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25jan13


Terrorisme : 20 ans que l'Algérie crie dans le désert


Depuis vingt ans, l'Algérie combat, presque seule, ce qui est maintenant considéré, enfin, comme une menace mondiale.

Le 16 janvier 2013 et son lot de terroristes de toutes les nationalités passant d'un pays à l'autre auront eu l'effet d'un électrochoc sur la communauté internationale. Oui, le terrorisme est un ennemi sans frontières. Voilà plus de vingt ans qu'Alger le dit. «Mieux vaut tard que jamais, mais la prise de conscience de la dimension internationale du terrorisme a été tardive», relève un cadre de l'Etat algérien. Il revient sur le long processus lancé par Alger durant les années 1990 pour inscrire le terrorisme dans l'agenda des urgences mondiales.

Une situation qui tranche avec l'actuelle dynamique mondiale de «lutte globale» contre le terrorisme, enclenchée depuis les attentats du 11 septembre 2001. Un diplomate basé en Europe se souvient : «On transmettait aux capitales occidentales rapport sur rapport, en vain. Ils prétendaient que l'Algérie faisait face à des ''groupes d'opposition armés'' et qu'il était ''compréhensible'' que les islamistes répondent par la violence à la ''confiscation'' de leur prétendue victoire électorale.» «Des années durant, témoigne un ancien officier de la lutte antiterroriste, nous n'avions même pas le droit d'importer de la chevrotine ! Les Occidentaux nous ont asphyxiés ! Et c'est à peine s'ils ne nous accusaient pas, nous, l'armée, d'être coupables à la place des terroristes.»

Un ancien ambassadeur se rappelle aussi : «L'isolement de l'Algérie n'était pas une vue de l'esprit à l'époque. Lors de la conférence de Sant'Egidio en 1995, notre ambassade à Rome a été privée de moyens de télécommunication ! Ceci est un tout petit exemple de l'ambiance à l'époque !» Après les grands massacres de 1997, l'Algérie «avait invité le panel onusien pour se rendre compte sur place de ce que nous étions en train d'affronter. Et nous avons même invité des services secrets étrangers pour qu'ils constatent par eux-mêmes la situation», révèle un diplomate.

«Se présentant eux-mêmes comme des persécutés, plusieurs leaders islamistes, notamment ceux qui revendiquaient des attentats en Algérie, trouvaient refuge dans les capitales occidentales, au nom de la liberté d'expression», note un journaliste spécialiste des questions sécuritaires. Pire, Alger avait même accusé des pays arabes «frères» d'avoir «contribué activement ou tacitement à la perpétuation de la crise algérienne» pour reprendre les mots du président Bouteflika devant les ministres de l'Intérieur arabes réunis en 2000 à Alger. Pour rappel, le Conseil des ministres de l'Intérieur arabe a mis huit ans, de 1990 à 1998, pour élaborer une convention contre le terrorisme, sous le forcing de l'Algérie.

Exaspération

Alger a dû également batailler au niveau africain, face au silence occidental, pour booster une réflexion autour d'un cadre juridique synchronisé contre le terrorisme en Afrique et aboutir enfin au Plan de l'Union africaine de prévention et de lutte contre le terrorisme adopté justement à Alger en 2002. En 2008, à l'Onu, Abdelkader Messahel, ministre délégué aux Affaires maghrébines et africaines, exprimait pleinement l'exaspération algérienne en pointant la «difficulté à trouver un consensus global sur le terrorisme» aux Nations unies. Mais avant même d'arriver à ces étapes dans les années 2000, Alger s'est efforcée d'expliquer dans tous les forums mondiaux et lors des rencontres bilatérales le caractère transnational du terrorisme.

«Au plan idéologique, le terrorisme islamiste s'inscrit dans une logique qui réfute les frontières des Etats séculiers au profit de la notion de Oumma qui peut s'étendre géographiquement mais aussi, ce que ne comprenaient pas les Occidentaux, humainement, autrement dit aux communautés musulmanes immigrées», explique notre expert qui ajoute : «Autre volet, le projet terroriste, appuyé sur cette vision transfrontalière, articule sa logistique et ses relais au-delà des frontières du pays visé». Combien de cellules djihadistes ont été démantelées en Europe à la fin des années 1990 et début 2000 ? Des dizaines. «Ce n'est qu'à cette époque que l'approche d'Alger a été assimilée», renchérit le diplomate.

Dès la moitié des années 1990, la connexion entre les groupes armés algériens et la nébuleuse terroriste mondiale s'est renforcée. Déjà en 1995, il y avait des échanges de lettres entre «l'émir» du GIA, Djamel Zitouni, et celui qu'on connaîtra -- bien plus tard -- comme le bras droit d'Oussama Ben Laden, l'Egyptien Ayma Adhawahiri ! Mais le grand tournant remonte certainement au 11 septembre 2001 et l'émergence d'une conscience mondiale face au danger terroriste et à la menace asymétrique. Washington a été, bien avant l'UE, sensibilisé par Alger sur le risque de création d'un sanctuaire terroriste au Sahel.

Les Etats-Unis, avec des résultats mitigés, ont donc lancé les initiatives Pan-Sahel en 2002 et, plus tard en 2005, la Trans-Sahara Counterterrorism Initiative (TSCTI), tentant de participer à la formation des troupes de la région sahélienne. «Pendant des années, Alger n'a eu de cesse de prévenir contre les risques que concentre la région subsaharienne : absence de l'Etat, trafic en tout genre, influence salafiste, pauvreté, revendication identitaire, espace difficile à contrôler… Ce n'est que maintenant qu'une partie de la communauté internationale se réveille, et avec quelle solution ?», appuie le cadre de l'Etat évoquant «la brutalité et le caractère tardif» de l'intervention française au Mali. «Alger a toujours préconisé les solutions globales contre le terrorisme, sa longue expérience de confrontation -- et les échecs en Irak, en Somalie et en Afghanistan -- ont bien démontré les limites du seul matraquage militaire», conclut un expert.

[Source: Par Adlène Meddi, El Watan, Alger, 25jan13]

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