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Rapport du Secrétaire général sur l'application des résolutions par toutes les parties au conflit syrien (oct 15)


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Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2015/862

Distr. générale
11 novembre 2015
Français
Original : anglais

Rapport du Secrétaire général sur l'application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014) et 2191 (2014) du Conseil de sécurité

I. Introduction

1. Le présent rapport est le vingt et unième présenté en application du paragraphe 17 de la résolution 2139 (2014), du paragraphe 10 de la résolution 2165 (2014) et du paragraphe 5 de la résolution 2191 (2014) du Conseil de sécurité, dans lesquels le Conseil m'a prié de lui rendre compte tous les trente jours de l'application desdites résolutions par toutes les parties au conflit en République arabe syrienne. À la demande de la présidence du Conseil, le présent rapport est soumis moins de 30 jours suivant la date du rapport précédent.

2. Les informations qu'il contient reposent sur des données auxquelles les organismes des Nations Unies présents sur le terrain ont eu accès et sur des renseignements obtenus auprès du Gouvernement de la République arabe syrienne et de sources publiques. Les données communiquées par les organismes des Nations Unies et leurs partenaires au sujet de leurs livraisons d'aide humanitaire portent, lorsqu'elles sont disponibles, sur la période allant du 1er au 30 octobre 2015.

II. Principaux faits nouveaux

A. Questions politiques et militaires

3. En octobre, le conflit généralisé et les violences se sont poursuivis avec la même intensité dans toute la République arabe syrienne. Les bombardements aériens aveugles et disproportionnés et les attaques au sol de lieux largement peuplés de civils auxquels procèdent les forces gouvernementales, les groupes d'opposition armés non étatiques et des groupes désignés comme terroristes |1| ont continué de tuer, blesser et déplacer des civils. La conduite des hostilités par toutes les parties reste caractérisée par un mépris généralisé du droit international humanitaire et de l'obligation de protéger les civils. Quoique l'ONU ne soit pas en mesure de vérifier ces informations de manière indépendante, des barils d'explosifs continueraient d'être largués dans tout le pays selon de nombreuses sources. Le Réseau syrien des droits de l'homme a signalé l'utilisation de 1 438 barils d'explosifs en octobre. Dans une déclaration publiée le 9 novembre, le Ministère syrien des affaires étrangères et des expatriés a assuré que les Forces armées arabes syriennes n'utilisaient pas des armes frappant indifféremment militaires et civils, et qu'elles ne le feraient pas à l'avenir.

4. Des combats extrêmement violents se sont poursuivis dans les provinces de Damas et Rif-Damas. Les forces gouvernementales ont effectué des frappes aériennes dans diverses zones de la Ghouta orientale, province du Rif-Damas. Douma a été prise pour cible à plusieurs reprises en octobre, notamment le 29 du mois, date à laquelle l'hôpital de campagne de la ville a été pilonné, attaque qui a fait au moins 15 morts et une cinquantaine de blessés parmi les civils, notamment des membres du personnel médical. Le 30 octobre, le pilonnage du marché el -Hal de Douma a fait au moins 60 morts et 200 blessés parmi les civils. Ailleurs dans le pays, selon les rapports reçus du Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH), plus de 30 civils ont été tués et des dizaines blessés dans d'autres attaques menées dans la Ghouta orientale au mois d'octobre, notamment à Aïn Terma, Hammoura, Misraba et Harasta. Par ailleurs, le pilonnage de Marj a contraint quelque 1 400 familles à se déplacer temporairement dans la Ghouta orientale et causé des destructions massives à des infrastructures importantes. À Daraya, le HCDH a reçu des informations selon lesquelles trois personnes auraient été tuées entre les 25 et 29 octobre par le largage de barils d'explosifs.

5. Les groupes d'opposition armés non étatiques ont continué à pilonner et à bombarder Damas au cours de la période à l'examen. Le HCDH a signalé que le 1er octobre, un enfant de 5 ans a été tué par des obus de mortier tirés du toit d'un immeuble résidentiel à Ouch el-Wourour. Le 13 octobre, l'ambassade de la Fédération de Russie, sise dans le quartier de Mazraa, a été prise pour cible, même si aucune victime n'a été signalée. Le 14 octobre, un civil a été blessé par un missile qui a frappé une zone ouverte du quartier de Mazzé. Le 17 octobre, un civil a été tué et sept autres ont été blessés par un engin explosif improvisé fixé à un vélo, dont la détonation a été déclenchée près du terrain de football de Mazzé. Le 27 octobre, sept civils ont été tués par des obus de mortier qui ont frappé Bab Touma dans le vieux Damas. Entre le 30 et 31 octobre, des obus de mortier ont frappé plusieurs quartiers de Damas, faisant un mort et 12 blessés parmi les civils.

6. Les combats qui se déroulaient à Zabadani et Madaya, et dans d'autres zones dans le nord-ouest de la province de Rif -Damas, ainsi qu'à Fouaa et à Kefraya dans la province d'Edleb, ont perdu en intensité au cours de la période à l'examen, à la suite de l'accord de cessez-le-feu conclu à Istanbul le 22 septembre 2015 avec la médiation du Bureau de l'Envoyé spécial des Nations Unies en Syrie. Le 18 octobre, grâce à l'accord, un convoi humanitaire mixte conduit par du personnel des Nations Unies et d'autres partenaires a acheminé des secours à Zabadani, Madaya et Bouqein, ainsi qu'à Fouaa et Kefraya, dans le cadre d'une opération transfrontière menée par l'ONU à partir de Bab el-Haoua, à la frontière turque. Les organismes des Nations Unies et leurs partenaires sont prêts à donner immédiatement suite aux éléments humanitaires restants de l'accord, notamment l'acheminement de secours supplémentaires et l'évacuation des blessés.

7. Les combats entre les parties ont continué de s'intensifier dans les provinces du nord de la République arabe syrienne au cours de la période à l'examen, à la suite d'offensives terrestres et aériennes lancées par le Gouvernement, avec l'appui de frappes russes. Pour le seul mois d'octobre, 80 000 personnes auraient été déplacées par des combats dans les provinces de Hama et d'Edleb, qui ont également fait des morts et des blessés : ainsi, le 4 octobre, un civil a été tué et quatre autres blessés lorsque les forces gouvernementales auraient largué des barils d'explosifs sur un quartier résidentiel à Khan Cheikhoun. Le HCDH a reçu des informations selon lesquelles, le 26 octobre, une frappe aérienne du Gouvernement aurait visé Kfar Noubl dans la province d'Edleb, tuant deux civils et en blessant 10 autres. Le 20 octobre, un dispensaire financé par une ONG à Sarmin a été bombardé, attaque qui a fait deux morts et au moins 28 blessés parmi les civils. Le 25 octobre, le bombardement d'un hôpital de campagne à Lataminé, province de Hama, aurait fait six morts.

8. Dans la province d'Alep, les combats se sont intensifiés au sud de la ville, à la suite d'une offensive menée par les forces gouvernementales au début du mois d'octobre. Les groupes d'opposition armés non étatiques ont riposté en lançant plusieurs contre-offensives à la fin du moins d'octobre. Quelque 50 000 personnes ont été déplacées par les combats. Des civils ont également été tués et blessés à la suite de l'escalade des hostilités autour d'Alep, qui est imputable à toutes les parties au conflit : par exemple, le 2 octobre, des hélicoptères des forces gouvernementales ont largué plusieurs barils d'explosifs sur El -Bab, faisant des dizaines de victimes, selon les informations reçues par le HCDH. Le 7 octobre, au moins quatre civils ont été tués par le pilonnage d'une zone résidentielle à Daret Izzé auquel ont procédé les forces gouvernementales. Le 16 octobre, des frappes gouvernementales visant Kfar Karmin ont causé la mort d'au moins neuf civils, dont cinq enfants.

9. Au cours de la période considérée, les combats se sont aussi poursuivis à Alep, où les forces gouvernementales et les groupes d'opposition armés non étatiques ont continué à lancer des bombes sur la ville, faisant des victimes parmi les civils. Le 14 octobre, des groupes d'opposition armée non étatiques auraient lancé des mortiers artisanaux sur les quartiers d'Aziza et de Meidan. Selon des informations reçues par le HCDH, le 16 octobre, des groupes d'opposition armés non étatiques ont lancé des engins explosifs improvisés contre un quartier résidentiel contrôlé par le Gouvernement, tuant une femme et son enfant. Le 20 octobre, des obus de mortier auraient frappé deux écoles dans les parties occidentales de la ville, qui sont sous le contrôle du Gouvernement, tuant quelque 19 civils, selon les estimations. Le 30 octobre, des frappes aériennes ont été menées contre Kalasa, Fardous, Salaheddine, Cheik Maqsoud, El-Bab et d'autres zones contrôlées par des groupes d'opposition armés non étatiques dans la ville et en dehors de celle-ci, faisant plus de 65 morts et plus d'une centaine de blessés.

10. L'EIIL a continué de lancer des attaques dans plusieurs provinces au cours de la période à l'examen. Le 23 octobre, l'EIIL a pris le contrôle d'un tronçon de l'autoroute Homs-Damas à hauteur de Khanasser, coupant ainsi la principale voie d'accès possible pour le personnel humanitaire et les commerçants qui doivent se rendre à Alep depuis la Syrie. Cela s'est traduit par une hausse du prix des marchandises pour les 700 000 personnes vivant dans les zones contrôlées par le Gouvernement de l'ouest d'Alep. Le Gouvernement a repris le contrôle de l'autoroute au début de novembre. Entre-temps, dans le nord de la province d'Alep, l'EIIL a progressé au sud de Marea au début d'octobre, s'emparant de plusieurs villages dans le secteur de Handarat dans la campagne d'Alep, près de la ville d'Alep et de la principale route reliant la partie orientale d'Alep et le poste frontière de Bab el-Salam à la frontière turque. Dans le cadre de l'offensive du 6 octobre, l'EIIL a fait exploser un véhicule piégé, tuant plus de 20 personnes.

11. Dans la province de Deir el -Zor, l'EIIL a poursuivi ses attaques contre la base aérienne du même nom, même si les frappes menées par le Gouvernement et par la Fédération de Russie au cours des deux dernières semaines d'octobre auraient bloqué la progression de l'EIIL vers la base aérienne; ces frappes auraient aussi visé d'autres positions de l'EIIL à Deir el -Zor et à Raqqa. Par exemple, le 18 octobre, deux personnes ont été tuées par des frappes aériennes gouvernementales sur la ville de Mayadin. Le 19 octobre, au moins trois civils, dont une femme, ont été tués par des bombardements de l'aviation gouvernementale contre le quartier d'Aridi de Deir el-Zor.

12. Le 15 octobre, les combats se sont poursuivis dans les campagnes du nord de la province de Homs. Des sources du HCDH ont signalé que, le 15 octobre, les forces gouvernementales auraient largué des barils d'explosifs sur Talbissé, tuant 15 civils. Le 23 octobre, trois autres attaques aériennes contre Talbissé auraient causé la mort de 14 civils, dont six enfants. Dans le même temps, six civils ont été tués et 17 blessés lorsque les forces gouvernementales ont frappé le village de Ghantou, le 26 octobre. Le 27 octobre, les forces gouvernementales ont bombardé le village de Helmoz, faisant deux morts et au moins huit blessés parmi les civils. De son côté, l'EIIL a lancé une attaque soutenue dans le centre de la province de Homs à la fin du mois d'octobre, qui s'est soldée par la prise de la ville de Méhin et le déplacement de quelque 25 000 personnes.

13. Dans le quartier de Waar de la ville de Homs, plusieurs attaques et bombardements des forces progouvernementales ont été signalés en octobre. Ainsi, le 24 octobre, les forces gouvernementales ont tiré un obus de mortier dans le quartier de Waar, endommageant plusieurs maisons. Depuis le 31 août, les forces progouvernementales ont fermé toutes les routes menant à Waar, et les secours humanitaires n'ont pas pu être acheminés. Cependant, le 31 octobre, des commerçants locaux ont été autorisés à livrer des vivres en petites quantités dans le quartier, tandis que le Croissant-Rouge arabe syrien et des organisations non gouvernementales syriennes y ont acheminé des médicaments. Les négociations entre les parties sur un accord local se poursuivraient. Le 3 novembre, le Bureau de l'Envoyé spécial et le bureau du Coordonnateur résident et Coordonnateur de l'action humanitaire ont mené une mission à travers les lignes de front et ont soumis une demande d'autorisation portant sur un autre convoi interinstitutions destiné à Waar aux autorités syriennes.

14. En octobre, des combats dans les provinces du sud ont fait des morts et des blessés parmi les civils. Dans la province de Deraa, les frappes aériennes des forces gouvernementales et les pilonnages des groupes d'opposition armés non étatiques ont continué. Le HCDH a reçu des informations selon lesquelles plusieurs largages de barils d'explosifs ont été effectués dans le courant d'octobre, notamment contre Basra el-Cham le 21 octobre, attaque qui a causé la mort de quatre enfants et deux autres civils, et contre Dael, le 14 octobre, attaque qui a tué une femme enceinte et sa fille de 1 an. Un enfant du village de Barqa a été tué le 16 octobre par un reste explosif de guerre. Le 24 octobre, un véhicule piégé a explosé à quelque 300 mètres de l'hôpital national à Tafas, dans la province de Deraa.

15. Les forces russes comme celles de la coalition dirigée par les États-Unis ont poursuivi leurs opérations en République arabe syrienne pendant tout le mois d'octobre. Le 8 octobre, une attaque aérienne contre le quartier de Ferdous dans le centre de Raqqa a touché un véhicule, tuant le chauffeur et cinq membres de sa famille, dont un enfant. Les autorités russes et la coalition dirigée par les États-Unis ont reconnu avoir procédé à des frappes aériennes dans la province de Raqqa ce jour-là, mais on ne sait pas avec certitude qui porte la responsabilité de l'attaque en question. De plus, le HCDC a reçu plusieurs informations qui faisaient état de victimes civiles des frappes aériennes, sans toutefois en identifier l'origine avec certitude. Le 3 octobre, des tirs aériens ont touché Ehsem dans la province d'Edleb, tuant au moins cinq civils, dont une femme et quatre enfants. Une personne qui venait leur porter secours a été tuée lors d'une attaque qui s'est produite peu après dans le même secteur. Le 9 octobre, des frappes aériennes ont visé l'hôpital de Mayadin dans la province de Deir el-Zor, tuant un civil qui se trouvait à proximité. Le 12 octobre, 12 civils, dont un enfant, ont été blessés par une attaque aérienne dirigée contre Hayan, dans le nord-ouest de la province d'Alep. Le 13 octobre, au moins sept civils ont été tués à la suite d'une attaque aérienne qui a visé une zone civile de Hayan. Le 15 octobre, le HCDH a reçu une information selon laquelle des tirs aériens avaient touché une boulangerie à Tarmala, province de Homs, tuant huit civils et endommageant une mosquée qui se trouvait à proximité. Le 15 octobre, un tir aurait frappé une maison à Ghantou, dans la province de Homs, tuant plus de 40 membres d'une famille élargie. Le 27 octobre, de nombreuses frappes ont été dirigées contre Assia, Baouabiya et Tell Hadiya dans la province d'Alep, faisant, selon les informations reçues, au moins 22 morts et plusieurs autres blessés parmi les civils.

16. Les déplacements se sont poursuivis dans tout le pays en octobre. Plus de 190 000 personnes ont été déplacées dans plusieurs zones des provinces d'Alep, d'Edleb, de Hama, de Homs, de Rif-Damas, de Deir el-Zor, de Raqqa et de Deraa à cause des combats qui s'y déroulaient.

17. L'infrastructure civile a continué d'être prise pour cible au cours de la période à l'examen. À Alep, l'UNICEF a enregistré des coupures d'eau qui ont duré 10 jours en octobre, l'approvisionnement en eau n'était toujours pas rétabli le 4 novembre, de même que des coupures d'électricité répétées. Le 23 octobre, une importante canalisation d'eau de Ouadi Barada a explosé, probablement en raison du pilonnage des zones environnantes et d'une dégradation générale du réseau, qui se traduit par l'interruption de l'approvisionnement en eau dans certaines parties de Damas et à Qoudsaya dans la province de Rif -Damas.

18. Plusieurs faits nouveaux se sont produits concernant les accords locaux conclus au cours de la période à l'examen. À Qoudsaya, dans la province de Rif-Damas, les négociations sur la réconciliation se sont poursuivies. Selon les informations reçues, environ 70 % des combattants à Qoudsaya avaient rendu leurs armes et régularisé leur statut dans des bureaux de la sécurité du Gouvernement; les autres combattants refusent toujours de rendre leurs armes. Les forces gouvernementales ont continué de fermer la principale route d'accès au district, restreignant ainsi l'approvisionnement en fournitures médicales, en vivres et en autres secours depuis plus de deux mois. À Moudamiyet, un mur de séparation avec Darayya a été érigé, dans le cadre d'un accord avec le représentant des Forces armées syriennes et en échange de la promesse d'ouvrir la route menant vers la ville. Cependant, les restrictions à la liberté de mouvement n'auraient pas encore été levées.

19. À la suite de discussions intenses et constructives à Vienne, les participants ont publié un communiqué conjoint reprenant les principes fondamentaux d'un règlement politique et demandant à l'ONU de mettre en place le processus de négociation qui réunirait à la même table le Gouvernement et l'opposition, ainsi que d'examiner les modalités d'un cessez-le-feu national qui devrait être conclu parallèlement à la relance du processus politique. Selon le communiqué, il importe que les Syriens gardent le contrôle du processus politique.

B. Droits de l'homme

20. Au cours de la période considérée, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a continué d'être informé d'arrestations et de détentions arbitraires, de violences sexuelles et sexistes, de tortures et autres mauvais traitements, et de décès survenus dans des centres de détention gouvernementaux à la suite de tortures ou par manque de soins médicaux. Il a également recueilli des témoignages selon lesquels les services de renseignement du Gouvernement avaient procédé à des perquisitions systématiques, du 2 au 5 octobre, à Damas, Yabrod et Nabk, et placé arbitrairement des dizaines de personnes en détention. Le Haut-Commissariat a été informé que les services de renseignement de l'armée de l'air avaient arrêté, le 23 octobre, un militant politique membre de la Syrian Community Association dans le village de Mabouja, dans la province de Homs. On ignore à ce jour ce qu'il est advenu de lui.

21. Des victimes ont témoigné auprès du Haut-Commissariat qu'elles avaient subi des tortures et autres sévices dans les bureaux 291 et 215 du renseignement militaire et dans celui de Damas, chargé des mouvements palestiniens, ainsi qu'à l'aéroport militaire de Neirab, à l'aéroport militaire de Mezza, dans la prison de Sednaya et au quartier général de la 4e Division, à Damas. Des témoins ont également signalé que d'autres détenus, y compris des femmes, étaient torturés dans ces établissements.

22. Au cours de la période considérée, l'EIIL a mis illégalement en détention des dizaines de jeunes gens dans la province de Deir el-Zor, après avoir fait irruption sur des marchés locaux ou dans des cybercafés pour déterminer si certaines des personnes présentes étaient des « espions ». Ces détenus ont été emmenés vers des destinations inconnues. Le 5 octobre, dans la province de Raqqa, l'EIIL a arrêté un couple marié dans la région de Machlab. Il l'accusait d'enseigner, chez lui, à des groupes mixtes d'écoliers. On est à ce jour sans nouvelle de ce couple.

23. L'EIIL a continué d'exécuter de prétendus espions et des partisans du Gouvernement syrien sans leur accorder de procédure régulière. Le 10 octobre, trois hommes accusés d'espionnage pour le compte du Gouvernement ont été exécutés à Palmyre. Le 13 octobre, deux hommes ont été fusillés en public et un troisième s'est fait exécuter dans un endroit isolé. Tous trois étaient également accusés d'être des espions travaillant pour le compte du Gouvernement. Le 26 octobre, des combattants de l'EIIL ont attaché trois hommes à des colonnes, dans un des sites historiques de Palmyre, et les ont fait exploser. On ignore quelles charges pesaient contre eux. Le 24 octobre, dans la province d'Alep, l'EIIL a tué deux hommes par lapidation dans la ville d'El-Bab, au nord-est d'Alep, soi-disant à cause de leur orientation sexuelle. L'exécution a eu lieu à l'issue d'un « procès » sommaire organisé dans un tribunal créé par l'EIIL.

24. Le 27 octobre, des combattants des Unités de protection populaire kurdes ont mis quatre jeunes gens en détention dans le village de Smehen, à Hassaké, afin de les forcer à intégrer leur groupe. On ignore à ce jour ce qu'il est advenu d'eux.

25. Le 3 octobre, des combattants de l'Armée de l'islam ont attaqué le centre de détention du tribunal créé par le Front el-Nosra à Yalda, dans la province de Rif-Damas, et capturé cinq détenus « reconnus coupables » qu'ils ont exécutés sur la place Kichk. L'Armée de l'islam a déclaré avoir agi en représailles à l'explosion d'un engin improvisé qui avait visé, le même jour, cinq de ses membres à Yalda, bien qu'aucun groupe n'ait revendiqué la responsabilité de cet attentat.

26. Début novembre, plusieurs organes de presse ont révélé que, lors des frappes aériennes ininterrompues du Gouvernement à Douma et dans la Ghouta orientale, l'Armée de l'islam se servait de prisonniers, hommes et femmes, par dizaines, comme de boucliers humains. Des rapports indiquent que les prisonniers, dont un bon nombre pourraient appartenir à des minorités religieuses, ont été mis en cage et placés dans des zones densément peuplées afin de dissuader le régime de poursuivre ses frappes, au risque de toucher des civils. Certains de ces prisonniers seraient en captivité depuis 2013, où ils se seraient fait enlever dans des zones de la Ghouta orientale contrôlées par le Gouvernement.

C. Intervention humanitaire

27. En octobre, les organismes humanitaires des Nations Unies et leurs partenaires ont continué de venir en aide à des millions de personnes en faisant appel à tous les moyens, aussi bien depuis l'intérieur du pays que des pays voisins, conformément aux résolutions 2165 (2014) et 2191 (2014) du Conseil de sécurité. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a fourni une aide alimentaire à plus de 4 millions de personnes dans 12 provinces. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a distribué les médicaments et les fournitures nécessaires à 717 000 traitements dans 10 provinces. L'UNICEF a fourni un appui multisectoriel à plus de 5,3 millions de personnes, notamment de l'eau et des produits d'assainissement et d'hygiène à 3,5 millions de personnes, des soins médicaux à plus de 2,4 millions de personnes et un soutien pédagogique à près de 180 000 personnes. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a fourni des produits de première nécessité et des services de protection à environ 272 000 personnes dans 12 provinces. Le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a fait dispenser, par ses partenaires d'exécution, 330 000 services de santé procréative et de soutien à des victimes de violences sexistes. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a fourni une aide à près de 20 000 personnes dans les domaines de l'alimentation et de l'agriculture. L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a distribué des produits de première nécessité à plus de 32 500 personnes. L'Office de travaux et de secours des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) a fourni une assistance à plus de 330 000 de ces réfugiés. Le Gouvernement syrien a continué de fournir des services de base dans les zones qu'il contrôlait et, bien souvent, au-delà de ces zones.

28. Les livraisons transfrontières se sont poursuivies au cours de la période considérée. Au 31 octobre, 207 convois de l'ONU et de ses partenaires d'exécution étaient arrivés en République arabe syrienne en provenance de Turquie (140 convois) et de Jordanie (67 convois), conformément aux dispositions des résolutions 2165 (2014) et 2191 (2014). Ils ont permis de fournir une aide alimentaire à plus de 2,4 millions de personnes, des produits non alimentaires à 1,6 million de personnes, les fournitures médicales requises pour près de 4 millions de traitements ainsi qu'un grand nombre de trousses chirurgicales, et de l'eau et des articles d'hygiène à plus d'un million de personnes dans les provinces d'Alep, de Deraa, de Hama, d'Edleb, de Lattaquié et de Qouneïtra. Comme le prévoient les résolutions 2165 (2014) et 2191 (2014), l'ONU a préalablement informé le Gouvernement syrien des convois, notamment de la nature de leur contenu, de leur destination et du nombre de leurs bénéficiaires.

29. Le Mécanisme de surveillance des Nations Unies a poursuivi ses activités en Jordanie et en Turquie. Depuis le début des opérations, il a contrôlé 207 convois humanitaires des Nations Unies, soit 4 505 camions, afin de confirmer la destination humanitaire de chaque cargaison, et a avisé les autorités syriennes de chaque convoi. Il a continué de bénéficier de la coopération active des Gouvernements jordanien et turc.

30. Trois convois interorganisations ont été effectués au mois d'octobre. Le 8 octobre, la dernière des trois étapes d'un convoi à destination de Houla, dans la province de Homs, a été menée à bien. Pas moins de 60 000 personnes vivant dans des zones difficiles d'accès ont pu en bénéficier. Les autorités gouvernementales ont interdit le chargement d'eau et de produits d'assainissement et d'hygiène ainsi que de certains articles médicaux. Le 18 octobre, des convois humanitaires des Nations Unies et de ses partenaires constitués d'aide multisectorielle, notamment d'articles médicaux et chirurgicaux, ont été acheminés à Fouaa et Kefraya, où ils ont bénéficié à 10 000 personnes, et à Zabadani, Madaya et Bouqein, où ils ont bénéficié à environ 20 000 personnes.

31. Au cours de la période considérée, les organismes des Nations Unies ont également franchi les lignes de front pour acheminer leur aide. Ainsi, le PAM a aidé plus de 12 000 personnes se trouvant dans des zones des provinces de Hama et de Rif-Damas contrôlées par des groupes d'opposition armés non étatiques. De même, la FAO a aidé 3 000 personnes et distribué des volailles à Moudamiyet el-Cham, dans la province de Rif-Damas. L'OMS a fait acheminer par une organisation non gouvernementale locale, à travers les lignes de front, 81 722 traitements médicaux dans la province d'Alep, dont un appareil d'hémodialyse et de quoi effectuer 100 séances de dialyse dans le sous-district de Noubl. Le 28 octobre, l'UNICEF a acheminé à Raqqa sa deuxième livraison d'hypochlorite de sodium, qui devrait permettre de couvrir pendant cinq mois les besoins de 2 millions de personnes en matière de traitement de l'eau. La dernière semaine d'octobre, le Croissant-Rouge arabe syrien a franchi les lignes du conflit pour acheminer dans des zones difficiles d'accès de l'est d'Alep les fournitures pédagogiques et les réserves pour l'hiver que l'UNICEF avait fournies pour subvenir aux besoins de 12 000 personnes. Les 8 et 14 octobre, le HCR s'est rendu à el-Tall, dans la province de Rif-Damas, pour y distribuer des articles de secours de base à quelque 5 000 personnes.

32. Comme au cours des mois précédents, les organisations non gouvernementales tant étrangères que syriennes ont fourni, en octobre, une assistance multisectorielle dans le pays, notamment des services.

Accès humanitaire

33. L'acheminement de l'aide humanitaire est demeuré extrêmement difficile dans de nombreuses régions de la République arabe syrienne en raison de la poursuite des combats, de l'insécurité et des manœuvres d'obstruction délibérées des parties, notamment de procédures administratives lourdes, dont ont pâti une large part des 13,5 millions de personnes dans le besoin.

34. L'accès aux 4,5 millions de personnes vivant dans des régions difficiles d'accès est resté une préoccupation majeure. En octobre, les organismes des Nations Unies et leurs partenaires sont parvenus à atteindre 46 des 147 localités difficiles d'accès (31 %). Ils ont pu apporter une aide alimentaire à quelque 225 000 personnes dans 14 localités, un soutien sanitaire dans 18 localités (plus de 130 000 traitements médicaux), de l'eau et des produits d'assainissement et d'hygiène dans 11 localités (pour plus de 50 000 personnes) et des articles de première nécessité dans 10 localités (pour près de 20 000 personnes). Plus de la moitié de la population des régions difficiles d'accès se trouve dans des zones contrôlées par l'EIIL, dans lesquelles l'ONU n'a pas livré d'aide en octobre, hormis le matériel de traitement de l'eau fourni par l'UNICEF.

35. Les combats qui se sont poursuivis dans plusieurs provinces ont également perturbé l'acheminement de l'aide humanitaire et empêché les populations d'accéder aux services essentiels. Par exemple, les combats et l'insécurité ont empêché la livraison, en octobre, de l'aide alimentaire indispensable à la survie de plus de 1,2 million de personnes dans certaines zones rurales des provinces de Rif-Damas, de Homs et de Hama. Dans la province d'Alep, les quartiers est de la ville d'Alep sont restés inaccessibles au cours de la dernière semaine d'octobre, l'EIIL contrôlant une portion de la route principale la reliant à Homs. Le PAM n'a donc pas pu acheminer d'aide aux plus de 220 000 personnes qui s'y trouvaient. Face à la crise de l'eau qui sévissait à Alep, l'UNICEF acheminait des camions d'eau potable pour répondre aux besoins quotidiens de plus de 700 000 personnes. Toutefois, les combats incessants qui faisaient rage dans le sud de la ville ayant limité l'accès à Alep, le Fonds a été contraint de réduire provisoirement l'ampleur de son opération, ne subvenant plus aux besoins que de 200 000 personnes.

36. Les interventions et les manœuvres d'obstruction délibérées des parties au conflit ont également continué d'empêcher l'acheminement de l'aide. Ainsi, le PAM n'est toujours pas en mesure de prêter assistance aux populations dans le besoin qui se trouvent dans les zones contrôlées par l'EIIL, car toutes les opérations d'assistance destinées à ces zones ont dû être suspendues en raison de l'impossibilité de travailler de manière indépendante et d'assurer le suivi des activités. En conséquence, quelque 720 000 personnes sont privées de l'aide alimentaire du PAM. Presque toutes se trouvent dans les provinces de Deir el-Zor et de Raqqa, dans certaines zones rurales du nord d'Alep et de l'est de Homs et dans des enclaves situées dans les zones rurales du sud de la province d'Hassaké et du nord-ouest de la province de Hama.

37. Un nombre limité de fournitures alimentaires a franchi le point de passage de Nousseibin/Qamichli en octobre. Le 9 octobre, les autorités turques ont autorisé le passage de convois du PAM par ce point, et l'UNICEF a également été autorisé à utiliser ce passage pour acheminer l'équivalent de 2,5 millions de dollars de fournitures de survie. Les autorités syriennes avaient autorisé ces convois à passer la frontière en septembre. Le 16 octobre, le Gouvernement turc a suspendu provisoirement toutes les opérations humanitaires qui devaient passer par ce point en raison de l'insécurité qui y régnait. À titre exceptionnel, 10 camions de l'UNICEF transportant 4 800 trousses d'hygiène familiales ont été autorisés à franchir la frontière le 19 octobre, car ils avaient déjà quitté l'entrepôt. L'UNICEF attend de pouvoir faire passer environ 80 camions de fournitures de survie par ce poste frontière.

38. Au 31 octobre, 27 des 88 demandes de convois interorganisations déposées en 2015 par l'ONU avaient été approuvées en principe par le Ministère syrien des affaires étrangères, 45 étaient en attente d'approbation et 3 avaient été suspendues par l'ONU pour des raisons de sécurité. Les 13 dernières demandes, plus anciennes, avaient été remplacées par de nouvelles demandes : neuf d'entre elles ont été suspendues par l'ONU pour cause d'insécurité et les quatre autres, restées sans réponse de la part du Gouvernement pendant trois mois, ont été déposées de nouveau.

39. Sur les 27 convois pour lesquels le Ministère syrien des affaires étrangères a donné son accord de principe, 13 ont été menés à bien, 7 n'ont pas pu partir faute de l'autorisation des forces de sécurité du Gouvernement syrien, 2 sont suspendus faute d'accord entre l'ONU, le Croissant-Rouge arabe syrien et le Gouvernement sur l'itinéraire à emprunter, 2 sont bloqués en attendant que les groupes d'opposition armés non étatiques les laissent passer et 1 attend une amélioration des conditions de sécurité. Les deux derniers convois approuvés en principe sont en préparation. Si ces convois pouvaient être acheminés, plus de 282 000 personnes vivant dans des zones difficiles d'accès ou assiégées en bénéficieraient.

40. Outre les convois interorganisations, plusieurs demandes de convois émanant d'un seul organisme des Nations Unies sont toujours en attente de l'approbation des autorités syriennes, en raison de l'insécurité. Ainsi, au cours de la période considérée, 21 demandes du PAM portant sur des convois destinés à plusieurs localités des provinces de Deraa et de Rif-Damas n'ont pas été approuvées, empêchant l'acheminement d'une aide à 109 000 personnes. Neuf demandes du HCR ont été rejetées pour la même raison. Sur les 69 demandes déposées par l'UNICEF en 2015, qui portaient sur des convois destinés à des zones difficiles d'accès, seules 6 ont été approuvées par les autorités syriennes.

41. Toutes les activités prévues par l'UNRWA dans la ville de Yarmouk sont restées suspendues au cours de la période considérée. La dernière mission de l'Office dans cette localité remonte au 28 mars. Le 31 octobre, la campagne internationale Al-Marhama, menée en coopération avec l'association caritative de secours au peuple palestinien, a distribué 448 colis de nourriture et du lait pour bébé à la population civile de Yarmouk. Les 21 et 25 octobre, la commission nationale de secours aux Palestiniens de Syrie avait déjà distribué 3 000 sacs de pain à Yarmouk et à Yalda. Le point de passage entre Yarmouk et Yalda reste une zone instable. L'UNRWA n'a pas été autorisé à se rendre à Yalda, Babila et Beit Saham en octobre. D'autres organisations humanitaires auraient été autorisées à poursuivre leurs opérations et à fournir une assistance dans ces zones. Les dispensaires mobiles du Croissant-Rouge arabe syrien continuent de s'y rendre, une fois toutes les trois semaines, pour y fournir leurs services. Face à l'augmentation de la prévalence de la typhoïde, l'UNICEF a distribué, en octobre, en collaboration avec la direction sanitaire de la province de Rif -Damas, des tablettes de purification de l'eau à Yalda, Babila et Beit Saham ainsi qu'au camp de Yarmouk. Les autorités ont également continué d'y autoriser quotidiennement l'accès d'un nombre limité de biens commerciaux.

42. Aucune modification majeure n'a été signalée en septembre dans les procédures administratives imposées par le Gouvernement syrien pour la livraison de l'aide humanitaire. Les procédures en place ont continué de retarder ou de limiter l'acheminement de l'aide par les organismes des Nations Unies et leurs partenaires. L'UNICEF a fait savoir que, même si le délai d'obtention d'une autorisation des autorités syriennes pour l'importation de biens humanitaires ordinaires s'était raccourci, deux livraisons importantes continuaient de faire exception : ainsi, des articles sanitaires et des compléments nutritionnels destinés à 117 000 enfants étaient en attente depuis plus de deux mois. Le Fonds a également signalé des retards importants dans l'obtention d'autorisations pour l'importation de matériel informatique et de télécommunications, sept demandes d'exemption étant en attente depuis 3 à 10 mois.

43. Les progrès se sont poursuivis dans la délivrance de visas aux fonctionnaires de l'ONU. En octobre, le Gouvernement syrien a donné son approbation pour 69 visas, dont 38 nouveaux visas et 31 renouvellements. Plus de 95 % des visas approuvés en octobre ont été délivrés au cours de la période convenue de 15 jours ouvrables. Au 31 octobre, 47 demandes de visas (nouveaux visas ou renouvellements) étaient encore en attente, le délai des 15 jours ouvrables ayant été dépassé pour 11 d'entre eux. Une seule demande a été rejetée en octobre. Le nombre total de demandes rejetées en 2015 s'élève à 40, compte non tenu des quatre fonctionnaires de l'ONU déclarés persona non grata en février 2015.

44. Avec une nouvelle autorisation délivrée en octobre, le nombre total d'organisations non gouvernementales étrangères autorisées à travailler en République arabe syrienne est désormais de 16. Ces organisations ont continué de se heurter à une série d'obstacles administratifs et de restrictions qui ont des incidences sur leur capacité de fonctionner. Ainsi, elles restent limitées dans leurs possibilités de nouer des partenariats avec des organisations humanitaires nationales, d'ouvrir des antennes, d'effectuer des missions, de participer à des convois interorganisations et de procéder à des évaluations des besoins en toute indépendance. Au 31 octobre, 15 demandes de visas destinés à des membres d'organisations non gouvernementales étrangères, dont 11 avaient été déposées en septembre ou en octobre, restaient en attente d'approbation. Six visas ont été approuvés en octobre, dont quatre avaient été demandés le même mois. Le Coordonnateur résident et Coordonnateur de l'action humanitaire continue de mener des discussions avec le Gouvernement au sujet des visas et des conditions de travail des organisations non gouvernementales étrangères.

45. En octobre, deux nouvelles organisations non gouvernementales nationales, toutes deux de la province de Damas, ont été autorisées par le Gouvernement syrien à nouer des partenariats avec des organismes des Nations Unies, ce qui porte à 137 le nombre total de ces organisations, qui sont réparties dans 220 antennes. Elles continuent de se plier aux procédures complexes qui régissent les partenariats établis avec les organismes des Nations Unies.

Zones assiégées

46. Sur les 4,5 millions de personnes qui vivent dans des zones d'accès difficile en Syrie, 393 700 sont toujours assiégées - 200 000 par l'EIIL à Deir el-Zor; 181 200 par les forces gouvernementales en divers points de la Ghouta orientale ainsi qu'à Daraya et Zabadani (province de Rif-Damas); et 12 500 par des groupes d'opposition armés et le Front el-Nosra à Edleb. Les 26 500 habitants de Noubl et Zahra (province d'Alep) ne sont plus considérés comme des assiégés puisque, selon des témoignages concordants de source fiable, la circulation des personnes et des marchandises à l'entrée et à la sortie de l'enclave s'est considérablement améliorée au cours des trois derniers mois, malgré la persistance de problèmes aigus d'accès et de protection.

47. Au cours de la période considérée, les parties au conflit ont continué d'interdire ou de restreindre sévèrement l'accès aux zones assiégées. En octobre, 10 500 personnes assiégées (2,7 %) ont pu recevoir des vivres, des soins et des secours élémentaires, et 16 700 (4,2 %) ont bénéficié d'un approvisionnement en eau et de services d'assainissement et d'hygiène. L'acheminement des marchandises par les itinéraires officiels reste en grande partie bloqué, d'où les prix élevés pratiqués dans les zones assiégées pour les produits de base qui parviennent à être livrés via des filières non officielles et irrégulières. La liberté de circulation demeure très restreinte, même si les étudiants et les membres des conseils de réconciliation sont parfois autorisés à sortir des zones assiégées et à y revenir.

48. Dans la Ghouta orientale (province de Rif Damas), 176 500 personnes sont assiégées dans les localités suivantes : Harasta, Arbin, Zamalka, Ain Terma, Hammoura, Jisrein, Kafr Batna, Seqba et Zabadin. Aucun organisme d'aide humanitaire des Nations Unies n'a pu aller dans les zones assiégées de la Ghouta orientale en octobre, sauf l'UNICEF, qui dispense un enseignement de soutien à 1 045 enfants à Douma.

49. À Zabadani (province de Rif -Damas), 500 personnes sont toujours assiégées par les forces gouvernementales. Le 18 octobre, le convoi humanitaire accompagné conjointement par du personnel de l'ONU et des partenaires est parvenu jusqu'à la localité avec une cargaison de vivres, d'articles de première nécessité, d'eau, de produits d'assainissement et d'hygiène et de médicaments.

50. À Daraya (province de Rif -Damas), 4 000 personnes sont toujours assiégées par les forces gouvernementales. Aucune assistance des Nations Unies n'a pu y être fournie au cours de la période considérée. Daraya n'a pas reçu d'assistance de l'ONU depuis octobre 2012.

51. À Fouaa et Kefraya (province d'Edleb), 12 500 personnes sont toujours assiégées par des groupes d'opposition armés non étatiques et le Front el-Nosra. Le 18 octobre, le convoi humanitaire accompagné conjointement par du personnel de l'ONU et des partenaires est arrivé à Fouaa et Kafraya avec une cargaison de vivres et d'articles de première nécessité, de l'eau, des produits d'assainissement et d'hygiène et des médicaments pour 10 000 personnes.

52. Dans les quartiers ouest de Deir el-Zor contrôlés par le Gouvernement, 200 000 personnes sont assiégées par l'EIIL. Le nombre d'assiégés a diminué car certains habitants ont réussi à prendre la fuite. En partenariat avec la Société du Croissant-Rouge arabe syrien, l'UNICEF a fourni une assistance pour l'eau, l'assainissement et l'hygiène à 6 195 personnes et un soutien psychosocial à 720 enfants au cours du mois d'octobre. Maintenant que les autorisations ont été obtenues, il est toujours prévu d'organiser un pont aérien d'urgence interinstitutions des Nations Unies afin d'acheminer des secours humanitaires dans la zone, mais l'opération n'a pu démarrer jusqu'à présent en raison de la poursuite des combats autour de l'aéroport militaire.

Libre passage des fournitures, du personnel et du matériel médicaux

53. Alors que les installations médicales font l'objet d'une protection spéciale dans le droit international humanitaire, les attaques d'établissements médicaux ont continué sans relâche en République arabe syrienne. Au cours de la période considérée, l'ONU et ses partenaires sanitaires ont reçu des informations - en cours de vérification par l'Organisation et ses partenaires - faisant état de 13 attaques contre des établissements et des transports médicaux, 8 contre des hôpitaux, 2 contre d'autres types d'établissement et 3 contre des ambulances. Sept ont été perpétrées dans la province d'Hama, trois à Alep, deux à Homs et une dans la province d'Edleb. Toutes ont pris la forme de frappes aériennes. Elles auraient fait 11 morts, dont deux agents sanitaires, et une quarantaine de blessés.

54. L'accès aux soins médicaux a continué de pâtir de l'insécurité et des restrictions imposées par les parties au conflit, ce qui s'est traduit par l'augmentation des prix des médicaments, des pénuries de fournitures médicales sur les marchés locaux, une baisse de la production pharmaceutique et une pénurie de personnel médical qualifié. Le manque de personnel médical qualifié et la dégradation des services essentiels ont encore réduit l'accès à des soins médicaux adéquats. La disponibilité de services de santé vitaux est une préoccupation primordiale dans certaines zones des provinces d'Hassaké, Raqqa, Deir al-Zor, Deraa, Edleb, Hama et Alep, ainsi que dans les zones assiégées et d'accès difficile de la province de Rif-Damas.

55. En collaboration avec le Ministère de la santé, l'UNICEF et l'OMS ont soutenu la seizième campagne nationale de vaccination contre la poliomyélite, qui a permis de vacciner 2,3 millions d'enfants entre le 18 et le 22 octobre. Toutes les provinces ont été couvertes, à l'exception de celles de Raqqa, Deir al-Zor et d'une partie de la province d'Edleb en raison d'une combinaison de facteurs dont l'insécurité et les restrictions d'accès imposées par les parties au conflit. Ainsi, l'EIIL a refusé d'autoriser la campagne dans certaines zones des provinces de Raqqa et Deir al-Zor sous son contrôle, et seuls 1,6 % des enfants de moins de 5 ans ont pu être vaccinés pour ce qui est de Raqqa, et seuls 4,5 % des moins de 5 ans vivant dans la province de Deir al-Zor ont reçu un traitement contre la maladie. Globalement, quelque 500 000 enfants n'ont pu être vaccinés pour cause de restrictions d'accès.

56. En octobre, l'OMS a présenté aux autorités syriennes cinq nouvelles demandes et un rappel sollicitant l'autorisation de livrer du ravitaillement dans 13 lieux d'accès difficile dans les provinces de Rif-Damas, Hama, Deraa, Alep, Deir al-Zor et Qouneitra. Elle n'a reçu aucune réponse. De leur côté, l'ONU et ses partenaires du secteur de la santé continuent d'avoir les plus grandes difficultés à acheminer des fournitures médicales et à mettre en place des services de prévention et de traitement dans les zones contrôlées par l'EIIL.

Sureté et sécurité du personnel et des locaux

57. Trente membres du personnel de l'ONU - 28 agents de l'UNRWA, 1 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et 1 de l'UNICEF -continuent d'être détenus ou portés disparus. Le nombre total d'agents humanitaires tués dans le conflit depuis mars 2011 s'élève à 81, à savoir 17 fonctionnaires de l'Organisation, 48 membres du personnel et volontaires du Croissant-Rouge arabe syrien, 8 bénévoles et agents de la Société palestinienne du Croissant-Rouge et 8 membres du personnel d'organisations non gouvernementales internationales. Quinze de ces 81 agents humanitaires ont perdu la vie depuis le 1er janvier 2015.

III. Observations

58. Le droit international des droits de l'homme et le droit international humanitaire sont bafoués en toute impunité ou presque dans toute la Syrie. Je demande à nouveau que la situation en République arabe syrienne soit renvoyée devant la Cour pénale internationale. Durant ce seul mois d'octobre, des centaines de civils ont été tragiquement tués ou blessés dans des attaques directes et aveugles caractérisées par l'utilisation persistante d'armes explosives dans des zones peuplées, avec notamment des barils explosifs, des tirs d'obus et des voitures piégées. L'utilisation d'armes explosives dans des zones habitées aura pour la République arabe syrienne de graves conséquences à long terme découlant de la destruction de l'habitat, des infrastructures essentielles et des services dont dépendent les populations civiles. De plus, elle sème des restes explosifs de guerre meurtriers sur tout le territoire syrien. Ces engins continueront de représenter une grave menace pour les civils syriens, en particulier les enfants, bien longtemps après la fin des hostilités. J'ai pris note du fait que le Gouvernement de la République arabe syrienne voulait s'abstenir de faire usage d'armes frappant sans discrimination et j'attends de lui qu'il traduise cet engagement dans ses actes.

59. La persistance des attaques contre les établissements, le personnel et les véhicules médicaux et du déni de soins aux blessés et aux malades demeurent très préoccupants. Les attaques visant les installations, les transports et le personnel ont un effet multiplicateur dévastateur; elles tuent et blessent, mais en plus elles privent de nombreux patients des soins dont ils ont désespérément besoin. Beaucoup de Syriens sont maintenant dans l'impossibilité de recevoir les soins les plus élémentaires. De plus, continuer d'empêcher les médicaments et les fournitures médicales de parvenir à leurs destinataires est à la fois inhumain et illégal. La protection et les soins médicaux dont doivent bénéficier les blessés et les malades en toutes circonstances sont clairement inscrits dans le droit international humanitaire.

60. Avec la détérioration des conditions de sécurité, l'accès humanitaire aux plus nécessiteux ne s'améliore pas. Le niveau d'accès des organisations humanitaires aux 4,5 millions de personnes vivant dans des zones d'accès difficile demeure inacceptable, de même que l'impossibilité pour les habitants de bénéficier de secours et de services humanitaires essentiels. Je dois une fois de plus exhorter les parties et notamment le Gouvernement de la République arabe syrienne, à honorer les obligations qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire et à agir sur le champ. La résolution 2139 (2014) du Conseil de sécurité ne laisse aucun espace d'interprétation ou de négociations supplémentaires. Les parties doivent s'y tenir et faciliter l'acheminement de l'aide aux civils qui sont dans le besoin, où qu'ils se trouvent en Syrie.

61. Dans sa résolution 2139 (2014), le Conseil de sécurité a également demandé aux parties de lever le siège des zones peuplées. Cet appel n'a pas été entendu. Il est scandaleux que près de 400 000 personnes soient contraintes de vivre en état de siège et n'aient quasiment pas accès aux biens et services essentiels.

62. L'ampleur des dévastations a pris pour le peuple syrien des proportions colossales. Quelque 13,5 millions de personnes, dont environ 6 millions d'enfants, ont maintenant besoin d'une forme ou d'une autre d'aide humanitaire ou de protection. Plus de la moitié des habitants ont été contraints de partir de chez eux, et le pays compte environ 6,5 millions de déplacés. Trois Syriens sur quatre vivraient dans la pauvreté. Partout dans le pays, les établissements de soins, les écoles, les marchés et autres services essentiels fonctionnent à capacité réduite ou ont fermé leurs portes. Les conditions de vie des Syriens ne feront que se détériorer davantage si les combats ne s'arrêtent pas pour de bon.

63. Le 30 octobre à Vienne, la communauté internationale s'est finalement réengagée dans le processus de recherche d'une solution politique au conflit syrien, et j'y vois un signe encourageant. Il n'y a pas de solution militaire à cette crise. Le communiqué de Genève demeure le cadre internationalement reconnu du règlement politique, comme le réaffirme le communiqué de Vienne. Ce dernier document est un premier pas qui permet à un groupe élargi d'acteurs internationaux de développer et peaufiner le cadre autour des grands principes énoncés dans le communiqué de Genève. Nous avons besoin de ce type d'élan renouvelé porté par une nouvelle volonté internationale de chercher une solution politique au conflit syrien. C'est dans cet esprit que nous devons voir le communiqué de Vienne comme un élément prometteur. J'exhorte toutes les parties au conflit et les États Membres qui ont leur écoute à approfondir leur engagement et à n'épargner aucun effort pour trouver une solution politique à la crise syrienne. Comme le montre clairement le présent rapport, les civils syriens, femmes et enfants compris, continuent de faire les frais du conflit. La communauté internationale doit s'unir pour aider les Syriens à trouver un terrain commun et à mettre un terme à la violence.


Notes :

1. Le 30 mai 2013, le Conseil de sécurité a, conformément à sa résolution 1267 (1999), désigné l'État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL) et le Front el-Nosra comme groupes terroristes. Ces deux groupes sont actifs en République arabe syrienne. [Retour]


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