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26mar15

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Lettre du Représentant spécial de la Coalition nationale des forces de la révolution et de l'opposition syriennes demandant des mesures pour atténuer les souffrances des Syriens


Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2015/214

Distr. générale
26 mars 2015
Français
Original : anglais

Lettre datée du 24 mars 2015, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Chargé d'affaires par intérim de la Mission permanente du Luxembourg auprès de l'Organisation des Nations Unies

J'ai l'honneur de vous faire tenir ci -joint une lettre du Représentant spécial de la Coalition nationale des forces de la révolution et de l'opposition syriennes en date du 24 mars 2015 (voir annexe).

Je vous saurais gré de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente lettre et de son annexe comme document du Conseil de sécurité.

Le Chargé d'affaires par intérim
(Signé) Olivier Maes


Annexe à la lettre datée du 24 mars 2015 adressée au Président du Conseil de sécurité par le Chargé d'affaires par intérim de la Mission permanente du Luxembourg auprès de l'Organisation des Nations Unies

[Original : anglais]

Au nom du peuple syrien et de la Coalition nationale des forces de la révolution et de l'opposition syriennes, j'ai la lourde responsabilité d'appeler votre attention sur la dégradation de la situation humanitaire en Syrie et sur les exactions que les forces du régime syrien et les groupes terroristes extrémistes continuent de commettre en violation directe des résolutions 2118 (2013), 2139 (2014), 2165 (2014), 2191 (2014) et 2209 (2015) du Conseil de sécurité. On ne saurait permettre que la commission systématique d'atrocités contre les civils syriens se poursuive en toute impunité. Les membres du Conseil de sécurité doivent prendre des mesures décisives, notamment imposer une zone d'exclusion aérienne, pour atténuer les souffrances des civils syriens et empêcher de nouvelles atrocités.

Le mois de mars a été un nouveau mois meurtrier pour le peuple syrien. Comme indiqué dans la pièce jointe, au 24 mars, 1 288 Syriens, dont 1 045 civils, avaient été tués. Parmi ces civils, 265 avaient été tués au cours d'attaques aériennes menées par les forces aériennes du régime syrien. Moins de deux semaines après que le Conseil de sécurité eut adopté la résolution 2209 (2015), les forces du régime ont également utilisé des armes chimiques pour blesser, tuer et terroriser des civils. Le 16 mars, six civils, dont trois enfants, ont été tués lorsque des hélicoptères du régime syrien ont largué du gaz chloré, un agent chimique, sur le village syrien de Sarmi n dans la province d'Edleb.

En mars, Assad a continué d'avoir recours aux attaques aériennes pour assiéger les zones contrôlées par l'opposition et affamer la population afin de l'obliger à se soumettre. D'après l'ONU, à l'heure actuelle, 212 000 Syriens vivent en état de siège et 185 000 d'entre eux sont assiégés par les forces armées syriennes et les milices qui leur sont affiliées. Nous pensons que ces chiffres sont largement sous-estimés. Selon la Syrian American Medical Society, 640 200 personnes résident actuellement dans des zones assiégées, et l'écrasante majorité est encerclée par les forces du régime.

Les conditions de vie des Syriens dans les zones assiégées sont effroyables. Ceux qui sont pris au piège derrière les lignes du régime souffrent de malnutrition chronique, d'inanition, de déshydratation, de maladies transmissibles et d'affections chroniques qui peuvent être mortelles lorsqu'elles ne sont pas traitées. Ils sont systématiquement privés de biens de première nécessité, notamment de nourriture, d'eau, de médicaments, d'électricité et de combustible, ce qui oblige nombre d'entre eux à se mettre en quête de feuilles d'arbre et de plantes sauvages dans les zones urbaines. Comme les forces du régime ciblent le personnel médical et refusent de laisser passer les fournitures médicales, les médecins et les médicaments dont la population a besoin d'urgence manquent souvent à l'appel. Les rares professionnels de la santé qui restent dans les zones assiégées signalent qu'ils doivent réutiliser les poches de sang, que l'absence d'électricité empêche de conserver le plasma sanguin dans de bonnes conditions et que les opérations chirurgicales sont souvent pratiquées sans anesthésie faute de médicaments.

Les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité perpétrés par les forces du régime relèvent d'une politique d'État qui a entraîné la mort de plus de 220 000 Syriens, le déplacement forcé de 11,5 millions de personnes et la montée en puissance de groupes extrémistes violents, tels que l'EIIL, qui torturent, violent et terrorisent en toute impunité. La politique du régime viole également le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'homme, notamment la quatrième Convention de Genève, à laquelle la Syrie est partie, ainsi que les résolutions 2118 (2013), 2139 (2014), 2165 (2014), 2191 (2014) et 2209 (2015) du Conseil de sécurité. Ces résolutions peuvent et doivent être respectées.

Une action globale du Conseil de sécurité peut atténuer immédiatement les souffrances des Syriens, prévenir de nouvelles atrocités et jeter les bases d'une transition politique vers la paix et la démocratie. À cette fin, les membres du Conseil doivent agir sans délai pour :

  • Faire appliquer les résolutions 2118 (2013) et 2209 (2015) du Conseil de sécurité et autoriser la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de certaines régions du territoire syrien. Les bombardements aériens restent l'arme de prédilection du régime et les forces aériennes d'Assad ciblent systématiquement et en toute impunité la population civile. Une zone d'exclusion aérienne mettrait un terme immédiat à ces souffrances et pourrait réduire de 30 % le nombre de morts. Elle créerait les conditions nécessaires à la mise en place d'une zone de sécurité couvrant plusieurs régions de Syrie et faciliterait le retour des déplacés syriens. Une zone d'exclusion aérienne n'est pas une panacée mais, si elle était mise en place avec succès, elle permettrait de commencer à maîtriser la situation sur le terrain et favoriserait une gouvernance responsable et le rétablissement des services de base. Le Conseil de sécurité s'est engagé à de nombreuses reprises à prendre des mesures au titre du Chapitre VII en cas de non-respect de sa résolution 2118 (2013), et il est capital qu' il le fasse maintenant;
  • Saisir la Cour pénale internationale de la situation en Syrie. Le régime syrien et les groupes terroristes extrémistes ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Les victimes méritent que justice soit faite. Une saisine de la Cour mettrait fin à l'impunité et permettrait également d' empêcher de nouvelles atrocités en établissant clairement ce à quoi s'exposent les auteurs d'actes meurtriers et en les faisant répondre de leurs actes;
  • Faire appliquer les dispositions des résolutions 2165 (2014) et 2191 (2014) du Conseil de sécurité. Malgré l'adoption des résolutions 2191 (2014) et 2165 (2014) du Conseil, 640 200 Syriens sont toujours retenus dans des zones assiégées et plusieurs millions sont pris au piège derrière les lignes de conflit. Les membres du Conseil devraient exiger la mise en œuvre intégrale des résolutions 2191 (2014), 2165 (2014) et 2139 (2014) et inviter les organismes des Nations Unies à étendre leur assistance au-delà des frontières syriennes, en Turquie et en Jordanie;
  • Renforcer l'engagement humanitaire en faveur de la population syrienne. La tro isième Conférence internationale d'annonce de contributions pour l'aide humanitaire à la Syrie se tiendra le 31 mars à Koweït. Nous demandons aux membres du Conseil de sécurité de relever le montant des contributions qu'ils annonceront à la conférence de cette année, de sorte que l'ONU atteignel'objectif qu'elle s'est fixé de réunir 8,4 milliards de dollars pour venir en aide à la population syrienne. Ces États contribueront ainsi à sauver des vies.

En engageant dès aujourd'hui l'action globale proposée ci-dessus, le Conseil de sécurité peut contribuer à mettre fin au massacre perpétré dans une grande partie de la Syrie et jeter les bases d'un règlement politique de la crise. La Coalition nationale reste convaincue qu'une solution politique est le seul moyen d'instaurer une paix durable en Syrie. Mais avant qu'une telle solution soit envisageable, nous devons prendre toutes les mesures possibles pour mettre un terme à la violence et arrêter l'hécatombe. À chaque jour qui passe sans que rien ne soit fait, plus de Syriens souffrent et plus de Syriens périssent. Grâce à votre action et votre courage moral, les membres du Conseil de sécurité peuvent faire cesser dès aujourd'hui les souffrances des Syriens. Au nom de mon peuple, je vous conjure de le faire.

Le Représentant spécial de la Coalition nationale
des forces de la révolution et de l'opposition syriennes
(Signé) Najib Ghadbian


Pièce jointe

Non-respect par le régime syrien des dispositions de la résolution 2139 (2014) du Conseil de sécurité

Paragraphe 3. Toutes les parties mettent immédiatement fin à toute attaque contre les civils, ainsi qu'à l'emploi sans discrimination d'armes dans des zones peuplées

- Au cours de la période considérée, les forces du régime syrien ont continué de prendre délibérément pour cible des camps, des quartiers résidentiels et des marchés très fréquentés, au moyen de barils d'explosifs, de missiles sol-sol et d'autres armes de destruction à grande échelle.

- D'après le Réseau syrien des droits de l'homme, 1 251 Syriens, dont 123 femmes et 139 enfants, ont été tués par les forces du régime en février 2015. Au cours des trois premières semaines de mars, 1 288 autres personnes ont été tuées.

- Les forces du régime ont perpétré des massacres dans les provinces suivantes : Rif-Damas (18 morts), Alep (6 morts), Edleb (4 morts), Deraa (3 morts), Deir el-Zor (3 morts), Damas (1 mort), Lattaquié (1 mort) et Hassaké (1 mort).

- La ville d'Alep a continué d'être la cible de largages de barils d'explosifs. En février, 116 barils y ont été largués, et 4 d'entre eux contenaient des armes chimiques sous forme de gaz.

- Les forces du régime ont lancé 242 roquettes depuis des avions de combat,2 attaques de bombes à sous-munitions et 23 missiles surface-surface qui ont causé la mort de 99 personnes, dont 19 femmes et 23 enfants.

- Les forces du régime ont poursuivi leur politique de torture dans les prisons. En février, le Réseau syrien des droits de l'homme a pu établir que 74 personnes avaient péri sous la torture dans les geôles du régime.

- Le Réseau syrien des droits de l'homme a dénombré 12 massacres commis dans la zone assiégée de la Ghouta orientale en février, qui ont fait 181 morts, dont 34 enfants et 32 femmes, comme suit :

  • Le 2 février 2015, des avions de combat ont bombardé la ville de Douma, dans la province de Rif-Damas, tuant 10 personnes, dont 2 femmes;
  • Le 4 février 2015, des avions de combat ont bombardé Douma, tuant 7 personnes, dont 4 enfants;
  • Le 5 février 2015, des avions de combat ont bombardé la ville d'Ain Terma, dans la province de Rif-Damas, tuant 9 personnes, dont 1 enfant et 1 femme;
  • Le 5 février 2015, des avions de combat ont bombardé la ville d'Arbin, dans la province de Rif-Damas, tuant 7 personnes, dont 2 enfants et 2 femmes;
  • Le 5 février 2015, des avions de combat ont bombardé le marché aux fruits et légumes de Kafr Batna, tuant 39 personnes, dont 6 enfants et 4 femmes;
  • Le 5 février 2015, des avions de combat ont bombardé Douma, tuant 30 personnes, dont 3 enfants et 10 femmes;
  • Le 6 février 2015, les forces du régime ont tiré une quarantaine de roquettes sur Douma, tuant 13 personnes, dont 4 enfants et 2 femmes;
  • Le 8 février 2015, les forces du régime ont tiré des roquettes sur Douma, tuant 8 personnes, dont 4 enfants et 1 femme;
  • Le 9 février 2015, les forces du régime ont à nouveau bombardé Douma, tuant 37 personnes, dont 5 enfants et 4 femmes;
  • Le 21 février 2015, les forces du régime ont bombardé Douma, tuant 7 personnes, dont 2 enfants et 4 femmes;
  • Le 22 février 2015, des avions de combat ont bombardé Douma, tuant 6 personnes, dont 1 enfant et 1 femme;
  • Le 27 février 2015, des avions de combat ont bombardé la ville de Marj el-Soultan, dans la province de Rif-Damas, tuant 8 personnes, dont 2 enfants et 1 femme.

- Dans la soirée du 16 mars, du gaz chloré a été utilisé dans le village de Sarmin, tuant une famille de 6 personnes (le père, la mère, les trois enfants et une grand-mère).

- Le Réseau syrien des droits de l'homme a pu établir que des gaz toxiques, en particulier du gaz chloré, avaient été utilisés comme armes de guerre par le régime syrien à 78 reprises depuis l'adoption de la résolution 2118 (2013) du Conseil de sécurité, dont six fois après l'adoption de la résolution 2209 (2015), dans 32 régions syriennes, entraînant la mort de 59 personnes, dont 11 enfants et 6 femmes, et en blessant quelque 1 370 autres.

Paragraphes 8 et 10. Toutes les parties doivent cesser immédiatement les attaques contre les installations médicales et autres établissements civils ainsi que contre le personnel médical et donner la priorité dans toute la mesure possible aux soins médicaux pour ceux qui en ont besoin

- Le régime syrien a continué de cibler délibérément les centres médicaux. En mars, quatre attaques ont été recensées :

  • Une attaque contre un hôpital de campagne à Kafr Zita, dans la province d'Hama, le 6 mars 2015. L'hôpital a été directement touché par des barils d'explosifs largués par hélicoptère;
  • Une attaque ciblée contre le laboratoire central de la Ghouta orientale, dans la province de Rif-Damas, le 18 mars 2015. Le bombardement a blessé du personnel et détruit du matériel;
  • Une attaque ciblée contre l'hôpital Ihsan de la ville de Saraqeb, dans la province d'Edleb, le 18 mars 2015. Un missile tiré par un avion de combat a considérablement endommagé le bâtiment et détruit du matériel médical et des ambulances;
  • Une attaque ciblée contre l'hôpital de camp agne de Maraba, dans la province de Deraa, le 23 mars 2015. Un baril d'explosifs a provoqué la destruction de l'hôpital.

Paragraphes 5, 6 et 7. Toutes les parties doivent lever immédiatement le siège des zones peuplées et autoriser sans aucune restriction l'acheminement de l'aide humanitaire. Toutes les parties doivent assurer immédiatement aux organismes humanitaires des Nations Unies et à leurs partenaires un accès sûr et sans entrave aux populations ayant besoin d'aide

Violation : le régime syrien continue d'assiéger les populations civiles

- 640 200 Syriens vivent actuellement en état de siège. Aucune organisation d'aide humanitaire ou institution des Nations Unies n'a pu entrer dans les zones assiégées pour y apporter une aide à la population.

- La Syrian American Medical Society estime que 38 autres localités devraient être ajoutées à la liste des zones assiégées tenue par l'ONU.

- Le régime syrien continue d'assiéger la Ghouta orientale, Daraya, Hajar el -Assouad et le quartier de Tadamoun à Damas. L'état de siège empêche les habitants de quitter ces zones et les biens de première nécessité (nourriture, médicaments et fournitures médicales, combustible et lait maternisé) d'y entrer. Par ailleurs, il empêche les institutions et les organisations humanitaires d'accéder à ces zones, qui continuent d'être quotidiennement bombardées au moyen de roquettes et de barils d'explosifs, notamment.

- La situation humanitaire empire de jour en jour dans les zones assiégées, notamment à cause des maladies transmissibles qui se propagent de manière épidémique du fait du blocus. Il s'agit notamment de la typhoïde, de la rougeole, de la tuberculose et d'inflammations du foie. Cette situation est aggravée par l'absence des fournitures médicales nécessaires pour traiter ces maladies, qui sont plus virulentes en raison de la faiblesse du système immunitaire des personnes vivant en état de siège.

- Le 10 mars 2015, le régime syrien a fermé le point de passage du camp de Wafidin, qui était le seul par lequel des commerçants pouvaient accéder à la zone assiégée de la Ghouta orientale et y vendre certains produits alimentaires en quantités très limitées, à des prix quatre à cinq fois supérieurs à ceux pratiqués à Damas. Cette fermeture a contribué à aggraver la pénurie alimentaire et à augmenter le prix des vivres. Avant la fermeture, le régime syrien a empêché plusieurs convois d'aide des Nations Unies d'accéder à la Ghouta orientale par le point de passage du camp de Wafidin.

- Le quartier assiégé de Waar, dans l'ouest de Homs, compte environ 15 000 familles déplacées et il est actuellement contrôlé par l'Armée syrienne libre. Il est encerclé de barrières militaires installées par les forces du régime pour empêcher la population de quitter la zone.


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