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07jan15


Hommage à Cabu, Charb, Tignous et Wolinski


CABU

Le dessinateur et caricaturiste Jean Cabut, qui aurait eu 76 ans le 13 janvier prochain, collaborait à Charlie Hebdo depuis 1970. Il avait auparavant publié ses dessins dans les revues Hara-Kiri (avec Wolinski) et Pilote. À la fin des années 1970, son trait s'affirme comme de plus en plus politique, lui qui ne se cache pas de voter à gauche. Le Canard enchaîné en fait, lui aussi, l'un de ses «croqueurs» fétiches. «Il faut de temps en temps le ramener sur les rails», avait confié au Figaro en 2006, Michel Gaillard, alors rédacteur en chef du journal.

Parallèlement, le créateur du «Grand Duduche» participe à l'émission de l'animatrice Dorothée sur Antenne 2, dans l'émission Récré A2, et à Droit de réponse de Michel Polac sur TF1. Son travail, que l'on retrouve dans différents livres et jusque sur plusieurs pochettes d'albums - dont certains de jazz, l'une de ses passions - avait ces dernières années fait l'objet de deux expositions: l'une à l'Hôtel de Ville de Paris (Cabu à Paris, 2006-2007) et l'autre à la Librairie Goscinny (2008-2009). En octobre dernier, Cabu avait fait paraître L'Intégrale beauf chez Michel Lafon, éditeur chez lequel Mai 68 - un ouvrage collectif rassemblant Cabu, Wolinski, Cavanna, Siné et Gébé - était également sorti en 1998. Le fils que Cabu avait eu avec la journaliste Isabelle Monin, le chanteur Mano Solo, était décédé en 2010 du sida.

WOLINSKI

«Je suis un con, mais quand je vois ce que les gens intelligents ont fait du monde…» C'était une des maximes favorites de Georges Wolinski, le dessinateur né à Tunis le 28 juin 1934 d'une mère franco-italienne et d'un père juif polonais. Avant d'envoyer ses premiers dessins au magazine Rustica en 1958, il prit un emploi dans l'entreprise de tricot de son père. Pendant les événements de Mai 68, Wolinski - qui a commencé par dessiner dans Action - fonde avec Siné le journal L'Enragé. Le journal disparaîtra vite, mais le ton du futur Hara-Kiri Hebdo (puis Charlie Hebdo) commence à apparaître. La carrière du plus facétieux des contestataires était lancée.

On retrouvera son trait et ses traits d'esprit dans L'Humanité, Le JDD, Le Nouvel Observateur et Paris Match, titre pour lequel il travaillait toujours. Amoureux des femmes, tendre obsédé sexuel, ce grand amateur de cigare était selon son ami Serge Lentz une sorte de Janus. «On croit que c'est une brute, alors qu'il est pudique, courtois et fidèle», confiait l'écrivain au Nouvel Economiste il y a dix ans. Wolinski disait vouloir être incinéré. Il avait même confié à sa femme: «Tu jetteras les cendres dans les toilettes, comme cela, je verrai tes fesses tous les jours.» C'était ça l'esprit Wolinski.

CHARB

Il se faisait appeler Charb, en référence à son nom. Stéphane Charbonnier est décédé mercredi 7 dans l'attaque de la rédaction dont il avait repris les rênes en tant que directeur de la publication après le départ de Philippe Val en 2009. Né en 1967, Charb cultivait un humour féroce. On se souviendra de ses dessins avec les deux figures récurrentes de Maurice et Patapon, le chat et un chien anticapitaliste mêlant scatologie et philosophie. Sa rubrique dans Charlie Hebdo était intitulée «Charb n'aime pas les gens».

Sa marque de fabrique: des personnages aux traits cabossés au teint jaune et aux yeux globuleux, volontiers stupides, malfaisants et lâches. Son humour féroce s'exprimait librement à l'encontre de plusieurs cibles, des accros à la cigarette (croqués dans l'album J'aime pas les fumeurs) aux hommes politiques comme Nicolas Sarkozy (il a publié un Dico Sarko).

Très prolifique avec une vingtaine d'albums à son actif, il collaborait régulièrement à plusieurs titres de presse dont Fluide glacial. Mais c'est à Charlie Hebdo qu'il réservait la primeur. Il avait d'ailleurs participé à la relance du titre en 1992. Dans le dernier numéro du magazine, un dessin tristement prémonitoire représente un islamiste en armes surmonté d'une phrase: «Toujours pas d'attentat en France». Charb lui faisait répondre dans une bulle: «Attendez, on a jusqu'à fin janvier pour présenter ses vœux».

TIGNOUS

Un tendre à la dent dur. Voilà comment tous les collaborateurs de Tignous, Bernard Verlhac à l'état civil, le considéraient. Pilier de Charlie Hebdo, il donnait aussi chaque semaine ses dessins à Marianne où l'annonce de sa mort a créé la consternation. Passionné de l'actualité, il en soulevait les paradoxes, brisant sans cesse ses tabous derrière lesquels le politiquement correct avait coutume de s'abriter. On doit à Tignous de nombreux ouvrages dont un sur le Procès Colonna qui fera date. Le dessinateur de 58 ans en a tenu jour après jour la chronique avec le journaliste Dominique Paganelli.

Comme le signalait notre confrère Stéphane Durand-Souffland, ses relevés à l'aquarelle étaient sont extraordinaires. «D'un trait, il croque Me Garbarini (défense) ou Me Lemaire (partie civile), le président Coujard, l'avocat général Jeannier. Parfois, les portraits sont très fouillés: c'est le cas pour les membres du commando condamnés en 2003, venus déposer sous haute surveillance, les juges antiterroristes ou Marie-Ange, le témoin oculaire au physique de mannequin», notait le chroniqueur judiciaire du Figaro.

Car c'était la force de Tignous, de tout comprendre en quelques coups de crayons. Marianne venait de publier sur son site un des dessins auxquels nous avons échappé, Tignous y montre un combattant de L'EI avec la tête d'un otage dans la main. Le dessinateur avait écrit ceci: «Après Dash deux en un, Daesch un en deux…» Il en est mort.


[Source: Le Figaro, Culture, Paris, 07jan15]

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