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07juil16

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Rapport du Quatuor pour le Moyen-Orient pour progresser sur la voie de la solution des deux États dans le conflit israélo-palestinien


Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2016/595

Distr. générale
7 juillet 2016
Français
Original : anglais

Lettre datée du 7 juillet 2016, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l'Organisation des Nations Unies

J'ai l'honneur de vous faire tenir ci-joint le Rapport du Quatuor pour le Moyen-Orient publié le 1er juillet 2016 par le Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient (voir annexe).

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente lettre et de son annexe comme document du Conseil de sécurité.

(Signé) Vitaly Churkin


Annexe à la lettre datée du 7 juillet 2016 adressée au Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l'Organisation des Nations Unies

Rapport du Quatuor pour le Moyen-Orient

À sa réunion du 12 février 2016 à Munich, le Quatuor pour le Moyen-Orient a exprimé à nouveau sa crainte que les tendances actuelles ne compromettent la viabilité de la solution des deux États. Fermement résolu à contribuer à un règlement global, juste et durable du conflit israélo-palestinien, le Quatuor a convenu d'établir un rapport concernant la situation sur le terrain.

Le présent rapport ne prétend pas dresser un tableau complet des aspects humanitaires, politiques, juridiques et sécuritaires de la situation, ni régler les questions relatives au statut final. Il met l'accent sur les principaux obstacles à l'instauration d'une paix négociée et formule des recommandations pour progresser sur la voie de la solution des deux États.

Résumé

Le Quatuor a réaffirmé que la solution prévoyant deux États était le seul moyen d'instaurer une paix durable qui réponde aux besoins israéliens en matière de sécurité et aux aspirations palestiniennes à devenir un État souverain, mette fin à l'occupation remontant à 1967 et règle toutes les questions relatives au statut permanent.

Le Quatuor rappelle sa précédente déclaration ainsi que les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et s'engage à contribuer activement au règlement du conflit israélo -palestinien sur la base des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil. À cet égard, il réaffirme son engagement à continuer d'œuvrer en coordination avec les principales parties prenantes, notamment les pays de la région et le Conseil de sécurité, afin de raviver l'espoir d'une solution politique.

Bien que la majorité de la population de part et d'autre, tout comme le Premier Ministre Benjamin Netanyahu et le Président Mahmoud Abbas, souscrivent à l'objectif de deux États vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, le Quatuor craint vivement que cette perspective ne s'éloigne de plus en plus, vu le cours actuel des événements et étant donné surtout que chacune des tendances suivantes compromet gravement les espoirs de paix :

- La poursuite des affrontements, les attentats terroristes contre des civils et les incitations à la violence exacerbent fortement la méfiance et sont fondamentalement incompatibles avec un règlement pacifique;

- La poursuite de la politique d'implantation et d'expansion des colonies de peuplement, l'affectation de terres à l'usage exclusif des Israéliens et le blocage du développement palestinien entament chaque jour davantage la viabilité de la solution prévoyant deux États;

- La constitution de stocks d'armements clandestins et les activités militantes, l'absence persistante d'unité entre les Palestiniens et la situation humanitaire catastrophique qui règne à Gaza alimentent l'instabilité et finissent par entraver les efforts faits pour parvenir à une solution négociée.

Le Quatuor souligne qu'il importe au plus haut point de prendre des mesures fermes pour inverser chacune de ces tendances si l'on veut éviter que la solution d'un seul État ne s'ancre dans une réalité d'occupation et de conflit perpétuels qui est incompatible avec la réalisation des aspirations nationales des deux peuples.

Le Quatuor réaffirme que les mesures unilatérales prises de part et d'autre ne sauraient préjuger de l'issue des négociations sur le statut final et ne seront pas reconnues par la communauté internationale.

Il rappelle que, même si des négociations bilatérales directes sont le seul moyen de parvenir à un accord sur le statut permanent qui mette fin au conflit, beaucoup peut être fait aujourd'hui pour promouvoir la solution des deux États sur le terrain.

Le Quatuor demande aux deux parties de démontrer chacune de son côté, par des politiques et des mesures concrètes, leur attachement sincère à la solution des deux États.

Il souligne combien il importe donc que les deux parties honorent les engagements de base pris en vertu des accords en vigueur pour faire de la solution des deux États une réalité et créer des conditions propices à l'aboutissement des négociations.

I. Violence et incitations à la violence

La poursuite des affrontements, les récents actes terroristes dirigés contre des Israéliens et les incitations à la violence sont fondamentalement incompatibles avec un règlement pacifique prévoyant deux États et exacerbent fortement la méfiance de part et d'autre. Pour rétablir la confiance et éviter une escalade qui compromettrait davantage les perspectives de paix, il est essentiel de respecter l'engagement pris d'agir efficacement contre la violence, le terrorisme et l'incitation à commettre de tels actes.

Violence. Depuis le début de la récente vague d'affrontements en octobre 2015, plus de 250 attaques ou tentatives d'attaques ont été perpétrées par des Palestiniens contre des Israéliens. Au moins 30 Israéliens ont été tués, victimes d'agressions à l'arme blanche, de fusillades, d'attaques menées à bord d'une voiture et d'une attaque à l'explosif. La période la plus intense a été marquée par trois à quatre attaques par jour en Israël, à Jérusalem et en Cisjordanie. Ces attaques terroristes, commises pour la plupart par des jeunes affiliés à aucun groupe, contribuent à susciter chez les Israéliens le sentiment de vivre sous une menace constante.

Pendant cette période, au moins 140 Palestiniens ont été tués alors qu'ils menaient ou auraient mené une attaque. Au moins 60 autres ont été tués par les forces de sécurité israéliennes lors de manifestations palestiniennes, d'affrontements ou d'opérations militaires.

La fréquence des attaques et des affrontements a sensiblement diminué en

2016. Cette accalmie tient en grande partie à l'efficacité des forces de sécurité de l'Autorité palestinienne, qui ont réussi à déjouer des attaques, saisi des armes et arrêté des éléments suspectés d'être des extrémistes. La poursuite de la coordination en matière de sécurité entre les deux parties a également joué un rôle clef dans la réduction de la violence. L'importance de ces facteurs a été reconnue par les agents de sécurité et les dirigeants politiques, tant israéliens que palestiniens.

Cela étant, les récentes attaques terroristes, comme l'attentat à l'explosif contre un autocar à Jérusalem en avril et la fusillade qui a fait quatre victimes israéliennes dans un café de Tel Aviv en juin, sont des exemples tragiques qui montrent que les causes profondes des cycles récurrents de violence n'ont toujours pas été éliminées.

Durant cette période, Israël a riposté en recourant davantage à l'internement administratif, en reprenant ses opérations de démolition de maisons à titre punitif et en bouclant des quartiers entiers, ce qui risquerait d'aggraver encore les tensions. Certains responsables des forces de sécurité israéliennes se sont dits préoccupés par les cas, dont plusieurs ont été enregistrés sur vidéo, où il semblerait qu'il y ait eu un recours excessif à la force en l'absence d'une menace immédiate. Un soldat a été inculpé d'homicide involontaire.

Les actes de violence commis par des colons à l'égard de Palestiniens, y compris des agressions, des actes de vandalisme et la destruction de biens, demeurent un sujet de vive préoccupation. Bien que le nombre d'attaques ait sensiblement diminué au cours des trois dernières années, plusieurs incidents particulièrement graves ont eu lieu, notamment l'odieux incendie criminel de Douma en 2015, qui a fait trois victimes, et la mort d'un jeune Palestinien brûlé vif en 2014. Ces attaques, que les hauts responsables israéliens ont qualifiées d'actes terroristes, contribuent à la persistance d'un sentiment de vulnérabilité chez les Palestiniens.

Israël a redoublé d'efforts pour réduire les violences commises par les colons en créant une unité de police spéciale et en renforçant les mesures préventives et punitives à l'encontre des groupes extrémistes. Malgré la multiplication des actions en justice contre les auteurs présumés d'actes de violence, qui ont abouti dans certains cas à des condamnations très médiatisées, le taux global de condamnation des Israéliens extrémistes accusés d'actes de violence reste nettement moins élevé qu'il ne l'est pour les Palestiniens.

Incitations à la violence. Les Palestiniens qui commettent des actes terroristes sont souvent glorifiés comme « martyrs héroïques ». De nombreuses images largement diffusées montrent des individus commettant des actes terroristes accompagnés de slogans qui incitent à la violence. Les incitations à la violence connaissent une montée en puissance dans les médias sociaux depuis octobre 2015 et affectent particulièrement les jeunes.

Le Hamas et d'autres groupes radicaux sont responsables des formes d'incitation les plus explicites et les plus répandues. Ces groupes utilisent les médias pour glorifier le terrorisme et appeler ouvertement à la violence contre les Juifs, en expliquant par exemple comment commettre une agression à l'arme blanche. Après l'attentat à la bombe contre un autocar israélien qui a fait au moins 21 blessés en avril 2016, le Hamas a organisé une manifestation pour célébrer l'attentat.

Certains membres du Fatah ont soutenu publiquement les attentats et leurs auteurs et encouragé les affrontements violents. Lors de la récente vague de violence, un haut responsable du Fatah a qualifié les auteurs de tels actes de « héros et de couronne sur la tête de chaque Palestinien ». À la suite des attentats terroristes, les réseaux sociaux du Fatah ont juxtaposé des images des assaillants à celles des dirigeants palestiniens.

Les dirigeants de l'Autorité palestinienne ont exprimé à maintes reprises leur opposition à la violence dirigée contre des civils, et des hauts responsables ont publiquement déclaré qu'ils restaient attachés à la résistance non violente. Mais, hélas, les dirigeants palestiniens n'ont pas systématiquement et clairement condamné chaque attentat terroriste. Des rues, des places et des écoles portent le nom de Palestiniens qui ont commis des actes terroristes.

Les idéologies extrémistes qui prônent la haine, le racisme et la violence exercent une influence dangereuse de part et d'autre. Les extrémistes israéliens et les auteurs d'« attaques de représailles » scandent souvent le slogan « Mort aux Arabes », et certains sites de médias sociaux comportent des références qui justifient la violence à l'égard des Palestiniens. Dans au moins un cas notoire, des images video célébrant l'incendie criminel de Douma ont été largement diffusées. Entre autres incidents, certains dirigeants et hauts responsables israéliens se sont déclarés favorables à l'utilisation de la force meurtrière contre des assaillants palestiniens.

II. Expansion des colonies de peuplement, attribution de terres et blocage du développement palestinien

La poursuite des activités d'implantation et d'expansion des colonies de peuplement, l'affectation de terres à l'usage exclusif des Israéliens et le blocage du développement palestinien, avec la multiplication récente des démolitions, entament chaque jour davantage la viabilité de la solution prévoyant deux États. Cela soulève des questions légitimes sur les intentions à long terme d'Israël, d'autant plus que certains ministres israéliens ont déclaré qu'il ne devrait jamais y avoir d'État palestinien. De fait, le transfert de pouvoirs et responsabilités plus étendus à l'Autorité palestinienne dans la zone C, prévu dans le cadre des engagements pris aux termes des accords conclus, a pratiquement cessé et a même marqué un recul à certains égards. Il est impératif que le transfert reprenne si l'on veut promouvoir la solution des deux États et éviter que la réalité d'un État unique ne s'ancre.

Affectation de terres à l'usage exclusif d'Israël. La zone C, qui représente 60 % de la Cisjordanie, concentre la majorité des terres agricoles, des ressources naturelles et des réserves foncières. Quelque 70 % des terres de la zone C ont été unilatéralement affectées à l'usage exclusif d'Israël du fait qu'elles ont été en grande partie placées sous la juridiction des conseils locaux et régionaux des colonies de peuplement ou désignées « terres domaniales ». Dans la quasi-totalité des 30 % restants, qui sont presque tous des biens palestiniens privés, le développement palestinien est pratiquement impossible parce qu'il nécessite des permis, que les autorités militaires israéliennes n'accordent presque jamais.

La désignation d'autres terres domaniales dans la zone C, qui concerne en théorie toutes les terres dont il ne peut être clairement établi qu'il s'agit de biens palestiniens, est actuellement en cours. En mars 2016, plus de 2 000 dounoums au sud de Jéricho ont été déclarés terres domaniales, et en août 2014, près de 4 000 dounoums à l'ouest de Bethléem.

Implantation et expansion de colonies de peuplement. Depuis le début du Processus d'Oslo en 1993, la population des colonies a plus que doublé. Elle a triplé dans la seule zone C, où au moins 370 000 Israéliens vivent actuellement dans quelque 130 colonies de peuplement, dont au moins 85 000 au cœur de la Cisjordanie. Avec les 200 000 Israéliens qui vivent à Jérusalem-Est, le nombre total de colons s'élève à au moins 570 000.

Israël poursuit sa politique d'implantation et d'expansion systématiques des colonies de peuplement et des infrastructures correspondantes. Entre 2009 et 2014, la population des colons de Cisjordanie a augmenté de plus de 80 000, dont au moins 16 000 au cœur des terres. Durant cette période, les travaux ont démarré pour la construction de plus de 9 000 nouveaux logements dans la zone C et plus de 3 000 à Jérusalem-Est. Depuis le milieu de 2014, le nombre de projets annoncés et d'appels d'offres publiés pour la construction de logements en Cisjordanie a sensiblement diminué. Le nombre de chantiers est cependant resté inchangé durant cette période, en raison des plans et des offres préalablement approuvés qui permettent de poursuivre les travaux de construction même en l'absence de nouvelles approbations.

En outre, la « légalisation » rétroactive des avant-postes a pour effet concret d'étendre les colonies existantes, sinon d'en créer de nouvelles. Une centaine d'avant-postes ont été construits dans la zone C sans l'autorisation officielle du Gouvernement israélien. Ces avant -postes sont illégaux au regard du droit israélien et, à terme, ils devront être autorisés rétroactivement ou retirés. L'approche adoptée par le Gouvernement a consisté à poursuivre la « légalisation » dans la mesure du possible. Au cours des dix dernières années, 19 avant-postes ont été « légalisés » et les démarches sont en cours pour 13 autres, dont plusieurs devaient expressément être démantelés, selon la Feuille de route établie par le Quatuor. Les autres restent en place en attendant que le Gouvernement fasse le nécessaire. Très peu d'avant-postes ont été démantelés, et dans les cas où le tribunal a ordonné leur retrait, le Gouvernement a parfois attribué des terres dans la zone C aux fins de réinstallation.

Blocage du développement palestinien. Les forces militaires israéliennes conservent les pleins pouvoirs en matière de développement dans la zone C, qu'il s'agisse de la planification et du zonage des habitations, des zones industrielles, des sites touristiques ou des infrastructures essentielles telles que les routes et les lignes électriques. Tandis que les colonies de peuplement ont continué à se développer, pratiquement aucun nouveau projet de développement ou de construction palestinien n'a été approuvé dans la zone C. De fait, un seul projet de construction de logements palestiniens dans la zone C aurait été approuvé en 2014, et aucun en 2015. En cinq ans, entre 2009 et 2013, seuls 34 permis de construire ont été approuvés pour des logements palestiniens dans la zone C, sur un nombre total d'au moins 2 000 demandes.

Toutes les structures construites dans la zone C et à Jérusalem-Est sans l'aval des autorités israéliennes risquent de tomber sous le coup d'un ordre de démolition. Plus de 5 000 ordres de démolition visant des structures israéliennes dans la zone C sont en attente d'exécution, contre plus de 11 000 visant des structures palestiniennes, dont les trois quarts se trouvent sur des terrains privés palestiniens. Un faible pourcentage des ordres est exécuté chaque année mais, étant donné que les Palestiniens se voient constamment refuser un permis de construire, ils n'ont guère d'autre choix que de construire sans permis.

Le nombre de structures palestiniennes démolies en Cisjordanie a nettement augmenté au cours des quatre premiers mois de 2016, avec quelque 500 démolitions par les autorités israéliennes et près de 800 Palestiniens déplacés, soit plus que le nombre total pour l'ensemble de 2015. À Jérusalem-Est, 64 structures palestiniennes ont été démolies entre janvier et juin 2016. Les communautés bédouines et agricoles vulnérables ont été les plus gravement touchées par ces démolitions. Même si les habitations ont été épargnées pour la plupart, la destruction de puits, de panneaux solaires et d'enclos pour animaux a eu un effet sur les moyens de subsistance de plus de 2 500 personnes depuis le début de l'année.

Le développement palestinien est également entravé par les restrictions physiques et administratives complexes imposées par Israël à la circulation des personnes et des biens, au motif qu'elles sont nécessaires pour assurer sa sécurité, notamment celle des colonies de peuplement. Ces restrictions, y compris les postes de contrôle temporaires et ceux établis de longue date, alourdissent les coûts d'importation et d'exportation, entravent l'accès aux ressources naturelles et aux terres agricoles et découragent l'investissement privé. Bien que certaines restrictions aient été assouplies et que le nombre de permis de travail temporaire en Israël soit passé à près de 70 000 en 2016, les Palestiniens ont encore beaucoup de mal à accéder aux services de base et à trouver des emplois. En outre, ces restrictions exacerbent le sentiment d'humiliation des Palestiniens qui vivent sous occupation militaire et compliquent de nombreux aspects de leur vie quotidienne, qu'il s'agisse d'aller à l'école, de se faire soigner ou de participer aux réunions de famille.

III. Bande de Gaza et gouvernance palestinienne

La constitution de stocks d'armements clandestins par le Hamas et son action militante, le manque de contrôle de l'Autorité palestinienne à Gaza et la situation humanitaire catastrophique qui y règne, aggravée par la fermeture des points de passage, alimentent l'instabilité et ne peuvent qu'entraver les efforts faits pour parvenir à une solution négociée. Pour instaurer la paix et la sécurité à long terme, il est impératif d'empêcher l'utilisation du territoire pour lancer des attaques contre Israël. L'absence de mesures concrètes de part et d'autre pour faire face à la détérioration de la situation augmente le risque d'une nouvelle escalade des hostilités.

Poursuite du renforcement des capacités des militants. La constitution de stocks d'armements clandestins à Gaza par le Hamas et d'autres groupes palestiniens se poursuit, avec la construction de tunnels, le passage d'armes en contrebande et la fabrication de roquettes qui sont tirées sur Israël. Ces activités accroissent le risque de reprise du conflit, détournent des ressources qui pourraient être consacrées à l'aide humanitaire et mettent en péril la vie des civils en Israël et à Gaza.

Le cessez-le-feu de 2014 tient toujours mais demeure précaire. Il y a eu au moins 160 tirs de roquettes et d'obus de mortier sur Israël, ce qui maintient des milliers de personnes des deux côtés sous la menace constante d'attaques. Durant le conflit de 2014, Israël a découvert 14 tunnels menant à son territoire. La découverte récente de deux autres a provoqué une recrudescence temporaire des hostilités, au cours desquelles des militants ont tiré 40 obus de mortier et huit roquettes en direction d'Israël et les Forces de défense israéliennes ont effectué 13 raids aériens. Au moins quatre civils ont été tués à Gaza lors de raids aériens israéliens depuis le cessez-le-feu instauré en 2014.

Il y a eu de nombreuses tentatives de passage en contrebande de matières à double usage sur lesquelles Israël impose des restrictions car elles pourraient servir à fabriquer des armes et à creuser des tunnels. Au début du mois d'avril, Israël a suspendu les importations privées de ciment à Gaza pendant 45 jours après le détournement d'une importante quantité de ciment destinée à des utilisateurs légitimes.

Désunion palestinienne. Réunifier les Palestiniens sous une seule autorité palestinienne démocratique et légitime, sur la base du programme de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et des principes du Quartet, reste une priorité. Il s'agit d'un aspect essentiel à la réalisation des aspirations nationales du peuple palestinien. Les contraintes imposées par l'occupation, l'absence d'élections et les pressions budgétaires contribuent au mécontentement croissant de la population et compromettent la légitimité populaire des institutions et des dirigeants palestiniens. Le manque d'unité entrave également le développement économique de Gaza, la prestation des services de base et la reconstruction.

Une situation humanitaire catastrophique. L'extrême pauvreté, un taux de chômage paralysant et le sous-développement chronique de Gaza ne font que renforcer l'instabilité et le sentiment de frustration, ce qui pourrait favoriser la reprise du conflit. Au total, 1,3 million d'habitants de Gaza ont besoin d'une aide humanitaire soutenue, d'un hébergement provisoire et de vivres. La plupart des habitants ont l'électricité moins de la moitié du temps, et seulement 5 % de l'eau est propre à la consommation humaine.

La reconstruction demeure trop lente, malgré les mesures d'assouplissement notables mises en place par le Gouvernement israélien et des signes de progrès manifestes. Avec l'appui de la communauté internationale, plus de 90 % des écoles, 80 % des installations électriques et 60 % du réseau d'approvisionnement en eau ont été réparés ou reconstruits depuis le conflit de 2014. Quelque 1,3 million de tonnes de matériaux de construction sont entrés à Gaza depuis le dernier conflit, au rythme moyen de plus de 10 000 tonnes par jour selon les chiffres les plus récents, permettant ainsi la reconstruction des habitations et des équipements de distribution d'eau et d'électricité ainsi que la redynamisation du secteur privé. Plus des trois quarts des habitations gravement endommagées n'ont cependant pas encore été reconstruites, en partie parce que seulement 40 % des fonds promis pour Gaza au Caire en 2014 ont été versés.

En 2014, Israël a partiellement levé un embargo de sept ans sur les exportations de Gaza vers Israël et la Cisjordanie, ce qui a accru la quantité de produits qui sortent de Gaza. Néanmoins, les exportations totales de Gaza ne représentent aujourd'hui que 17 % de ce qu'elles étaient avant la prise de contrôle par le Hamas. Les restrictions israéliennes concernant le commerce extérieur et l'accès aux zones de pêche accroissent l'insécurité alimentaire et la dépendance à l'égard de l'aide humanitaire. Les matériaux de base nécessaires à la remise en état des installations agricoles et des centres de production sont considérés comme étant à double usage et leur entrée fait l'objet de restrictions. Et bien que le nombre de Palestiniens qui sortent de Gaza via Israël ait augmenté au cours des dernières années, ces déplacements, y compris à destination de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, restent très peu nombreux, essentiellement limités aux évacuations médicales et autres cas humanitaires, aux voyages d'affaires et aux visites religieuses.

Recommandations

Le Quatuor demande aux deux parties de démontrer chacune de son côté, par des politiques et des mesures concrètes, leur attachement sincère à la solution des deux États et de s'abstenir de prendre des mesures unilatérales qui préjugent de l'issue des négociations sur le statut final. Il souligne combien il importe que les deux parties honorent leurs engagements de base pour concrétiser la vision de deux États vivant en paix côte à côte et créer des conditions propices à l'aboutissement des négociations. Il formule les recommandations spécifiques suivantes :

1. Les deux parties doivent s'employer à apaiser les tensions en faisant preuve de retenue et en s'abstenant de tous actes ou propos provocateurs;

2. Les deux parties doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir la violence et protéger la vie et les biens de tous les civils, notamment en continuant d'assurer la coordination en matière de sécurité et en renforçant les capacités, les compétences et l'autorité des forces de sécurité de l'Autorité palestinienne;

3. L'Autorité palestinienne doit agir avec détermination et prendre toutes les mesures dont elle est capable pour réduire les incitations à la violence et renforcer la lutte contre le terrorisme, notamment en condamnant sans équivoque tous les actes de terrorisme;

4. Israël doit mettre fin à sa politique d'implantation et d'expansion des colonies de peuplement, d'affectation de terres à l'usage exclusif des Israéliens et de blocage du développement palestinien;

5. Israël doit opérer des changements d'orientation constructifs, tels que notamment le transfert des pouvoirs et des responsabilités dans la zone C, en application des accords antérieurs qui prévoient l'élargissement des pouvoirs de l'Autorité palestinienne. Des progrès sont possibles dans les domaines du logement, de l'alimentation en eau, de l'énergie, des communications, de l'agriculture et des ressources naturelles, de même qu'il est possible d'assouplir davantage les restrictions à la libre circulation des Palestiniens, tout en respectant les besoins légitimes d'Israël en matière de sécurité;

6. Les dirigeants palestiniens doivent continuer de s'employer à renforcer les institutions, à améliorer la gouvernance et à instaurer une économie durable. Israël doit prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter le déroulement de ce processus, comme l'a recommandé le Comité spécial de liaison;

7. Toutes les parties doivent continuer à respecter le cessez -le-feu instauré à Gaza, et il doit être mis fin à la constitution de stocks d'armements clandestins et aux activités militantes;

8. Israël doit accélérer la levée des restrictions à la liberté de circulation en direction et à partir de Gaza, compte dûment tenu de la nécessité de protéger ses citoyens contre les attaques terroristes;

9. Gaza et la Cisjordanie doivent être réunifiés sous une seule autorité palestinienne démocratique et légitime, sur la base du programme de l'OLP, des principes du Quartet et de la primauté du droit, ce qui suppose notamment le contrôle de tout le personnel armé et de toutes les armes conformément aux accords en vigueur;

10. Les deux parties doivent favoriser un climat de tolérance, notamment en intensifiant les échanges et la coopération dans divers domaines - économique, professionnel, éducatif, culturel - qui renforcent les fondements de la paix et contribuent à la lutte contre l'extrémisme.

Le Quatuor souligne qu'il faut prendre d'urgence des mesures fermes si l'on veut inverser les tendances actuelles et voir se concrétiser sur le terrain la solution des deux États.

Il souligne l'importance de l'Initiative de paix arabe, qui envisage un règlement global du conflit israélo-arabe et, dans ce contexte, la possibilité d'un dispositif de sécurité régional, et encourage la poursuite du dialogue sur cette base. À cet égard, il se félicite de l'appel lancé par le Président égyptien aux dirigeants israéliens, palestiniens et arabes pour qu'ils suivent la voie historique vers la paix ouverte par Israël et l'Égypte il y a 37 ans.

Le Quatuor se félicite également du Communiqué conjoint publié à Paris le 3 juin et de son soutien en faveur d'une solution négociée prévoyant deux États.

Il encourage la communauté internationale à redoubler d'efforts pour faire face aux immenses besoins des habitants de Gaza en matière d'aide humanitaire, de reconstruction et de relèvement, notamment en accélérant le décaissement des fonds promis.

Le Quatuor invite les parties à mettre en œuvre, en concertation avec lui, les recommandations formulées dans le présent rapport et à créer les conditions nécessaires à la reprise de négociations sérieuses qui permettent de régler toutes les questions relatives au statut final.


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