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Rapport sur les progrès accomplis par la MANUI (oct.15-jan.16)


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Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2016/77

Distr. générale
26 janvier 2016
Français
Original : anglais

Deuxième rapport du Secrétaire général présenté en application du paragraphe 7 de la résolution 2233 (2015)

I. Introduction

1. Au paragraphe 7 de sa résolution 2233 (2015), le Conseil de sécurité m'a prié de lui rendre compte tous les trois mois des progrès accomplis par la Mission d'assistance des Nations Unies pour l'Iraq (MANUI) dans l'accomplissement de toutes les tâches dont elle est chargée. Le présent rapport fait le point des principaux faits nouveaux ayant trait à l'Iraq et des activités des Nations Unies en Iraq depuis la publication de mon rapport du 26 octobre 2015 (S/2015/819).

II. Résumé des principaux faits politiques récents concernant l'Iraq

A. Évolution sur le plan intérieur

2. Au cours de la période considérée, les Forces de sécurité iraquiennes, les Peshmerga, les Forces de mobilisation populaire et leurs alliés ont conquis un territoire important, notamment en reprenant la ville de Sinjar et le siège administratif de la province à Ramadi.

3. Durant cette même période, le Gouvernement iraquien s'est heurté à des difficultés politiques considérables dans la mise en œuvre de son programme de réformes visant à lutter contre la corruption et à résoudre la crise économique et budgétaire persistante. Les tensions intercommunautaires et les affrontements violents qui ont eu lieu dans les zones reprises à l'État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL) sont une autre difficulté majeure, qui souligne la nécessité de progresser rapidement sur la voie de la réconciliation nationale.

4. Dans la région du Kurdistan iraquien, des tensions entre les partis, dues notamment à l'impasse politique concernant le mandat et les attributions de la présidence, ont conduit à une réorganisation du Gouvernement régional du Kurdistan et perturbé le fonctionnement du Parlement régional.

B. Situation politique

5. Au cours de la période considérée, les efforts de revitalisation du processus de réconciliation nationale en Iraq ont essentiellement porté sur la promotion d'une vision collective de la réconciliation au sein de la communauté sunnite et sur une compréhension mutuelle de ce que la réconciliation suppose.

6. Le 9 décembre, dans un souci de rassembler la communauté sunnite autour d'une vision commune et de renforcer sa représentation dans le débat sur la réconciliation nationale, les membres du Comité suprême pour la coordination, qui a été créé le 20 novembre, ont rencontré des membres du Parlement et des conseils provinciaux de six provinces, celles d'Anbar, Bagdad, Diyala, Kirkouk, Ninive et Salaheddin, sous les auspices du Président du Parlement, Salim al-Jubouri et en présence du Président Fouad Maasoum et de mon Représentant spécial. Le Président du Parlement a exposé un « plan préliminaire » en neuf points destiné à préparer l'après-EIIL et a de nouveau demandé de régler la situation des sunnites détenus sans inculpation.

7. Les trois présidents - le Président, le Premier Ministre et le Président du Parlement - ont continué de se réunir régulièrement pour promouvoir l'unité et l'ouverture politiques. Le 7 octobre, ils ont créé une haute commission présidentielle pour la réconciliation nationale, chargée de coordonner les actions menées en faveur de la réconciliation nationale et de faire progresser celle-ci. La commission s'est réunie le 30 décembre. Les trois présidents ont également décidé de se réunir en janvier 2016 avec les dirigeants des principales forces et formations politiques pour tracer la voie à suivre en vue de la réconciliation nationale. Toutefois, les travaux législatifs sur la réconciliation nationale sont toujours au point mort. Le Conseil des représentants a achevé sa deuxième lecture du projet de loi d'amnistie générale le 14 novembre mais des désaccords persistants en ont compromis l'adoption. De même, les projets de loi sur la justice et la responsabilité, l'interdiction du parti Baas et la garde nationale sont toujours bloqués au Parlement.

8. Les manifestations en faveur des réformes se poursuivent depuis six mois, principalement dans les provinces du sud et à Bagdad. Toutefois, la participation s'est progressivement étiolée à cause d'un sentiment de frustration face à la lenteur de la réforme et au manque d'amélioration notable dans la prestation des services. Le Premier Ministre Haider al-Abadi, a rencontré les coordonnateurs du mouvement le 29 octobre et les a assurés de son engagement en faveur de la réforme. Le 26 décembre, les coordonnateurs venant de plusieurs provinces se sont réunis dans la province de Maïssan; ils ont décidé de se doter d'une direction unifiée et de poursuivre le mouvement jusqu'à ce que les exigences du peuple en matière de réforme soient satisfaites.

9. À la mi-octobre, le Premier Ministre al-Abadi a pris des mesures visant à réduire les salaires des fonctionnaires de quatre ministères (santé publique, enseignement supérieur, pétrole et électricité). Face aux réactions hostiles de la classe politique et aux protestations des fonctionnaires, il a ensuite créé une commission gouvernementale chargée d'examiner ces mesures. Une réduction globale de 3 % des traitements, indemnités et autres prestations de l'ensemble des agents de la fonction publique, actifs ou retraités, a été inscrite au budget fédéral de l'exercice 2016.

10. Des progrès ont également été constatés s'agissant des poursuites à l'encontre des représentants de l'État accusés de corruption. Le 20 octobre, le Ministre du commerce, M. Mallas Mohammed al-Kasnazani, que le Premier Ministre a ensuite démis de ses fonctions, et d'autres hauts fonctionnaires ministériels ont été inculpés pour corruption par le Tribunal de l'intégrité. Le 16 novembre, le Tribunal pénal de Babel a condamné Ollaiwi Farhan, membre du Conseil provincial, à trois ans d'emprisonnement pour corruption, notant en outre que la Commission pour l'intégrité avait l'avait saisi d'une plainte pour corruption contre l'ancien Gouverneur, Mohammed al-Masoudi.

11. Les réformes du Premier Ministre ont suscité l'opposition de certains partenaires politiques nationaux. À la fin du mois d'octobre, des députés de la Coalition pour l'état de droit ont menacé de déposer une motion de censure contre le Premier Ministre, estimant que celui-ci ne les avait pas suffisamment consultés concernant ses réformes. Le 2 novembre, le Conseil des représentants a décidé par un vote unanime de prier le Premier Ministre de ne pas mettre en œuvre de réformes d'une manière pouvant porter atteinte à la séparation des pouvoirs ou enfreindre la Constitution.

12. Le 3 novembre, dans une déclaration, le Premier Ministre a réaffirmé son engagement à poursuivre les réformes et à lutter contre la corruption conformément à la volonté du peuple iraquien. Le 12 novembre, il a également publié un communiqué dans lequel il réaffirmait à ses partenaires politiques iraquiens qu'il était ouvert à la discussion concernant les mesures prises aux fins de la réforme. Le 24 novembre, la Cour suprême fédérale a rejeté pour raisons techniques un recours formé par l'ancien Vice-Président al-Nujaifi, qui contestait le caractère constitutionnel de l'abolition des postes de vice-président dans le cadre de la réforme du Gouvernement iraquien.

13. L'Iraq a continué de se heurter à d'énormes difficultés économiques, tenant principalement à la faiblesse des cours mondiaux du pétrole, au coût de la guerre contre l'EIIL et au coût de prise en charge du nombre croissant de personnes déplacées dans l'ensemble du pays. Le 16 décembre, le Conseil des représentants a approuvé la loi de finances fédérale de 2016. C'était la première fois depuis 2006 que le projet de budget national était approuvé sans retard. Le montant des dépenses inscrites au budget national pour l'exercice 2016 s'élève à 89,5 milliards de dollars, soit 13,1 milliards de moins que celui du budget de 2015. Le montant prévu des recettes pétrolières de l'Iraq s'élève à 59 milliards de dollars. Le déficit du budget national devrait atteindre 4 milliards de dollars, et sera financé par l'emprunt. Plusieurs gouvernements provinciaux se sont plaints que les ressources qui leur étaient allouées dans le budget national ne suffisaient pas à couvrir leurs besoins en matière de développement. Le Président a approuvé la loi de finances fédérale de 2016 le 3 janvier.

14. Bagdad et Arbil ne s'entendent toujours pas sur la mesure dans laquelle chacune des parties s'est conformée aux dispositions de leur accord de décembre 2014 sur les exportations de produits énergétiques et le partage des recettes. De hauts représentants de l'Union patriotique du Kurdistan, du Parti démocratique du Kurdistan et d'autres partis politiques kurdes se sont rendus à Bagdad pour débattre des relations entre Bagdad et Arbil, notamment des questions budgétaires, avec des responsables du Gouvernement fédéral, mais la visite officielle de haut niveau de représentants d'Arbil à Bagdad, proposée depuis longtemps, n'a pas encore eu lieu.

15. Le 12 octobre, des manifestations qui allaient durer plusieurs jours ont commencé à Souleimaniyé. Les manifestants protestaient contre les retards de paiement des traitements des fonctionnaires, liés en partie à l'échec des pourparlers entre les partis kurdes sur la question de la présidence régionale du Kurdistan. Cinq personnes y ont perdu la vie, dont des membres du Parti démocratique du Kurdistan et du Mouvement Gorran. Le Parti démocratique du Kurdistan, accusant Gorran d'être à l'origine des troubles, a exclu ses ministres du Gouvernement régional du Kurdistan et empêché le Président du Parlement régional, également affilié à Gorran, de retourner à Arbil reprendre ses fonctions. L'impasse politique concernant la présidence du Gouvernement régional du Kurdistan et d'autres questions connexes se poursuit dans la région et les travaux du Gouvernement et du Parlement régionaux s'en ressentent.

16. Outre l'impasse politique interne et les désaccords avec le Gouvernement fédéral, la région du Kurdistan iraquien a été touchée simultanément par la chute des prix du pétrole et le problème persistant de l'accueil de déplacés venus de tout le pays. Le 21 décembre, le Conseil des ministres du Gouvernement régional du Kurdistan a présenté un ensemble de réformes, dont une réduction de 50 % des indemnités versées aux hauts fonctionnaires et la suspension de toutes les indemnités versées aux députés du Kurdistan iraquien. Le 28 décembre, les dirigeants des formations politiques représentées au Parlement, à l'exception du Mouvement Gorran, se sont réunis la première fois depuis le 12 octobre pour examiner le train de réformes proposé.

C. Sécurité

17. Les conditions de sécurité en Iraq sont demeurées extrêmement précaires pendant la période considérée. Les opérations militaires ont essentiellement visé la reprise de zones contrôlées par l'EIIL dans les provinces d'Anbar, de Ninive et de Salaheddin, ainsi que la consolidation des positions reprises à l'EIIL avec l'appui de la Coalition internationale contre l'État islamique d'Iraq et du Levant et d'autres partenaires.

18. Les tensions intercommunautaires ont continué de menacer les efforts de réconciliation nationale sur le terrain. Le 12 novembre, à Touz Khourmato (province de Salaheddin), des affrontements entre les Forces de mobilisation populaire et les Peshmerga ont fait 21 morts. Ils ont donné lieu à d'autres violences, au cours desquelles une vingtaine de personnes auraient trouvé la mort et 40 autres auraient été enlevées à un poste de contrôle tenu par les Forces de mobilisation populaire. Malgré un cessez-le-feu conclu le 13 novembre, les affrontements armés ont recommencé le 3 janvier. Depuis la libération de Sinjar à la fin du mois d'octobre, de nombreux affrontements ont fait plusieurs morts.

19. Dans la province d'Anbar, les Forces de sécurité iraquiennes et des combattants des tribus locales, appuyés par des frappes aériennes de la Coalition internationale, ont repris des parties du centre de Ramadi, notamment le complexe du gouvernement provincial, et hissé le drapeau national à la préfecture de police le 28 décembre. Les Forces de sécurité iraquiennes continuent d'essayer de chasser l'EIIL des derniers quartiers qu'il contrôle à Ramadi tandis que les combattants des tribus locales sécurisent les zones déjà reprises. Au cours de la première semaine de janvier, des combattants des tribus locales ont repoussé des assauts de l'EIIL à Haditha et el-Bagdadi.

20. Dans la province de Salaheddin, le territoire repris à l'EIIL a été conservé en dépit des efforts qu'il a déployés pour reprendre l'ascendant par des offensives de diversion. Après la libération de Beiji le 19 octobre, l'EIIL a intensifié les attentats-suicide, les tirs indirects et les assauts complexes au nord-est de la ville. Les Forces de sécurité iraquiennes et les Forces de mobilisation populaire ont repoussé les assauts répétés de l'EIIL dans des zones proches de la banlieue ouest de Samarra. Le 23 octobre, 69 otages qui risquaient une exécution imminente ont été libérés par une opération conjointe des Peshmerga et les Forces spéciales américaines contre un bastion de l'EIIL situé dans le district de Haouija, au cours de laquelle 20 combattants et un soldat américain ont trouvé la mort.

21. Bagdad a continué d'enregistrer le plus grand nombre d'attaques dirigées contre la population civile dans le pays. Au cours de la période considérée, on y a dénombré 374 attaques contre des civils et 110 attaques contre des membres des Forces de sécurité iraquiennes. Parmi les attaques les plus meurtrières, on note les attentats-suicide perpétrés le 13 novembre dans une mosquée chiite et à des obsèques chiites dans la partie est de Bagdad, qui auraient fait 43 morts et 90 blessés parmi les civils. Le 8 novembre, un autre attentat-suicide visant un rassemblement des Forces de mobilisation populaire à Sadr City aurait fait 20 morts et 28 blessés. Des corps non identifiés continuent d'être découverts chaque jour à Bagdad et environs. Sur 130 corps non identifiés découverts au cours de la période considérée, 107 l'ont été à Bagdad.

D. Évolution de la situation régionale et internationale

22. Au cours de la période considérée, l'Iraq a continué de s'employer à renforcer ses relations bilatérales et multilatérales et à s'assurer un appui politique, militaire et économique dans sa lutte contre l'EIIL.

23. Des délégations de haut niveau du Gouvernement iraquien se sont rendues en Arabie saoudite, en Chine, aux Émirats arabes unis, en Fédération de Russie, au Japon, au Koweït, à Oman, en République islamique d'Iran et en Turquie afin de demander une aide pour venir à bout de la menace de l'EIIL et d'établir une coopération économique. Le 15 décembre, comme suite à la décision de l'Arabie saoudite de rouvrir son ambassade à Bagdad et son consulat à Arbil, plusieurs diplomates saoudiens sont arrivés en Iraq. Le 21 décembre, le Ministre koweïtien des affaires étrangères a annoncé que des représentants des deux États allaient signer un accord en vertu duquel l'Iraq fournirait du gaz au Koweït. Après une visite du Premier Ministre iraquien les 21 et 22 décembre, le Ministère chinois des affaires étrangères a annoncé le renforcement des relations entre les deux pays et la mise en place d'un « partenariat stratégique Chine-Iraq ». Le 29 décembre, le Conseiller à la sécurité nationale, Faleh al -Fayyed, s'est rendu en Fédération de Russie et a remis au Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, une lettre du Premier Ministre iraquien, visant à renforcer les relations entre les deux pays et à intensifier les efforts dans la lutte contre l'EIIL.

24. Au niveau multilatéral, le Président iraquien a participé au quatrième Sommet Amérique du Sud -pays arabes, tenu à Riyad le 10 novembre, et au Sommet du Forum des pays exportateurs de gaz, tenu à Téhéran le 22 novembre, recueillant en ces deux occasions des déclarations de soutien à l'Iraq. Le 30 novembre, il a également assisté à la vingt et unième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, à Paris. Le Ministre iraquien des affaires étrangères, Ibrahim al-Jaafari, a participé aux trois réunions du Groupe international de soutien pour la Syrie tenues les 30 octobre, 14 novembre et 18 décembre, ainsi qu'à une réunion extraordinaire de la Ligue des États arabes tenue le 24 décembre. Lors de sa réunion ministérielle annuelle, tenue le 10 décembre à Riyad, le Conseil de coopération des États arabes du Golfe a demandé au Gouvernement iraquien et au Conseil des représentants de lutter contre la corruption, d'améliorer la prestation de services, de promouvoir l'ouverture politique et de prendre des mesures concrètes en vue des réformes.

25. L'Iraq poursuit sa coopération militaire avec la Coalition internationale contre l'EIIL, ainsi qu'avec les membres du mécanisme quadripartite de partage du renseignement, qui comprend des représentants de la Fédération de Russie, de la République arabe syrienne et de la République islamique d'Iran. Le 4 novembre, lors d'une réunion en groupe restreint, la Coalition internationale contre l'EIIL a réaffirmé son soutien aux Forces de sécurité iraquiennes et aux efforts que déploie le Gouvernement iraquien pour lutter contre la corruption, décentraliser le pouvoir fédéral et mettre un terme aux divisions ethniques et confessionnelles en Iraq. Le 29 octobre, l'Iraq a annoncé la création d'un centre conjoint de partage du renseignement en collaboration avec l'Union européenne.

26. Au cours de la période considérée, le Gouvernement iraquien a publié de nombreuses déclarations dans lesquelles il a souligné que ses voisins et ses partenaires internationaux devaient préserver sa souveraineté et son intégrité territoriale. Le 1er décembre, le Cabinet du Premier Ministre a publié une déclaration saluant le soutien apporté aux Forces iraquiennes par les partenaires internationaux du Gouvernement sous la forme d'armes, de formation et de conseils mais indiquant que le Gouvernement n'avait pas besoin de forces terrestres. Le 3 décembre, le Premier Ministre a publié une déclaration dans laquelle il réaffirmait que son gouvernement ne souhaitait pas la venue de troupes terrestres étrangères, qu'il considérerait comme un acte d'hostilité.

27. Au cours de la période considérée, des tensions diplomatiques ont eu lieu entre les Gouvernements iraquien et turc concernant la présence de troupes turques dans un camp d'entraînement du district de Bashiqa, dans le nord de la province de Ninive. L'existence de ce camp qui, selon les autorités turques, avait été créé en mars 2015 pour former les volontaires Iraquiens, n'a jamais été reconnue par le Gouvernement iraquien.

28. À cet égard, le Premier Ministre iraquien a déclaré le 4 décembre que des troupes turques étaient entrées sur le territoire iraquien le 3 décembre sans autorisation du Gouvernement iraquien et qu'il considérait ce fait comme une violation de la souveraineté de l'Iraq. Le 7 décembre, l'Ambassadeur de Turquie en Iraq a informé le Ministre iraquien de la défense, Khaled al-Obaïdi, que la Turquie avait cessé d'envoyer des troupes en Iraq.

29. Dans le cadre des efforts bilatéraux visant à atténuer les tensions, deux envoyés spéciaux du Premier Ministre turc Ahmet Davutoglu se sont rendus à Bagdad le 10 décembre pour y rencontrer le Premier Ministre iraquien, et les ministres des affaires étrangères et de la défense des deux pays se sont entretenus par téléphone.

30. Lors d'une réunion du Conseil de sécurité tenue le 18 décembre à la demande du Gouvernement iraquien, le Ministre iraquien des affaires étrangères et le Représentant Permanent de la Turquie auprès de l'Organisation des Nations Unies ont exposé au Conseil leurs positions respectives concernant la présence militaire turque en Iraq.

31. Le 19 décembre, le Ministre turc des affaires étrangères a affirmé son soutien à la souveraineté de l'Iraq et s'est dit favorable à une coordination accrue des efforts déployés pour vaincre l'EIIL. Il a également déclaré que, de l'avis de la Turquie, la situation résultait d'une mauvaise communication entre elle et le Gouvernement iraquien au sujet du déploiement de « forces de protection turques », et que la Turquie continuait de retirer ses forces militaires de la province de Ninive. Dans une déclaration faite le 21 décembre, le Conseil des ministres iraquien s'est félicité de l'annonce du retrait des forces turques et a exprimé l'espoir que ce retrait serait complet.

32. Le 24 décembre, donnant suite à une requête de l'Iraq, le Conseil de la Ligue des États arabes a tenu une réunion ministérielle extraordinaire au cours de laquelle le déploiement des troupes turques a été qualifié d'atteinte à la souveraineté de l'Iraq et de menace contre la sécurité arabe. Le 30 décembre, lors d'une conversation téléphonique avec le Premier Ministre turc, le Premier Ministre iraquien a demandé à nouveau le retrait en bonne et due forme des troupes turques présentes sur le territoire iraquien.

33. Le 16 décembre, 27 Qataris ont été enlevés dans la province de Mouthanna. Le 18 décembre, le Premier Ministre iraquien a informé le Premier Ministre du Qatar, Cheikh Abdallah ben Nasser al-Thani, que les autorités iraquiennes s'employaient à obtenir leur libération. Le 22 décembre, le Conseil de coopération des États arabes du Golfe a condamné l'enlèvement, le qualifiant de violation du droit international, et demandé à Bagdad de prendre des mesures immédiates et radicales pour assurer la sécurité et la libération des personnes enlevées. Le 27 décembre, les Forces de sécurité iraquiennes ont annoncé l'arrestation de quatre suspects liés à l'enlèvement.

III. Bilan des activités de la Mission d'assistance des Nations Unies pour l'Iraq et de l'équipe de pays des Nations Unies

A. Activités politiques

34. Au cours de la période considérée, la MANUI a continué d'aider le Gouvernement iraquien à promouvoir une réconciliation nationale incluant toutes les composantes de la société iraquienne, tous les groupes politiques, la société civile et les communautés locales. Mon Représentant spécial s'est entretenu avec de nombreux interlocuteurs sur la législation à adopter en priorité aux fins de la réconciliation nationale et du programme de réforme du Premier Ministre, soulignant qu'il importait de travailler dans un esprit d'ouverture, de partenariat et de solidarité, et d'appuyer la prise de décisions sur de vastes consultations, de manière à promouvoir l'unité et la gestion efficace des affaires publiques. Il a également insisté sur la nécessité d'éviter toute polarisation du débat politique sur le programme de réforme.

35. Mon Représentant spécial a effectué de nombreuses visites dans la région du Kurdistan iraquien pour y encourager tous les interlocuteurs à sortir de l'impasse politique en menant un dialogue politique sans exclusive. Dans le cadre de ses activités de sensibilisation dans les provinces, il s'est rendu à Najaf le 1er novembre, à Bassora le 2 novembre et à Kirkouk le 14 décembre. Il y a rencontré des chefs religieux et des représentants des conseils provinciaux, avec qui il s'est entretenu de la situation politique et des conditions de sécurité, des efforts déployés en faveur de la réconciliation nationale et des réformes, et des autres difficultés que rencontrent les provinces.

36. Le 15 décembre la MANUI a organisé à Bagdad un atelier sur le thème « Apprendre du passé : le prix de l'échec et les bienfaits du succès », en collaboration avec le comité du Conseil des représentants chargé de la réconciliation, de la responsabilité et de la justice, et avec le Cabinet du Premier Ministre. Lors de l'atelier, auquel ont participé 30 membres du Parlement, des fonctionnaires du Gouvernement iraquien et des dignitaires religieux, les participants ont été encouragés à trouver un terrain d'entente au sujet de la loi sur la justice et la responsabilité et de la loi interdisant le parti Baas afin d'appuyer les efforts de réconciliation. Pour encourager les organisations de la société civile à jouer un rôle dans le processus de réconciliation nationale, la MANUI a organisé le 16 décembre à Bagdad deux ateliers visant à étudier les moyens d'améliorer la coopération entre le Gouvernement iraquien, la communauté internationale et les organisations de la société civile dans les activités de réconciliation et de consolidation de la paix.

37. Face à la poussée des incidents sur fond de tensions intercommunautaires dans les zones libérées, mon Représentant spécial et ses interlocuteurs se sont entretenus sur les mesures à prendre pour promouvoir la coexistence pacifique. Après les affrontements de Touz Khourmato, mon Représentant spécial adjoint aux affaires politiques a rencontré de nombreux interlocuteurs afin d'apaiser les tensions et de promouvoir la protection des civils

38. Mon Représentant spécial et mon Représentant spécial adjoint aux affaires politiques ont également rencontré des représentants des minorités et débattu avec eux des préoccupations suscitées par les conséquences que le projet de loi sur l'identité nationale pourrait entraîner pour les minorités ethniques et religieuses d'Iraq. La MANUI et le Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme en Iraq ont demandé aux membres du Conseil des représentants de combler les lacunes de la législation qui pourraient mettre à mal le pluralisme et la diversité du pays.

39. Mon Conseiller spécial pour la prévention du génocide, Adama Dieng, a effectué une mission en Iraq du 1er au 7 novembre. Lors des réunions auxquelles il a participé, il a condamné les violations des droits de l'homme - pouvant constituer un génocide et des crimes contre l'humanité - commises dans les zones contrôlées par l'EIIL et souligné que la lutte contre le groupe terroriste devait être menée dans le plein respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire.

40. À l'occasion de la Journée internationale de la tolérance, la MANUI et l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) ont organisé conjointement les 16 et 20 novembre, à Bagdad et Arbil, des conférences sur la protection de la diversité et la prévention de l'incitation à la violence. Ces conférences ont rassemblé notamment des organisations confessionnelles et des chefs religieux iraquiens qui se sont engagés à user de leur influence sociale et politique pour contribuer à faire évoluer les comportements et à éliminer les stéréotypes, et ont souligné l'importance de textes juridiques louant la diversité et protégeant les minorités. L'importance de revoir les programmes scolaires et d'améliorer la formation des enseignants a également été soulignée.

41. La MANUI a poursuivi ses efforts de promotion des droits des femmes en Iraq, à l'appui de la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité. À partir du 25 novembre, les organismes des Nations Unies ont organisé en Iraq une série de manifestations et d'activités pour marquer les 16 journées de mobilisation contre la violence sexiste et attirer l'attention sur le fait que ce sont les femmes qui sont les plus touchées dans les situations de conflit armé. À Bagdad, les 25 et 26 novembre, l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU-Femmes) a organisé des dialogues avec des représentants d'associations féminines en vue d'élaborer un plan d'action pour promouvoir le rôle des femmes en tant que moteurs du changement et chefs de file de la réconciliation et de la stabilisation au sein de leurs communautés. La campagne s'est achevée le 10 décembre par la célébration à Bagdad de la Journée des droits de l'homme, sur le thème « Nos droits. Nos libertés. Toujours. », organisée par la MANUI et le Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme en Iraq en partenariat avec le Conseil des représentants. Cette manifestation a marqué le début d'une campagne d'un an commémorant le cinquantième anniversaire des deux pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme : le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

42. Lors d'une réunion tenue le 7 novembre à Bagdad, des représentants du Secrétariat d'État à la condition féminine, récemment aboli, et de la Commission indépendante des droits de l'homme, la MANUI et les organisations de la société civile ont conclu que la suppression du Secrétariat d'État constituait un recul dans le respect par l'Iraq de ses obligations internationales en matière de lutte pour l'égalité entre les sexes et l'autonomisation des femmes, notamment pour ce qui est de l'application de la stratégie nationale pour la promotion des femmes, de la stratégie nationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes et du plan d'action national pour l'application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité. Les participants à la réunion ont demandé que soit créée en coopération avec le Conseil des représentants une entité indépendante chargée de surveiller la situation des droits des femmes et de promouvoir ces droits par des initiatives menées en collaboration avec les organisations de la société civile.

B. Assistance électorale

43. La Mission a continué d'apporter un appui électoral adapté et spécialisé à la Haute Commission électorale indépendante iraquienne et aux institutions connexes dans le cadre des préparatifs des élections des conseils provinciaux de 2017. Elle a ainsi aidé la Haute Commission à garantir la pleine participation de tous les citoyens iraquiens, notamment en mettant en place un comité de haut niveau sur les déplacés et en élaborant des procédures spéciales d'enregistrement de ces derniers. La Mission a poursuivi sa collaboration avec la Haute Commission pour rendre ce processus plus inclusif. De son côté, la Haute Commission électorale indépendante continue de recueillir les données biométriques des électeurs dans la perspective des élections. Au 30 décembre, les données biométriques de 3,94 millions d'électeurs avaient été collectées.

44. La Mission a continué d'aider le Gouvernement iraquien à revoir et à renforcer le cadre juridique électoral. Dans ce contexte, elle a travaillé, en étroite collaboration avec un comité composé de représentants du Conseil des ministres, de la Haute Commission électorale indépendante, des chouras et du Ministère de la justice, à la révision de la loi relative aux élections des conseils de province (loi no 36 de 2008 modifiée). Cette révision devrait s'achever au début de l'année 2016.

45. Le Conseil des représentants ayant adopté en août 2015 la loi sur les partis politiques, la Haute Commission électorale indépendante a décidé de créer une direction des entités politiques, qui jouera un rôle de premier plan dans les relations de la Commission avec les groupements politiques. La Mission s'emploie, en collaboration avec la Haute Commission, à veiller à ce que cette nouvelle direction soit dotée d'un personnel intègre et hautement qualifié.

46. La Mission a dispensé des conseils lors de consultations entre la Haute Commission électorale indépendante iraquienne et son homologue kurde, qui ont débouché sur la signature, en octobre 2015, d'un mémorandum d'accord entre les deux institutions définissant les domaines de coopération, de coordination et de partage d'expérience.

C. Faits nouveaux et activités se rapportant aux droits de l'homme

47. Le conflit armé, les actes de violence et le terrorisme continuent d'imposer un lourd tribut à la population civile iraquienne. Du 27 octobre au 31 décembre, la Mission a recensé au moins 2 944 victimes civiles (1 085 morts et 1 859 blessés), ce qui porte le nombre total de victimes civiles en Iraq depuis le début de l'année 2015 à au moins 22 370 (7 515 morts et 14 855 blessés).

48. La MANUI a reçu de nombreuses informations faisant état de graves violations du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises contre des civils, notamment par l'EIIL. Les membres de diverses communautés ethniques et religieuses, les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées demeurent particulièrement vulnérables. La situation d'environ 1 500 femmes et enfants, des Yézidis pour la plupart, qui ont été faits prisonniers par l'EIIL, ainsi que de tous les civils qui demeurent sous le joug de ce groupe, continue de m'inspirer les plus vives craintes.

49. La Mission a continué de recevoir des informations selon lesquelles l'EIIL enlève, assassine et persécute ceux qui s'opposent à son idéologie ou à ses règles. Ainsi, par exemple, l'EIIL a assassiné 12 étudiants à Mossoul les 21 et 22 novembre, tué deux hommes accusés de s'être livrés à des actes homosexuels en les jetant du haut d'un édifice à Fallouja le 22 novembre, mis à mort en public un homme accusé de pratiquer la magie à Mossoul le 6 décembre, assassiné en public un imam qui n'avait pas voulu vanter les louanges de l'EIIL à Mossoul le 7 décembre, et tué une enseignante du secondaire qui aurait refusé d'enseigner le nouveau programme édicté par le groupe à Mossoul le 9 décembre. Des personnes ayant des liens avec le Gouvernement iraquien et les forces de sécurité iraquiennes ont également été prises pour cibles. À Mossoul les 25 et 30 novembre, l'EIIL a assassiné en public une ancienne candidate au Parlement iraquien et une ancienne candidate à des fonctions provinciales. Le 29 novembre, à Mossoul également, le groupe a tué trois anciens policiers accusés d'avoir collaboré avec les forces de sécurité iraquiennes.

50. Après la reprise de Sinjar (province de Ninive) par les Peshmerga le 13 novembre, au moins 8 nouveaux charniers contenant les dépouilles de victimes de l'EIIL ont été découverts, ce qui porte à au moins 16 le nombre total de charniers de ce type recensés à ce jour. Les autorités iraquiennes ont informé la Mission qu'elles n'avaient ni les moyens ni les compétences nécessaires pour protéger ces sites ou procéder aux exhumations dans des conditions satisfaisantes et que les éléments médico-légaux risquaient par conséquent de disparaître ou d'être endommagés et l'identification des dépouilles compromise. L'EIIL a également continué de détruire des sites d'importance culturelle ou religieuse. Ainsi, le groupe a détruit à coups d'explosifs un couvent dans le district de Tellkeïf (province de Ninive) le 6 novembre et une mosquée sunnite dans le district de Tell Afar (province de Ninive également) le 14 novembre.

51. La Mission a continué de recevoir des informations selon lesquelles des groupes armés associés aux forces de sécurité gouvernementales auraient commis des violations des droits de l'homme, visant souvent des membres de la communauté arabe sunnite. Ainsi, depuis mai 2015, des groupes armés chiites auraient enlevé, au pont de Bzebiz et en d'autres lieux de la province d'Anbar, des Arabes sunnites, dont certains auraient été libérés en échange du versement d'une rançon et d'autres auraient été tués ou seraient toujours portés disparus. De nombreux biens appartenant à des civils auraient également été détruits dans le district de Beiji (province de Salaheddin) après la reprise de ce district par les Forces de sécurité iraquiennes et les Forces de mobilisation populaire le 21 octobre. Le 22 octobre, à la suite d'un attentat-suicide à la voiture piégée perpétré dans le district de Touz Khourmatou (province de Salaheddin), des groupes armés chiites ont enlevé au moins 175 Arabes sunnites, dont certains sont toujours retenus prisonniers. Le retour des déplacés demeure difficile. Le 1 er novembre, des groupes armés chiites, qui feraient partie des Forces de mobilisation populaire, ont empêché jusqu'à 300 familles de la communauté arabe sunnite de revenir dans plusieurs villages du sous-district de Yathreb (Salaheddin).

52. D'autres groupes armés ont attaqué des membres de la communauté chiite. À Bagdad le 30 novembre, un attentat-suicide à la bombe a tué trois civils et en a blessé neuf autres. La majorité de ces victimes participaient aux célébrations chiites de l'Arbaïn.

53. Les nombreux assassinats ciblés qui continuent d'être commis risquent de porter atteinte à la cohésion sociale et d'exacerber les tensions interconfessionnelles en Iraq. À Kirkouk, le 1er décembre, le chef du groupe arabe du Conseil provincial de Kirkouk et sa femme ont été assassinés. Depuis mai 2015, six autres chefs arabes ont été tués lors d'attaques ciblées perpétrées à Kirkouk par des assaillants non identifiés. À Babel le 3 janvier, trois mosquées sunnites ont été la cible d'explosions et un religieux sunnite a été assassiné, fait qui coïncide avec l'annonce de l'exécution du cheikh Nimr al-Nimr. Avant la reprise de Sinjar le 12 novembre, environ 163 familles arabes sunnites ont fui leurs villages au nord-est de Sinjar pour aller se réfugier dans le sous-district d'Ayadiya (district de Tell Afar) mais ont été refoulées du territoire contrôlé par les Peshmerga. Coincées entre les lignes tenues par les Peshmerga et par l'EIIL, ces familles se trouveraient dans une situation humanitaire très préoccupante.

54. Selon certaines informations reçues par la Mission, il semblerait que des groupes armés yézidis se soient livrés à des représailles après la reprise de Sinjar. Le 14 novembre, un groupe armé yézidi est entré dans deux villages arabes sunnites, Naanaa et Golat, situés au nord-est de Sinjar, et y a pillé et détruit des biens. Le 15 novembre, un autre groupe armé yézidi s'est rendu dans le village kurde de Qabousiyé et aurait blessé par balle le chef du village et son frère.

55. Les frappes aériennes et les tirs d'artillerie ont continué de faire des victimes parmi la population civile. Le nombre exact de victimes et la responsabilité de ces bombardements n'ont cependant pas encore pu être établis avec certitude, car il est difficile de vérifier les informations reçues. Entre le 9 et le 16 novembre, trois séries de bombardements auraient fait en tout 27 morts et un plus grand nombre de blessés parmi les civils dans les environs de Qayyara (province de Ninive), du centre de Mossoul (province de Ninive) et de Fallouja (province d'Anbar). En outre, des tirs d'artillerie ont tué deux civils et en ont blessé quatre autres à Fallouja le 21 novembre. Également à Fallouja le 26 novembre, des frappes aériennes auraient touché un immeuble d'habitation, tuant 12 civils, dont 8 enfants, et blessant 6 enfants.

56. L'Équipe spéciale pour la question du sort des enfants en temps de conflit armé, qui est coprésidée par la Mission et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a reçu des informations faisant état de 147 cas de violations des droits fondamentaux des enfants au cours de la période considérée. Trente-huit enfants ont notamment été tués et 67 autres mutilés, ce qui représente une forte augmentation par rapport à la période visée dans mon rapport précédent. Le 26 novembre, huit enfants ont été tués et six autres blessés lors d'une opération militaire menée dans le village de Halabisa, près de la ville de Fallouja. La plupart de ces victimes avaient moins de 10 ans. Depuis le début de l'année, 190 enfants ont trouvé la mort et 303 autres ont été blessés dans le cadre du conflit en Iraq. Au cours de la période considérée, 38 attaques contre des établissements scolaires, pour la plupart dans la province d'Anbar, ont été signalées à l'Équipe spéciale.

57. L'Équipe spéciale a également établi que plusieurs enfants ont été recrutés par l'EIIL. Sur les 18 garçons qui auraient rejoint les rangs de ce groupe en 2015, 6 auraient trouvé la mort au combat. L'EIIL a diffusé sur les réseaux sociaux des images et des vidéos d'enfants exécutant des prisonniers.

58. Selon certaines informations reçues par la Mission, des journalistes auraient été harcelés ou agressés par des personnes non identifiées. Le 28 octobre, un journaliste a été enlevé et tué dans la ville de Bassora. Alors que les manifestations en faveur de réformes se sont poursuivies dans les provinces du sud de l'Iraq, sept manifestants et un policier ont été blessés le 30 octobre lors d'affrontements qui ont éclaté à Diouaniya (province de Qadissiya).

59. Au cours de la période considérée, la MANUI a prêté son concours à la formation des membres des forces de sécurité gouvernementales aux obligations internationales applicables à la lutte contre le terrorisme et les insurrections et aux opérations civiles de maintien de l'ordre. La Mission a également invité les organisations et les représentants des diverses minorités ethniques et religieuses iraquiennes à formuler un ensemble de recommandations tendant à renforcer la protection de ces minorités par les pouvoirs publics, ainsi que le respect de leurs droits et la réinsertion des déplacés. La Mission élabore actuellement un projet de réforme pénale visant à remédier aux faiblesses structurelles de l'administration de la justice en Iraq, à promouvoir le respect des procédures régulières et à favoriser l'accès de tous les Iraquiens à la justice.

60. La Mission a continué d'apporter un appui aux institutions et à la société civile iraquiennes au cours de la période considérée. Dans le prolongement de l'examen périodique universel de l'Iraq mené par le Conseil des droits de l'homme en mars 2015, elle a organisé des consultations, à Bagdad le 23 novembre et à Erbil le 14 décembre, avec des membres de la Haute Commission indépendante des droits de l'homme de l'Iraq et du Conseil indépendant des droits de l'homme de la Région du Kurdistan et des représentants de la société civile, en vue de favoriser l'élaboration du deuxième plan d'action national de l'Iraq sur les droits de l'homme.

D. Camp Nouvel Iraq et camp Hourriya

61. La Mission continue de surveiller la situation humanitaire des résidents du camp Hourriya. Le 29 octobre, ce camp a été la cible d'une attaque à la roquette, qui a fait 24 morts et 50 blessés parmi les résidents. Après l'attaque, mon Représentant spécial adjoint aux affaires politiques s'est entretenu avec des interlocuteurs du Gouvernement iraquien et avec des représentants des résidents et a demandé au Gouvernement iraquien de respecter le mémorandum d'accord de 2011 et de veiller à la sécurité des résidents du camp tout en menant une enquête indépendante et approfondie sur l'attaque. Il a également appelé à la poursuite de la réinstallation des résidents dans des pays tiers, seule solution durable pour garantir leur sécurité.

62. C'est avec un sentiment d'urgence renouvelé que la réinstallation des résidents du camp Hourriya s'est poursuivie en 2015. Après l'attaque du 29 octobre, mon Conseiller spécial pour la réinstallation hors d'Iraq des résidents du camp Hourriya a, avec la coordination du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), fait en sorte que l'achat d'une centaine de billets d'avion soit financé par le Fonds d'affectation spéciale des Nations Unies pour la réinstallation hors d'Iraq des résidents du camp Hourriya, afin d'accélérer l'action menée et d'atteindre l'objectif de 480 réinstallations en Albanie d'ici à la fin de 2015. Ces objectifs ont été totalement atteints.

63. À ce jour, 1 118 résidents se sont réinstallés hors d'Iraq. Il reste 1 955 personnes dans le camp. Avec le concours des parties intéressées, y compris le HCR, mon Conseiller spécial continue de rechercher un règlement plus rapide de la situation des résidents. Il est toutefois préoccupant que le financement du suivi des activités du camp effectué par l'Organisation des Nations Unies et des activités de réinstallation menées par le HCR ne soit assuré que jusqu'en mai 2016.

E. Assistance humanitaire, reconstruction et développement

64. La situation humanitaire a continué de se détériorer au cours de la période considérée et le conflit en Iraq a eu de profondes répercussions sur ce plan. Près d'un tiers de la population, soit 10 millions d'habitants, a besoin d'aide humanitaire sous une forme ou une autre, dont 3,2 millions de personnes ayant fui leur foyer depuis janvier 2014, environ 470 000 rapatriés et près de 250 000 réfugiés syriens. En outre, trois millions d'autres personnes vivent sous le joug de l'EIIL. Du fait des conditions d'insécurité, des restrictions à la liberté de circulation et des obstacles bureaucratiques dans les provinces d'Anbar, de Kirkouk et de Ninive, les déplacés sont contraints de rester dans les zones contestées.

65. La population peine à faire face à la détérioration de la situation. Au moins deux millions de personnes sont déplacées depuis maintenant près de deux ans. Les familles ayant épuisé leurs économies, la nécessité de trouver des moyens de subsistance s'intensifie alors que les tensions sociales s'aggravent. Dans les communautés d'accueil, la situation se dégrade de manière exponentielle, car les familles qui avaient généreusement ouvert leurs portes à des parents et des voisins déplacés sont en train de sombrer rapidement dans la pauvreté. Dans ces conditions, le rôle d'impulsion et de financement du Gouvernement iraquien a été essentiel. Toutefois, l'énorme déficit budgétaire s'est traduit par une réduction du filet de protection sociale et une diminution des services fournis par les institutions dans les collectivités hébergeant les populations déplacées. Dans de nombreuses régions, les conditions de sécurité demeurent précaires, entraînant un nouveau déplacement, le deuxième ou le troisième pour certains déracinés. Environ 77 % de tous les Iraquiens déplacés (soit plus de 2,4 millions de personnes) ont quitté les provinces d'Anbar et de Ninive pour fuir vers d'autres territoires.

66. L'épidémie de choléra qui s'est déclarée en Iraq le 15 septembre commence à se résorber. Au cours de la période considérée, 1 668 cas ont été confirmés, ce qui porte le nombre total de cas confirmés à environ 2 870 dans 17 des 18 provinces du pays. La diminution du nombre de nouveaux cas est due à l'efficacité des mesures d'endiguement, à la prise en charge efficace des cas signalés et au refroidissement saisonnier. Avec l'appui de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l'UNICEF, le Gouvernement iraquien a mené à bien une campagne de vaccination contre le choléra auprès de 232 000 réfugiés et déplacés considérés comme ayant un risque élevé de contracter la maladie dans 62 camps situés dans 13 provinces (94 % de la population ciblée). Toutefois, l'insuffisance de l'infrastructure d'approvisionnement en eau et de la couverture en eau reste un problème essentiel, en particulier dans les zones rurales. Au cours de la période considérée, l'arrivée du froid a entraîné des difficultés supplémentaires pour les déplacés iraquiens. Près de 400 000 personnes ont besoin d'une aide urgente en matière d'hébergement et au moins 780 000 personnes manquent de produits ménagers de première nécessité et d'autres articles vitaux pour faire face aux rigueurs de l'hiver. Les organisations humanitaires ont commencé à distribuer des articles de secours aux ménages de déplacés et de réfugiés et s'efforcent également d'appuyer l'action des autorités iraquiennes en distribuant du carburant, une assistance en espèces et des matériaux destinés à améliorer leurs conditions d'hébergement.

67. Au cours de la période considérée, plus d'une centaine de partenaires de l'action humanitaire sont intervenus dans l'ensemble du pays. Les équipes chargées de la surveillance de la protection sont venues en aide à environ 140 000 personnes et 30 000 femmes et filles ont eu accès à des centres d'hébergement réservés aux femmes. Environ 1,5 million de déplacés et 100 000 réfugiés ont reçu une aide alimentaire du Programme alimentaire mondial (PAM) et de partenaires œuvrant en faveur de la sécurité alimentaire. Plus de 2,8 millions de déplacés ont pu avoir un accès continu à l'eau potable et plus de 498 000 déplacés bénéficier d'installations d'assainissement permanentes. Au total, 94 380 réfugiés syriens répartis dans 10 camps ont eu continuellement accès à des services d'approvisionnement en eau, d'assainissement et d'hygiène. Dès le début de la nouvelle année scolaire en septembre 2015, plus de 79 000 enfants déplacés nouvellement inscrits dans des établissements scolaires ont joui d'un meilleur accès à l'éducation grâce à de nouvelles écoles construites en coordination avec le Ministère de l'éducation. En 2015, l'UNICEF a participé à la construction dans l'ensemble de l'Iraq de 45 écoles, équipées de 152 classes supplémentaires devant permettre de faire face à l'augmentation des élèves. Au début de la nouvelle année scolaire, 44 000 enfants réfugiés sur 78 000 avaient accès à l'éducation. Dans le cadre du mécanisme d'intervention rapide, l'UNICEF et le PAM ont, en partenariat avec le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), l'Organisation internationale pour les migrations et neuf organisations non gouvernementales, apporté ensemble une assistance vitale à environ 30 000 personnes récemment déplacées et vulnérables. En décembre, le PAM a distribué des vivres fournies par le Gouvernement à 70 000 habitants des villes de Haditha et Baghdadi (province d'Anbar) assiégées par l'EIIL. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture a fourni 500 tonnes de semences de blé et d'engrais à 10 000 des habitants les plus vulnérables des zones nouvellement libérées afin de permettre aux agriculteurs d'améliorer l'approvisionnement alimentaire et de générer des revenus.

68. Avec l'appui de l'OMS et des partenaires du groupe Santé, 299 382 Iraquiens ont bénéficié de services de santé de base, et 8 597 d'entre eux ont été orientés vers des services spécialisés. Le FNUAP a veillé à ce que 127 services de maternité, hôpitaux généraux et centres de soins de santé primaires disposent du matériel et des fournitures nécessaires dans le domaine de la santé procréative. Les partenaires du secteur de la santé ont assuré des services vitaux dans des zones difficiles d'accès de Salaheddin et de nouveaux camps de Kirkouk au moyen de 13 unités et équipes mobiles. Le HCR a également ouvert un camp à Kirkouk, où sont hébergées 1 600 familles.

69. Le retour des familles déplacées dans les zones libérées de l'occupation de l'EIIL demeure restreint. Le Service de la lutte antimines a procédé à des évaluations des risques et des inspections des zones polluées par des restes explosifs de guerre dans 10 sites prioritaires, y compris des zones reconquises, afin de permettre aux déplacés qui le souhaitent de rentrer en toute sécurité Il a également mis en place des mécanismes de coordination pour renforcer les capacités nationales d'évaluation et d'atténuation des risques liés aux explosifs dans le centre-sud de l'Iraq et dans la région du Kurdistan iraquien.

70. Au cours de la période considérée, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a, dans le cadre du mécanisme de financement pour la stabilisation immédiate et avec l'appui de 14 bailleurs de fonds internationaux, continué d'aider le Gouvernement iraquien à stabiliser les zones nouvellement libérées en rétablissant les services de base, en relançant l'économie locale et en favorisant la réconciliation entre les communautés. Dans le district de Tikrit, plusieurs projets ont été menés à bien, qui ont permis à 65 000 personnes d'avoir accès à de l'eau potable provenant de trois stations de pompage et d'épuration remises en état, à 30 000 personnes de bénéficier de services d'ambulance et de centres de soins de santé primaires reconstruits, à 20 000 personnes d'avoir accès à l'électricité grâce à de nouveaux réseaux de distribution mobiles, à des milliers d'enfants de fréquenter des établissements scolaires remis en état, et à des milliers de personnes de bénéficier d'un commissariat de police rénové. En outre, des centaines de jeunes ont été rémunérés pour collecter des gravats et des déchets, rénover des lieux publics, peindre des édifices publics et des murs et nettoyer l'université de Tikrit. Le PNUD a étendu son appui à d'autres districts des provinces de Salaheddin, Ninive, Diyala et Sinjar, et a apporté son soutien au Gouvernement iraquien en vue de la reconstruction imminente de Ramadi (province d'Anbar) sous la forme de l'élaboration d'une stratégie globale de stabilisation. Inquiète des retards dans la maintenance du barrage de Mossoul, l'Organisation des Nations Unies se concerte actuellement avec le Gouvernement iraquien et les autres parties intéressées en vue d'accélérer l'exécution des travaux de réparation nécessaires.

71. Pour appuyer le mandat de la Mission visant à faire progresser la réconciliation nationale, les réformes et le respect des droits de l'homme, le PNUD a contribué par des conseils techniques à l'élaboration d'un cadre stratégique de réconciliation intercommunautaire qui prévoit les activités à mener en faveur de la réconciliation intercommunautaire et nationale en Iraq. Le PNUD a également aidé le Gouvernement iraquien à mettre la dernière main à sa stratégie de sécurité nationale, qui s'articule autour de la notion de sécurité humaine, promeut l'inclusion et l'égalité et doit favoriser l'élaboration par le Gouvernement d'un plan de réforme du secteur de la sécurité. Le Bureau des Nations Unies pour les services d'appui aux projets a apporté son concours à la création et à l'équipement d'un centre de formation et de documentation destiné à la Haute Commission indépendante des droits de l'homme iraquienne, facilité la mise en place d'une base de données et d'un système de gestion des documents, et assuré la formation nécessaire du personnel. L'UNICEF a contribué à la mise au point de la politique nationale de protection de l'enfance en décembre 2015, qui vise à remédier aux lacunes actuelles de la législation et aux problèmes en matière de prestation de services et de protection de l'enfance qui touchent les enfants marginalisés et défavorisés.

72. Dans le cadre des efforts visant à renforcer les capacités aux fins du développement durable de l'Iraq, l'Organisation internationale pour les migrations a dispensé une formation à la police de proximité auprès de 20 collectivités, et a également formé 42 fonctionnaires et membres de la société civile aux questions relatives aux migrations, au trafic d'êtres humains et à la gestion des frontières dans une perspective humanitaire. Le FNUAP a dispensé une formation sur les services de santé procréative à 91 bénéficiaires et une formation à la gestion des statistiques à 31 bureaux de la statistique centraux et du Kurdistan. L'UNESCO a fourni à des membres du personnel du Ministère de l'éducation une formation portant sur leurs rôles, responsabilités et fonctions en amont de la mise en place du centre iraquien des programmes nationaux d'enseignement. Pour renforcer les services de vaccination à long terme, l'OMS a apporté un appui technique en vue du passage du vaccin antipolio oral trivalent au vaccin antipolio oral bivalent.

73. Dans le prolongement de la vingt et unième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui s'est tenue à Paris, le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a lancé trois programmes à Bagdad le 24 décembre : un programme national de lutte contre les tempêtes de sable et de poussière; un programme d'action national de lutte contre la désertification; le premier rapport national sur les changements climatiques. Le PNUE a continué d'aider le Gouvernement iraquien à mettre au point un plan de gestion visant à intégrer les aspects culturels et naturels des marais iraquiens en vue de demander leur inscription sur la Liste du patrimoine mondial. L'UNESCO a continué de fournir des moyens techniques et administratifs de gestion intégrée des eaux souterraines afin de préserver l'accès essentiel à l'eau potable.

F. Sécurité et questions opérationnelles

74. Dans le prolongement de la mission d'évaluation stratégique effectuée en avril 2015, la Mission a intensifié ses efforts en vue de renforcer la cohérence stratégique de l'action menée par les organismes des Nations Unies en Iraq. Mon Représentant spécial a créé une équipe inter-organisations chargée de mettre au point en 2016 un cadre stratégique intégré de l'action des Nations Unies en Iraq.

75. L'absence d'accord sur le statut de la Mission entre l'Iraq et l'Organisation des Nations Unies continue de nuire à l'efficacité des opérations menées. Les membres du personnel des Nations Unies poursuivent leur travail et leurs missions en Iraq dans un contexte difficile et dans des conditions de sécurité précaires. Pour appuyer les activités menées, le Système de gestion de la sécurité des organismes des Nations Unies continue d'appliquer d'importantes mesures d'atténuation des risques en coordination et en coopération avec les services du Gouvernement iraquien chargés de la sécurité. Un membre du personnel du HCR recruté sur le plan local qui avait été enlevé le 26 septembre a été libéré le 3 octobre grâce à l'action des forces de sécurité iraquiennes. En revanche, malheureusement, aucun progrès n'a été réalisé en ce qui concerne le membre du personnel de la Mission enlevé le 26 avril dans la province de Diyala.

76. Le personnel des Nations Unies recruté sur le plan international ne dispose toujours pas d'un nombre suffisant de logements sécurisés à Bagdad. Sur les 99 unités dont la construction a été approuvée, 10 devraient être achevées au plus tard en février et en août 2016, et les 79 autres à la fin du mois de février 2017. La Mission continue également de fournir un appui logistique et administratif à l'équipe de pays des Nations Unies pour lui permettre de mener ses programmes et activités dans l'ensemble du pays moyennant remboursement.

VI. Observations

77. Je me réjouis des efforts déployés par le Gouvernement iraquien pour faire face aux multiples problèmes que connaît l'Iraq. Le Gouvernement et le peuple iraquiens ont fait preuve d'une louable détermination dans la lutte contre l'EIIL, dont l'idéologie radicale et sectaire continue de constituer une menace pour la paix et la sécurité internationales. Je félicite les forces de sécurité iraquiennes d'avoir montré, en triomphant de l'EIIL à Sinjar et dans le centre de Ramadi, qu'il était possible de vaincre le terrorisme par une action coordonnée et une unité de but au service d'objectifs partagés.

78. Je remercie tous les membres de la communauté internationale d'avoir contribué à ces efforts. Je réaffirme qu'il importe que tous les États Membres et tous les partenaires qui aident l'Iraq à lutter contre l'EIIL le fassent en conformité avec la Charte des Nations Unies et la Constitution iraquienne et dans le respect de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale du pays en toutes circonstances. Je demande instamment à la Turquie et à l'Iraq de trouver un règlement durable à la question de la présence de l'armée turque dans le camp de Bachiqa en Iraq dans le cadre d'un dialogue bilatéral.

79. Conformément à la volonté exprimée par le peuple iraquien, le Gouvernement iraquien a engagé des réformes pour lutter contre la corruption et renforcer l'efficacité et la responsabilité du secteur public. Je l'invite instamment à poursuivre ses efforts dans un esprit de collaboration, de compromis et de consultation entre les pouvoirs publics, notamment entre l'exécutif et le législatif. J'exhorte tous les acteurs politiques iraquiens à soutenir le programme de réformes mené par le Premier Ministre en plaçant l'intérêt national au-dessus de toutes les autres considérations.

80. Les réformes doivent être mises en œuvre de manière à faire sens pour la population et être complétées par des actions visant à améliorer les services publics et à diversifier l'économie. De telles mesures permettraient non seulement de créer les conditions propices à une bonne gouvernance mais également de stimuler la croissance économique et l'emploi. Le peuple iraquien continue de faire entendre sa voix pacifiquement en manifestant toutes les semaines et il faut donner suite à ces appels.

81. Parmi les mesures concrètes visant à favoriser la réconciliation, il conviendrait de modifier ou d'adopter un certain nombre de textes législatifs, notamment la loi sur la justice et la responsabilité, la loi sur la garde nationale et la loi d'amnistie générale. Il est nécessaire de prendre des dispositions législatives pour interdire les discours d'incitation à la haine, protéger les minorités et créer une culture de coexistence pacifique et d'acceptation mutuelle. À ce sujet, je m'inquiète des répercussions que le projet de loi sur l'identité nationale pourrait avoir sur la protection et la promotion du pluralisme et de la diversité en Iraq.

82. Je salue les mesures prises par les trois présidents pour renforcer le programme de réconciliation nationale et je les encourage à en accélérer la mise en œuvre. Les affrontements intercommunautaires survenus durant la période considérée à Salaheddin et à Ninive, dans des zones récemment reprises à l'EIIL, montrent qu'il faut y planifier avec soin les opérations et y progresser rapidement dans la réconciliation intercommunautaire.

83. Je condamne avec la plus grande fermeté les assassinats, les enlèvements, les viols et les actes de torture que l'EIIL continue de commettre à l'encontre d'Iraquiens. Je condamne avec force les attentats-suicides qui, régulièrement, tuent et mutilent sans discrimination civils et enfants, et j'exhorte le Gouvernement iraquien à faire tout ce qui est en son pouvoir pour en traduire les responsables en justice.

84. J'exhorte le Gouvernement iraquien à mettre en œuvre des plans d'action, des politiques et une législation claires pour promouvoir l'autonomisation de la femme, notamment le plan d'action nationale sur les femmes, la paix et la sécurité. Malheureusement, les actes de violence sexiste demeurent fréquents et ont un effet désastreux sur l'accès des filles à l'éducation.

85. Le conflit, la violence et les déplacements ont eu une incidence néfaste sur l'éducation des enfants iraquiens; près de 2 millions d'entre eux sont actuellement déscolarisés. À mesure que les déplacements s'intensifient, les enfants sont davantage exposés à de graves violations, manquent les années d'enseignement fondamentales et se sentent de plus en plus désespérés et impuissants. La protection des enfants et l'investissement dans leurs nécessités futures doit devenir une priorité aux fins de la paix et de la sécurité en Iraq.

86. Je rappelle à toutes les parties engagées dans la lutte contre l'EIIL que les opérations militaires doivent être menées en prenant le plus grand soin d'éviter toute perte civile et en respectant pleinement les principes fondamentaux des droits de l'homme et le droit humanitaire. Malheureusement, dans les zones reprises à l'EIIL, on a signalé des arrestations arbitraires, des assassinats, des destructions de biens, des tentatives de modifier de force la composition démographique et de violentes représailles. Pour faire face à ces violations et pour que les personnes déplacées puissent retourner en toute sécurité dans leur lieu d'origine, le Gouvernement iraquien doit veiller à rétablir l'autorité de l'État et la primauté du droit le plus rapidement possible dans les zones concernées. J'exhorte également le Gouvernement iraquien à faire tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir la libération du membre de la MANUI enlevé le 26 avril.

87. J'encourage le Gouvernement iraquien à s'assurer de disposer d'un financement pour appuyer les activités de reconstruction à mener dans les zones préalablement tenues par l'EIIL. Le PNUD coordonnera ces activités en se fondant sur les principes du nouveau programme de résilience pour le Moyen-Orient, afin d'aider le peuple iraquien à surmonter la crise, à se relever et à devenir assez fort pour faire face aux nécessités futures. Je tiens à remercier l'Allemagne, l'Italie, la Norvège et la Suède des dons généreux qu'ils ont faits pour appuyer la stabilisation.

88. Je condamne l'attaque odieuse commise le 29 octobre contre le Camp Hourriya. Je demande au Gouvernement iraquien d'en traduire les auteurs en justice et je rappelle qu'il lui incombe d'assurer la sûreté et la sécurité des résidents du Camp. Je note que plus de 1 000 résidents se sont réinstallés en dehors d'Iraq sous les auspices des Nations unies depuis la signature du mémorandum d'entente de 2011 et je demande au Gouvernement et aux parties prenantes internationales de travailler en étroite collaboration avec ma Conseillère spéciale pour la réinstallation hors d'Iraq des résidents du Camp Hourriya afin d'accélérer la réinstallation des résidents.

89. L'action humanitaire en Iraq demeure sous -financée. L'appel de fonds visant à récolter 498 millions de dollars pour faire face à la situation humanitaire au second semestre de 2015 a recueilli moins de 50 % des fonds escomptés, obligeant des partenaires humanitaires à mettre fin à des programmes vitaux. Face aux énormes difficultés de sécurité, de fonctionnement, de capacités et de financement auxquelles ils font face, ces derniers demandent 861 millions de dollars pour le plan d'action humanitaire de 2016 afin de pouvoir apporter aux populations les plus vulnérables l'aide dont elles ont besoin. Je demande instamment qu'il soit répondu comme il se doit à cet appel de fonds, qui correspond au minimum absolu nécessaire pour aider les Iraquiens à survivre à la crise, faire face aux besoins croissants et empêcher la situation humanitaire de continuer à se détériorer, compte tenu des effets qu'elle a sur la sécurité du pays, de la région et du reste du monde, et des niveaux de migration, qui demeurent très élevés.

90. Enfin, je tiens à remercier mon représentant spécial, Jân Kubis, et le personnel des Nations unies en Iraq de l'action qu'ils continuent de mener pour aider le Gouvernement et le peuple iraquien. Je ne doute pas que les partenaires internationaux, notamment les voisins de l'Iraq, continueront de l'aider à s'acquitter de ses fonctions.


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