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DERECHOS


26nov05

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Déclaration sur les propositions de lois contre l'impunité en Espagne et les crimes franquistes.


Depuis que le rapport « La question de l'impunité en Espagne et les crimes franquistes » a été publié le 14 avril 2004, il y a eu, à notre avis, une avancée dans la rationalisation juridique des questions qui déterminent ce que nous avons appelé « le modèle espagnol d'impunité ».

Cela n'a pas, pour autant, réussi à sensibiliser les partis politiques avec représentation parlementaire, lesquels sont restés honteusement silencieux devant l'envergure des problèmes actuels qui ne peuvent être résolus que par le biais d'une législation concordante avec le droit international des droits de l'Homme, le droit interne européen et la propre constitution espagnole. Nous disons "honteusement silencieux" car la seule façon d'agir pour les groupes parlementaires est de prendre des initiatives législatives concrètes, et non des déclarations formelles, vides de contenu, auxquelles ils nous ont habitués.

Aucune des instances parlementaires avec lesquelles on a maintenu un contact direct - qui sont basiquement la Commission Constitutionnelle et de Justice - n'a promu des propositions législatives formelles qui apporteraient une solution aux problèmes en cours, et qui furent exposés dans le « Plan d'action » inclus dans le rapport mentionné. Ce plan d'action doit être entendu comme un inventaire d'extraits des graves questions juridiques en cours, auxquelles s'ajoutent les problèmes qui, pour leur complexité, doivent être traitées comme des normes réglementaires spécifiques.

Bien que le Procureur Général de l'Etat ait donné une réponse réglementaire au rapport de Nizkor dans une note du 14 février 2005, laquelle se termine en disant que « … le procureur général de l'Etat considérera avec le plus grand intérêt les observations contenues dans le rapport de Equipo Nizkor dans le cadre de l'exercice de ses fonctions légales en lien avec ce sujet. », jusqu'à ce jour, nous n'avons pas eu connaissance des initiatives prises par la dite institution en ce qui concerne les questions qui pourraient être résolues dans le cadre de sa compétence. Ce manque d'initiative dans le cadre de sa compétence est extrêmement grave, dans la mesure où cela implique, pour le moins, une forme de négation de justice.

En ce qui concerne la « Commission interministérielle sur l'examen de la situation des victimes de la guerre civile et du régime franquiste », nous nous en remettons à la déclaration publique, réalisée le 11 septembre 2004, et à la lettre envoyée à son Excellence Mme la Présidente de la Commission interministérielle sur l'examen de la situation des victimes de la guerre civile et du régime franquiste, Doña María Teresa Fernández de la Vega Sanz, le 3 Novembre 2004. Nous constatons qu'aucune avancée digne de considération ne s'est produite, pas même au niveau du dialogue avec les associations de droits de l'Homme et de victimes impliquées dans cette question, lesquelles ont seulement été écoutées informellement et sans aucune constance juridique formelle de ce qui a été exposé par les associations dans lesdites réunions.

Cependant, nous devons rendre compte de ce que la campagne, iniciée afin d'apporter une solution à la question de l'impunité des crimes franquistes, a eu une large répercussion internationale à travers la diffusion des communiqués des associations. Cette campagne n'est pas passée inaperçue auprès du Ministère des Affaires Etrangères, qui a adopté quelques mesures que nous considérons comme défensives, face au problème, au lieu d'assumer les responsabilités historiques pendantes.

Dans ce sens, le Projet de recommandation présenté à la Commission des Questions Politiques de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe par M. Brincat, du Groupe Socialiste Européen, nous paraît positif. Celui-ci analyse la nécessité d'une condamnation internationale du franquisme, qui ratifie la profonde illégalité de ce régime, et ses responsabilités; en ce qui concerne les autres propositions, nous nous en tenons à la présente déclaration.

Nous avons également pris connaissance de la présentation, le 21 Novembre 2005, de deux propositions de loi par le Groupe Parlementaire de la Gauche Républicaine Catalane (Esquerra Republicana), et du Groupe parlementaire de la Gauche Verte - la Gauche Unie - Initiative pour les Verts de Catalogne. Les deux ont mérité notre analyse, et sans être réalisée en détails, nous avons considéré ce qui suit sur les questions de fond des deux propositions.

I) Projet de loi sur la Mémoire Historique Républicaine et Antifasciste présenté par le groupe parlementaire Esquerra Republicana.

1) Nous considérons que c'est le premier projet qui a été présenté au parlement espagnol pendant la période démocratique instaurée par la constitution en vigueur, qui concorde avec le droit international humanitaire, avec le droit international des droits de l'Homme et avec le droit européen, et qui prend en compte, de fait et bien qu'il n'y en ait aucune mention, les normes européeennes et onusiennes pour le traitement des victimes de violations graves des droits de l'Homme.

2) Les propositions juridiques prévues sont en accord avec les articles de la constitution qui prévoient l'application en droit interne espagnol des conventions internationales de droits de l'Homme et de droit international en général.

3) Il prend en compte la définition pénale de « crimes contre l'humanité », que nous considérons comme servant à inclure tous les types pénaux de crimes commis par le franquisme dans et au-delà des frontières de l'Etat espagnol.

4) Cela concorde avec la tradition du droit international propre des juristes espagnols antérieurs au coup d'Etat de 1936, en ce qui concerne la reconnaissance de la typologie en droit international de ce type de délits, et qui concorde également avec le récent développement du droit interne espagnol apaisé par les jugements de la Audiencia Nacional, le tribunal suprême et le tribunal constitutionnel, relatifs à ce type de délits.

5) Il comprend dans son développement la presque totalité des questions traitées dans le « plan d'action » du rapport « La question de l'impunité en Espagne et les crimes franquistes », bien que, étant donné la nature des multiples questions en cours, on devra faire spécialement attention au développement réglementaire nécessaire pour inclure les questions qui n'ont pas été traitées dans le Plan d'action du rapport; à cette fin, il faut compter avec les associations de victimes du franquisme et de la deuxième guerre mondiale .

6) Nous considérons également que le « projet de loi sur la Mémoire Historique Républicaine et Antifasciste » est un point de référence minimal pour les questions pendantes, qui doit être pris en compte par les nombreux groupes parlementaires démocratiques et par le gouvernement, afin qu'il puisse être discuté et approuvé par les Cours Générales.

II) Projet de Loi de promotion de la récupération et de l'encouragement de la Mémoire et de la Culture Démocratiques, présenté par le groupe parlementaire de Gauche Verde - Gauche Unie - Iniciative pour les verts de Catalogne.

7) Nous remercions le Groupe parlementaire de la Gauche Verte - la Gauche Unie - initiative pour les verts de Catalogne d'avoir eu l'intention de faire pression législativement sur le Gouvernement avec la présentation de ce projet de loi.

8) Nous devons cependant avertir qu'il n'est pas en conformité, ni avec le droit international humanitaire, ni avec le droit européen.

9) Le développement du projet de loi dans sa forme actuelle est sous le seuil légal prévu par la constitution espagnole en vigueur par rapport à l'application en droit interne espagnol des conventions internationales de droits de l'Homme et de droit international. Le dit projet ne prend pas en compte le développement récent du droit interne par la Audiencia nacional, le tribunal suprême et le tribunal constitutionnel.

10) Il ne considère pas la définition pénale de « crimes contre l'humanité », ce qui nous incite à croire qu'il ne permet pas l'application des types pénaux des crimes commis pas le franquisme dans et au-delà des frontières de l'Etat espagnol.

11) Il n'inclut pas la majorité des questions adressées dans le « plan d'action » du document « La question de l'impunité en Espagne et les crimes franquistes », à part la nullité des procès très sommaires qui, néanmoins, selon nous, manque de fondement suffisant et conforme aux tribunaux internes et internationaux.

12) Pour tout cela, nous nous voyons dans l'obligation morale de demander au groupe parlementaire de la Gauche verte - la gauche unie - Iniciative pour les verts de Catalogne de retirer sa proposition de loi et, dans le cadre parlementaire démocratique, d'arriver à un accord avec le groupe parlementaire de Esquerra Republicana, pour ne présenter qu'une seule proposition de loi.

III) A tous les parlementaires et partis avec représentation parlementaire.

13) Nous lançons un appel à tous les parlementaires démocratiques pour qu'ils agissent en conséquence et prennent en considération la nécessité d'apporter une solution législative à la grave question de l'impunité avant les crimes franquistes, afin de garantir l'effectivité du droit à la vérité, à la justice et à réparation.

14) Notre demande se fonde sur la souffrance d'une histoire commune de violations des droits de l'Homme, sur la conviction que l'accès effectif à la justice constitue le moyen unique de réparer les dommages occasionnés, de reconstruire les sociétés dévastées par l'infamie et le crime, et de restituer la dignité asservie, et sur la conviction que la vérité et la justice en matière de violations des droits de l'Homme sont le mécanisme le plus efficace pour que tout cela ne se reproduise plus.

15) Nous ratifions ce qui est exprimé dans la déclaration du premier janvier 2005 (intitulée "Archives et impunité"), où il est dit, dans le paragraphe 12) : « pour terminer, nous souhaitons exprimer une fois de plus que notre objectif en tant qu'organisations de droits de l'Homme, de libertés civiles et de victimes du franquisme, n'est en aucun cas la vengeance, ou la restauration du discours dialéctique d'ami-ennemi ou de la guerre, mais la nécessité que la réconciliation de tous les espagnols soit menée à bien dans un cadre de justice et de respect des droits de l'Homme et des libertés civiles, qui sont possibles seulement avec l'application des principes de vérité, justice et réparation qui mettront un terme au modèle d'impunité existant.

Madrid, le 26 novembre 2005

Signataires (par ordre alphabétique) :

  • afarIIREP : (association de familles et amis des victimes du franquisme, militants de la seconde république) ; Ana Viéitez Gómez, présidente et Juan Gallego, vice président.
  • Agrupación Gragero de León, Mario Osorio, secrétaire.
  • Associacion pour la création d'Archives de la Guerre Civile, les Brigades Internationales, Les Enfants de la Guerre, la Résistance et l'Exil Espagnol. AGE (Archives de Guerre et Exil), Dolores Cabra, secretaire générale.
  • Association Manuel Azaña, Isabelo Herreros, président.
  • Association Memoria Histórica Asturiana, Marisa Marinez Caldevilla présidente et Víctor Luis Alvarez, Porte parole.
  • Association Salamanca pour la Memoire et la Justice, Fermín Sánchez Martín, secretaire.
  • Disparus de la guerre civile et de l'exil républicain, DESPAGE. Antonio Cruz González, Coordinateur.
  • Equipo Nizkor, Gregorio Dionis, président
  • Forum pour la Mémoire, José María Pedreño, président.
  • Fondation Luis Bello, José Esteban, président.
  • Institut Republicain de Droits de l'Homme, Félix Rodríguez Sanz, secretaire.

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small logoThis document has been published on 16Dec05 by the Equipo Nizkor and Derechos Human Rights. In accordance with Title 17 U.S.C. Section 107, this material is distributed without profit to those who have expressed a prior interest in receiving the included information for research and educational purposes.