Informations
Equipo Nizkor
        Bookshop | Donate
Derechos | Equipo Nizkor       

26mai15

English | Español


Lacunes existant dans l'utilisation de renseignements préalables concernant les voyageurs et recommandations pour élargir l'utilisation de ces renseignements afin d'endiguer le flot de combattants terroristes étrangers


Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2015/377

Distr. générale
26 mai 2015
Français
Original : anglais

Lettre datée du 26 mai 2015, adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par la Présidente du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1373 (2001) concernant la lutte antiterroriste

Au nom du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1373 (2001) concernant la lutte antiterroriste, j'ai l'honneur de présenter au Conseil de sécurité un rapport intitulé « Lacunes existant dans l'utilisation de renseignements préalables concernant les voyageurs et recommandations pour élargir l'utilisation de ces renseignements afin d'endiguer le flot de combattants terroristes étrangers », qui a été établi en réponse à la demande formulée dans la déclaration du Président du Conseil de sécurité en date du 19 novembre 2014 (S/PRST/2014/23).

Le Comité vous serait reconnaissant de bien vouloir porter le texte de la présente lettre et du rapport à l'attention des membres du Conseil de sécurité et de le faire distribuer comme document du Conseil.

La Présidente du Comité du Conseil de sécurité
créé par la résolution 1373 (2001)
concernant la lutte antiterroriste
(Signé) Raimonda Murmokaité


Lacunes existant dans l'utilisation de renseignements préalables concernant les voyageurs et recommandations pour élargir l'utilisation de ces renseignements afin d'endiguer le flot de combattants terroristes étrangers

I. Résumé analytique et introduction

1. Le présent rapport contient un examen de l'utilisation qui est faite des renseignements préalables concernant les voyageurs (RPCV) par les États Membres, dont l'objectif est le recensement des lacunes existantes et des moyens qu'il est nécessaire d'étoffer. Le 24 septembre 2014, en réponse à la menace que constituent les combattants terroristes étrangers pour la paix et la sécurité internationales, le Conseil de sécurité a adopté sa résolution 2178 (2014). Le Conseil y prie notamment les États Membres d'empêcher l'entrée sur leur territoire ou le transit par leur territoire d'individus dont on est fondé à penser que ce sont des combattants terroristes étrangers (par. 8) |1|. Au paragraphe 9, le Conseil invite les États Membres à exiger des compagnies aériennes opérant sur leur territoire qu'elles communiquent à l'avance aux autorités nationales compétentes des informations sur les passagers afin de détecter le départ de leur territoire, ou la tentative d'entrée sur leur territoire ou de transit par leur territoire, à bord d'appareils civils, de personnes désignées par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999) et 1989 (2011) concernant Al-Qaida et les personnes et entités qui lui sont associées.

2. Le 19 novembre 2014, afin de préciser la nature des obligations qu'il avait arrêtées dans sa résolution, le Conseil de sécurité a publié une déclaration de son président dans laquelle, entre autres, il a prié la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme de procéder à une analyse des lacunes existant dans l'utilisation par les États Membres de renseignements préalables concernant les voyageurs et de formuler des recommandations pour élargir l'utilisation de ces renseignements (S/PRST/2014/23). Le présent rapport est remis en réponse à cette demande.

3. Dans sa forme la plus simple, le système RPCV est un système de communications électroniques grâce auquel on recueille auprès d'une compagnie aérienne les données biographiques d'un passager et les renseignements de base relatifs à un vol. Généralement, les données en question figurent dans le passeport du passager ou un autre document de voyage émis par son gouvernement. Le plus souvent, elles sont transmises aux autorités douanières, qui effectuent diverses vérifications avant l'arrivée d' un vol.

4. Les systèmes RPCV sont similaires aux systèmes reposant sur la constitution de dossiers passagers [Passenger Name Records (PNR)], que le Conseil de sécurité a encouragé les États Membres à utiliser, mais ils s'en distinguent à certains titres. Le dossier passager contient des éléments d'information figurant sur le billet d'avion et relatifs à l'itinéraire complet d'un voyageur, recueillis par les systèmes de gestion des voyages lors de la réservation d'un/de vol(s). Ces données ne sont donc pas obtenues au moyen de la consultation d'un document de voyage émis par un gouvernement et il arrive par conséquent qu'elles ne contiennent pas certaines informations importantes pour l'identification, comme la date de naissance ou le sexe.

5. À l'heure actuelle, seuls 51 États Membres (soit un peu plus d'un quart des États Membres de l'ONU) utilisent un système RPCV, qui constitue pourtant un outil efficace pour refuser l'autorisation de voyager à des combattants terroristes étrangers comme à d'autres terroristes et individus engagés dans la criminalité transnationale organisée, en particulier lorsqu'il est utilisé conjointement avec les bases de données de l'Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL).

6. Afin d'illustrer les avantages potentiels que présentent les RPCV en ce qu'ils permettent d'intercepter des combattants terroristes étrangers et d'autres individus engagés dans des activités criminelles, on peut prendre l'exemple simple d'un individu voyageant par avion à travers le territoire d'un pays de transit pour participer, en tant que combattant étranger, à un conflit comme celui qui a lieu en République arabe syrienne. Dans les endroits où le système RPCV est utilisé, on peut recueillir des données sur le passeport de cet individu à son point de départ, au moment de l'enregistrement. Cette information sera alors vérifiée par les services de contrôle aux frontières, puis transmise aux autorités du pays de destination. Si ces vérifications font apparaître que le nom du voyageur figure sur une liste quelconque de personnes surveillées par INTERPOL, les autorités du pays d'arrivée ou de transit disposeront des renseignements nécessaires pour déterminer la marche à suivre - intercepter et interroger l'individu, ou le retenir pour le soumettre à un questionnement plus complet, selon les circonstances. En l'absence du système RPCV, il est peu probable que le voyage aérien de cet individu puisse être interrompu, aussi rejoindra-t-il les rangs des combattants en République arabe syrienne sans rencontrer d'obstacle.

7. L'utilisation limitée des RPCV tient à de nombreux facteurs. En premier lieu, les systèmes sont complexes et exigent donc un degré élevé de moyens et de compétences techniques. En outre, il existe de multiples types de système RPCV. Les compagnies aériennes doivent donc mettre en place divers systèmes et protocoles afin de communiquer dans tous les formats requis. En outre, l'acquisition, l'entretien, et l'exploitation de ces systèmes sont coûteux. Enfin, la collecte et l'utilisation d'informations relatives aux passagers suscitent parfois des préoccupations liées au droit au respect de la vie privée, aussi peut-il être souhaitable que les États mettent en place une réglementation et un dispositif de supervision adéquats.

8. Le présent rapport contient une description de la méthode utilisée par la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme pour recueillir des informations quant à l'utilisation des RPCV, un aperçu général des systèmes considérés et des divers types de système actuellement utilisés, ainsi qu'un examen de l'utilisation faite des dossiers passagers (PNR), système similaire aux systèmes RPCV, mais qui s'en distingue et pourrait être utilisé en complément, ce qui permettrait de mieux analyser les risques et d'arrêter une décision en toute connaissance de cause. Une analyse des lacunes recensées dans le cadre de l'utilisation des RPCV par les États Membres est ensuite présentée. Il est observé que seuls 51 États utilisent actuellement les RPCV, en dépit de la possibilité qu'ils offrent d'intercepter des combattants terroristes étrangers et, d'une manière générale, de renforcer la sécurité aérienne et aux frontières. En dernier lieu, sur la base de l'analyse des lacunes observées, la Direction exécutive formule des recommandations visant à élargir l'utilisation des RPCV et à renforcer leur efficacité pour les États Membres qui les utilisent déjà.

9. La Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (CCT) formule 12 recommandations correspondant aux lacunes et aux problèmes qu'elle a recensés, dans l'optique de l'élargissement de l'utilisation des RPCV par les États Membres. Elles visent à accroître le nombre total d'États qui y ont recours, comme l'a demandé le Conseil de sécurité dans sa résolution 2178 (2014), et à permettre à ceux qui les utilisent déjà d'en tirer tout le parti possible aux fins du renforcement de la sécurité.

10. D'une manière générale, les 12 recommandations visent à :

    a) Sensibiliser les États Membres à l'appel lancé par le Conseil de sécurité pour qu'ils mettent en œuvre des systèmes RPCV, ainsi qu'aux avantages potentiels qu'ils recèlent;

    b) Améliorer la collecte de renseignements en ce qui concerne l'utilisation des RPCV par les États Membres;

    c) Renforcer l'utilisation des RPCV en guise d'outils pour endiguer le flot de combattants terroristes étrangers;

    d) Constituer un recueil des bonnes pratiques en matière d'utilisation de RPCV;

    e) Obtenir que la Direction exécutive du CCT facilite l'élaboration de plans et de projets axés sur la mise en œuvre des systèmes RPCV;

    f) Encourager les donateurs à aider les États Membres à mettre en œuvre et à faire fonctionner les systèmes RPCV.

11. À la suite de l'adoption de ces recommandations par le Comité, sa Direction exécutive œuvrera en coopération étroite avec d'autres organisations internationales telles que l'Association du transport aérien international (IATA), l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l'Organisation mondiale des douanes (OMD). Elle tiendra également le Comité informé de l'état de la mise en œuvre des systèmes RPCV par les États Membres.

12. Il convient de noter que les RPCV ne suffisent pas pour empêcher des combattants terroristes étrangers de voyager. Il s'agit d'un outil parmi d'autres, qui peut être utilisé pour rendre plus difficile leurs déplacements. Une stratégie globale de gestion des frontières, visant à limiter les possibilités offertes à ces combattants de se rendre d'un État à un autre, devrait inclure d'autres éléments, comme une approche intégrée de la gestion des frontières; des contrôles effectifs aux frontières poreuses; des mesures adaptées aux méthodes consistant à fourvoyer les autorités (comme les itinéraires fractionnés - à savoir l'utilisation délibérée de techniques pour diviser des déplacements de longue distance en multiples segments de telle sorte qu'il devienne difficile d'établir l'itinéraire complet d'un voyageur ou son point de départ); l'utilisation améliorée et systématique du réseau mondial de communication d'INTERPOL, I-24/7, et de la base de données d'INTERPOL sur les documents de voyage volés; le recours éventuel par les services d'immigration à des contrôles d' identité parmi les passagers en transit; la mise en place de fonctionnaires de terrain chargés de réguler les mouvements de personnes à travers les frontières, à l'aide de renseignements et d'outils actualisés qui leur permettraient de procéder à des évaluations efficaces des risques, sur la base d'éléments factuels, et de procéder à des contrôles dans le but d'identifier les combattants terroristes étrangers.

II. Contexte et méthode

13. Le 6 février 2015, pour obtenir des informations aux fins de l'établissement du présent rapport, la Direction exécutive du CCT a adressé un questionnaire aux 47 États Membres dont elle savait - grâce à la base de données de l'IATA - qu'ils utilisaient alors les RPCV. Le principal objet du questionnaire était d'obtenir un tableau cohérent de la manière dont les systèmes RPCV sont actuellement utilisés à l'échelle internationale et de déterminer quelles lacunes peuvent être observées dans leur utilisation. Sept questions d'ordre général ont été posées aux États Membres, concernant les listes relatives aux sanctions et les listes de surveillance qu'elles mettaient en correspondance avec les RPCV, lorsque c'était possible, et sur la manière dont cette recherche de concordance était menée (voir annexe II). Du fait que la base de données de l'IATA est constituée à partir de déclarations volontaires, il était difficile de calculer le nombre exact d'États Membres qui avaient mis en œuvre des systèmes RPCV. Depuis la distribution du questionnaire, l'IATA a informé la Direction exécutive que quatre autres États Membres avaient déclaré utiliser les RPCV, ce qui porte à 51 le nombre total d'utilisateurs.

14. Vingt-trois des 47 États Membres ayant reçu le questionnaire y ont répondu : Antigua-et-Barbuda, Australie, Barbade, Canada, Chine, Dominique, États-Unis d' Amérique, Fédération de Russie, Grenade, Guyana, Jamaïque, Japon, Myanmar, Nouvelle-Zélande, Panama, Roumanie, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Suisse, Trinité-et-Tobago et Ukraine. Leurs réponses ont été exploitées dans le présent rapport. Compte tenu de l'intensification des activités liées aux terroristes dans le monde entier (y compris celles qui sont menées par les combattants terroristes étrangers qui, selon certaines estimations, seraient entre 15 000 et 20 000, voire 30 000) |2| et de l'adoption de sa résolution 2178 (2014) par le Conseil de sécurité, la marge d'amélioration existante, s'agissant de la communication par les États Membres d'informations à ce sujet, est importante.

15. Pour établir le présent rapport, la Direction exécutive du CCT a consulté l'Équipe d'appui analytique et de surveillance des sanctions créée par la résolution 1526 (2004) du Conseil de sécurité, ainsi que l'IATA, l'OACI, et le Stimson Center (groupe de réflexion spécialisé dans les questions liées aux RPCV).

III. Renseignements préalables concernant les voyageurs : un outil appréciable pour les contrôles aux frontières

16. Le concept de RPCV a été mis au point en 1993 par l'IATA et l'OMD face au développement spectaculaire des transports de passagers par voie aérienne. Les RPCV étaient censés améliorer l'efficacité des contrôles aux frontières, à l'arrivée et, le cas échéant, au départ, tout en réduisant la charge de travail des fonctionnaires chargés de protéger les points d'entrée et de sortie |3|. Compte tenu de l'intensification de la menace que fait peser le terrorisme, l'un des vecteurs de l'utilisation accrue des RPCV a été la nécessité de renforcer la sécurité aux frontières grâce à des alertes précoces lancées au sujet de personnes à surveiller qui se rendent dans un pays donné. En l'absence de tels renseignements, non seulement la sécurité aux frontières assurée par les gouvernements est compromise, mais la stratégie appliquée en l'espèce est dans une large mesure réactive, car la capacité des gouvernements de gérer les risques, de recueillir et d'analyser des renseignements, de suivre des tendances et d'échanger des informations relatives aux passagers avec d'autres pays s'en trouve notablement diminuée.

17. Un système RPCV est un système de communication électronique au moyen duquel on recueille auprès d' une compagnie aérienne les données biographiques d'un passager et les renseignements de base relatifs à un vol. Généralement, les données en question figurent dans le passeport du passager ou un autre document de voyage émis par son gouvernement. Grâce à leurs réseaux de communication, les compagnies aériennes transmettent alors les données aux autorités douanières du pays de destination, ou du pays d'origine, lorsque l'enregistrement des renseignements préalables concernant les voyageurs en partance est obligatoire, avant le départ du vol ou à l'arrivée à l'aéroport de destination. Une fois transmises, les données sont alors vérifiées par les services de contrôle aux frontières compétents, qui déterminent si le nom du passager figure sur les listes relatives aux sanctions et sur les listes de surveillance utilisées pour les contrôles d'immigration, douaniers et de sécurité. Si les données sont reçues avant le départ du vol, les services chargés des contrôles aux frontières peuvent également utiliser les RPCV comme outil de prise de décision afin d'aider les États Membres à déterminer si un passager peut être ou non autorisé à embarquer à bord d'un avion |4|.

18. Avant l'adoption de sa résolution 2178 (2014), le Conseil de sécurité n'avait pas invité les États Membres à exiger des compagnies aériennes opérant sur leur territoire qu'elles fournissent des RPCV. En application de l'annexe 9 à la Convention relative à l'aviation civile internationale, tout État contractant doit incorporer dans sa législation nationale l'obligation pour les systèmes de RPCV d'être conformes aux normes de transmission qui ont été arrêtées par la communauté internationale. L'annexe 9 dispose aussi que, lorsqu'ils font état des informations permettant l'identification d' un passager qui doivent leur être transmises, les États contractants ne doivent demander que les données lisibles à la machine figurant dans des documents de voyage susceptibles d'être utilisés à cette fin, et les informations requises doivent être conformes à certaines spécifications.

19. En 2013, l'IATA, l'OACI et l'OMD ont publié conjointement |5| une version actualisée des directives relatives aux renseignements préalables concernant les voyages, avec pour objectif d'arrêter des pratiques optimales auxquelles pourraient adhérer les États Membres et les compagnies aériennes souhaitant mettre en œuvre des systèmes RPCV |6|. Les directives en question fournissent un aperçu des données à communiquer qui représentent le maximum pouvant être exigé par les organismes chargés des contrôles aux frontières dans le pays de destination ou de départ (par. 1.6), et il y est recommandé que, lorsqu'ils demandent des données relatives à des passagers, les États Membres les limitent au minimum exigible en application de la législation nationale (par. 8.1.2).

IV. Systèmes par lots non interactifs et systèmes interactifs

20. La complexité des systèmes RPCV varie considérablement de l'un à l'autre, selon les coûts, les spécifications techniques et le degré de sécurité recherché. À cet égard, on peut diviser les systèmes RPCV en deux catégories distinctes : les systèmes par lots non interactifs et les systèmes interactifs. Chacune a des applications et un mode opératoire propres. Au niveau le plus simple, le système fonctionne de la manière suivante : une compagnie aérienne communique le manifeste contenant la liste des passagers aux services de contrôle aux frontières du pays de destination afin de leur donner la possibilité de procéder à des vérifications avant l'arrivée d' un vol. Les systèmes interactifs permettent des contrôles plus complexes, comme l'échange en temps réel des données relatives aux passagers entre le système informatique d'une compagnie aérienne et celui de l'organisme de contrôle aux frontières du pays de destination, ce qui rend possible l'identification des passagers présentant un risque élevé avant l'embarquement.

A. Systèmes par lots, non interactifs

21. Les systèmes RPCV par lots non interactifs permettent de couvrir l'ensemble des voyageurs et des membres d'équipage lors du processus d'enregistrement, les données recueillies étant alors transmises dans un message unique au moment du départ ou immédiatement après |7|. Toutefois, certains États exigent que les RPCV concernant l'équipage soient extraits, formatés et transmis dans un message distinct. Le gouvernement requérant reçoit généralement les RPCV bien avant l'arrivée du vol, de sorte que les services compétents disposent d'un laps de temps largement suffisant pour mettre en correspondance le manifeste et les listes relatives aux sanctions et les listes de surveillance avant l'atterrissage |7|. Du fait que les fonctionnaires des douanes disposent de tout le temps voulu pour procéder à des vérifications, ils passent au crible les correspondances étroites entre les noms de certains passagers et ceux qui figurent sur les listes afin d'identifier le plus précisément possible les passagers à surveiller, et ils procèdent à des vérifications complémentaires auprès de certains passagers si nécessaire. Cela réduit le risque de retenir ou de questionner inutilement des passagers après le débarquement. À l'arrivée, les fonctionnaires des douanes peuvent identifier les individus à surveiller, pour les interroger plus avant ou leur refuser l'entrée sur le territoire. Ce système offre aussi aux voyageurs l'avantage d'une procédure d'inspection efficace par les services de l'immigration, exécutée dans les meilleurs délais.

22. Bien que les systèmes RPCV par lots non interactifs présentent de toute évidence des avantages pour les passagers à leur arrivée dans le pays de destination, l'un des défauts de ces systèmes est leur moindre efficacité s'agissant du renforcement de la sécurité de l'aviation, car ils n'offrent qu'une possibilité limitée d'identifier et d'intercepter des passagers à haut risque avant le départ d'un vol.

B. Systèmes interactifs

23. En guise de substitution aux systèmes RPCV par lots non interactif, les États Membres peuvent adopter un système RPCV interactif, qui permet de recueillir des données sur les passagers au stade de l'enregistrement et de transmettre simultanément ces données aux organismes de contrôle compétents du pays de destination. Lorsque les données sont reçues par ces organismes, ils procèdent à une évaluation des risques en temps réel ou presque, qui leur indique si le passager peut être autorisé à embarquer où s'ils doivent procéder à d'autres vérifications |8|. Le système interactif peut être utilisé pour faire barrage au franchissement de frontières par des combattants terroristes étrangers et les empêcher, ainsi que d'autres passagers présentant un risque élevé, de monter à bord d'un avion. Il fonctionne donc à la fois comme outil de sécurisation des frontières pour le pays de destination et comme gage de sécurité pour l'aviation.

24. Les systèmes interactifs sont beaucoup plus complexes que les systèmes par lots non interactifs et font donc appel à des protocoles de réseau plus détaillés |9|. En raison des coûts et de la complexité technique de l'établissement et de la mise en œuvre d'un système interactif, rares sont les pays qui ont opté pour cette approche. À l'heure actuelle, seuls 12 des 51 États Membres qui utilisent les RPCV s'en remettent de manière effective à des systèmes interactifs.

25. Du fait que les systèmes interactifs requièrent du pays de destination qu'il approuve la liste des passagers avant que ceux-ci puissent monter à bord, il est important que les procédures d'enregistrement mises en place par les compagnies aériennes ne subissent pas de répercussions négatives. Les services de contrôle aux frontières doivent donc effectuer des vérifications auprès des passagers dans un laps de temps raisonnable et apporter des réponses rapidement. Les utilisateurs actuels des systèmes interactifs tablent sur un délai maximum de quatre secondes pour la transmission des données, leur évaluation, et l'obtention d'une réponse en retour |10|.

C. Le dossier passager (PNR) : un outil complémentaire des RPCV

26. Outre qu'il a souligné l'importance des RPCV, le Conseil de sécurité a encouragé l'utilisation des dossiers passagers (voir S/PRST/2014/23, par. 16). Le dossier passager (PNR) est l'appellation générique du dossier constitué par les compagnies aériennes ou leurs agents autorisés, dans lequel sont consignés tous les vols réservés par un passager ou en son nom |11|. Un dossier passager est créé à l'aide des données communiquées par celui-ci en ce qui concerne tous les segments d'un voyage. Ces données sont habituellement fournies plusieurs semaines avant le voyage prévu et incluent l'itinéraire complet du passager, ainsi que des renseignements tels que le choix d'un siège, les préférences en matière de repas, d'éventuels problèmes de santé et les services complémentaires requis. Il convient cependant de noter que le dossier passager n'inclut pas nécessairement la date de naissance ou le sexe. Or, l'un au moins de ces détails est nécessaire, outre le nom du passager, pour qu'on soit en mesure de déterminer avec un degré de précision raisonnable si le passager est inscrit sur l'une des listes de surveillance. En outre, à la différence des RPCV (qui reposent sur des documents d'identité émis par les gouvernements), le dossier passager n'est pas vérifié, puisqu'il est fourni par le voyageur lui-même.

27. Initialement, le dossier passager était utilisé comme un outil de gestion qui aidait les compagnies aériennes à fournir des services aux passagers, mais il est également utilisé par les services de contrôle aux frontières à des fins de lutte contre le terrorisme, de prévention de la criminalité transnationale et d'interception. Lorsqu'elles sont utilisées efficacement, les données des dossiers passagers peuvent compléter les RPCV, en permettant aux autorités de mieux analyser le risque que représentent certains passagers, et améliorer la compréhension des modalités et des tendances en matière de voyage, comme le recours aux itinéraires fragmentés par les combattants terroristes étrangers. Les normes du secteur applicables aux données des dossiers passagers sont détaillées dans le Passenger Services Conférence Resolutions Manual de l'IATA et dans Reservations Interline Message Procedures - Passenger, de Airlines for America et de l'IATA |12|.

28. Les similitudes et les différences entre les RPCV et les PNR sont présentées dans le tableau ci-après.

Similitudes Différences
  • Les deux se présentent sous la forme de données électroniques, échangées au moyen de communications sécurisées.
  • Les RPCV sont constitués au cours de la procédure d'enregistrement ou à la clôture de celui-ci.
  • Les RPCV et les PNR contiennent des données relatives au passager et au vol sur lequel il arrive ou embarque.
  • Les RPCV proviennent de documents émis par les gouvernements, alors que les données des dossiers passagers n'ont pas été vérifiées par les autorités.
  • Les deux contiennent des données considérées comme utiles pour le contrôle aux frontières et l'application de la loi sur la base du renseignement.
  • Un dossier passager est constitué au moment de la réservation et à d'autres étapes spécifiques avant le départ, puis au moment du départ.
  • Les deux fonctionnent généralement sur la base d'un accord bilatéral qui comprend des dispositions liées au respect de la vie privée et/ou aux garanties prescrites par le droit international des droits de l'homme.
  • Un dossier passager inclut des données beaucoup plus nombreuses (qui peuvent être en tous points ou en partie semblables aux RPCV), mais pas nécessairement la date de naissance ou le sexe, alors que c'est le cas des RPCV.
  • Bien qu'il soit demandé aux passagers de fournir l'ensemble des éléments nécessaires à la constitution des RPCV, ce n'est pas le cas pour les PNR (par exemple, les préférences en matière de repas et d'éventuels problèmes de santé).
  • Les PNR soulèvent davantage de préoccupations s'agissant du respect de la vie privée ou du droit international des droits de l'homme car, à la différence de ce qui se passe dans le cas des RPCV, les données recueillies ne seraient pas nécessairement présentées à l'arrivée s'ils n' étaient pas constitués.

V. Lacunes recensées dans l'utilisation faite des RPCV par les États Membres

29. Sur la base des recherches menées aux fins de l'établissement du présent rapport, la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme a recensé plusieurs difficultés importantes, auxquelles il faut trouver des solutions satisfaisantes pour qu'il soit possible de remédier efficacement aux lacunes repérées dans l'utilisation des RPCV par les États :

    a) Nécessité d'assurer une transmission des données dans les délais et précise entre la compagnie aérienne et l'État Membre demandeur;

    b) Nécessité d'assurer l'interopérabilité des données transmises et de la/des base(s) de données interorganisations du pays de destination;

    c) Nécessité d'une mise en correspondance précise des données des dossiers passagers avec les listes de surveillance pertinentes;

    d) Utilisation des RPCV aux fins de la réalisation d'analyses des risques et des tendances;

    e) Coûts associés à la mise au point et à l'entretien d'un système RPCV en bon état de fonctionnement;

    f) Préoccupations d'ordre juridique et réglementaire liées à la protection de la vie privée et des données des passagers.

A. Difficultés techniques auxquelles se heurtent les États Membres

30. L'obtention des RPCV est complexe d'un point de vue technique et leur utilisation exige un niveau de compétence élevé. Les difficultés rencontrées pour mettre en correspondance de façon probante les données recueillies sur un passager et les listes de surveillance et pour transmettre de telles données aux destinataires voulus sont des obstacles de taille à l'adoption par les États Membres du système RPCV et à l'utilisation efficace de ce système en guise d'outil de prévention des déplacements de combattants terroristes étrangers.

Transmission des données

31. Les compagnies aériennes et les services de contrôle aux frontières doivent relier leurs réseaux respectifs de telle sorte que les données relatives aux passagers puissent être transmises et reçues par voie électronique. Toutefois, nombre de ces entités éprouvent des difficultés à mettre en œuvre ce type de technologie, en raison de sa complexité et de son coût élevé.

32. En raison de l'absence d'uniformisation des divers systèmes de collecte et de traitement de données relatives aux passagers et des formats des messages produits, les gouvernements doivent utiliser des systèmes informatiques capables d'envoyer et de recevoir tous les formats de message requis. L'élaboration d'un système qui réponde à des exigences techniques aussi pointues et aussi variées constitue un lourd fardeau pour les compagnies aériennes comme pour les gouvernements, tant du point de vue financier que du point de vue technologique, et c'est un obstacle que nombre d'États Membres ne sont actuellement pas en mesure de surmonter.

33. Lorsqu'il reçoit les RPCV, le pays de destination doit désigner un premier point de collecte auquel les compagnies aériennes peuvent transmettre les données (c'est-à-dire un « guichet unique »). Les États Membres éprouvent des difficultés à le faire, ce qui compromet la transmission des données aux services de contrôle aux frontières compétents, comme l'immigration ou les douanes, dans le pays de destination. En outre, lorsque les services de contrôle aux frontières d'un pays destinataire utilisent des systèmes opérationnels indépendants, il arrive qu'il faille convertir les RPCV en un format compatible avec le système de l'organisme destinataire avant qu'ils puissent être mis en regard des listes relatives aux sanctions et listes de surveillance pertinentes ou traités par les autorités aux fins de l'évaluation des risques |13|. Il faut sinon adresser les mêmes données à plusieurs reprises à chaque organisme dans un format identique ou différent. Cela requiert des ressources additionnelles, accroît le temps nécessaire au traitement et c 'est une source de coûts supplémentaires pour les gouvernements et les compagnies aériennes.

34. Afin de tirer pleinement parti des RPCV, les gouvernements et les compagnies aériennes doivent adopter et mettre en œuvre des pratiques optimales qui garantissent que des données précises, pour chaque passager d'un vol donné, sont collectées, vérifiées et transmises au pays de destination. Il faut ainsi s'assurer que les compagnies aériennes vérifient que l'identité fournie par les passagers correspond à celle qui figure sur les documents de voyage avant l'embarquement, et confirmer que les données figurant sur le document de voyage de tel ou tel passager correspondent à celles qui ont été recueillies électroniquement |14|.

Mise en correspondance des données relatives aux voyageurs et des listes de surveillance

35. Que des RPCV par lots ou des RPCV interactifs soient utilisés, l'interopérabilité de ces systèmes et de ceux de la sécurité aux frontières du pays concerné doit être assurée, qu'il s'agisse des systèmes de renseignement et d'analyse des risques ou des systèmes d'information liée à la gestion des frontières, à l'immigration et aux visas. Lorsqu'ils sont comparés aux informations contenues dans ces divers systèmes aux fins de l'analyse des risques potentiels, les RPCV peuvent indiquer aux services de contrôle aux frontières s'il convient d'interdire à un passager d'embarquer à bord d'un avion ou de l'intercepter à son arrivée dans le pays de destination.

36. Pour que l'examen soit complet et efficace, le logiciel de mise en concordance des noms, utilisé pour établir la correspondance entre les noms des passagers et les listes de surveillance (notamment celles qui sont utilisées aux plans national et régional et celles qui sont tenues à jour par INTERPOL) doit être adéquat. Tous les États Membres interrogés par la Direction exécutive du CCT ont indiqué qu'ils disposaient de l'infrastructure et des logiciels nécessaires pour établir des correspondances entre les listes de surveillance et les RPCV. Huit États Membres ont choisi d'élaborer et de produire de façon indépendante leur propre système de mise en concordance avec les RPCV. D'autres États Membres, comme ceux de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), utilisent des systèmes commerciaux qui ont été adaptés à leurs besoins respectifs.

37. Les RPCV sont rapprochés de diverses listes tenues à jour par les services de contrôle aux frontières après que les passagers ont embarqué et se dirigent à bord d'un avion vers leur pays de destination. Ce système de mise en correspondance des RPCV après le départ et avant l'arrivée est utilisé dans chacun des États Membres qui ont répondu au questionnaire, à l'exception de l'Australie, des États-Unis et du Royaume-Uni, qui disposent des moyens nécessaires pour effectuer des mises en correspondance avant le départ, du fait qu'ils utilisent des systèmes interactifs.

38. Il arrive que le rapprochement des données relatives aux passagers avant le départ, dans les aéroports, ralentisse la procédure d'enregistrement. Toutefois, les facteurs de risque évolutifs, comme la menace accrue posée par le terrorisme, rendent parfois incontournable cette opération, en dépit des difficultés pratiques qu'elle présente, car elle permet aux services de contrôle aux frontières d'empêcher les passagers présentant un risque élevé d'accéder à un vol |15|. Les résultats du questionnaire indiquent que l'absence de mise en concordance avant le départ est une lacune de taille dans l'utilisation des RPCV.

39. Les réponses au questionnaire révèlent aussi qu'il est nécessaire de renforcer la coopération entre États Membres au stade de la mise en correspondance des RPCV avec diverses listes : en effet, une fois que les données relatives aux passagers ont été recueillies et transmises aux services de contrôle aux frontières du pays de destination, elles sont presque toujours rapprochées des listes de surveillance du pays en question et celles d'INTERPOL, et ce bien que les pays aient accès à un certain nombre d'autres listes de personnes visées par des sanctions et listes de surveillance, comme celles qui sont établies par l'ONU, les listes régionales et multinationales, celles qui sont fournies par des gouvernements partenaires et celles qui sont constituées par les États Membres eux-mêmes.

40. Le questionnaire a permis d'établir que tous les États Membres, à l'exception de deux, mettent systématiquement en concordance les données relatives aux passagers et les listes de surveillance d'INTERPOL. Seuls la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, la Suisse, l'Ukraine et les pays de la CARICOM ont indiqué qu 'ils faisaient usage de listes régionales. Le Canada utilise une liste de surveillance constituée conjointement avec un gouvernement partenaire (connue sous l'appellation de « Tipoff U.S.-Canada », ou « TUSCAN »), mais cette pratique n'a pas été adoptée par les autres États Membres interrogés. Ces exemples de coopération interorganisations sont la preuve qu'un degré élevé de coopération est possible au plan international. Cela peut contribuer à éliminer les chevauchements superflus au stade du traitement des données, tout en garantissant la meilleure utilisation possible des renseignements existants.

B. Frais financiers et ressources à mobiliser

41. L'élaboration, la mise en œuvre et la maintenance d'un système RPCV impliquent inévitablement des frais financiers et l'engagement de ressources substantiels de la part des gouvernements et des compagnies aériennes. Les coûts initiaux concernent principalement la conception et l'intégration du système, ainsi que l'achat et l'installation de l'infrastructure, mais les coûts persistants sont liés à la collecte et à la transmission des données relatives aux passagers, aux mises à jour du système (pour faire en sorte que les listes de surveillance soient actualisées), à la maintenance générale, au fonctionnement et à la nécessité de mettre en place des ressources d'appui en quantité suffisante |16|. En outre, la communauté internationale doit s'assurer que l'IATA reçoit elle aussi un appui adéquat, tant sur le plan financier qu'en ce qui concerne les ressources mises à sa disposition, afin qu'elle puisse apporter son soutien aux États Membres qui ont besoin d'une assistance supplémentaire pour élaborer des systèmes RPCV.

42. La mise en œuvre de systèmes RPCV interactifs présente un degré de complexité nettement plus élevé que celle des systèmes par lots non interactifs. Les coûts associés sont donc beaucoup plus substantiels et le temps nécessaire pour mettre en service des systèmes interactifs pleinement opérationnels est notablement plus important |17|. Bien que la plupart des compagnies aériennes internationales disposent déjà de systèmes interactifs en état de fonctionnement, les États Membres tardent à suivre. Seuls 12 d'entre eux en sont actuellement dotés. À mesure que ce nombre augmentera, on prévoit que les coûts associés diminueront, ce qui rendra progressivement plus abordables, et donc plus largement accessibles, les systèmes en question.

43. On peut prendre certaines mesures pour réduire les coûts de mise en œuvre des systèmes RPCV, notamment offrir aux compagnies aériennes la possibilité de recueillir des données relatives aux passagers au moment de la réservation, délivrer des passeports lisibles à la machine |18| et conclure des accords qui encouragent les gouvernements et les compagnies aériennes à œuvrer de concert à la mise en œuvre d'un système RPCV (comme c 'est le cas en Australie) |19|.

C. Problèmes d'ordre juridique et réglementaire auxquels font face les États Membres

44. Les États Membres qui commencent à mettre en œuvre des systèmes RPCV en application de la résolution 2178 (2014) doivent déterminer de quelle manière obtenir des compagnies aériennes qu'elles se plient à l'obligation de les utiliser. Les méthodes pour y parvenir varient inévitablement en fonction des conditions et de considérations nationales. Parfois, l'utilisation des RPCV peut être rendue impérative par la législation nationale (au moyen de textes législatifs ou de règlements, en fonction de la structure constitutionnelle de l'État Membre concerné) et le respect de cette obligation peut être garanti au moyen de diverses mesures, notamment les amendes infligées aux compagnies aériennes qui ne s'y soumettraient pas |20|.

45. La résolution 2178 (2014) dispose que les États Membres doivent veiller à ce que les mesures qu'ils prennent pour combattre le terrorisme soient conformes à toutes les obligations que leur fait le droit international, en particulier le droit international des droits de l'homme. L'une des difficultés juridiques auxquelles font face les États Membres pour mettre en œuvre et utiliser de façon efficace les RPCV porte sur le droit d'être protégé par la loi contre toute immixtion illégale ou arbitraire dans la vie privée aux fins de l'obtention des données relatives aux passagers qui sont recueillies, conservées, transmises et utilisées (art. 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et art. 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme).

46. Selon le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, la mise en œuvre des systèmes RPCV soulève des interrogations touchant au droit de chacun à la protection contre toute immixtion arbitraire ou illégale dans sa vie privée et au droit à la non-discrimination. Les États Membres doivent donc veiller à ce que toute mesure constituant une immixtion dans la vie privée soit conforme à leurs obligations et engagements internationaux; à ce que des garanties de procédure, ainsi qu'un mécanisme de contrôle effectif et indépendant, soient en place pour prévenir les mesures discriminatoires et/ou l'usage abusif des renseignements personnels; à ce que les personnes qui ont été victimes d'abus obtiennent réparation (voir A/HRC/28/28, par. 53).

47. Bien que la législation nationale varie inévitablement d'un État Membre à un autre, elle inclut généralement des dispositions relatives aux droits des individus en ce qui concerne l'utilisation qui est faite de leurs données personnelles |21|. À cet égard, on peut citer parmi les difficultés fréquemment rencontrées les dispositions concernant la communication de données personnelles à d'autres parties ainsi que la transmission de ces données à l'étranger et en dehors de la juridiction du pays où elles ont été recueillies |22|. Les législations nationales doivent donc éliminer tout conflit potentiel entre, d'une part, les obligations en matière de RPCV et, d'autre part, les contraintes qu 'impose la législation sur la protection de la vie privée et des données personnelles. Dans certains cas, l'absence de cohérence, au plan international, en matière de protection des données personnelles des passagers, a donné lieu à des problèmes importants pour les compagnies aériennes exploitant des vols internationaux. Par exemple, elles peuvent avoir à choisir entre le refus de transmettre des données relatives aux passagers, en violation des dispositions contraignantes des lois sur les RPCV qui sont applicables au pays de départ ou de destination, ou communiquer de telles données, contrevenant ainsi aux dispositions juridiques en matière de protection des données qui sont en vigueur dans le pays de départ ou de destination. En outre, il arrive que les passagers expriment des préoccupations quant à la manière dont les renseignements personnels qui les concernent sont traités.

48. Toutefois, étant donné que les systèmes RPCV offrent aux services de contrôle aux frontières la possibilité d'accéder à des données relatives aux passagers qui seraient en tout état de cause présentées par ceux-ci aux services d'immigration pour inspection à leur arrivée (essentiellement les données contenues dans la zone lisible à la machine du passeport d'un passager), la communication de RPCV à des tierces parties n'est peut-être pas la préoccupation d'ordre juridique la plus pressante s'agissant de la mise en œuvre de systèmes RPCV à l'échelle internationale. Un accès accru aux données passagers permet aux services de contrôle aux frontières d'avoir plus temps pour procéder aux vérifications nécessaires et déterminer s'ils doivent ou non interdire à une personne donnée d'embarquer |23|. Les enjeux liés à la protection de la vie privée et des renseignements personnels pourraient susciter davantage de préoccupations s'il était envisagé de conserver les renseignements communiqués par les passagers et de les utiliser à des fins autres que la sécurité nationale ou le contrôle des voyageurs |24|.

49. S'agissant de l'utilisation des données personnelles après leur collecte par les services de contrôle aux frontières, il peut arriver que le nom d'un passager soit mis en concordance par erreur avec un nom figurant sur une liste de surveillance ou que cet individu soit désigné à tort comme une personne présentant des risques élevés, ce qui constitue une autre source de préoccupation. Lorsqu'il n'existe pas de directives quant à la durée légale de conservation de tels renseignements par les services de contrôle aux frontières ni quant aux autres fins auxquelles ces données peuvent être utilisées, il peut en résulter des conséquences à long terme pour les passagers.

50. La Direction exécutive du Comité contre le terrorisme constate que les États Membres ont administré la preuve qu'il était possible de mettre en œuvre de façon efficace des systèmes RPCV tout en levant nombre des obstacles susmentionnés.

VI. Recommandations

51. Sur la base de l'analyse fournie ci-dessus et à la lumière des dispositions de la résolution 2178 (2014) et de la déclaration du Président du Conseil de sécurité en date du 19 novembre 2014, la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme recommande ce qui suit :

a) Le Comité devrait organiser une séance d'information de haut niveau à l'intention de tous les États Membres, à laquelle participeraient de hauts responsables de l'IATA, de l'OACI et de l'OMD, afin de faciliter la sensibilisation des États Membres à la nécessité de mettre en œuvre des systèmes RPCV et d'attirer l'attention sur les normes et pratiques optimales pertinentes qui ont été arrêtées à l'échelle internationale;

b) La Présidente du Comité devrait participer à la prochaine assemblée générale annuelle de l'IATA, afin d'y mettre en relief le rôle important que joue le secteur aérien aux fins de la mise en œuvre des systèmes RPCV, en partenariat avec les États Membres, ainsi que les domaines de coopération possibles avec le Comité;

c) Le Comité devrait prier sa Direction exécutive d'obtenir le concours de l'IATA et de l'OACI dans le cadre d'activités de sensibilisation et de communication communes qui mettraient en relief les avantages que présentent les systèmes RPCV pour l'évaluation des risques que présentent les voyageurs, sur la base de renseignements factuels, et pour les procédures de vérification, notamment lors de réunions régionales;

d) Ayant conscience des difficultés éprouvées par l'IATA pour recueillir des informations sur l'état actuel de la mise en œuvre du système RPCV par ses membres au moyen d'un système d'information en retour sur une base volontaire, le Conseil de sécurité devrait prier la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme de jouer le rôle, en collaboration avec l'IATA, de coordonnatrice mondiale pour la collecte d'informations sur l'état d'avancement de la mise en œuvre du système RPCV par les États Membres;

e) Ayant conscience des coûts significatifs et des contraintes technologiques imposés à chaque État Membre qui souhaite élaborer et mettre en œuvre des systèmes RPCV adaptés à ses besoins, le Conseil de sécurité devrait prier l'IATA, l'OACI et l'OMD :

    i) D'encourager activement les États Membres désireux de mettre en œuvre un programme de RPCV à respecter les normes et les pratiques optimales existantes et arrêtées par la communauté internationale;

    ii) De définir un plan d'examen et de modernisation des normes et processus existants, propres à améliorer l'efficacité et l'efficience des programmes de RPCV;

f) Le Comité devrait encourager les États Membres à instaurer des mécanismes juridiques, notamment des mesures visant à promouvoir le respect de la réglementation en vigueur par les compagnies aériennes, dans leur législation nationale afin d'encourager le respect des normes internationales en matière de transmission des RPCV;

g) Le Comité devrait encourager les États Membres utilisant actuellement des systèmes RPCV à envisager de mettre en correspondance, dans les aéroports, les données relatives aux passagers avec les listes de surveillance afin d'identifier les individus susceptibles de se rendre à l'étranger en qualité de combattants terroristes étrangers;

h) Le Comité devrait prier l'IATA de constituer un guide des meilleures pratiques et des enseignements tirés de l'expérience des États Membres qui mettent déjà en œuvre des systèmes RPCV;

i) Le Comité devrait encourager sa Direction exécutive à continuer d'exercer son rôle consistant à faciliter, grâce au dialogue avec les États et à des visites sur place, la prestation d'une assistance technique visant à renforcer les capacités dans le domaine considéré;

j) Le Comité devrait prier sa Direction exécutive de faciliter, en consultation avec l'Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme, la mise au point de plans et de projets avec l'IATA, l'OACI, l'OIM et l'OMD, propres à faciliter la mise en œuvre des systèmes RPCV, en mettant particulièrement l'accent sur les États touchés par le phénomène des combattants terroristes étrangers;

k) Le Comité devrait encourager les entités donatrices et les prestataires d'assistance, notamment l'Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme, à appuyer les initiatives susmentionnées et les autres activités que doivent entreprendre l'IATA, l'OACI, l'OIM et l'OMD à l'appui de la mise en œuvre par les États Membres des systèmes RPCV conformément aux dispositions de la résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité;

l) Le Conseil de sécurité devrait prier la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme de continuer à assurer un suivi de l'évolution de la mise en œuvre par les États Membres des systèmes RPCV et d'en rendre compte au Comité dans un délai de 365 jours.


Annexe I

Carte des États Membres utilisant les RPCV


Cliquez pour agrandir l'image


Annexe II

Questionnaire

1. Utilisez-vous les RPCV pour établir des correspondances avec les listes relatives aux sanctions et autres listes de surveillance?

2. Si la réponse à la question 1 est « oui », procédez-vous à cette opération pour l'ensemble des voyageurs ou seulement pour une partie d'entre eux?

    a. Si vous ne le faites que pour une partie d es voyageurs, merci d'apporter des précisions.

3. Si la réponse à la question 1 est « oui », à quel moment procédez-vous à cette mise en correspondance?

    a. Avant le départ
    b. Avant l'arrivée
    c. Au stade des vérifications préliminaires
    d. À un autre moment

4. Si la réponse à la question 1 est « oui », la mise en correspondance est-elle automatisée ou manuelle?

    a. Si la réponse à cette question est « automatisée », avez-vous :
      i. Mis au point vous-même le système de mise en correspondance?
      ii. Acheté un logiciel de mise en correspondance disponible sur le marché?

5. Si la réponse à la question 1 est « oui », quelles listes utilisez-vous aux fins de la mise en correspondance? (Soyez aussi précis que possible.) :

    a. Les listes établies par l'ONU
    b. Les listes établies par l'Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL)
    c. Des listes régionales ou multinationales
    d. Des listes fournies par des gouvernements partenaires
    e. Des listes élaborées par votre propre gouvernement

6. Utilisez-vous les RPCV aux fins de l'évaluation des risques - pour identifier des voyageurs pouvant présenter un risque élevé qui ne figurent sur aucune des listes relatives aux sanctions ou de surveillance?

    a. Si la réponse à la question 6 est « non », seriez-vous prêt à élaborer un tel dispositif à l'avenir?

7. Utilisez-vous les RPCV à d'autres fins que celles qui ont été mentionnées ci -dessus? Le cas échéant, veuillez apporter des précisions.


Notes:

1. Dans le préambule de cette résolution, les combattants terroristes étrangers sont définis comme des individus qui se rendent ou tentent de se rendre dans un État autre que leur État de résidence ou de nationalité, dans le dessein de commettre, d'organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou afin d'y participer ou de dispenser ou recevoir un entraînement au terrorisme, notamment à l'occasion d'un conflit armé. Il convient de noter que la résolution a été adoptée en vertu de l'autorité conférée par le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et qu'elle est donc contraignante pour tous les États Membres. [Retour]

2. S/2014/815, par. 14 et 88. [Retour]

3. IATA, OACI et OMD : « Directives relatives aux renseignements préalables concernant les voyageurs », par. 1.2 et 1.3 (2013). Consultables à l'adresse www.icao.int/Security/FAL/Documents/1.API%20Guidelines%202013%20Main_%20Text_E.pdf. [Retour]

4. Ibid., par. 3.8. [Retour]

5. Le mandat dont est investie l'OMD en ce qui concerne la normalisation des RPCV lui est conféré par l'annexe J1 de la Convention révisée de Kyoto sur la simplification et l'harmonisation des procédures douanières, dont les signataires appellent de leurs vœux la normalisation des RPCV au plan international. Le mandat de l'OACI en ce qui concerne la mise en service et la mise en œuvre de systèmes RPCV procède des articles 22 et 23, en particulier, et des articles 13 et 37, sur un plan général, de la Convention relative à l'aviation civile internationale. L'intérêt porté par l'IATA aux RPCV se concentre principalement sur le renforcement et la rationalisation des procédures de contrôle aux frontières appliquées par les organismes gouvernementaux aux passagers et aux équipages à l'arrivée ou au départ. [Retour]

6. IATA, OACI et OMD : « Directives relatives aux renseignements préalables concernant les voyageurs », par. 1.7. [Retour]

7. Ibid., par. 5.2. [Retour]

8. Ibid., par 5.5. [Retour]

9. Ibid., par 5.7. [Retour]

10. Ibid., par 5.6. [Retour]

11. Organisation de l'aviation civile internationale : Guidelines on Passenger Name Record (PNR) Data (Directives relatives aux données des dossiers passagers), par. 2.1.1 (2010). Consultable à l'adresse https://www.iata.org/iata/passenger-data-toolkit/assets/doc_library/04-pnr/New%20Doc%209944%201st%20Edition%20PNR.pdf. [Retour]

12. Consultables aux adresses suivantes (respectivement) :www.iata.org/publications/Pages/pscrm.aspx et https://www.iata.org/publications/Pages/AIRIMP.aspx. [Retour]

13. IATA, OACI et OMD : « Directives relatives aux renseignements préalables concernant les voyageurs », par. 6.4.3. [Retour]

14. Ibid., par. 5.10. [Retour]

15. Ibid., par. 5.8.1. [Retour]

16. Ibid., par. 6.4.6. [Retour]

17. Ibid., par. 5.9. [Retour]

18. En application des normes et pratiques recommandées de l'OACI en matière de facilitation (annexe 9 à la Convention relative à l'aviation civile internationale), « dans le cas des passeports émis après la date du 24 novembre 2005 et qui ne sont pas lisibles à la machine, les États contractants veilleront à ce que la date d'expiration soit antérieure au 24 novembre 2015 » (norme 3.10.1). [Retour]

19. IATA, OACI et OMD : « Directives relatives aux renseignements préalables concernant les voyageurs », par. 6.5.1. [Retour]

20. La recommandation f) porte sur cet aspect des problèmes d'ordre juridique. [Retour]

21. Lorsque cette législation contient des obligations relatives aux données personnelles faisant l'objet d'un traitement automatique (informatique), elle dispose souvent que ces renseignements personnels doivent être obtenus et traités de façon équitable et légale; être stockés à des fins légitimes et ne pas être utilisés de manière incompatible avec ces fins légitimes; être exacts, pertinents et d'une nature en rapport avec les fins auxquelles ils sont stockés; être précis et, si nécessaire, tenus à jour; être conservés sous une forme permettant d'identifier les intéressés uniquement pendant les délais voulus compte tenu des fins auxquelles ils ont été enregistrés. Voir « Directives relatives aux renseignements préalables concernant les voyageurs », par. 9.4 (IATA, OACI et OMD). [Retour]

22. Ibid., par. 9.5. [Retour]

23. Ibid., par. 9.1. [Retour]

24. Ibid., par. 9.6. [Retour]


Bookshop Donate Radio Nizkor

Privacy and counterintelligence
small logoThis document has been published on 12Jun15 by the Equipo Nizkor and Derechos Human Rights. In accordance with Title 17 U.S.C. Section 107, this material is distributed without profit to those who have expressed a prior interest in receiving the included information for research and educational purposes.