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05oct16

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7e rapport de l'Équipe d'appui analytique et de surveillance des sanctions concernant les Taliban dans la menace qu'ils constituent pour la sécurité de l'Afghanistan


Haut de page

Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2016/842

Distr. générale
5 octobre 2016
Français
Original : anglais

Lettre datée du 4 octobre 2016, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1988 (2011)

J'ai l'honneur de vous faire tenir ci-joint le septième rapport de l'Équipe d'appui analytique et de surveillance des sanctions créée par la résolution 1526 (2004) du Conseil de sécurité, présenté au Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1988 (2011), conformément au paragraphe a) de l'annexe de la résolution 2255 (2015).

Je vous serais obligé de bien vouloir porter ce rapport à l'attention des membres du Conseil et de le faire distribuer en tant que document du Conseil.

Le Président du Comité du Conseil de sécurité
créé par la résolution 1988 (2011)
(Signé) Gerard van Bohemen


Lettre datée du 3 octobre 2016 adressée au Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1988 (2011) par l'Équipe d'appui analytique et de surveillance des sanctions

J'ai l'honneur de vous faire tenir ci-joint le septième rapport de l'Équipe de surveillance, établi conformément à l'annexe à la résolution 2255 (2015).

Je tiens à féliciter tout particulièrement les experts et les membres du personnel des Nations Unies qui ont effectué, en Afghanistan, la plus grande partie du travail nécessaire à l'établissement du présent rapport et des rapports précédents. Sans le travail considérable qu'ils accomplissent dans le pays et dans la région, dans des conditions particulièrement dangereuses, l'Équipe de surveillance ne serait pas en mesure d'établir ses rapports, d'effectuer ses analyses ni de formuler ses recommandations.

Veuillez noter que le texte de référence est l'original anglais. Pour plus de commodité, les recommandations de l'Équipe de surveillance apparaissent en caractères gras.

Le Coordonnateur
de l'Équipe d'appui analytique et de surveillance des sanctions
créée par la résolution 1526 (2004) du Conseil de sécurité
(Signé) Hans-Jakob Schindler


Septième rapport de l'Équipe d'appui analytique et de surveillance des sanctions, établi en application des dispositions de la résolution 2255 (2015) du Conseil de sécurité concernant les Taliban et les personnes et entités qui leur sont associées dans la menace qu'ils constituent pour la paix, la stabilité et la sécurité de l'Afghanistan

Résumé

Le présent rapport fait le point de l'évolution de la situation en Afghanistan depuis la publication du sixième rapport établi par l'Équipe d'appui analytique et de surveillance des sanctions en août 2015 (S/2015/648). Peu après la mort de leur dirigeant Akhtar Mohammad Mansour Shah Mohammed (Akhtar Mansour) (TAi.011) en mai 2016, les Taliban ont désigné Haibatullah Akhundzada (non inscrit sur la Liste) pour le remplacer. Sous sa direction, les Taliban sont parvenus à freiner l'éclatement du mouvement, qui était particulièrement marqué lorsque Akhtar Mansour était à sa tête. Par ailleurs, les relations entre l'ensemble des Taliban et Al-Qaida et les entités qui lui sont affiliées se sont renforcées.

Les combats actuels se caractérisent par l'intensification des violences et la poursuite d'attaques brutales contre les capitales des provinces. Les Taliban restent impliqués à tous les niveaux dans l'économie reposant sur le trafic de stupéfiants en Afghanistan et des interlocuteurs de l'Équipe s'attendent à ce que les recettes des Taliban augmentent en 2016. Parallèlement, les Taliban continuent de participer activement à l'extraction illicite de ressources naturelles en Afghanistan. Bien qu'ils utilisent actuellement moins d'engins explosifs improvisés lors des combats, ils y ont de plus en plus recours en dehors des zones de conflit direct, pour perturber la vie économique et sociale du pays.

Comme lorsque Akhtar Mansour était à leur tête, l'ensemble des Taliban dirigés par Haibatullah Akhundzada refusent toujours de prendre part à des pourparlers directs avec le Gouvernement afghan. De nets progrès ont toutefois été accomplis grâce à la signature, le 29 septembre 2016, d'un accord de paix avec Gulbuddin Hekmatyar (QDi.088).

Les milliers de combattants terroristes étrangers qui sévissent encore dans le pays continuent de poser d'importantes difficultés. La majorité d'entre eux entretiennent actuellement avec les Taliban une relation de type symbiotique dans laquelle les deux groupes se renforcent mutuellement tout en conservant les mêmes objectifs régionaux et internationaux. Bien que l'État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL) [qui est inscrit sur la Liste sous l'appellation Al-Qaida en Iraq) (QDe.115)] ait perdu au cours des 12 derniers mois beaucoup de territoires et de combattants dans l'est du pays, il reste une grave menace. Le noyau dur de l'EIIL en Iraq et en République arabe syrienne essaie toujours de financer des opérations en Afghanistan. Dans le même temps, des groupes de l'EIIL mettent en place des sources de financement à l'intérieur du pays. L'existence de ce réseau de terroristes interdépendants qui opère dans le pays montre que la menace ne pèse pas seulement sur l'Afghanistan et, dans les circonstances actuelles, elle pourrait s'étendre à l'ensemble de la région, ainsi qu'à la communauté internationale.

Table des matières

I. Situation des Taliban

II. Réconciliation

III. État islamique d'Iraq et du Levant
IV. Combattants terroristes étrangers en Afghanistan
V. Mise en œuvre des sanctions

VI. Activités de l'Équipe d'appui


I. Situation des Taliban

A. Changement à la tête du mouvement

1. Le 25 mai 2016, les Taliban ont publié sur leurs pages Web officielles en pachto et en dari une déclaration dans laquelle ils prennent acte du meurtre d'Akhtar Mansour et annoncent la nomination de son successeur, Haibatullah Akhundzada. Ils confirment que Mansour a été tué le 21 mai « entre le district du Registan, dans la province de Kandahar et le district de Nushki dans la province du Balouchistan » |1| et précisent que Haibatullah Akhundzada a été nommé pour succéder à Mansour par consensus par le Conseil suprême des Taliban. Ils confirment en outre que le mollah Yaqub (non inscrit sur la Liste) et Sirajuddin Jallaloudine Haqqani (TAi.144) ont été nommés adjoints de Haibatullah Akhundzada |2|. La mort d'Akhtar Mansour a depuis été confirmée par plusieurs États Membres. Les interlocuteurs de l'Équipe ont souligné que, contrairement à la nomination d'Akhtar Mansour après la mort du mollah Omar |3| en juillet 2015, celle de Haibatullah Akhundzada semblait avoir été rapide et n'avoir posé aucun problème. Alors que Mansour avait été contraint, en 2015, de négocier avec plusieurs commandants influents, de les contraindre ou de les soudoyer afin qu'ils lui prêtent allégeance, tous les principaux centres de pouvoir des Taliban ont assuré Haibatullah Akhundzada de leur loyauté dans les semaines qui ont suivi sa nomination |4|.

2. Plusieurs États Membres estiment que le changement de dirigeant a eu pour principal effet de renforcer la cohésion interne du mouvement des Taliban. Si les attaques se sont faites moins fréquentes au lendemain du décès de Mansour, les Taliban avaient commencé à s'organiser dans les provinces de Helmand et Kondoz au début de l'été, ce qui leur a permis d'exercer des pressions sur les Forces nationales de sécurité afghanes. Sous la direction d'Akhtar Mansour, des groupes dissidents radicaux tels que Fidayi Mahaz (non inscrit sur la Liste) (S/2015/648, par. 6) se sont érigés en tant que force d'opposition interne contre le mouvement des Taliban, refusant toute possibilité de négociation (S/2014/888, par. 22). Les États Membres ont signalé à l'Équipe de surveillance que la nomination de Haibatullah Akhundzada, un théologien au style de direction axé sur le consensus, plutôt que celle d'une éminente personnalité politique ou militaire, avait mis fin, dans l'ensemble, à l'éclatement du mouvement qui avait débuté en 2013 (S/2014/402, par. 20 à 24). Cependant, cette ouverture politique a également suscité des réticences concernant un éventuel processus de négociation.

3. Les membres des Taliban ne sont toutefois pas tous satisfaits de la présence de Haibatullah Akhundzada à la tête de leur mouvement. Le 9 août 2016, des membres influents de la famille du mollah Dadullah Akhund, commandant militaire défunt des Taliban, ont prêté allégeance à Haibatullah Akhundzada |5|. Néanmoins, d'après des interlocuteurs afghans de l'Équipe, un groupe dissident du Front Mansour Dadullah (non inscrit sur la Liste) a créé peu de temps après un conseil de 15 membres, qui a nommé à sa tête le neveu de Mansour Dadullah, Mawlawi Mohammad Ebrahim Dewbandi (alias Emdadullah) (non inscrit sur la Liste), âgé de 25 ans. Le Front a annoncé son opposition à Haibatullah Akhundzada, l'accusant du meurtre du mollah Omar, du mollah Dadullah et de Mansour Dadullah.

4. En outre, plusieurs États Membres ont expliqué à l'Équipe que la nomination, en 2015, de Sirajuddin Jallaloudine Haqqani (TAi.144) comme adjoint d'Akhtar Mansour avait permis d'asseoir l'influence du Réseau Haqqani (TAe.012) sur les affaires militaires du mouvement des Taliban, influence encore renforcée par la nomination de Haibatullah Akhundzada et celle de Sirajuddin Jallaloudine Haqqani comme l'un de ses adjoints, ce qui laisse supposer qu'il assure la gestion des opérations militaires au quotidien. Or, par le passé, le Réseau Haqqani s'était catégoriquement opposé à toute possibilité de négociation politique. À la fin du mois d'août 2016, les Taliban ont nommé Ibrahim Sadar au poste de chef militaire, ce qui semble conforter sa position dans la mesure où il avait déjà été nommé chef de la commission militaire du mouvement en 2014.

5. Eu égard à l'offensive menée actuellement par les Taliban |6|, les États Membres et des interlocuteurs internationaux de l'Équipe ont expliqué que la mort d'Akhtar Mansour n'avait eu que des répercussions à court terme sur les opérations du mouvement, le niveau de violence n'ayant que légèrement augmenté par rapport à la même période en 2015 (S/2016/768, par. 17 et 18). Plusieurs États Membres ont cependant expliqué que les Taliban, au début de la saison des combats, espéraient s'emparer, ne serait-ce que temporairement, de plusieurs capitales de provinces. Au moment de l'établissement du présent rapport, ils n'ont pas atteint cet objectif. Un État Membre a fait remarquer à l'Équipe que le décès d'Akhtar Mansour en mai 2016, peu après le début de l'offensive en cours, avait créé des difficultés entre certains commandants, notamment dans le sud de l'Afghanistan, et que l'incapacité des Taliban à s'emparer d'une capitale de province pouvait également être imputée au changement de dirigeant intervenu en mai.

B. Offensive menée actuellement par les Taliban

6. Bien que les premiers combats aient trahi un certain manque de coordination entre les différents commandants des Taliban dans le sud du pays, la situation militaire en Afghanistan s'est globalement détériorée par rapport à 2015. Dans l'ensemble, le nombre d'affrontements armés entre les forces gouvernementales et les Taliban a augmenté de 10 % à 13 %. Les pertes subies en 2016 par les Forces nationales de sécurité afghanes ont augmenté de 10 % par rapport à 2015. L'usage d'engins explosifs improvisés a diminué : en 2015, ces dispositifs auraient été utilisés au cours d'environ 30 % des attaques, et de seulement 18 % cette année S/2016/768, par. 17 et 18). Les États Membres et les autorités afghanes ont expliqué à l'Équipe que les Taliban utilisaient de plus en plus d'engins explosifs improvisés en vue de détruire les infrastructures civiles, par exemple en faisant fermer des routes importantes pour la vie économique. Des interlocuteurs internationaux de l'Équipe ont notamment expliqué que, pendant les combats qui font rage dans la province de Helmand, les Taliban avaient posé tellement d'engins explosifs improvisés sur des routes goudronnées que les civils avaient cessé de les emprunter et préféraient marcher au bord des routes. Selon l'évaluation effectuée par des interlocuteurs de haut niveau de l'Équipe de surveillance à Kaboul, les combats entre les Taliban et les Forces nationales de sécurité afghanes se sont intensifiés au début de l'année 2016 dans les provinces de Helmand, Ghazni, Paktika, Nangarhar et Kondoz. Des interlocuteurs internationaux et afghans s'exprimant au sujet de la situation actuelle en matière de sécurité dans le sud de l'Afghanistan ont expliqué que les pressions exercées par les Taliban ne faisaient qu'augmenter alors qu'ils consolidaient leurs alliances avec des groupes tribaux locaux.

7. Les interlocuteurs afghans et internationaux de l'Équipe ont souligné qu'au cours des affrontements actuels, les Taliban s'intéressaient particulièrement à la province de Helmand. Un État Membre a expliqué à l'Équipe que les dirigeants envisageaient d'envoyer certains de leurs membres en Afghanistan et qu'ils estimaient que la province avait un emplacement stratégique de choix. Des responsables afghans ont souligné que certains des principaux dirigeants comme Mohammad Naim Barich (TAi.013), le chef de la commission militaire, Ibrahim Sadar (non inscrit sur la Liste), Hafiz Mukhibullo Barakzai (non inscrit sur la Liste) et le nouveau chef du service de sécurité des Taliban, le mollah Shirin (non inscrit sur la Liste), s'y étaient déjà réinstallés.

8. Dans le nord du pays, plusieurs États Membres ont fait part de leur inquiétude à l'Équipe concernant les tentatives des Taliban de prendre le contrôle de la frontière entre l'Afghanistan et les républiques d'Asie centrale, dans la mesure où cela permettrait non seulement aux Taliban de faire sortir clandestinement des stupéfiants sans être inquiétés, mais aussi d'obtenir et de faire entrer illégalement des armes et des munitions en Afghanistan.

9. Plusieurs États Membres ont rappelé qu'il était d'une importance stratégique que la communauté internationale continue de soutenir les Forces nationales de sécurité afghanes, y compris en leur fournissant un appui aérien, afin d'endiguer les pressions militaires que les Taliban exercent sur le pays.

C. Les Taliban et Al-Qaida

10. Plusieurs États Membres ont appelé l'attention de l'Équipe d'appui sur le fait que les relations entre le mouvement Taliban et Al-Qaida, en particulier le noyau dur d'Al-Qaida, s'étaient renforcées au cours de la période où Akhtar Mansour était à la tête du mouvement et que cette tendance ne s'était pas inversée avec l'arrivée de Haibatullah Akhundzada. Comme l'a souligné l'Équipe d'appui dans un rapport qu'elle a présenté récemment (S/2016/629, par. 1 et 2), cette allégeance est clairement apparue lorsque, le 31 mai 2016, Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) (QDe.129), Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) (QDe.014) et le Front el-Nosra pour le peuple du Levant (QDe.137) ont publié conjointement un éloge funèbre de Mansour, cosigné par les trois groupes. L'Organisation d'Al-Qaida pour le jihad dans le sous-continent indien a par la suite publié, le 16 juin, un éloge funèbre formulé de façon similaire. Le 27 mai 2016, l'actuel dirigeant d'Al-Qaida, Aiman Muhammed Rabi al-Zawahiri (QDi.006), a prêté allégeance au nouveau chef des Taliban, Haibatullah Akhundzada |7|.

11. L'ancien dirigeant d'Al-Qaida en Afghanistan, Nayef Salam Muhammad Ujaym al-Hababi, alias Faruq al-Qahtani (QDi.390), a quitté le pays et l'on n'est pas certain de l'endroit où il se trouve actuellement. Le nouveau dirigeant d'Al-Qaida en Afghanistan est Rasul Khan (non inscrit sur la Liste), fils d'Adam Khan, ressortissant afghan. D'après les responsables afghans chargés de la sécurité, les membres actuels d'Al-Qaida en Afghanistan sont très différents des Taliban aussi bien dans leur rôle que dans leur mentalité : ils sont plus instruits et davantage motivés par des considérations idéologiques, et agissent de façon plus stratégique.

12. Durant l'offensive en cours, les combattants d'Al-Qaida, et en particulier les cellules ayant prêté allégeance à l'Organisation d'Al-Qaida pour le jihad dans le sous-continent indien, ont appuyé les groupes de combattants des Taliban de manière plus active. Plusieurs États Membres ont expliqué que les combattants d'Al-Qaida jouaient le rôle d'instructeurs spécialisés auprès des groupes Taliban, notamment en ce qui concerne la conception d'engins explosifs improvisés |8|. Un État Membre a par ailleurs signalé la présence dans la province de Helmand de combattants de l'Organisation d'Al-Qaida pour le jihad dans le sous-continent indien; pour la première fois, des combattants de cette organisation étaient identifiables en tant que groupe distinct dans le sud de l'Afghanistan.

13. En outre, les autorités afghanes ainsi que les représentants d'autres États Membres ont expliqué que les combattants du Mouvement islamique d'Ouzbékistan (MIO) (QDe.010) continuaient de se battre dans le nord de l'Afghanistan en tant que groupe distinct. Si une partie du MIO a rejoint les nouvelles cellules de l'État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL) en Afghanistan fin 2014 (S/2015/648, par. 19), les autres membres du groupe ont poursuivi leurs opérations dans le nord du pays.

14. Enfin, tandis que les combattants fidèles à des groupes affiliés à Al-Qaida tels que Lashkar e Toiba (QDe.118) et Tehrik-e Taliban Pakistan (TTP) (QDe.132), qui s'étaient déplacés en Afghanistan pour fuir la pression militaire résultant de l'opération « Zarb-e-Azab » (S/2015/648, par. 2), luttaient en tant que groupes distincts dans l'est de l'Afghanistan en 2015, ils semblent avoir été intégrés dans divers groupes de combattants Taliban durant la saison des combats actuelle et ne sont plus identifiables comme des entités distinctes. Par conséquent, des responsables afghans ont signalé à l'Équipe d'appui une augmentation du nombre d'arrestations d'insurgés d'origine pakistanaise opérant avec les Taliban en Afghanistan.

D. Financement des Taliban et liens avec des organisations criminelles

15. L'analyse des sources de revenus des Taliban donne à penser qu'elles restent très diversifiées, ce qui permet aux Taliban de remplacer rapidement une source lorsqu'elle se tarit. Les responsables afghans et les interlocuteurs des États Membres estimaient que les Taliban tiraient principalement leurs revenus (par ordre décroissant) du trafic de stupéfiants, de l'exploitation minière, des enlèvements contre rançon et des dons extérieurs. L'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a constaté une diminution de la production d'opium d'environ 19 % en Afghanistan en 2015 |9|. Toutefois, les interlocuteurs internationaux de l'Équipe d'appui estiment que les chiffres de la production totale pour 2016 pourraient à nouveau augmenter de 10 %, expliquant que cet accroissement potentiel était lié aux conditions climatiques favorables en 2016 et à une augmentation sensible de la production de pavot dans le nord du pays, en particulier dans les provinces de Balkh, Badghis et Fariab. Cela permettra également de compenser la réduction prévue de la production de pavot résultant des combats soutenus dans la province de Helmand, l'une des principales provinces productrices de pavot du pays |10|. En conséquence, l'ONUDC estime que la culture et les rendements du pavot devraient augmenter en 2016 et que la narco-économie illicite pourrait générer des profits pouvant atteindre 400 millions de dollars par an pour les Taliban, soit environ 50 % de leurs revenus |11|.

16. Selon les autorités afghanes, environ 3 millions d'Afghans sont directement ou indirectement liés à la narco-économie. Un haut responsable afghan a estimé qu'en raison de l'omniprésence des Taliban dans le commerce des stupéfiants, il n'y avait plus de ligne de démarcation entre les stupéfiants et le terrorisme. En effet, si l'on superpose sur une carte les zones de plantation et de production de stupéfiants et les zones du pays où les Taliban consacrent des ressources militaires au maintien d'une présence constante, un large chevauchement apparaît |12|. Les attaques militaires contre les principaux postes de contrôle, le versement de sommes d'argent et les négociations permettent aux Taliban de transporter du pavot brut depuis des régions de la province de Helmand et du sud jusqu'à la région nord-est de l'Afghanistan en vue de sa transformation chimique, avant de le renvoyer au sud, d'où le produit est exporté.

17. L'exploitation minière illégale demeure une source majeure de revenus pour les Taliban. Les autorités afghanes et les interlocuteurs internationaux de l'Équipe d'appui ont indiqué que la situation dans ce domaine n'avait pas connu d'amélioration sensible depuis la publication du sixième rapport de l'Équipe d'appui (S/2015/648). Comme cette dernière l'a indiqué dans son rapport spécial publié en 2015 concernant la coopération entre les Taliban et la criminalité organisée (S/2015/79), les Taliban restent directement impliqués dans ce secteur en contrôlant des sites d'extraction illégaux, en particulier dans le sud et l'est du pays, en extorquant les fonds d'opérations minières afghanes agréées et en facilitant le transport d'autres ressources naturelles extraites illégalement. Cette participation des Taliban à tous les niveaux de l'exploitation minière illégale a récemment attiré l'attention de la communauté internationale |13|. Lors de sa récente visite, l'Équipe d'appui a également été informée par plusieurs responsables provinciaux que les Taliban prenaient constamment pour cible des sites et sociétés d'exploitation minière soit pour prendre le contrôle d'activités minières légales soit pour en extorquer des fonds.

II. Réconciliation

A. Gulbuddin Hekmatyar et Hizb-i Islami

18. Les autorités afghanes ont indiqué à l'Équipe d'appui que, depuis le début de l'année 2016, les échanges réguliers entre le Gouvernement afghan et Hizb-i Islami Gulbuddin (non inscrit sur la Liste) et son dirigeant, Gulbuddin Hekmatyar, s'étaient accélérés et intensifiés. Cela pouvait ouvrir la perspective d'un accord qui permettrait une réconciliation avec Hizb-i Islami. En mai et juin 2016, des discussions ont eu lieu entre le Haut Conseil pour la paix et Hizb-i Islami afin de créer les conditions d'un accord de paix par lequel ce groupe, en résumé, accepterait de mettre fin à ses activités militaires, de couper ses liens avec tous les groupes terroristes et autres groupes armés illégaux et de cesser de les soutenir, et reconnaîtrait la Constitution et les lois afghanes. En échange, le Gouvernement afghan a accepté d'ouvrir la voie à une représentation d'Hizb-i Islami dans les institutions gouvernementales |14|. Il s'est notamment engagé à consulter le Conseil de sécurité, certains pays et d'autres institutions en vue de lever dès que possible les restrictions imposées par ces derniers à Hizb-i Islami, à ses dirigeants et à ses membres.

19. L'accord a été paraphé par des représentants du Gouvernement afghan et d'Hizb-i Islami le 22 septembre 2016 |15| et signé officiellement par le Président de l'Afghanistan, Ashraf Ghani, le 29 septembre 2016 et par Hekmatyar par le biais d'une liaison vidéo avec le palais présidentiel à Kaboul. La cérémonie a été diffusée en direct à la télévision. La conclusion de ce processus peut être considérée comme un signe que le processus de réconciliation progresse dans son ensemble. Certains des interlocuteurs de l'Équipe ont estimé que le processus utilisé pour amener le Hizb-i Islami à signer un accord de réconciliation pourrait être considéré comme un modèle pour la réconciliation avec d'autres groupes. Toutefois, d'autres ont relevé des différences importantes entre la structure d'Hizb-i Islami et celle du mouvement des Taliban, qui est nettement moins hiérarchisée; les démarches pour parvenir à un accord de réconciliation avec les Taliban seraient donc probablement très différentes. Néanmoins, les États Membres ont estimé que si la réconciliation avec Hizb-i Islami s'avérait durable, il s'agirait d'une réussite symboliquement très importante pour le Gouvernement afghan.

B. Les Taliban

20. En janvier 2016, l'Afghanistan, la Chine, le Pakistan et les États-Unis d'Amérique ont formé le Groupe de coordination quadrilatérale afin de préparer le terrain pour les pourparlers de paix avec les Taliban |16|. Les États Membres ont expliqué à l'Équipe d'appui qu'en dépit des efforts considérables déployés par tous les membres du Groupe pour entamer des pourparlers directs entre Kaboul et les Taliban, ces derniers avaient publié une déclaration le 5 mars 2016 annonçant qu'ils n'avaient actuellement pas l'intention d'y participer |17|.

21. Plusieurs États Membres ont indiqué à l'Équipe d'appui que sous la direction d'Akhtar Mansour, les Taliban n'avaient manifesté clairement aucune volonté de négocier, et que cela n'avait pas changé lorsque Haibatullah Akhundzada avait pris la tête du mouvement. Selon ces États Membres, si en tant que haut dignitaire religieux Haibatullah Akhundzada bénéficie d'un solide ascendant sur le plan idéologique, son style de direction consensuel limitera, pour le moment, sa capacité d'affirmer son autorité, même s'il venait à souhaiter engager des discussions sur la réconciliation. Selon des responsables afghans et plusieurs interlocuteurs internationaux de l'Équipe, la majorité des hommes d'influence au sein du mouvement Taliban pensent que la saison actuelle des combats se déroule à leur avantage, et continuent de penser qu'ils seront en mesure de gagner le conflit par des moyens militaires. Ils considèrent donc pour l'heure que la direction du mouvement n'aurait aucune raison de s'engager dans un processus de négociation stratégique.

22. En février 2016, Pir Sayed Ahmad Gailani a été nommé Président du Haut Conseil pour la paix. L'ancien second Vice-Président Karim Khalili, l'ancien Gouverneur de Bamiyan, Habiba Surabi, Mawlawi Ataur Rahman Saleem et Mawlawi Abdul Khabir ont été nommés députés à la tête du Haut Conseil. Les autorités afghanes ont expliqué à l'Équipe d'appui que, si les Taliban choisissaient d'entamer des négociations sérieuses avec le Haut Conseil pour la paix, celui-ci était actuellement pleinement opérationnel. Les interlocuteurs de l'Équipe d'appui ont souligné que certains changements avaient été entrepris afin d'améliorer le fonctionnement du Haut Conseil. Dans la nouvelle proposition, la composition du Haut Conseil serait ramenée de 73 membres à environ 50. Ces 50 membres seraient répartis entre trois grands comités et des comités spéciaux seraient créés en tant que de besoin. Les travaux des comités seraient fondés sur la politique révisée du Haut Conseil, qui a défini les activités du plan quinquennal pour la réalisation « de la paix et de la prospérité » en s'appuyant sur ses trois piliers principaux : mener des initiatives de paix, s'appuyer sur les initiatives de paix existantes et aider à instaurer la paix sociale et la justice pour tous les Afghans.

III. État islamique d'Iraq et du Levant

23. La position de l'EIIL en Afghanistan s'est nettement affaiblie depuis 2015 (S/2016/629, par. 18 et 19). Des responsables du Gouvernement afghan ont indiqué qu'en 2015, alors que le groupe était au plus fort de sa puissance, il avait été en mesure de contrôler temporairement jusqu'à neuf districts dans la province de Nangarhar. Actuellement, cependant, la partie la plus active du groupe ne contrôle plus que trois districts et demi au mieux dans la province. Dans le même temps, le nombre de combattants de l'EIIL a chuté en raison des opérations menées contre eux par les Forces nationales de défense et de sécurité afghanes et des frappes aériennes des forces internationales. Les affrontements avec des combattants Taliban cherchant à gagner en influence au niveau local et notamment à se procurer des ressources, des fonds et de la main-d'œuvre ont réduit la capacité du groupe à conquérir des territoires et à les tenir.

24. Plusieurs États Membres ont indiqué à l'Équipe que le nombre de combattants de l'EIIL dans l'est de l'Afghanistan était tombé à environ 1 600 |18|, dont plus de 700 étaient des étrangers, regroupés principalement dans les districts de Deh Bala, Kot, Achin et Naziyan dans la province de Nangarhar. Environ 200 combattants de l'EIIL sont basés dans la province de Kunar. Selon les interlocuteurs afghans et internationaux de l'Équipe, des combattants de l'EIIL cherchent à passer dans la province de Nangarhar à partir de Kunar et de Nuristan. De petits groupes de l'EIIL opèrent dans les provinces de Laghman, Badakhchan et Baghlan (districts de Burkah et de Nahrin), ainsi que dans les provinces de Kunduz et Zabul, en particulier dans le district de Kakar. Dans le nord de l'Afghanistan, l'EIIL coopère avec Jundallah (non inscrite sur la Liste), une organisation liée au groupe TTP.

25. Les représentants du Gouvernement Afghan et plusieurs États Membres ont confirmé à l'Équipe que Hafiz Saeed Khan (non inscrit sur la Liste), chef de l'EIIL en Afghanistan, a été tué par une frappe aérienne le 26 juillet 2016. Plusieurs États Membres ont expliqué à l'Équipe que près de la moitié des membres de l'EIIL en Afghanistan n'étaient pas d'origine afghane, avec une forte proportion de combattants originaires de la zone frontalière afghano-pakistanaise. Selon l'évaluation faite par plusieurs États Membres, l'EIIL a perdu un nombre important d'ex-combattants Taliban qui ont choisi de réintégrer le mouvement en 2015. Néanmoins, le groupe continue d'attirer des combattants Taliban mécontents. L'un des risques potentiels particuliers signalés à l'Équipe par les États Membres est que l'EIIL recrute parmi les réfugiés afghans qui rentrent chez eux. Selon les informations fournies par les États Membres, l'EIIL verse environ 500 dollars à ses combattants lorsqu'ils rejoignent le groupe.

26. Tout au long de 2015 et de 2016, le groupe a mené une campagne de propagande active à l'intérieur du pays. Selon des responsables afghans, le Groupe utilise toujours une station de radio mobile qui reste leur outil principal, malgré trois opérations menées avec succès par les forces afghanes et internationales visant la station. En outre, le groupe diffuse activement des documents de propagande sur Internet. Selon des informations communiquées par les interlocuteurs afghans de l'Équipe, le département de la propagande de l'EIIL en Afghanistan est dirigé par un producteur vidéo et journaliste professionnel, diplômé de l'Université de Jalalabad, Sultan Aziz Ezan (non inscrit sur la Liste). Dans les provinces de Nangarhar et de Khost, l'EIIL a également distribué la nuit des lettres de menace pour intimider la population locale et les partisans du Gouvernement afghan.

27. Plusieurs États Membres et des responsables de la sécurité afghans ont estimé que les relations entre l'EIIL et les Taliban variaient suivant les régions d'Afghanistan. Dans certaines provinces, en particulier dans les provinces de Kunduz et de Kunar, des combattants de l'EIIL ont eu des échanges avec les groupes de combattants Taliban et évité des affrontements. Toutefois, dans d'autres parties du pays, les deux groupes sont entrés en concurrence pour des questions de ressources, de territoire et d'influence, notamment dans l'est du pays, en particulier dans la province de Nangarhar. Néanmoins, les autorités afghanes ont indiqué à l'Équipe que, malgré des affrontements réguliers entre des groupes Taliban et l'EIIL dans la province, ce dernier était toujours disposé à verser aux commandants Taliban sur le terrain un salaire de 1 000 dollars par mois, s'ils consentaient à coopérer et à ne pas s'opposer à lui.

28. En dehors de l'est de l'Afghanistan, les deux groupes se sont affrontés également dans les provinces de Farah et de Helmand, où les Taliban ont réussi à vaincre divers groupes de l'EIIL. Selon plusieurs États Membres, l'un des principaux points de désaccord entre les Taliban et l'EIIL est le contrôle du commerce de stupéfiants. Selon des informations reçues de plusieurs États Membres, en 2015, l'EIIL a acheté et ensuite incendié la récolte de pavot dans les districts sous son contrôle dans la province de Nangarhar. Les autorités afghanes ont expliqué à l'Équipe que, dans d'autres régions du pays, des combattants de l'EIIL avaient arrêté et détruit des livraisons de stupéfiants appartenant aux Taliban.

29. Plusieurs États Membres ont indiqué à l'Équipe que la plupart des finances de l'EIIL en Afghanistan provenait de sources externes. L'organisation mère de l'EIIL en Iraq et en République arabe syrienne a fait des efforts pour soutenir financièrement l'EIIL en Afghanistan, comme elle l'a fait avec d'autres de ses groupes à l'extérieur de la région. Les interlocuteurs afghans ont indiqué à l'Équipe de surveillance que l'EIIL recevait également un appui externe par le biais de dons individuels provenant de la région dans son ensemble. Selon plusieurs États Membres, une partie de l'appui financier extérieur apporté à l'EIIL est transféré au moyen de canaux informels, tels que les hawalas. Cependant, plusieurs États Membres ont signalé à l'Équipe que l'EIIL avait également commencé à se procurer des sources de revenus à l'intérieur de l'Afghanistan : le groupe extorquait des commerçants et la population locale; utilisait les enlèvements contre rançon comme source de revenus; et se livrait à la vente illégale de bois abattu. Les autorités afghanes ont expliqué à l'Équipe que les combattants de l'EIIL ne recevaient qu'une petite solde mensuelle; toutefois, leurs familles bénéficiaient d'un logement, de nourriture, de vêtements et autres articles nécessaires. Au cours de l'été 2016, le directeur financier de l'EIIL en Afghanistan, Azan Gul (non inscrit sur la Liste), a été arrêté par les autorités afghanes.

IV. Combattants terroristes étrangers en Afghanistan

30. Selon l'évaluation faite par plusieurs États Membres et des responsables du Gouvernement Afghan, l'opposition armée en Afghanistan dispose d'environ 45 000 combattants. Parmi ces derniers, entre 20 % et 25 % ne seraient pas afghans. Plusieurs interlocuteurs de haut rang de l'Équipe ont décrit la situation actuelle en Afghanistan comme un laboratoire de mauvais éléments qui se renforçaient mutuellement et représentaient un défi terroriste important et croissant non seulement pour le pays mais également pour la communauté internationale.

31. Les interlocuteurs afghans ont estimé que les combattants terroristes étrangers dans le pays se répartissaient globalement en quatre groupes. Le premier et le plus important constitué de combattants présents actuellement en Afghanistan, était composé d'environ 7 500 à 7 600 personnes qui avaient fui en raison de l'opération militaire pakistanaise Zarb-e-Azb et avaient rejoint les rangs des Taliban afghans. Ces combattants viennent de groupes tels que Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP) (QDe.132), Lashkar e Toiba (QDe.118), Lashkar e Jhangvi (LJ) (QDe.096), Jaish e Mohammed Jaish-i-Mohammed (QDe.109), Harakat ul-Mujahidin/HUM et autres.

32. Selon des responsables afghans, des combattants du groupe Lashkar e Toiba dispensent notamment une formation aux nouvelles recrues Taliban dans le district de Maywand de la province de Kandahar. Un groupe de combattants fidèles à Harakat ul-Mujahidin et composé de 250 personnes coopère dans la province de Paktiya avec le Réseau Haqqani (TAe.012). Au cours de l'été 2016, cette organisation, dirigée par Abdul Haq Ayoubi et située dans les districts de Dand Wa Patan et de Jaji dans la province de Paktiya, a participé avec les Taliban afghans à une attaque contre le district d'Hisarak. Des combattants terroristes étrangers ouzbek et ouïghour ont également participé à cette attaque.

33. Un deuxième groupe de combattants terroristes étrangers serait composé de personnes originaires de Chine, de la Fédération de Russie et d'Asie centrale. Ces militants combattent actuellement avec le MIO, le Mouvement islamique du Turkestan oriental (ETIM) (QDe.088), le Groupe du Jihad islamique (QDe.119), Joundallah (non inscrit sur la Liste) et Jamaat Ansarullah (non inscrit sur la Liste). Les autorités afghanes ont indiqué à l'Équipe que, ces derniers mois, environ 300 militants originaires d'Asie centrale ainsi que leur famille sont apparus dans les districts de Daychopan, Arghandab et Kakar, dans la province de Zaboul.

34. Dans le nord de la province de Helmand, de nombreux combattants d'origine ouzbèke et tadjike ont également été signalés. Les autorités afghanes considèrent qu'ils peuvent être membres de la Katiba Imam Bukhari (non inscrite sur la Liste) qui a prêté allégeance au nouveau chef du mouvement des Taliban, Haibatullah Akhundzada, qui avait auparavant été transféré de la République arabe syrienne à l'Afghanistan (S/2016/629, par. 19). De hauts responsables afghans ont estimé que la raison de la présence de ces combattants en Afghanistan était de créer un réseau de sympathisants dans les provinces du nord et du nord-est du pays afin d'acquérir de l'expérience, de mettre en place un réseau et de se préparer éventuellement à retourner dans leur pays d'origine. Le MIO et l'ETIM travaillent en étroite collaboration avec les Taliban afghans, mais s'identifient souvent avec l'EIIL. Cela devrait être considéré comme une relation symbiotique dans laquelle une coopération est bénéfique pour les deux partenaires.

35. Un troisième groupe de combattants terroristes étrangers composé de membres de l'EIIL est essentiellement installé dans les provinces de Nangarhar et de Kunar. Environ 1 600 militants, originaires des pays voisins, sont basés dans la province de Nangarhar et 200 sont à Kunar. Les combattants terroristes étrangers de l'EIIL en Afghanistan proviennent principalement de trois districts situés dans la zone frontalière entre l'Afghanistan et le Pakistan : Orakzai, Khyber et Bajaur.

36. Le quatrième groupe de combattants terroristes étrangers en Afghanistan comprend des représentants d'Al-Qaida qui font partie de l'Organisation d'Al-Qaida pour le jihad dans le sous-continent indien. À l'heure actuelle, ils luttent pour se faire une place en Afghanistan. Selon les responsables afghans, le nombre de membres d'Al-Qaida en Afghanistan se situerait entre 400 et 600, présents principalement dans le sud, l'est et le nord-est du pays. En 2016, 120 familles de membres d'Al-Qaida ont déménagé dans le district de Khogyani (province de Nangarhar). Les membres d'Al-Qaida ne sont pas très engagés dans les combats en Afghanistan mais agissent principalement comme formateurs et conseillers incorporés pour les Taliban, le Réseau Haqqani, Lashkar-e-Tayyiba et le MIO.

37. La plupart des combattants terroristes étrangers en Afghanistan ont besoin de l'aide des Taliban afghans pour trouver des refuges, dont beaucoup se servent comme base pour poursuivre des objectifs plus importants dans leur pays d'origine. La présence des Taliban et des groupes qui leur sont affiliés dans l'extrême nord du pays, notamment dans les provinces de Kunduz et de Badakhshan, est un exemple de cette relation symbiotique. De hauts responsables afghans ont donc fait observer qu'à leur avis, l'Afghanistan était actuellement exposé à une menace de nature internationale qui surgissait à un moment où le pays n'avait pas les moyens de gérer lui-même la situation. Ils ont également souligné que le problème pourrait être aggravé par un afflux de réfugiés afghans pouvant aller jusqu'à 1 million de personnes qui devraient rentrer du Pakistan en 2016 |19|. De hauts responsables afghans sont actuellement préoccupés par le fait que le grand nombre de réfugiés qui rentrent chez eux pourrait constituer un réservoir de recrues faciles pour toute une série de groupes radicaux en Afghanistan.

V. Mise en œuvre des sanctions

A. Interdiction de voyager

38. L'interdiction de voyager décrétée contre des personnes inscrites sur la Liste reste difficile à appliquer. L'Équipe d'appui analytique et de surveillance des sanctions continue de prendre connaissance d'articles de presse nationaux, régionaux et internationaux qui font régulièrement état, sans que cela puisse être confirmé, de déplacements de personnes inscrites sur la Liste. Selon la plupart de ces articles, les déplacements des personnes figurant sur la Liste seraient liés aux initiatives visant à entamer un processus de négociations directes entre le mouvement des Taliban et le Gouvernement afghan. L'Équipe n'a pas reçu de confirmation officielle de violations qui auraient été commises par un État Membre.

39. L'interdiction de voyager établie en application de la résolution 1988 (2011) continue d'être une mesure de sanctions forte que les Taliban ont déjà critiquée, car elle les empêche de se déplacer librement (S/2015/648, par. 33). Par conséquent, la stricte application de l'interdiction de voyager à l'encontre de toutes les personnes inscrites sur la Liste reste un outil essentiel pour maintenir la pression sur les dirigeants Taliban. Dans ce contexte, il convient de noter que, selon certaines informations, le Gouvernement serait prêt à engager des consultations avec le Conseil de sécurité des Nations Unies pour lever les sanctions imposées à Hekmatyar dès que possible, point crucial d'une réconciliation éventuelle entre Gulbuddin Hekmatyar et le Gouvernement afghan. Hekmatyar figure actuellement sur la Liste établie en application du régime de sanctions imposé contre l'EIIL (Daech) et Al-Qaida.

40. Au moment de son décès, le mollah Mansour avait été repéré dans la région située « entre le district de Registan (Kandahar) et le district de Noshki (Balouchistan) », selon une déclaration des Taliban |20|. Des informations parues dans la presse, attribuées au porte-parole des Taliban, Zabihullah Mujahed, laissent entendre qu'avant son décès, Mansour s'était rendu dans d'autres pays pour assister à des réunions et lever des fonds. De hauts responsables du Gouvernement afghan ont également confirmé que, selon eux, Mansour voyageait dans toute la région avant sa mort. Par conséquent, il est fort possible que certaines personnes inscrites sur la Liste aient pu se procurer des documents d'identité sous une fausse identité ou à l'aide de documents frauduleux.

41. La fourniture de données biométriques, notamment de photographies et d'empreintes digitales, est un moyen de renforcer l'application de l'interdiction de voyager. Les données biométriques permettent d'identifier une personne indépendamment des informations relatives à son identité figurant dans un éventuel document de voyage. Pendant plusieurs années, l'Équipe a collaboré avec les États Membres pour recueillir ces données en vue de leur inclusion dans les Notices spéciales INTERPOL-Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies (S/2014/402, par. 38 et 39). Cela a conduit à une augmentation significative des données biométriques fournies sur les personnes inscrites sur la Liste relative aux sanctions établie en application de la résolution 1988 (2011). Toutefois, des photos vérifiées manquent toujours dans les bases de données s'agissant d'individus clefs, comme Akhtar Mansour.

42. L'Équipe de surveillance recommande au Comité d'encourager les États Membres à transmettre des photographies de personnes actuellement inscrites sur la Liste relative aux sanctions imposées par la résolution 1988 (2011) pour inclusion dans les Notices spéciales INTERPOL-Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, comme le Comité l'avait déjà demandé en 2014.

43. Les discussions de l'Équipe avec des spécialistes à INTERPOL ainsi qu'avec plusieurs organismes de répression nationaux ont mis en lumière le fait que, pour les empreintes digitales, le format ANSI/NIST-RIT est le format de données le plus important |21|.

44. Afin d'assurer une meilleure interopérabilité sur le plan international des fichiers d'empreintes digitales fournis par le Comité, l'Équipe de surveillance recommande à celui-ci d'écrire aux États Membres et d'inviter ceux qui ne l'ont pas encore fait à lui communiquer ainsi qu'à la Division des affaires du Conseil de sécurité les empreintes digitales des personnes inscrites sur la Liste, s'il y a lieu, en vue de les incorporer aux Notices spéciales INTERPOL-Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies au format ANSI/NIST-ITL 1-2007.

B. Gel des avoirs

45. L'Afghanistan a continué de développer son cadre juridique et réglementaire en vue de lutter contre le financement du terrorisme, en étroite coopération avec le Groupe d'action financière. Le Centre afghan d'analyse des opérations et déclarations financières, qui est la cellule de renseignement financier de l'Afghanistan, joue un rôle crucial à cet égard. Depuis la présentation de son troisième rapport (S/2013/656, par. 49), l'Équipe d'appui recueille des données sur l'octroi de licences aux prestataires de services financiers, processus qui se poursuit et concerne désormais la plupart des provinces du pays. Le Centre afghan d'analyse des opérations et déclarations financières tient à jour sur son site Web les listes de prestataires agréés pour chaque région du pays |22|. Grâce à ces listes, le secteur financier et le grand public peuvent savoir quels prestataires ont cessé leur activité |23| et quelles licences ont été révoquées |24|.

46. Le processus d'octroi de licences aux prestataires de services financiers, dont l'Équipe d'appui considère qu'il pourrait devenir une pratique optimale pour la région, est étayé par la communication par le Centre afghan d'analyse des opérations et déclarations financières d'informations relatives aux sanctions. Sur son site Web, le Centre afghan tient à jour des liens avec la liste relative aux sanctions établie par le Comité 1988 (2011) et avec la Liste relative aux sanctions contre l'EIIL (Daech) et Al-Qaida |25|. En outre, les autorités afghanes ont indiqué à l'Équipe d'appui que la traduction non officielle de la liste du Comité 1988 (2011) en dari et en pachto |26| leur était particulièrement utile dans leurs activités quotidiennes en rapport avec la mise en œuvre des dispositions applicables en matière de sanctions. Les listes en dari et en pachto ont été communiquées aux gouverneurs de province, qui les ont à leur tour transmises aux parties prenantes financières concernées dans leurs provinces respectives. Toute opération dont on soupçonne qu'elle est liée à des individus ou à des entités inscrits sur la Liste est signalée à Kaboul par les bureaux locaux du Centre afghan d'analyse des opérations et déclarations financières, et les informations communiquées sont rapprochées de celles figurant dans la version anglaise de l'une ou l'autre liste relative aux sanctions. Si une correspondance est établie, les fonds concernés sont gelés. Les autorités afghanes ont expliqué à l'Équipe d'appui que si par le passé chaque ordonnance de gel des avoirs supposait que le Procureur général émette une instruction spécifique autorisant le gel, ce dernier avait émis le 20 juillet 2016 une instruction permanente autorisant le gel des avoirs si une correspondance était établie avec les versions actuelles et futures de la liste relative aux sanctions établie par le Comité 1988 (2011) et de la Liste relative aux sanctions contre l'EIIL (Daech) et Al-Qaida |27|.

47. Le 1er septembre 2016, les nouvelles versions des listes relatives aux sanctions, dans lesquelles les entrées apparaissent dans l'ordre alphabétique et dans l'ordre des numéros de référence permanents, sont entrées en vigueur. Les adresses Web auxquelles sont disponibles la liste du Comité 1988 (2011) et la Liste relative aux sanctions contre l'EIIL (Daech) et Al-Qaida ont été modifiées en conséquence.

48. Étant donné que le Centre afghan d'analyse des opérations et déclarations financières et d'autres autorités gouvernementales afghanes consultent régulièrement ces listes via le site Web des comités des sanctions pertinents, l'Équipe d'appui recommande que le Comité transmette dans une note verbale adressée à tous les États Membres les nouvelles adresses auxquelles sont disponibles la liste du Comité 1988 (2011) et la Liste relative aux sanctions contre l'EIIL (Daech) et Al-Qaida.

49. Les Taliban restent impliqués, directement ou indirectement, dans l'exploitation illégale des ressources naturelles de l'Afghanistan |28|. Il ressort de l'évaluation faite par l'Équipe d'appui, sur la base de ses entretiens avec le Gouvernement afghan ainsi qu'avec plusieurs États Membres, que les Taliban continuent de tirer de cette activité une importante source de revenu régulier en même temps qu'ils nuisent au développement économique du pays en volant des ressources naturelles non renouvelables. L'Équipe d'appui recense les informations à ce sujet depuis son quatrième rapport (S/2014/402, par. 51 à 54). Outre le renforcement des dispositifs nationaux de contrôle de ce secteur à l'intérieur du pays, il est nécessaire de mieux sensibiliser les acheteurs internationaux de ressources naturelles provenant d'Afghanistan afin de créer des obstacles susceptibles de compromettre la capacité des Taliban de tirer des revenus à cet égard.

50. Les Taliban se livrent à des actes d'extorsion visant les exploitations minières afghanes légales et autorisées, pratique qui compromet l'application du droit interne et que combat actuellement le Gouvernement afghan |29|. Ce dernier coopère en outre avec l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives du Fonds monétaire international afin d'accroître la transparence du secteur en Afghanistan |30|. Cet effort permettra aussi d'entraver davantage les menées des Taliban pour les empêcher d'extorquer l'industrie minière légale du pays. Par ailleurs, la capacité des Taliban de tirer des avoirs de ressources naturelles qu'ils ont eux-mêmes exploitées illégalement est un problème que le régime de sanctions établi par la résolution 1988 (2011) peut permettre de résoudre. Les Taliban doivent acheminer ces ressources naturelles sur le marché international. Par conséquent, les ressources en question aussi bien que les opérations financières requises traversent les frontières internationales et sont soumises à des contrôles internationaux. Comme l'a souligné l'Équipe d'appui dans son rapport spécial sur la coopération entre les Taliban et les organisations criminelles les ressources naturelles provenant de l'extraction illégale contrôlée par les Taliban sont introduites sur le marché mondial à l'aide de certificats d'origine falsifiés (S/2015/79, par. 25).

51. La poursuite des discussions entre l'Équipe d'appui et les spécialistes du secteur ainsi que le Gouvernement afghan et plusieurs États Membres ont de nouveau fait ressortir le fait que l'application plus rigoureuse des procédures de contrôle et du devoir de précaution nécessitait une meilleure connaissance des réseaux impliqués dans l'obtention illégale d'avoirs et de la localisation géographique de ces sites illégaux d'exploitation minière.

52. L'Équipe d'appui recommande que le Comité adresse une note verbale à tous les États Membres pour encourager ceux qui ne l'ont pas encore fait à sensibiliser les partenaires de leur secteur privé respectif au fait que les Taliban peuvent aussi tirer profit des ressources naturelles illégalement exploitées provenant d'Afghanistan.

53. L'Équipe d'appui recommande également que le Comité encourage les États Membres, au moyen d'une note verbale, à soumettre des demandes d'inscription sur la Liste concernant des individus impliqués dans le commerce international de ressources naturelles illégalement exploitées par les Taliban.

54. Enfin, l'Équipe spéciale recommande que le Comité la charge de continuer à s'employer avec le Gouvernement afghan et les partenaires concernés du secteur privé à examiner les possibilités qui s'offrent de diffuser des informations plus précises sur les sites illégaux d'exploitation minière en Afghanistan auprès des acteurs gouvernementaux et des parties prenantes du secteur.

C. Embargo sur les armes

1. Engins explosifs improvisés

55. Si l'utilisation d'engins explosifs improvisés a dans l'ensemble diminué au cours de la saison des combats |31|, l'Équipe d'appui a continué à recevoir des États Membres des informations selon lesquelles l'approvisionnement en composants destinés à la fabrication de ces engins, tels que détonateurs, cordeaux détonants et systèmes de déclenchement à distance, ainsi qu'en précurseurs d'explosifs artisanaux, se poursuit. Tous les interlocuteurs de l'Équipe d'appui ont insisté sur le fait que les Taliban ne semblent pas être à court d'approvisionnement. Dans son récent rapport sur la lutte contre la menace que représentent les engins explosifs improvisés, le Secrétaire général a désigné l'Afghanistan comme étant l'un des pays les plus exposés à ces engins dont il a fait valoir qu'ils tuent en Afghanistan 10 fois plus de civils que les mines (A/71/187, par. 5 et 11). En outre, comme on l'a souligné ci-dessus, les Taliban utilisent aussi les EEI comme un instrument politique : en déstabilisant l'infrastructure civile, les Taliban compromettent la capacité du Gouvernement d'assurer les services destinés à la population. Par conséquent, toute réduction de la fourniture aux Taliban de ces composantes destinées à la fabrication d'engins explosifs improvisés non seulement permettrait d'appliquer plus rigoureusement l'embargo sur les armes mais encore pourrait avoir des effets positifs au niveau politique.

56. Comme souligné dans le sixième rapport de l'Équipe d'appui (S/2015/648, par. 52 et 53), le cadre juridique et règlementaire de l'Afghanistan applicable à l'importation et à l'utilisation de pièces destinées à un usage civil susceptibles d'être détournées aux fins de la fabrication d'engins explosifs improvisés a considérablement évolué ces quelques dernières années. Le renforcement des contrôles au niveau du secteur de production de ces composantes est donc un moyen d'accroître l'utilité de l'embargo sur les armes à cet égard. Dans son récent rapport sur la lutte contre la menace que représentent les engins explosifs improvisés, le Secrétaire général met également en avant cette question et recommande que les secteurs concernés mettent au point des codes de conduite nationaux (A/71/187, recommandation 1). L'Équipe d'appui insiste continuellement, depuis son troisième rapport (S/2013/656, par. 59 à 66) sur l'importance de telles directives. Elle continue de coopérer avec les secteurs concernés et des initiatives régionales telles que le Processus d'Istanbul pour mieux sensibiliser à cette question.

57. Le rapport du Secrétaire général sur la lutte contre la menace que représentent les engins explosifs improvisés est un document crucial dans lequel est énoncée une série de recommandations importantes à l'intention des États Membres. Il est donc essentiel de mieux faire connaître ce rapport et les recommandations qu'il contient.

58. L'Équipe d'appui recommande que le Comité explore les possibilités, comme la tenue d'ateliers, de diffuser le rapport du Secrétaire général (A/71/187) auprès des parties prenantes concernées par la question, en faisant par exemple appel aux coordonnateurs résidents des Nations Unies dans la région. Elle se tient prête à participer à de tels ateliers.

2. Armes et munitions

59. Outre les composantes d'engins explosifs improvisés, l'approvisionnement des Taliban en armes et en munitions reste une préoccupation constante. Le Gouvernement afghan et l'ensemble des interlocuteurs internationaux avec lesquels l'Équipe d'appui examine cette question ont fait valoir qu'à aucun moment durant les saisons des combats actuelles ou passées les Taliban n'ont semblé avoir du mal à réapprovisionner leurs forces. Plusieurs États Membres et le Gouvernement afghan ont expliqué à l'Équipe d'appui que l'origine de ce matériel était difficile à déterminer, l'Afghanistan, et la région en général, regorgeant d'armes et de munitions. Par conséquent, une partie des armes et des munitions utilisées par les Taliban pouvait être illégalement obtenue par le mouvement à l'extérieur du pays. L'Équipe d'appui continuera à se concerter avec les États Membres de la région pour accroître la sensibilisation à ce problème.

60. Plusieurs interlocuteurs de l'Équipe d'appui ont par ailleurs insisté sur les difficultés auxquelles se heurte l'Afghanistan pour ce qui est de gérer les stocks d'armes et de munitions de ses forces de sécurité. Combinées au réapprovisionnement pendant que se déroulent les combats, ces difficultés font naître le risque de voir disparaître des armes et des munitions. Il est ressorti des entretiens que l'Équipe d'appui a eu avec les responsables militaires afghans ainsi que ses interlocuteurs internationaux que l'on avait perdu la trace de quantités non négligeables d'armes et de munitions provenant des stocks militaires afghans. Lors de sa récente visite dans le pays, l'Équipe d'appui a examiné avec les autorités afghanes compétentes les problèmes liés à la gestion des stocks. Elle poursuivra cet examen afin de déterminer si de nouvelles mesures devraient être prises pour atténuer ce risque.

61. L'Équipe d'appui recommande que le Comité encourage le Gouvernement afghan à étudier les mesures qui pourraient être prises, dans la limite des ressources disponibles, en coopération avec les organismes compétents des Nations Unies, pour améliorer la gestion des stocks |32|.

62. Outre le problème de l'approvisionnement en armes et en munitions, plusieurs responsables de haut niveau du Gouvernement afghan ont souligné le fait que, durant la saison actuelle des combats, une quantité croissante de matériel moderne spécial, tels que des fusils à lunette, des viseurs laser et des lunettes de vision nocturne, a été confisquée à des combattants Taliban. Plusieurs États Membres ont également fait valoir que les combattants fidèles à l'EIIL en Afghanistan, en dépit de la pression militaire exercée sur eux, avaient eux aussi réussi à se procurer du matériel spécial. Selon les autorités afghanes et les interlocuteurs internationaux de l'Équipe d'appui, l'équipement ainsi saisi était d'origine étrangère. Les Taliban avaient dans le passé toujours été en mesure de se procurer de petites quantités de matériel spécialisé, soit en le volant soit en s'en emparant lors d'affrontements sur les champs de bataille. L'Équipe d'appui a rapporté ces informations au Comité par le passé. Il est toutefois ressorti de récentes discussions que le problème se serait aggravé et ne pourrait plus être lié aux seuls incidents isolés de vol ou de prise sur les champs de bataille. Comme dans le cas des composantes d'engins explosifs improvisés, il est crucial de recenser les saisies de tels équipements afin d'identifier les zones qui présentent des risques.

63. L'Équipe d'appui recommande que le Comité la charge d'élaborer un projet spécial semblable au projet en cours qui consiste à recenser les saisies par les forces afghanes de composantes d'engins explosifs improvisés, l'objectif étant de recenser systématiquement toutes les saisies ainsi que le type et le modèle de tous les équipements spécialisés pris aux combattants affiliés aux Taliban, à Al-Qaida et à l'EIIL en Afghanistan. Ces informations pourraient ensuite être enregistrées par les États Membres dans le dispositif d'INTERPOL au moyen des notices orange et mauves |33|.

VI. Activités de l'Équipe d'appui

A. Coopération avec les États Membres, les spécialistes et les experts de la société civile

64. L'Équipe d'appui travaille en coopération étroite et constante avec le Gouvernement afghan et se réjouit de reprendre un programme de visites fréquentes dans le pays en 2017. Lors des visites qu'elle a effectuées, l'Équipe d'appui a organisé pour les responsables afghans des ateliers consacrés au régime de sanctions prévu par la résolution 1988 (2011) et aux processus connexes. Elle a également rassemblé des informations sur la situation en Afghanistan aux fins de l'élaboration du présent rapport, à l'occasion de différentes visites dans le pays et de plusieurs réunions avec les services de renseignement aux niveaux régional et international. Elle a en outre poursuivi ses échanges avec les spécialistes et experts de la société civile au sujet du mouvement Taliban et de la situation en Afghanistan. Depuis juin 2015, l'Équipe d'appui s'assure le concours d'analystes et d'universitaires afghans lors de ses visites dans le pays. Elle a également consulté des spécialistes de l'Afghanistan en Fédération de Russie, aux États -Unis d'Amérique et en Europe.

B. Coopération avec les organisations régionales

65. Outre sa coopération constante avec le Gouvernement afghan, l'Équipe d'appui continue de travailler aux côtés de la Force opérationnelle multinationale 150 des Forces maritimes combinées (FOM-150) à Manama et de l'ONUDC, afin de déterminer et d'analyser l'implication des Taliban dans les flux de drogues en provenance d'Afghanistan qui transitent par l'océan Indien (S/2015/648, par. 55). L'Équipe d'appui informe régulièrement le Comité des avancées réalisées quant à ce projet particulier.

66. De la même manière, l'Équipe d'appui travaille en association avec l'Organisation du Traité de sécurité collective afin de déterminer l'implication des Taliban dans le flux de stupéfiants transitant par la « route du nord ». Depuis la publication de son sixième rapport, l'Équipe d'appui a tenu plusieurs réunions avec des représentants de l'organisation à Moscou et à New York, et le secrétaire général adjoint de l'organisation a présenté au Comité, le 1er juin 2016, un exposé sur les activités de celle-ci en matière de lutte contre les stupéfiants et contre le terrorisme. L'Équipe d'appui entretient également des contacts avec l'Organisation de Shanghai pour la coopération, dans le même objectif.

C. Coopération avec d'autres organes des Nations Unies

67. L'Équipe d'appui continue de coopérer étroitement avec la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) et apprécie le soutien que celle-ci lui apporte régulièrement sous la direction du Représentant spécial du Secrétaire général pour l'Afghanistan et Chef de la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan, Tadamichi Yamamoto, durant et entre les visites qu'elle effectue dans le pays. Elle continue par ailleurs de se concerter avec les spécialistes de l'économie de la drogue en Afghanistan de l'ONUDC.

D. Coopération entre le Conseil de sécurité et l'Organisation internationale de police criminelle

68. L'Équipe d'appui a engagé avec le Bureau central national d'INTERPOL à Kaboul une coopération étroite et suivie, qui donne régulièrement lieu à des échanges d'évaluations des risques et à la communication à l'Équipe d'informations officielles relatives à des personnes inscrites sur la Liste. Outre ses contacts avec le Bureau central national, l'Équipe d'appui coopère étroitement aussi avec les divers groupes de travail et départements du siège de l'organisation à Lyon (France). Grâce au travail du Bureau de liaison d'INTERPOL à New York et des fonctionnaires désignés pour appuyer son action, l'Équipe d'appui a également reçu de la part de différents bureaux centraux nationaux d'INTERPOL des États Membres des informations pertinentes sur des personnes et entités inscrites sur la Liste. Elle a par ailleurs participé à des ateliers régionaux de formation consacrés aux régimes de sanction des Nations Unies, organisés par INTERPOL afin de sensibiliser les parties prenantes concernées au régime de sanction instauré par la résolution 1988 (2011).

E. Contribution au débat public

69. L'Équipe d'appui apprécierait toutes observations sur l'analyse et les propositions figurant dans le présent rapport, qui peuvent lui être transmises à l'adresse suivante : 1988mt@un.org.


Notes :

1. Voir également le paragraphe 40 ci-dessous. [Retour]

2. Déclaration du Conseil suprême de l'Émirat islamique au sujet du martyre d'Akhtar Mohammad Mansour et de l'élection d'un nouveau dirigeant, publiée sur le site Web des Taliban le 13 juin 2016. [Retour]

3. Inscrit sur la Liste sous le nom de Mohammed Omar Ghulam Nabi (TAi.004). [Retour]

4. L'Équipe a décrit la structure de la direction des Taliban dans l'annexe de son sixième rapport (S/2015/648). [Retour]

5. Serment d'allégeance de la famille et des commandants du mollah Dadullah Akhdund, martyr et héros de l'Émirat islamique, publié sur le site Web des Taliban le 13 août 2016. [Retour]

6. Le 12 avril 2016, les Taliban ont annoncé sur leur site Web le début de l'offensive en cours, appelée « Opération Omari » en référence au mollah Omar. [Retour]

7. Al-Qaida avait agi de la même manière en 2015 à l'annonce du décès du mollah Omar et de la nomination d'Akhtar Mansour comme nouveau chef des Taliban. Dans les deux cas, ni les dirigeants de l'État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL), ni les groupes qui lui sont associés n'avaient réagi au décès du chef des Taliban. [Retour]

8. Un État Membre a indiqué que l'un des principaux fournisseurs d'engins explosifs improvisés, Abd-al-Hamid al-Masli (QDi.320), avait été tué en Afghanistan au cours de la saison des combats actuelle. [Retour]

9. ONUDC et Afghanistan, Ministère de la lutte contre les stupéfiants, Afghanistan Opium Survey 2015 : Socioeconomic Analysis, (mars 2016), p. 3. [Retour]

10. Voir, par exemple, ONUDC et Afghanistan, Ministère de la lutte contre les stupéfiants, Afghanistan Opium Survey 2015: Cultivation and Production (décembre 2015), p. 12. [Retour]

11. Un État Membre considérait que ce montant estimatif de 400 millions de dollars était peut-être surévalué, mais il a déclaré en conclusion que quel que soit leur montant, les revenus que percevaient les forces combattantes Taliban suffisaient à leur maintien. [Retour]

12. Cette situation n'est pas nouvelle : l'Équipe d'appui l'avait déjà mise en avant au paragraphe 49 de son sixième rapport (S/2015/648). [Retour]

13. Voir, en particulier, Global Witness, War in the Treasury of the People: Afghanistan Lapis Lazuli and the Battle for Mineral Wealth (juin 2016), p. 20 et 21. [Retour]

14. Pour les détails de l'accord, voir, par exemple, TOLOnews, « Details of peace agreement mapped out », 20 septembre 2016. [Retour]

15. Voir, par exemple, Josh Smith et Mirwais Harooni, « Violent past revisited as Afghanistan initials accord with notorious warlord », 22 septembre 2016. Disponible à l'adresse suivante : www.reuters.com. [Retour]

16. Voir, par exemple, Afghanistan, Ministère des affaires étrangères, « Joint press release: Quadrilateral Coordination Group meeting of Afghanistan, China, Pakistan and the United States », 11 janvier 2016. [Retour]

17. « New statement from the Islamic Emirate of Afghanistan concerning non-participation by delegates in the upcoming Quadrilateral Coordination Group meetings », publié sur le site Web des Taliban le 5 mars 2016. [Retour]

18. Voir S/2016/629, par. 18, dans lequel le nombre de combattants de l'EIIL (Daech) a été estimé à moins de 3 500. [Retour]

19. Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, « Update on Return of Afghan Refugees from Pakistan » (5 septembre 2016). Disponible sur le site www.refworld.org/docid/50d460c72.html. [Retour]

20. Déclaration du Conseil suprême en ce qui concerne le martyre du dirigeant des fidèles, le mollah Akhtar Mohammad Mansour, et l'élection du nouveau chef, publiée le 28 mai 2016 sur le site Web des Taliban. [Retour]

21. INTERPOL, « ANSI/NIST-ITL 1-2007, format des données pour l'échange d'informations relatives aux empreintes digitales, au visage, aux cicatrices et aux tatouages (SMT) : avec appplication INTERPOL (version nº 5.03, avril 2011). [Retour]

22. Voir par exemple la liste des prestataires de services financiers agréés pour la région sud-ouest (province de Kandahar), disponible à l'adresse suivante : www.fintraca.gov.af/MSPsAndMEs/SouthwestRegion/MSPsInKandahar.aspx. [Retour]

23. Ainsi, 29 fournisseurs de services financiers ont rendu leur licence (« démissionné ») dans la province de Nangarhar (voir www.fintraca.gov.af/MSPsAndMEs/EastRegion/MSPsInNangarhar.aspx). [Retour]

24. Par exemple, 69 licences ont été révoquées à Kaboul (voir www.fintraca.gov.af/MSPsAndMEs/CentralRegion/MSPsInKabul.aspx). [Retour]

25. Voir www.fintraca.gov.af/UN1988.aspx et www.fintraca.gov.af/UN1267.aspx, respectivement. [Retour]

26. Pour la traduction en dari : www.un.org/sc/suborg/sites/www.un.org.sc.suborg/files/1988_dari.pdf; pour la traduction en pachto : www.un.org/sc/suborg/sites/www.un.org.sc.suborg/files/1988_pashto.pdf. [Retour]

27. Afghanistan, ordonnance de gel des fonds et avoirs d'individus, d'entités et d'organisations désignés au titre des résolutions 1267 (1999) et 1988 (2011) et des résolutions ultérieures du Conseil de sécurité agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies (20 juillet 2016). [Retour]

28. Voir par. 17 ci-dessus. [Retour]

29. Voir par exemple Cecilia Jamasmie, « Afghanistan deploys security forces in large illegal mining crackdown », 8 juin 2016. Disponible à l'adresse suivante : www.mining.com/afghanistan-deploys-security-forces-in-large-illegal-mining-crackdown/. [Retour]

30. Voir par exemple Pablo Valverde, « Informing reforms - one report at a time » (9 mars 2016). Disponible à l'adresse suivante : https://eiti.org/node/4490 (consulté le 3 octobre 2016). [Retour]

31. Voir par. 6 ci-dessus. [Retour]

32. Le mandat actuel de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali pourrait servir de modèle à un tel projet. Voir résolution 2227 (2015), par. 14 et 34. [Retour]

33. Les notices orange permettent d'échanger des informations sur un événement, une personne, un objet ou un procédé constituant une menace et un danger imminents pour la sécurité publique. Les notices mauves permettent d'échanger des informations sur des modes opératoires, des objets, des dispositifs ou des modes de dissimulation. Voir www.interpol.int/INTERPOL-expertise/Notices. [Retour]


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War in Afghanistan & Iraq
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