EQUIPO NIZKOR
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19juin08

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Une plainte a été déposée pour juger quatre membres des SS Totenkopf-Sturmbann qui ont servi dans des camps de concentration où des milliers d'Espagnols ont été exterminés.


Une plainte a été déposée devant l'Audiencia Nacional espagnole afin de demander aux États-Unis la remise de quatre membres de l'organisation criminelle SS Totenkopf-Sturmbann (Johann Leprich, Anton Tittjung, Josias Kumpf et Iwan - John - Demjanjuk) pour qu'ils soient jugés par la justice espagnole.

I - PRÉSENTATION.

Une plainte au pénal a été présentée en nom et place de plusieurs rescapés espagnols et parents de victimes espagnoles du régime national-socialiste au registre de l'Audiencia Nacional à 13 heures 40 (UTC/GMT+1), le 19 juin 2008.

Ces citoyens arrivent, pour la première fois en 60 ans, à faire valoir leurs droits devant la justice de l'État espagnol qui, jusqu'à maintenant, ne les a pas reconnues comme des victimes et, dans la majorité des cas, ne leur a même pas restitué la nationalité espagnole. Ces personnes ont même été contraintes de plaider leur cause devant la justice espagnole en utilisant la nationalité que leur avaient accordée des pays tels que la Belgique, l'Autriche ou la France.

Les premiers plaignants sont : David Moyano, rescapé de Mauthausen, né en Espagne, ancien combattant français et actuellement de nationalité Belge ; Silvia Dinhof-Cueto de nationalité autrichienne, fille de Víctor Cueto, rescapé asturien de Mauthausen, aujourd'hui décédé. Silvia Dinhof-Cueto est membre de l'Association Commémorative des Républicains espagnols en Autriche; Jésus de Cos Borbolla, de nationalité espagnole, dont le père, Donato de Cos Gutiérrez, a été fait prisonnier dans la poche de Dunkerque et exterminé à Gusen, sous-camp de Mauthausen ; Concha Ramirez Naranjo, de nationalité espagnole, dont le mari, Gabriel Torralba, a été interné à Auschwitz et par après transféré au camp de concentration de Flossenbürg, où il a été libéré par les troupes américaines. A ces personnes s'ajoute Aurore Gutiérrez, de nationalité française, dont le grand-père Augustín Puente Lavin et deux oncles, Marcos Puente Izaguirre et Francisco Elías Puente Izaguirre, ont été exterminés à Sachsenhausen.

Étant donné le type de procédure entamée, les victimes espagnoles des Camps de Concentration (KL - Kozentrationslager) de Mauthaussen, Sachsenhausen et Flossenbürg sont particulièrement représentées dans cette affaire.

L'introduction de cette plainte, préparée et dirigée sur le plan stratégique par Equipo Nizkor, a reçu le soutien de nombreuses organisations de victimes du franquisme et de victimes des camps de concentration nationaux-socialistes.

La plainte introduite se base, entre autres, sur les preuves qui ont soutenu le jugement du Tribunal militaire international de Nuremberg. En 1946, ce Tribunal a conclu que la SS, y compris le Bataillon des têtes de mort (SS Totenkopf-Sturmbann), était une organisation criminelle impliquée, parmi d'autres délits, dans « la persécution et l'extermination de juifs, dans des actes de brutalité et des assassinats perpétrés dans des camps de concentration, dans des abus de pouvoir lors de l'administration des territoires occupés, dans l'administration du programme de travaux forcés et dans le mauvais traitement et l'assassinat de prisonniers de guerre ».

II - BREVE DESCRIPTION DES CAMPS DE CONCENTRATION QUI FIGURENT DANS LA PLAINTE

KL MAUTHAUSEN

Depuis mai 1938, Mauthausen, situé à quelques kilomètres de la ville de Linz (Autriche), abritait un camp de concentration. Ce camp est passé par deux phases distinctes au cours de la période où il était en activité. Au cours de la première phase, comprise entre mai 1938 et fin 1942/début 1943, il sert de camp d'internement et le travail effectué par les prisonniers fait partie de leur peine. La seconde phase, comprise entre fin1942/début1943 et la fin de la guerre, se caractérise par une augmentation importante du nombre de prisonniers, par la création de nombreux sous-camps et par l'utilisation de prisonniers internés dans la plupart de ces sous-camps pour l'industrie de guerre allemande.

Au début, les prisonniers du KL Mauthausen viennent principalement d'Allemagne et d'Autriche. La plupart d'entre eux ont été arrêtés après l'Anschluss (occupation nazie de l'Autriche). Plus tard, les personnes incarcérées au complexe de Mauthausen sont déportées à cet endroit en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur tendance politique. Les prisonniers incarcérés à Mauthausen se composent  de prisonniers de guerre russes, britanniques et américains ; d'opposants politiques au régime nazi venant Yougoslavie, de Pologne, de l'Union Soviétique, d'Espagne et de nombreux autres pays européens ; et de juifs. Des Espagnols ont été internés à Mauthausen dès le début de la seconde guerre mondiale.

Le fonctionnement du camp de concentration de Mauthausen est confié exclusivement au Bataillon des SS Totenkopf. Le 2 janvier 1941, une directive classant les camps de concentration en trois catégories est publiée. Mauthausen figure dans la troisième catégorie, la plus sévère de toutes. Le but du décret est clair : toutes les personnes considérées hostiles au régime nazi pour des raisons politiques, ethniques ou d'une autre nature peuvent être internées dans un camp de concentration de niveau trois et doivent être traitées avec très grande sévérité; c.-à-d. être exploitées jusqu'à la mort. Même les prisonniers de guerre ne peuvent pas en sortir vivants.

Au cours de la période comprise entre la création du camp et sa libération par les troupes américaines, des centaines de milliers de prisonniers venant de nombreux pays européens et non européens subissent des conditions d'internement mortelles et sont torturés par les SS. La plupart d'entre eux n'ont pas survécu.

Selon les preuves présentées devant différentes instances judiciaires - principalement devant le Tribunal international militaire pour la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l'Axe (le Tribunal de Nuremberg), ou devant celui de 1967 connu sous le nom de jugement de Cologne -, on sait que plus de 7.000 Espagnols ont été internés dans ce camp. Parmi eux, 4.300 ont été exterminés. La plupart avaient été arrêtés à partir de 1940 par les troupes SS en France.

Les registres des Totenbuch (Livres des Morts) de Mauthausen, sauvés de la destruction et mis à la disposition de la commission américaine, qui entreprit des recherches sur les crimes commis dans ce camp, sont les seuls documents dans lesquels apparaissent les noms de seulement quelque quatre cent Espagnols exécutés sur les milliers d'autres qui y ont été exterminés.

KL SACHSENHAUSEN

Sachsenhausen est un des camps de concentration permanents, construits à l'origine en Allemagne après juillet 1934. Les autres grands camps de concentration situés en Allemagne sont Dachau, Buchenwald et Ravensbruck, auxquels s'ajoute Mauthausen, situé dans l'Autriche occupée. Près du camp de concentration de Sachsenhausen se trouvait avant un centre de détention sur les mêmes terrains, connu sous le nom d'Oranienburg. Un mois après son accession au pouvoir en Allemagne en janvier 1933, Hitler convainc le Président de la République de Weimar de signer un décret d'exception suspendant les droits civils assurés par la Constitution. Les nazis sont autorisés à emprisonner leurs opposants politiques. Parmi les emplacements les plus appropriés et à leur disposition, figuraient les installations situées à quelque trente kilomètres au nord de Berlin, dans la ville d'Oranienburg. En juillet 1934, il acquiert le statut de camp de concentration permanent, dépendant de l'Inspection des Camps de Concentration (I.K.L), et en 1936 il reçoit le nom de Sachsenhausen et est choisi comme siège de l'inspection générale des camps de concentration.

Sachsenhausen est le premier camp de concentration à recevoir un grand nombre de déportés provenant de France. L'année 1943 débute avec la mise en marche de l'opération appelée Meerschaum, conformément aux ordres de Himmler, Reichsführer-SS et chef de la police allemande, qui consistaient à mener à bien des transferts massifs vers des camps de concentration. Le Frontstalag 122 de Royallieu en Compiègne (Oise) se transforme en un camp d'internement pour les victimes de la Schutzhaft, qui seront par après déportées vers les camps de concentration du Grand Reich.

À partir du 24 janvier 1943, un premier convoi partant de la gare de Compiègne est organisé. Une partie des internés qui étaient dans ce convoi sont enregistrés le jour suivant dans le camp de concentration de Sachsenhausen. Plusieurs ressortissants espagnols sont enregistrés le 25 janvier 1943. On retrouve aussi des ressortissants espagnols dans d'autres convois partant de Compiègne ce même printemps.

Parmi les prisonniers politiques espagnols du camp de Sachsenhausen il est nécessaire de citer le nom de Francisco Largo Caballero, dirigeant historique du PSOE et de l'UGT qui a été successivement Ministre du Travail, Chef de Gouvernement et Ministre de la Guerre sous la seconde République espagnole. Largo Caballero survécut à la libération du camp, bien que dans un état de santé très précaire, et mourut à Paris le 23 mars 1946.

KL FLOSSENBÜRG

Le camp de Flossenbürg est créé en 1938 près du village allemand du même nom, à quelque treize kilomètres de Weiden. Les Allemands choisissent de l'implanter dans les collines champêtres situées près de l'actuelle frontière avec la République tchèque en raison de la proximité d'importantes carrières de granit. La principale activité économique du camp pendant les premières années est, par conséquent, l'extraction de la pierre, travail ô combien exténuant. Les carrières continuent à fonctionner même après qu'un nombre croissant de prisonniers est utilisé pendant la guerre pour la production de pièces aéronautiques pour Messerschmidt.

Le 25 juin 1943, le camp principal de Flossenbürg abrite 3.900 prisonniers. À la fin de cette même année, ce chiffre a plus que doublé (environ 8.000 prisonniers). Le 1er mars 1945, le nombre de prisonniers double à nouveau, jusqu'à atteindre les 15.445, même si le chiffre total (en incluant les nombreux sous-camps de Flossenbürg) est plus de trois fois supérieur, ce qui représente 52.527 prisonniers.

L'emplacement physique de Flossenbürg, étroitement flanqué de collines, complique la construction de nouvelles grandes baraques pour recevoir de nouveaux prisonniers. Par conséquent, les prisonniers sont de plus en plus entassés. L'entassement des prisonniers, les mauvaises conditions d'hygiène, la dureté du climat et la présence de poux, contribuent de manière significative à la propagation de maladies épidémiques. Les rares rations alimentaires, peu nutritives, favorisent la malnutrition. Pendant les derniers mois de la guerre, la pénurie d'aliments contribue davantage à la réduction des rations.

Tout comme d'autres camps de concentration, Flossenbürg avait son propre Bataillon SS Totenkopf. Au commandement de cette unité se trouvait l'Untersturmführer SS Bruno Skierka. Ses activités lui ont valu une condamnation à mort (postérieurement commuée) devant un tribunal militaire nord-américain après la guerre.

Le 1er janvier 1945, Flossenbürg et ses sous-camps (stalags) comptent au total 3.046 gardes (y compris 521 surveillantes), chargés d'empêcher l'évasion des 40.437 prisonniers du camp (y compris 11.191 femmes). Ces chiffres montrent une moyenne d'un garde pour treize prisonniers.

Au départ, Flossenbürg est un camp pour hommes, bien qu'au cours de la guerre plusieurs sous-camps pour femmes y sont ajoutés. Les Allemands y incarcèrent aussi quelques prisonnières politiques qu'ils obligent à travailler dans le bordel du camp, situé près de la prison.

Flossenbürg n'était pas non plus à l'origine un camp pour prisonniers politiques. Il abritait les personnes jugées asociales et les délinquants mineurs que la police poursuivait de manière active depuis la fin des années trente. Le camp abritait aussi un certain nombre de délinquants plus dangereux que la police considérait inaptes à être remis en liberté.

Cependant, les exigences de la guerre font affluer à Flossenbürg un nombre croissant de prisonniers politiques, tant allemands qu'étrangers, ainsi que des milliers de prisonniers de guerre soviétiques (la plupart d'entre eux sont systématiquement exécutés par les Allemands pendant les années 1941-42).

Quelques prisonniers de guerre alliés sont enfermés dans les cellules d'isolement. Le sous-officier des SS qui était au commandement de ces cellules entre juin 1944 et décembre 1944 se rappelait qu'à son arrivée il y avait là environ quinze fonctionnaires alliés, dont deux ont été exécutés en juin ou par la suite, à différentes occasions. Un prisonnier yougoslave qui travaillait là-bas se rappelait avoir vu treize cadavres nus pendus dans la cour de la prison vers la fin de la guerre, dont un avait tatoué sur la peau le mot anglais Mary. Un homme de la SS lui dit qu'il s'agissait d'américains et de britanniques. Un prisonnier autrichien a aussi rapporté avoir vu des prisonniers de guerre américains et anglais. Un prisonnier suisse qui avait été à son tour incarcéré dans la prison du camp depuis février 1944 a déclaré que les allemands ont amené des prisonniers de guerre américains et britanniques à Flossenbürg au printemps de 1944 et qu'ils les ont enfermés dans des cellules plongées dans le noir.

Entre 1938 et 1945, environ 30.000 prisonniers périssent à Flossenbürg, dont près des trois quarts meurent pendant les derniers mois de la guerre. En outre, les Allemands font continuellement affluer des personnes au camp - leur nombre pourrait avoir atteint les 1.500- pour exécuter des peines capitales extrajudiciaires ordonnées par l'Office central de sécurité du Reich. Parfois, les Allemands procèdent aussi des pendaisons publiques sur la place d'appel. Ainsi, en décembre 1944, ils pendent une personne devant un arbre de Noël en présence des prisonniers réunis pour l'occasion.

Selon un document américain postérieur à la guerre (Document Nuremberg N°393), 155 Espagnols, dont 60 furent exterminés, figurent parmi les prisonniers internés au KL Flossenbürg.

III) BREF COMPTE-RENDU DE LA PROCÉDURE CONCERNANT LES SS TOTENKOPF-STURMBANN ET DE LEUR MISE A DISPOSITION PAR LES ETATS-UNIS À DES PAYS TIERS POUR LEUR REMISE JUDICIAIRE

Johann Leprich

Leprich est né en 1925 à Birk en Roumanie. En novembre 1943 il devient membre de la Waffen SS et peu après commence comme garde en uniforme dans le KL de Mauthausen, en Autriche, où il servira jusqu'en avril ou mai 1944. A Mauthausen, Leprich intègre les SS Totenkopf-Sturmbann. Il prend part à la persécution des juifs, des gitans, d'autres groupes ethniques et de prisonniers politiques provenant de différents pays européens, dont l'Espagne. En juin 1945, Leprich est capturé par l'armée américaine et arrêté comme prisonnier de guerre jusqu'à ce qu'il soit libéré en juin 1946. Il garde secrètes les fonctions qu'il avait pendant la guerre et obtient illégalement la citoyenneté américaine.

En 1987 Johann Leprich est dénaturalisé, par décision de la Cour de district des États-Unis, District de l'est du Michigan.

Après sa dénaturalisation, Leprich se cache au Canada et aux États-Unis de 1987 à 2003. Le 1er juillet 2003, des agents fédéraux le trouvent dans un compartiment secret construit sous les escaliers de la cave de la maison où il vivait avec sa femme. Après sa capture en juillet 2003, le département de la justice américain introduit une plainte devant un tribunal de l'immigration en demandant sa déportation des États-Unis. Un juge de l'immigration accède à cette demande en novembre 2003. Cette décision est confirmée en mars 2004 par la Board of Immigration Appeals (commission chargée de l'interprétation et l'application des lois sur l'immigration).

En 2006, la Cour d'appel du sixième circuit des États-Unis a rejeté les recours de Leprich concernant sa dénaturalisation et sa déportation. Il a été placé en détention depuis son arrestation en 2003. Le 18 septembre 2006, il a introduit une autre action en habeas corpus. Il a été libéré le 16 octobre 2006 sur la base d'une jurisprudence de la Cour Suprême des États-Unis qui dit que, en général, on ne peut pas détenir de manière permanente les prisonniers qui sont en attente de déportation. Les tribunaux ont rejeté sa pétition en habeas corpus. Bien qu'on ait ordonné sa déportation vers la Roumanie, ou, au cas cela s'avérait impossible, vers Allemagne ou la Hongrie, aucun de ces pays ne l'a accepté. De ce fait, il vit encore aux États-Unis.

Le fait que Leprich ait appartenu aux SS Totenkopf et qu'il ait servi comme garde armé dans le camp de Mauthausen prouve sa participation aux actes de persécution, commis dans un but d'extermination, et sa participation à d'autres actes constituant des crimes contre l'humanité - incluant l'assassinat, l'extermination, l'esclavage, la déportation, la torture et d'autres actes inhumains - envers des ressortissants espagnols internés dans ce camp

Anton Tittjung

Tittjung s'engage dans la SS en octobre 1942 et restera dans cette organisation jusqu'à la fin de la guerre en 1945. Tittjung était aussi membre des SS Totenkopf-Sturmbann. Un listing de troupe élaboré par la SS en date du 26 juillet 1944 montre de manière claire et convaincante que Tittjung a servi comme garde armé. Ce listing indique qu'Anton Tittjung était membre de la Cinquième Compagnie du Bataillon Totenkopf de la SS destiné à Mauthausen et à Gross-Raming. Tous les gardes de prisonniers stationnés dans le complexe du camp de Mauthausen étaient membres du Bataillon Totenkopf.

Durant la période où Tittjung sert dans le camp de concentration, le nombre de morts à Mauthausen oscille entre 200 et 300 prisonniers par jour en 1943, et entre 350 et 400 par jour en 1944.

Tittjung est autorisé à entrer aux États Unis en 1952, et en 1973 obtient la citoyenneté, toujours en gardant secrète son appartenance aux SS Totenkopf. En 1990, la Cour de district des États-Unis, District de l'est du Wisconsin, a ordonné sa dénaturalisation sur la base des preuves de cette dissimulation.

En 1994, on ordonne sa déportation vers la Croatie, ordre ensuite ratifié par la Board of Immigration Appeals et la Cour d'appel du septième circuit des États-Unis. Mais il restera aux États-Unis, vu qu'aucun des pays prévus dans l'ordre ne l'accepte. Le fait que Tittjung ait appartenu aux SS Totenkopf et qu'il ait servi comme garde armé dans le camp de Mauthausen prouve sa participation aux actes de persécution, commis dans un but d'extermination, et sa participation à d'autres actes constituant des crimes contre l'humanité - incluant l'assassinat, l'extermination, l'esclavage, la déportation, la torture et d'autres actes inhumains - envers des ressortissants espagnols internés dans ce camp.

Josias Kumpf

La Cour de district des États-Unis, District de l'est du Wisconsin, par son jugement du 10 mai 2005, a procédé à la révocation de l'ordre du 9 mai 1964 par lequel Kumpf a obtenu la citoyenneté américaine. Le Tribunal a aussi révoqué le certificat de Naturalisation N° 8707719 qui lui avait été accordé à l'époque. Le Tribunal se base sur les faits suivants pour soutenir sa décision:

Kumpf, Allemand ethnique né en Yougoslavie, sert dans la Waffen SS allemande d'octobre 1942 à la fin de la guerre, en mai 1945. D'octobre 1942 à octobre 1943, il travaille comme garde armé à Sachsenhausen, où les nazis ont confiné, brutalisé et assassiné des milliers de prisonniers pour des raisons de race, de religion, de nationalité ou de conviction politique. Kumpf débute comme simple soldat puis obtient une promotion. Son salaire est assuré par les nazis qui lui donnent un uniforme SS, dont il fait usage; il porte le tatouage caractéristique de la SS. On l'entraine à utiliser des armes et à empêcher l'évasion des prisonniers, le cas échéant en leur tirant dessus. Kumpf travaille comme garde armé à Sachsenhausen. Il est au courant de l'existence de chambres à gaz à Sachsenhausen et il déclarera à ce sujet: J'ai entendu qu'ils mettaient les gens à l'intérieur et que c'était là que tout se terminait. Les gens ne sortaient pas de là, c'est cela que j'ai entendu. Les nazis donnent plusieurs permissions à Kumpf, pendant lesquelles il visite Berlin et rend aussi visite à sa famille en Yougoslavie.

Vers octobre 1943, les nazis transfèrent Kumpf et d'autres gardes au camp d'entraînement de la SS à Trawniki, en Pologne occupée. Ce camp était administré conjointement par la SS et la police allemande. Les SS administraient aussi un camp de travail adjacent où 8000 juifs, dont au moins 400 enfants, étaient détenus prisonniers.

À la fin de la guerre, les soviétiques le capturent et le font prisonnier de guerre. A ce moment-là, Kumpf se sépare de son uniforme de SS et fait effacer son tatouage à l'acide pour éviter que les soviétiques ne l'identifient comme SS. A sa libération, il réunit sa famille dans un camp pour déplacés en Autriche. En 1956 il introduit une demande de visa sous le couvert du Refugee Relief Act, en déclarant que de 1942 à 1945 il avait servi dans : « L'armée allemande : Allemagne, Pologne, France ». Il garde secrète son appartenance à la SS et obtient la citoyenneté américaine en 1964.

Le 1er Juin 2006, le Bureau de Recherches Spéciales du Département de Justice (OSI) a entamé la procédure de déportation contre Josias Kumpf. Cette procédure a été précédée par sa dénaturalisation, prononcée par la Cour de district des États-Unis, District de l'est du Wisconsin, le 10 mai 2005. Le Tribunal a révoqué sa citoyenneté, en concluant qu'il l'avait obtenue de manière illégale.

Le 3 janvier 2007, le Tribunal de l'immigration de Chicago, dans l'Illinois, a ordonné la déportation de Kumpf vers l'Allemagne. Dans le cas où l'Allemagne ne serait pas disposée à l'accepter, il serait déporté vers l'Autriche, la Serbie, ou vers tout autre pays qui l'accepte. Cet ordre a été ratifié par la Board of Immigration Appeals le 22 mai 2008. Les recours disponibles n'ont pas encore été épuisés |1|.

Le fait que Kumpf ait appartenu aux SS Totenkopf et qu'il ait servi comme garde armé dans le camp de Sachsenhausen prouve sa participation aux actes de persécution, commis dans un but d'extermination, et sa participation à d'autres actes constituant des crimes contre l'humanité - incluant l'assassinat, l'extermination, l'esclavage, la déportation, la torture et d'autres actes inhumains - envers des ressortissants espagnols internés dans ce camp.

Iwan ou John Demjanjuk

Iwan Demjanjuk commence à travailler pour les Allemands en tant que garde auxiliaire dans le camp d'entraînement de Trawniki au milieu de 1942. Peu après son arrivée, il reçoit le numéro d'identification 1393 de Trawniki et l'administration du camp crée pour lui la Dienstausweis nº1393. A Trawniki, Demjanjuk reçoit à un uniforme et un fusil et suit également un entraînement.

Par après, il reçoit le rang de Wachmann. Le 22 septembre 1942, il est transféré à la ferme Okzow, où il travaille comme garde. Après avoir occupé ce poste, il retourne à Trawniki pour être assigné au camp de concentration de Lublin, communément connu sous le nom de Majdanek, où il travaille au cours de l'hiver 1942-43. A Majdanek, Demjanjuk surveille les prisonniers et empêche leur évasion.

Après avoir occupé ce poste à Majdanek, Demjanjuk retourne à Trawniki. Le 26 mars 1943, les Allemands l'assignent au détachement spécial de la SS à Sobibor. Il arrive à Sobibor le 26 ou 27 mars 1943, et travaille dans ce camp un certain temps. Pendant son service à Sobibor, Demjanjuk surveille les prisonniers et empêche leur évasion. Il prend également part au processus d'extermination, pour lequel le camp de Sobibor avait été créé. Par après, il retourne de nouveau à Trawniki.

Le 1er. octobre 1943, les Allemands le transfèrent au KL de Flossenbürg, où il travaillera au moins jusqu'au 10 décembre 1944 (c.-à-d. au moins pendant quatorze mois). Son rôle dans ce camp consiste à surveiller les prisonniers et à empêcher leur évasion.

Quatre documents distincts provenant de deux archives différentes démontrent que Demjanjuk a servi comme garde dans le camp de Flossenbürg. Le premier document est une autorisation de transfert, datée du 1e. octobre 1943 et remise par le camp d'entraînement de la SS de Trawniki aux autorités du camp de concentration de Flossenbürg. Par cette autorisation, 140 gardes, dont le Wachmann Iwan Demianjuk, né le 3 avril 1920, seront assignés à Flossenbürg. La copie qui a survécu est une copie de carbone sans rubrique dans laquelle figure toutefois l'expression pour rester, écrite au crayon rouge, apparemment pour informer le bureau du personnel de Trawniki que ces hommes n'allaient pas revenir au camp. Le deuxième document est un registre d'armes de Flossenbürg, daté du 1er. avril 1944, dans lequel il est indiqué que le "Wachmann Demianiuk" a reçu un fusil, modèle 24 (t), numéro de série D 6255, le 8 octobre 1943. Dans un registre séparé, il est indiqué que Demianiuk avait aussi reçu une baïonnette, modèle 1101 (t), numéro de série B E/26, le même jour. Le registre est signé par le SS Unterscharführer Ebert, en tant qu'armurier du camp, et du SS Obersturmführer (Lieutenant) Ludwig Lutz Baumgartner, fonctionnaire craint par les internés et adjoint du commandant. Le troisième document est un tableau de services, daté du 3 octobre 1944, qui détaille les services de garde du jour suivant. Ce tableau, signé par le commandant du Bataillon des SS Totenkopf à Flossenbürg, l'Untersturmführer des SS Bruno Skierka, indique qu'on assigne à Demenjuk 1393 la surveillance du détachement de construction du bunker et pour ce faire on l'arme d'un fusil. Le quatrième document est un listing de 117 hommes de Trawniki identifiés par leurs rangs, incluant le Wachmann Demenjuk, nº 1393. Outre ces quatre documents qui datent de la guerre, on dispose également de la déclaration, effectuée après la guerre, d'un ancien garde de Flossenbürg qui affirme que Demjanjuk était un de ses collègues au sein du camp.

Demjanjuk a été dénaturalisé par décision du 21 février 2002 de la Cour de district des États-Unis, District du Nord de l'Ohio, confirmée par la Cour d'appel du sixième circuit des États-Unis en date du 30 avril 2004.

Le 28 décembre 2005 l'ordre de déportation de Demjanjuk vers l'Ukraine ou, en cas de refus, vers l'Allemagne ou la Pologne, a été émis. Le 21 décembre 2006 la Board of Immigration Appeals a rejeté l'appel interposé par Demjanjuk et a ratifié la décision du juge d'immigration. Le 30 janvier 2008, la Cour d'appel du sixième circuit des États-Unis a refusé sa demande de révision et, le 19 mai 2008, la Cour Suprême des États-Unis n'a pas accédé à la demande à Demjanjuk.

Le fait que Leprich ait appartenu aux SS Totenkopf et qu'il ait servi comme garde armé dans le camp de Flossenbürg prouve sa participation aux actes de persécution, commis dans un but d'extermination, et sa participation à d'autres actes constituant des crimes contre l'humanité - incluant l'assassinat, l'extermination, l'esclavage, la déportation, la torture et d'autres actes inhumains - envers des ressortissants espagnols internés dans ce camp.

IV. COMPÉTENCE DE LA JUSTICE ESPAGNOLE

Des milliers d'espagnols ont été déportés dans des camps nationaux-socialistes durant la seconde guerre mondiale. Mauthausen, Sachsenhausen et Flossenbürg figurent parmi ces camps. Dans ces camps, des prisonniers de nationalités très diverses, y compris des Espagnols, ont été systématiquement persécutés pour ensuite être exterminés.

Les personnes représentées dans cette plainte sont d'anciens prisonniers et des parents directs d'anciens prisonniers du camp de Mauthausen, de Sachsenhausen et de Flossenbürg, qui demandent la protection des tribunaux espagnols pour la poursuite pénale des responsables des faits dont ils firent l'objet.

Dans son arrêt Nº 327/2003 du 25 février 2003, la Cour Suprême a voulu délimiter la portée de la compétence extraterritoriale de la justice espagnole,à la suite de crimes graves commis contre la population civile au Guatemala.

La décision du 13 décembre 2000 de la chambre pénale en séance plénière de l'Audiencia Nacional, qui ordonnait le classement de la plainte relative à cette affaire, a été pourvue en cassation devant la Cour Suprême. La chambre pénale en séance plénière de la Cour Suprême a pris en partie en considération le pourvoi en cassation et a confirmé la juridiction de la justice espagnole, mais uniquement pour la poursuite des faits dénoncés contre des citoyens espagnols.

La Cour Suprême déclare que « [U]ne partie importante de la doctrine et plusieurs instances judiciaires nationales sont enclines à reconnaître l'importance que pourrait constituer, à cet effet, l'existence d'un lien avec les intérêts nationaux, qui légitimerait la juridiction d'un Etat, dans le cadre du principe de justice universelle… » Selon la Cour Suprême, «la nationalité des victimes pourrait ici constituer ce lien». Il conclut en disant que « en ce qui concerne les victimes de nationalité espagnole…, la justice espagnole détient la juridiction pour enquêter sur les coupables présumés  et pour les mettre en accusation». 

Ce point de rattachement, requis par la Cour Suprême et qui limite la portée de la juridiction universelle, a été ensuite soumis à la considération de la Cour Constitutionnelle espagnole, qui l'a jugé contraire aux principes qui régissent ce type de crimes graves.

De cette manière, la Cour Constitutionnelle, dans son arrêt du 26 septembre 2005, affirme que l'art. 23.4 de la loi organique relative au pouvoir judiciaire donne, en principe, une portée très vaste au principe de justice universelle, puisque la seule limitation expresse qu'elle introduit en ce qui la concerne est celle de la res iudicata ; c'est-à-dire, le fait que le délinquant n'ait pas été absous, gracié ou condamné à une peine, à l'étranger. En d'autres termes, si l'on s'attache au sens littéral du précepte, ainsi qu'à la voluntas legislatoris, on en conclu que la loi organique relative au pouvoir judiciaire instaure un principe de juridiction universelle absolu, c'est-à-dire, qui n'est pas soumis à des critères restrictifs de correction ou procédure, et dénué d'ordre hiérarchique en ce qui concerne les autres règles d'attribution de la compétence, puisque, contrairement aux autres critères, celui de justice universelle se base sur la nature particulière des infractions qui font l'objet de poursuite.

En outre, le jugement N° 16/2005 du 19 avril 2005, prononcé dans l'affaire Adolfo Scilingo, expose clairement, dans les antécédents de l'affaire, ce qui suit : En date du 28 juin 1996 est dicté l'arrêt par lequel est déclarée la compétence de la juridiction espagnole pour connaître des délits dénoncés, et qui ordonne, entre autres, de demander au ministère des affaires étrangères la communication des informations sur les Espagnols ou les personnes d'origine espagnole assassinés ou disparus en Argentine entre 1976 et 1983, et ordonne également de fournir des informations sur les procédures judiciaires qui auraient été entamées pour ces faits, demandant, au passage, l'envoi d'une commission rogatoire aux autorités argentines ».

Cela signifie que la compétence de la juridiction espagnole pour connaître des faits délictueux commis hors du territoire national en 1996, a été accordée de par l'existence de victimes espagnole dans ce pays, comme il est déclaré dans le jugement du 19 avril 2005 susmentionnée.

Dans ce même jugement, il a été déclaré que : 610 victimes de nationalité espagnole et fils et petits-fils d'Espagnols ont été parfaitement identifiées dans le procès.

Au niveau européen, l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité et son application rétroactive a été ratifiée par l'arrêt de la Section IV de la Cour européenne des droits de l'homme le 17 janvier 2006 (affaire Kolk et Kislyiy c.Estonie), dans lequel cette Cour réaffirme ce qui suit :

« Les crimes suivants sont imprescriptibles, quelle que soit la date à laquelle ils ont été commis : […] b) Les crimes contre l'humanité, qu'ils soient commis en temps de guerre ou en temps de paix, tels qu'ils sont définis dans le Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945 et confirmés par les résolutions 3 (I) et 95 (I) de l'Assemblée générale l'Organisation des Nations, en date des 13 février 1946 et 11 décembre 1946, l'éviction par une attaque armée ou l'occupation et les actes inhumains découlant de la politique d'apartheid, ainsi que le crime de génocide, tel qu'il est défini dans la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, même si ces actes ne constituent pas une violation du droit interne du pays où ils ont été commis. »

Par conséquent, nous considérons qu'il n'y a aucun obstacle lié à la procédure ni au fond, qui empêche l'État espagnol de répondre à ses obligations devant le droit international, devant les victimes espagnoles et devant les victimes du régime national-socialiste pendant la seconde guerre mondiale, qui ont été exterminées dans les camps de concentration de Mauthausen, Sachsenhausen et Flossenbürg et qui demandent la remise formelle par les Etats-Unis de Johann Leprich, Anton Tittjung, Josias Kumpf et Iwan ou John Demjanjuk afin de les mettre à la disposition de la justice.

Gregorio Dionis,
Président d'Equipo Nizkor

Charleroi (Belgique) et Madrid (Espagne), le 23 juin 2008


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Collaborateur pour cette affaire à Israël :
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Notes :

1. Au moment de la mise en ligne de la présente description de d'affaire, l'ordre de déportation de Josias Kumpf est devenu définitif. [Retour]


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