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17fév13


Mali: ce conflit qui ne veut pas faire parler de lui


Cinq semaines après le lancement de l'opération «Serval», les informations en provenance du Mali sont plus que jamais parcellaires. Pas de black-out total sur ce qui se passe sur le terrain, mais la communication de Paris est réduite au strict minimum, rendant difficile l'établissement d'un bilan fiable de l'intervention française dans le Sahel.

Où en est-on sur le plan militaire ?

La France dispose actuellement de 4 000 soldats au Mali, pour l'essentiel dans le Nord. L'armée est notamment présente à Gao, Tombouctou, Kidal et Tessalit, une localité située dans l'extrême-nord du pays, près de la frontière avec l'Algérie. Les hommes de l'opération Serval sont désormais présents au nord et au sud du massif montagneux de l'Adrar des Ifoghas, le sanctuaire «historique» des jihadistes au Mali, où pourraient se trouver les otages français.

Paris reste toujours très discret sur les actions en cours, peut-être parce qu'elles relèvent de plus en plus de la surveillance et du renseignement que de l'opérationnel au sol. Jeudi, lors du point de presse hebdomadaire au ministère de la Défense, le porte-parole de l'état-major, le colonel Thierry Burkhard, a évoqué 200 sorties aériennes durant la semaine écoulée, dont une cinquantaine consacrées à des frappes (le reste concerne des vols de reconnaissance et de transport de troupes et de fret).

Objectifs visés : des dépôts de carburant, des centres d'entraînement, des véhicules ennemis. Mais, dans cette guerre asymétrique où des Rafale se retrouvent à viser des pick-up Toyota, les cibles viennent à manquer. Dans ce contexte, impossible de mesurer l'état d'affaiblissement réel des jihadistes.

Sur le plan financier, le déploiement et le soutien de 4 000 hommes coûte cher. Le 6 février, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a cité le chiffre de 70 millions d'euros. C'était il y a dix jours.

Quel est le bilan des pertes ?

L'opération Serval reste très largement une guerre sans mort. «Plusieurs centaines» de jihadistes ont été éliminés, a toutefois déclaré Jean-Yves Le Drian, le 5 février. L'essentiel de ces pertes a vraisemblablement eu lieu lors des premiers combats à Konna, le 11 janvier, quand les hélicoptères français ont stoppé l'offensive des jihadistes sur Sévaré, puis à l'occasion des frappes aériennes qui ont surpris l'adversaire à Gao et Tombouctou. Mais depuis ? L'état-major français ne donne aucun bilan. Il y a eu très peu de combats au sol, les jihadistes fuyant généralement avant l'arrivée des troupes. Des accrochages ont eu lieu, fin janvier, lors de la prise de Gao, sur le pont qui enjambe le Niger et aux abords de l'aéroport, se soldant par une vingtaine de morts.

Dans les autres opérations - à Tombouctou ou à Diabali -, aucune estimation fiable n'a pu être avancée. Pour les frappes aériennes, difficile d'évaluer le nombre de morts, sinon en se livrant à un calcul aléatoire en extrapolant à partir du ratio véhicule détruit/jihadistes à bord. Côté français, on dénombre 1 mort, le lieutenant Damien Boiteux, touché à bord de son hélicoptère au tout début de l'opération. Depuis, les combats auraient fait quelques blessés au sein des forces spéciales, fer de lance de la reconquête des villes du Nord-Mali. Mais tout ce qui relève des forces spéciales est classé «secret défense» (lire ci-contre).

Dans les rangs de l'armée malienne, pas plus de précision. Ses pertes sont de toute façon limitées : depuis le début de Serval, elle n'a guère combattu en première ligne. Le Mali a perdu quelques hommes, début février, avec l'explosion d'un véhicule sur une mine entre Douentza et Gao, et lors de l'attaque surprise, la semaine dernière, des terroristes à Gao.

Quel bilan humanitaire ?

Le nombre de victimes civiles semble a priori très faible. Des envoyés spéciaux ont fait état de blessés dans les bombardements, par exemple à Diabali, au début de la guerre. A Gao et à Tombouctou, les frappes ont visé des bâtiments situés loin du centre-ville. Des exactions ont été signalées - pour l'essentiel juste après la prise des principales localités du Nord-Mali - contre des populations jugées collectivement complices des jihadistes, les Touaregs et les «Arabes».

Mais leur nombre reste restreint (quelques dizaines au total), sans doute parce que la plupart des membres de ces communautés avaient pris les devants en fuyant il y a plusieurs semaines ou plus récemment, au début de l'opération Serval.

Et les prisonniers de guerre ?

Là encore, peu d'informations ont filtré. Le CICR, qui a demandé aux autorités maliennes l'accès aux détenus, a commencé des visites sur place. De son côté, Paris renvoie vers les autorités locales, dont la communication est en la matière proche de zéro.

Pourtant, au-delà des discours martiaux sur la «liquidation des terroristes» tenus à Paris, l'interrogatoire d'activistes pouvant donner des renseignements sur les repaires des islamistes, leur organisation interne, voire sur le lieu de détention des otages, est un enjeu stratégique. Les forces françaises et maliennes ont donc tout intérêt à faire des prisonniers.

[Source: Par Thomas Hofnung, Liberation, Paris, 17fév13]

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