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18mai15

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Informations sur les Tatars de Crimée depuis leur expulsion en 1944 jusqu'à aujourd'hui


Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2015/347

Distr. générale
18 mai 2015
Français
Original : anglais

Lettre datée du 18 mai 2015, adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de l'Ukraine auprès de l'Organisation des Nations Unies

J'ai l'honneur de me référer aux répressions et violations des droits de l'homme délibérément commises par les autorités d'occupation russes en Crimée contre les Tatars et à l'occasion du soixante et onzième anniversaire de la déportation des Tatars de Crimée en 1944, et d'appeler votre attention sur les informations ci-jointes portant sur cette question et sur les mesures actuellement prises par le Gouvernement ukrainien pour protéger les droits des populations déportées (voir annexe).

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente lettre comme document du Conseil de sécurité.

(Signé) Yuriy Sergeyev

Annexe à la lettre datée du 18 mai 2015 adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de l'Ukraine auprès de l'Organisation des Nations Unies

Expulsion des Tatars de Crimée en 1944 et mesures actuellement prises par le Gouvernement ukrainien pour protéger les droits des populations expulsées

En 1944, les Tatars de Crimée ont été expulsés de force de la péninsule de Crimée dans le cadre d'une opération orchestrée par l' État, sur les ordres de Joseph Staline, qui était le dirigeant de l'Union soviétique à l'époque. En tout, 238 500 personnes ont été expulsées pour leur prétendue collaboration avec les nazis en 1942 et 1943. Cette forme de châtiment collectif est appelée Sürgünlik (exil) en tatar de Crimée.

En 1967, un décret soviétique a levé les accusations qui pesaient sur les Tatars de Crimée, mais le Gouvernement soviétique n'a rien fait pour faciliter leur retour sur leur terre natale, en Crimée. Il ne leur a pas non plus versé de réparations, ni pour les vies perdues, ni pour les biens confisqués.

En janvier 1974, le Présidium du Soviet suprême de l'Union des Républiques socialistes soviétiques a levé l'interdiction faite aux Grecs, aux Arméniens, aux Bulgares et aux Tatars de regagner leur ancien lieu de résidence en Crimée.

Depuis la proclamation de l'indépendance de l'Ukraine en 1991, le Gouvernement ukrainien s'est efforcé de fournir aux Tatars de Crimée les ressources nécessaires à leur réinstallation et à leur réintégration dans la société ukrainienne. Près de 270 000 d'entre eux (13 % de la population) se sont installés dans la République autonome de Crimée.

En février et mars 2014, la tentative d'annexion de la Crimée par la Fédération de Russie a entraîné une détérioration sensible des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les Tatars de Crimée font aujourd'hui face à des répressions et à des persécutions politiques semblables à celles qu'ils ont subies lors de leur expulsion en 1944. M. Djemilev et R. Tchoubarov, chefs des Tatars de Crimée, sont interdits d'entrée dans la péninsule jusqu'au 19 avril 2019 et jusqu'en juillet 2019, respectivement.

Malgré les opérations menées par la Russie « sur le terrain » en Crimée, l'Ukraine reste déterminée à protéger les droits des Tatars de Crimée et à instaurer le climat de sécurité nécessaire à leur développement sans entrave.

Les autorités d'occupation russes en Crimée sont quant à elles résolues à poursuivre leurs politiques discriminatoires (application forcée des lois et règlements russes et de mesures répressives, abus de pouvoir et recours excessif à la force).

L'Ukraine appelle la communauté internationale à condamner les actes illégaux commis par la Russie à l'encontre des Tatars de Crimée, des Ukrainiens et des défenseurs des droits de l'homme. Nous invitons les démocraties du monde entier à exhorter la Fédération de Russie à laisser les organisations internationales et les missions de défense des droits de l'homme faire leur travail en Crimée.

Expulsion des Tatars de Crimée en 1944

Les expulsions ont commencé le 18 mai 1944, dans toutes les localités habitées de Crimée. Plus de 230 000 personnes ont été expulsées, principalement vers l'Ouzbékistan : l'ensemble du groupe ethnique des Tatars de Crimée (qui représentait alors environ un cinquième de la population totale de la péninsule de Crimée), ainsi qu'un plus petit nombre de Grecs et de Bulgares de souche. Durant les premières années d'exil, la pénurie de logements et de nourriture, l'incapacité de s'adapter aux nouvelles conditions climatiques et la propagation rapide des maladies ont eu de lourdes répercussions sur le plan démographique. Selon des enquêtes menées dans les années 60 par des activistes tatars de Crimée, plus de 109 956 (46,2 %) des 238 500 Tatars expulsés de Crimée sont morts de faim ou des suites de maladies entre le 1er juillet 1944 et le 1er janvier 1947. Entre mai et novembre 1947, 10 105 autres Tatars de Crimée sont morts de faim en Ouzbékistan (9 % des personnes expulsées vers la République socialiste soviétique d'Ouzbékistan). Les autorités soviétiques (NKVD) ont estimé à près de 30 000 (20 %) le nombre de morts en exil en l'espace d'un an et demi. Selon les informations émanant de dissidents soviétiques, de nombreux Tatars de Crimée ont été forcés de travailler sur les grands projets soviétiques dans les goulags.

Réinstallation des Tatars de Crimée dans les années 60

Même si, en 1967, un décret soviétique a levé les accusations pesant sur les Tatars de Crimée, le Gouvernement soviétique n'a rien fait pour faciliter leur réinstallation en Crimée ou verser des réparations pour les vies perdues et les biens confisqués. Les Tatars de Crimée, sous la conduite du Mouvement national des Tatars de Crimée, ont dû attendre jusqu'au début de la perestroïka, au milieu des années 80, pour être autorisés à rentrer en Crimée, mouvement qui s'est généralisé à partir de 1987. Au début des années 90, les Tatars constituaient le troisième groupe ethnique de Crimée.

Indépendance de l'Ukraine en 1991

Depuis l'indépendance de l'Ukraine en 1991, le Gouvernement ukrainien a assumé l'entière responsabilité de tous ses citoyens, y compris ceux qui étaient revenus sur le territoire après en avoir été expulsés. Pour assurer la protection des droits de ces derniers, les instruments juridiques sur lesquels se fonde la politique nationale ukrainienne sont la Déclaration des droits des nationalités et les lois ukrainiennes relatives aux minorités nationales et au rétablissement des droits des personnes anciennement expulsés en raison de leur origine ethnique. Par ailleurs, le Gouvernement ukrainien a adopté un programme visant à promouvoir l'intégration sociale des jeunes Tatars de Crimée pour 2002-2005 (2002) et le programme du Cabinet des Ministres ukrainiens sur la réinstallation des populations expulsées, notamment les Tatars de Crimée, qui sont revenues vivre en Ukraine, leur adaptation et leur intégration à la société ukrainienne jusqu'en 2010 (2006, récemment reconduit jusqu'en 2015).

Tentative d'annexion de la Crimée par la Russie

La tentative d'annexion de la péninsule de Crimée par la Russie en février et mars 2014 a donné lieu à de graves violations du droit international et des droits de l'homme. Les Tatars de Crimée sont devenus la cible de disparitions forcées et d'enlèvements exécutés par les autorités d'occupation russes et leurs bandes illégales. À ce jour, 21 de leurs membres ont été enlevés, dont 3 ont été retrouvés morts, et plus de 130 poursuites pénales ont été engagées contre des Tatars de Crimée.

Les politiques d'occupation de la Russie ont contraint plus de 10 000 Tatars à quitter la Crimée, pour s'installer principalement dans d'autres régions d'Ukraine. De nombreux militants tatars sont interdits d'entrée dans la péninsule. C'est le cas notamment de M. Djemilev et R. Tchoubarov (jusqu'au 19 avril 2019 et jusqu'en juillet 2019, respectivement), d'Ismet Youksel, principal coordonnateur de l'agence d'information « Crimean News » (jusqu'en août 2019), et de Sinaver Kadyrov, dissident, fondateur du mouvement « Azatlyk » et membre du Comité de protection des Tatars de Crimée (jusqu'en janvier 2020).

Vu l'importance que revêt la protection des Tatars de Crimée et d'autres minorités nationales dans la Crimée sous occupation russe, l'Ukraine a pris plusieurs mesures législatives. M. Djemilev, membre du Parlement et ancien chef de la Majlis (assemblée) des Tatars de Crimée, a été nommé représentant du Président pour les affaires relatives aux Tatars de Crimée. Le 30 mars 2014, le Parlement ukrainien a adopté un décret sur la reconnaissance des Tatars de Crimée en tant que peuple autochtone d'Ukraine. Un département spécial pour la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol a été créé au sein du secrétariat du Cabinet des ministres d'Ukraine et les membres du Parlement ont formé une union multipartite sur la Crimée.

L'Organisation des Nations Unies, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le Conseil de l'Europe et d'autres organisations internationales ont appelé l'attention sur de nombreux cas d'enlèvement, de torture ou d'emprisonnement de résidents ukrainiens, en particulier de Tatars de Crimée et de militants pro-ukrainiens, commis par les autorités d'occupation russe.

La Fédération de Russie, en tant qu'autorité d'occupation en droit international, est responsable de toutes les violations des droits de l'homme commises en Crimée.


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