de l'intensification du commerce international de produits chimiques, du nombre croissant de pays de transit et de l'apparition de nouveaux opérateurs participant au commerce de ces produits et d'autres intermédiaires.

Réponse de la communauté internationale

Le contrôle des précurseurs est apparu comme l'un des axes clefs du contrôle international des drogues dans la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988. La Convention prévoit des mesures spécifiques concernant la fabrication, la distribution et le commerce international d'un certain nombre de produits chimiques fréquemment utilisés dans la fabrication de drogues. Ces produits sont divisés en deux catégories: les substances sous surveillance plus étroite du Tableau I et les substances relativement moins contrôlées du Tableau II. En vertu de la Convention de 1988, l'Organe international de contrôle des stupéfiants est chargé de mettre en œuvre le contrôle des précurseurs au niveau international.

Le système a été renforcé par plusieurs résolutions de la Commission des stupéfiants, du Conseil économique et social et de l'Assemblée générale des Nations Unies, ainsi que par la Déclaration politique et les plans d'action correspondants que l'Assemblée générale a adoptés à sa vingtième session extraordinaire, en 1998, et la Déclaration politique et le Plan d'action sur la coopération internationale en vue d'une stratégie intégrée et équilibrée de lutte contre le problème mondial de la drogue qu'elle a adoptés en 2009. En décembre 2013, 23 substances étaient placées sous contrôle international: 15 inscrites au Tableau I et 8 au Tableau II de la Convention de 1988. En mars 2014, la Commission des stupéfiants a décidé d'inscrire l'alpha-phénylacétoacétonitrile (APAAN) au Tableau I de la Convention.

Production et commerce de précurseurs chimiques

Il existe des utilisations et un commerce licites des précurseurs, et le régime de contrôle prévoit la surveillance du commerce licite et la prévention des détournements. D'après les statistiques du commerce international et les informations fournies à l'ONUDC par les pays, quelque 77 pays fabriquaient des précurseurs chimiques en 2010-2012.

Le nombre de pays ayant pris part aux échanges de précurseurs est bien plus élevé. Entre 2010 et 2012, 122 pays ont signalé avoir exporté des précurseurs chimiques, tandis que 150 ont indiqué en avoir importé. Les plus importantes exportations ont été notifiées par des pays d'Asie, puis d'Europe et des Amériques. Si l'on considère uniquement les pays exportateurs nets de précurseurs chimiques, les pays asiatiques étaient à l'origine de 59 % du total des exportations nettes pour la période 2010-2012. Les exportations mondiales de précurseurs chimiques ont augmenté à peu près au même rythme que celles des produits chimiques en général.

Les besoins licites en précurseurs et les applications de ces substances varient d'un pays à l'autre. L'essentiel (93 %) du commerce international de précurseurs chimiques, en termes de valeur économique, concerne les substances inscrites au Tableau II de la Convention de 1988. En 2012, les substances inscrites au Tableau I, soumises à un contrôle plus strict, représentaient seulement 7 % des échanges internationaux de précurseurs chimiques, ou 0,04 % de l'ensemble du commerce international de produits chimiques. En outre, l'augmentation des exportations a été bien plus faible pour ces substances que pour celles inscrites au Tableau II. D'un point de vue économique, les principales substances du Tableau I sont l'anhydride acétique, utilisé dans la fabrication de l'héroïne, suivi du permanganate de potassium, utilisé dans la fabrication de la cocaïne, et de la pseudoéphédrine, utilisée dans la fabrication de la méthamphétamine.

Le commerce illicite des précurseurs chimiques ne peut être quantifié aussi facilement que le marché licite, mais les informations sur les saisies peuvent fournir un éclairage partiel sur les tendances qui prévalent.

Bien que les saisies annuelles de précurseurs chimiques fluctuent fortement, la tendance globale pour les précurseurs inscrits au Tableau I semble être à la hausse depuis une vingtaine d'années. En revanche, les saisies de substances du Tableau II varient mais restent dans l'ensemble stables. La distribution régionale des saisies de précurseurs inscrits aux Tableaux I et II montre une concentration dans les Amériques; suivent, selon la période examinée, l'Europe ou, pour la période plus récente, l'Asie.

Incidence du contrôle des précurseurs sur l'offre de drogues

Les mesures prises pour contrôler les précurseurs chimiques ont efficacement contribué à réduire le détournement de substances chimiques aux fins de la fabrication illicite de drogues, comme le montrent différentes méthodes d'analyse:

Hausse du volume de produits chimiques dont on a empêché le détournement. Le nombre d'envois stoppés avant d'être détournés a fortement augmenté, et les saisies de précurseurs inscrits au Tableau I ont été multipliées par 12 entre 1990 et 1992 (premières années du contrôle international des précurseurs) et 2010 et 2012. Ce chiffre tend à indiquer que le contrôle des précurseurs porte ses fruits, bien qu'il ne s'agisse pas d'une preuve concluante;

Forts taux d'interception. Lorsqu'on compare les saisies à la quantité totale qui, selon les estimations, a été détournée aux fins de la fabrication illicite, on observe qu'environ 15 % (entre 10 % et 28 %) du permanganate de potassium et 15 % (entre 7 % et 22 %) de l'anhydride acétique détournés ont été interceptés pendant la période 2007-2012. On estime que les détournements représentent tout juste 2 % des échanges internationaux de permanganate de potassium et 0,2 % des échanges internationaux d'anhydride acétique;

Volume des saisies de précurseurs supérieur à celui des saisies de substances fabriquées à l'aide de tels précurseurs. Les saisies de précurseurs de l'"ecstasy", exprimées en quantité d'"ecstasy" susceptible d'être fabriquée (en équivalent produits finis), étaient presque 20 % plus importantes que les saisies d'"ecstasy" pour la même période (2007-2012). Les saisies de précurseurs de l'amphétamine et de la méthamphétamine, calculées en équivalent produits finis, représentaient plus du double des saisies d'amphétamine et de méthamphétamine pour la même période;

Baisse de la disponibilité des drogues en raison du contrôle des précurseurs. On peut citer trois exemples de cas où le contrôle des précurseurs semble avoir réduit l'offre de ces substances et donc mené à une diminution de la disponibilité de la drogue. Le premier exemple est la contraction du marché du diéthylamide de l'acide lysergique (LSD), que l'on peut attribuer, au moins en partie, au meilleur contrôle des précurseurs du LSD. Cette contraction s'est manifestée par une baisse de 75 % de l'usage de LSD chez les lycéens aux États-Unis entre 1996 et 2013, évolution fortement liée à la baisse de la disponibilité de cette substance. Le deuxième exemple est la diminution de la consommation d'"ecstasy" dans de nombreux pays, qui s'explique en partie par la baisse de son taux de pureté, elle-même due à la disponibilité limitée du principal précurseur de cette drogue entre 2007 et 2010. Le troisième exemple est l'amélioration du contrôle des précurseurs de la méthaqualone, qui semble avoir entraîné une diminution de la disponibilité de cette substance et, par conséquent, de son utilisation ces 20 dernières années.

Prix sur le marché illicite. Tandis que, ces dernières années, le prix de l'anhydride acétique sur le marché licite a oscillé entre 1 et 1,5 dollar le litre, son prix sur le marché illicite afghan a augmenté au fil des ans, pour atteindre parfois jusqu'à 430 dollars le litre (en 2011), alors qu'il était de 8 dollars en 2002. Ces hausses peuvent être rapprochées des améliorations du contrôle des précurseurs. Elles ont également eu une incidence sur le coût de la production d'héroïne. La part de l'anhydride acétique dans le coût total de la production d'héroïne en Afghanistan a augmenté, passant de 2 % en 2002 à 26 % en 2010, avant de redescendre à environ 20 % en 2013.

Nouvelles stratégies des opérateurs de laboratoires de drogues

L'amélioration des mesures de contrôle visant les précurseurs à l'échelle mondiale a poussé les opérateurs clandestins de laboratoires illégaux à adopter un certain nombre de stratégies, dont les suivantes:

  • L'utilisation de moyens plus élaborés pour obtenir des précurseurs chimiques;
  • Le passage par des pays de transit disposant de systèmes de contrôle peu efficaces;
  • La constitution de groupes criminels organisés spécialisés dans l'offre de précurseurs chimiques;
  • La création de sociétés écrans permettant de dissimuler les importations illégales;
  • Le détournement de précurseurs à l'échelle nationale puis leur exportation clandestine vers leurs destinations finales afin de contourner le système de contrôle international;
  • Le recours à Internet;
  • L'usage impropre de préparations pharmaceutiques (particulièrement de préparations contenant de l'éphédrine ou de la pseudoéphédrine); et
  • L'emploi de précurseurs chimiques non placés sous contrôle, dont plusieurs pré-précurseurs à partir desquels on peut facilement obtenir les précurseurs requis.

Ainsi, de nouveaux pré-précurseurs destinés à la fabrication de stimulants de type amphétamine sont apparus ces dernières années, comme l'APAAN, différents esters de l'acide phénylacétique, la méthylènedioxy-3,4 phényl propanone-2, le glycidate de méthyle et la méthylamine. Certaines de ces substances, qui ne sont placées sous contrôle que dans quelques pays, sont devenues d'importants substituts des précurseurs chimiques utilisés jusqu'alors, et sont aujourd'hui saisies en plus grandes quantités que les précurseurs de stimulants de type amphétamine placés sous contrôle international.

Une autre stratégie adoptée pour contourner les contrôles consiste à fabriquer de nouvelles substances psychoactives qui peuvent être obtenues à partir de produits chimiques non placés sous contrôle international.

Toutes ces stratégies des fabricants clandestins créent de nouvelles difficultés pour le contrôle international des précurseurs. Toutefois, elles montrent aussi que ce contrôle a effectivement une incidence. Il existe déjà au niveau international des instruments pour faire face à ces problèmes nouveaux: le principe "connaissez votre client", la liste de surveillance internationale spéciale limitée, le Système électronique d'échange de notifications préalables à l'exportation (PEN Online) et le Système de notification des incidents concernant les précurseurs (PICS). Or, ceux-ci ne sont pas encore mis à profit dans tous les pays. Leur adoption et leur utilisation universelles représenteraient un pas en avant vers la résolution de ces problèmes.

[Source: Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, Vienne, jun14]


Notes:

1. Il n'existe pas de définition standard de l'usage problématique de drogues. La définition peut varier selon les pays et peut englober les personnes ayant un comportement de consommation à haut risque, comme les usagers injecteurs, les consommateurs quotidiens ou ceux au sujet desquels un diagnostic de troubles liés à l'usage de drogues ou de dépendance à la drogue a été posé sur la base des critères cliniques définis dans la Classification internationale des maladies (dixième révision) de l'Organisation mondiale de la Santé et dans le Manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) (quatrième édition) de l'Association américaine de psychiatrie, ou sur la base d'autres critères ou définitions analogues pouvant être utilisés. [Retour]

2. Ces estimations reflètent les données les plus récentes obtenues de différentes sources (dont les enquêtes intégrées de surveillance biologique et comportementale), l'amélioration de la portée et de la qualité de la surveillance au niveau national et le nombre accru de pays communiquant des données. Elles devraient donc être vues comme une mise à jour des précédentes estimations mondiales et non comme un élément de comparaison aux fins de l'analyse des tendances. [Retour]

3. Guide technique de l'OMS, l'ONUDC, l'ONUSIDA destiné aux pays pour la définition des objectifs nationaux pour l'accès universel à la prévention, au traitement, aux soins et au soutien en matière de VIH/sida: version révisée de 2012 (Genève, Organisation mondiale de la Santé, 2012). [Retour]


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Informes sobre corrupción y crimen organizado
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