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27jan15


Séisme politique en Europe : Les Grecs portent Syriza au pouvoir


La victoire sans appel du parti de gauche Syriza ouvre une nouvelle ère politique en Grèce où une formation adversaire des politiques d'austérité menée en Europe prend les commandes pour la première fois et rebat les cartes des rapports d'Athènes avec l'Union européenne.

Le premier discours, dimanche dernier, d'Alexis Tsipras, leader de Syriza et nouvel homme fort de la Grèce n'a pas permis de cerner clairement ses intentions. Il a soufflé le chaud et le froid : "le verdict du peuple grec signifie la fin de la troïka", a-t-il d'abord lancé, évoquant les experts de la BCE, l'UE et du FMI, qui dictent à la Grèce une politique d'austérité depuis quatre ans en échange de 240 milliards d'euros de prêts pour sauver le pays de la faillite.

Il s'est montré conciliant, déclarant que le nouveau gouvernement "serait prêt à coopérer et à négocier pour la première fois avec ses partenaires une solution juste, viable et qui bénéficie à tous". Le cap du gouvernement Syriza pourrait notamment être déterminé par les alliances que va devoir trouver le parti qui décroche 149 sièges, sur 300, au Parlement et manque de deux sièges la majorité absolue.

Dès hier matin, Alexis Tsipras devait rencontrer Panos Kammenos dirigeant du parti "Les Grecs indépendants" (ANEL), formation de droite souverainiste, qui s'est dit prêt à collaborer. Un rendez-vous avec le parti pro-européen de centre gauche "To Potami" a été également annoncé, représentant une option d'alliance plus modérée vis-à-vis de l'Union européenne. Le président français François Hollande a été parmi les premiers à féliciter M. Tsipras, lui faisant part de "sa volonté de poursuivre l'étroite coopération entre nos deux pays, au service de la croissance et de la stabilité de la zone euro".

La Maison-Blanche a indiqué hier espérer travailler "étroitement" avec le prochain gouvernement grec. Le Premier Ministre britannique, David Cameron, s'est en revanche ouvertement inquiété d'une élection grecque qui "accroîtra l'incertitude économique en Europe".

L'UE, indiquait-on à Bruxelles, semblait vouloir envoyer des signaux à M. Tsipras dès hier, lors d'une réunion des ministres des Finances de la zone euro consacrée au programme d'aide à la Grèce. Le pays doit théoriquement en finir, fin février, avec le programme d'aide de l'UE, avec 7 milliards d'euros de crédits supplémentaires à la clé. "On ne va pas échapper à une renégociation (sur la dette), la question est ''sur quoi va-t-elle porter'' : les échéances, les montants, ou les deux ?", confiait une source européenne à Bruxelles. "Pour les montants, a-t-elle ajouté, ce sera plus difficile".

C'est pourtant bien une réduction de cette dette gigantesque (300 milliards d'euros et 175% du PIB) qu'Alexis Tsipras veut obtenir, outre la possibilité de redonner un peu d'air aux Grecs dans leur vie quotidienne : remontée du niveau du salaire minimum de 580 à 751 euros, ou suppression de certains impôts, contre l'avis de la troïka. Le président de la Banque centrale allemande, Jens Weidmann, a exhorté M. Tsipras à "ne pas faire de promesses illusoires" à ses concitoyens.

Le succès de Syriza a, au contraire, fait naître l'espoir chez les partis de gauche radicale européens. Pablo Iglesias, le dirigeant de Podemos en Espagne, s'est réjoui que les Grecs aient désormais "un véritable président et non plus un délégué d'Angela Merkel. En France, le leader du parti de gauche Jean-Luc Mélenchon a évoqué "une lame de fond", "une page nouvelle pour l'Europe".

Le gouvernement conservateur d'Antonis Samaras a été sanctionné pour avoir essayé de satisfaire au maximum les exigences de réformes de la troïka depuis 2012. La facture est lourde pour la population victime d'un taux de chômage à 25%, ou de réductions de salaires drastiques. La victoire a été saluée par une explosion de joie de milliers de supporters, venus de toute l'Europe, au point de ralliement de Syriza, une tente dans le centre d'Athènes.

L'Europe à la recherche d'un compromis délicat avec Athènes

L'Europe devait montrer, dès hier, jusqu'où elle est prête à aller pour trouver un terrain d'entente avec le nouveau pouvoir à Athènes, qui exige une restructuration de sa dette au risque de se heurter de front au camp des durs emmené par l'Allemagne. Les ministres des Finances de la zone euro se retrouvaient à Bruxelles en début d'après-midi.

Prévue de longue date, cette réunion tombe à pic. Elle était précédée par une session de travail entre les présidents du conseil européen, Donald Tusk, de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. L'idée d'un nouvel effacement d'une partie de la dette est catégoriquement rejetée par Berlin, mais plusieurs économistes plaident pour un allongement de la durée des prêts et une réduction des taux d'intérêt sur certains prêts consentis à Athènes. "On ne va pas échapper à une renégociation", reconnaît une source européenne à Bruxelles.

Le niveau actuel de la dette n'est "pas soutenable", et "toute solution qui ne passe pas par une réelle réduction de cette dette ne pourra qu'entraîner une nouvelle crise en Grèce". La position de l'Allemagne sera déterminante. "Les contribuables européens ne seront pas prêts à payer pour les vaines promesses de M. Tsipras", a prévenu le chef du groupe PPE (conservateurs) au Parlement européen, l'Allemand Manfred Weber. "L'Europe est prête à faire preuve de solidarité envers la Grèce si les engagements pris et les accords sont pleinement respectés. Tous les engagements doivent être remplis", a-t-il martelé.

Il faut donc s'attendre à des "moments de tension" dans les prochaines semaines entre Bruxelles et Athènes.

Pas de panique sur les marchés

Après dépouillement de 99,80% des bulletins, Syriza obtenait 36,34% des voix et 149 sièges, la droite Nouvelle Démocratie 27,81% (76 sièges), le parti néonazi Aube Dorée 6,28% (17 sièges), Potami 6,05% (17 sièges), les communistes KKE 5,47% (15 sièges), les Grecs indépendants 4,75% (13 sièges), les socialistes Pasok 4,68% (13 sièges).

Malgré la vaste enquête qui le vise en tant "qu'organisation criminelle", et l'incarcération pour appartenance à une telle organisation de sept de ses 16 députés actuels, Aube dorée s'impose donc comme troisième force du pays.

Les marchés asiatiques ont plutôt mal réagi à l'arrivée de Syriza au pouvoir, mais sans panique : l'euro, déjà bas, a touché pendant un instant son plus bas depuis 11 ans, à 1,1098 dollar, avant de se reprendre, tandis que la Bourse de Tokyo chutait de 1,29% à l'ouverture. La tendance des obligataires grecs à l'ouverture du marché ne témoignait pas non plus d'une grande inquiétude : le taux d'emprunt à 10 ans était en hausse modérée à 8,458%.

[Source: El Moudjahid, Alger, 27jan15]

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