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Rapport du Secrétaire général sur la situation concernant le Sahara occidental


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Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2016/355 |**|

Distr. générale
19 avril 2016
Français
Original : anglais

Rapport du Secrétaire général sur la situation concernant le Sahara occidental

I. Introduction

1. Le présent rapport est présenté en application de la résolution 2218 (2015), par laquelle le Conseil de sécurité a prorogé le mandat de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO) jusqu'au 30 avril 2016 et m'a prié de lui rendre compte de la situation au Sahara occidental avant la fin de la période couverte par le mandat. Il rend compte des faits nouveaux intervenus depuis la publication de mon rapport daté du 10 avril 2015 (S/2015/246) et décrit la situation sur le terrain, l'état et l'avancement des négociations sur l'avenir du Sahara occidental, mes activités et celles de mon chef de Cabinet, l'application de la résolution 2218 (2015), les difficultés auxquelles se heurtent les opérations de la Mission et les mesures prises pour les surmonter, ainsi que l'a demandé le Conseil dans sa résolution 2218 (2015).

2. Je me suis rendu dans la région du 3 au 7 mars 2016 pour apporter ma propre contribution au processus de négociation, rendre hommage à l'opération de maintien de la paix des Nations Unies, la MINURSO, et à son personnel, observer directement la situation humanitaire sur le terrain et examiner d'autres questions préoccupantes. Le Gouvernement marocain s'est vivement élevé contre certains propos que j'ai tenus et actes que j'ai commis pendant mon voyage. Je regrette qu'au lieu de chercher à obtenir des éclaircissements par la voie diplomatique, il ait décidé de publier un certain nombre de déclarations et communiqués et d'organiser des manifestations de masse à Rabat et Laayoune. J'ai expliqué à maintes reprises que mes affirmations et actions ne visaient en aucun cas à prendre parti, à exprimer la moindre hostilité à l'encontre du Royaume du Maroc ni à signaler un quelconque changement dans la position de l'ONU sur la question du Sahara occidental. Les résultats de mon voyage et les faits nouveaux survenus depuis sont exposés ci -après dans les parties consacrées aux activités politiques et aux activités de la MINURSO.

II. Évolution récente de la situation

3. Également en réponse à certains des propos tenus et actes commis durant mon voyage, le Ministre marocain des affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, m'a demandé le 14 mars 2016 de lui faire parvenir une lettre indiquant que le Maroc était en droit de recevoir des « éclaircissements immédiats, formels et publics sur [mes] affirmations, la signification de [mes] actes et [mes] intentions concernant [...] les paramètres convenus lors de [mon] entretien téléphonique avec S. M. le Roi Mohammed VI ». Le 15 mars, le Gouvernement marocain a annoncé une série de mesures qui ont fortement restreint l'aptitude de la MINURSO à s'acquitter de ses fonctions, notamment une réduction sensible de la composante civile et plus particulièrement de la branche politique de la MINURSO, ainsi que l'annulation de la contribution volontaire du Maroc au fonctionnement de la Mission.

4. Le 16 mars, la Mission permanente du Maroc a adressé une note verbale à mon cabinet transmettant une « liste de 84 membres du personnel international de la composante civile de la MINURSO et de l'Union africaine qui doivent quitter le Royaume du Maroc sous trois jours ». Le 20 mars, les 70 membres du personnel international de l'ONU et trois membres du personnel international de l'Union africaine inscrits sur la liste qui sont actuellement présents à Laayoune, ainsi que leurs familles, ont été temporairement réaffectés de Laayoune à Las Palmas (Espagne) ou dans leur pays d'origine. Pour faire face à la grave situation de sous -effectif ainsi créée au sein de la Mission, le Département de l'appui aux missions a temporairement mis en place un dispositif de soutien logistique improvisé pour assurer autant que possible la continuité des principales fonctions administratives. Seuls 28 membres du personnel civil international restent à Laayoune, tandis que 25 exercent des fonctions limitées depuis Las Palmas. Le 21 mars, à la demande du Maroc, la MINURSO a réaffecté ses trois attachés de liaison de Dakhla à la base d'opérations d'Aousserde.

5. Dans une lettre datée du 20 mars, le Secrétaire général du Front Polisario, Mohammed Abdelaziz, a critiqué la décision du Maroc de demander le retrait du personnel civil et réaffirmé l'attachement du Front Polisario au mandat de la MINURSO et aux accords militaires pertinents. Il a également « [lancé] un appel urgent au Conseil de sécurité pour qu'il assume ses responsabilités » envers la Mission et son mandat.

6. Mise à part la crise actuelle, la situation au Sahara occidental est restée globalement calme depuis mon dernier rapport, d'après les constatations de la MINURSO. Il se pourrait cependant qu'une violation du cessez-le-feu, tel que défini dans l'accord militaire no 1, ait été commise. Dans la soirée du 27 février 2016, le Front Polisario a informé la MINURSO qu'une fusillade avait eu lieu près de Mijek dans la zone tampon démilitarisée située à l'est du mur de sable. Le 29 février, une fois effectué le déminage nécessaire, la MINURSO a trouvé le corps d'un homme et les restes de quatre chameaux. L'Armée royale marocaine a confirmé avoir tiré 13 coups de feu « en direction des chameaux ». La MINURSO a récupéré le corps, identifié par le Front Polisario comme étant celui d'un chamelier sahraoui, et l'a remis à la famille du défunt. Le 29 février, le Représentant permanent du Maroc, Omar Hilale, m'a adressé une lettre dans laquelle il a fourni des précisions sur l'incident, réaffirmant que les coups de feu avaient été tirés après plusieurs avertissements, dans des « conditions de visibilité très réduite ». Le 13 mars, M. Abdelaziz a, dans une lettre adressée au Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, condamné ce qu'il considérait comme un « assassinat » et demandé à l'Organisation des Nations Unies de mener une enquête.

7. À l'ouest du mur de sable, la vie publique a suivi son cours sans heurt. Plusieurs grands rassemblements organisés à l'occasion de manifestations sociales dans les zones urbaines ont eu lieu sans incident majeur. Lors des manifestations dont la MINURSO a pu être témoin, les forces de sécurité marocaines étaient présentes en grand nombre.

8. Le 4 septembre 2015, des élections municipales et (pour la première fois) régionales ont eu lieu au Maroc et au S ahara occidental. À en juger par les renseignements que la MINURSO a pu obtenir, les élections se sont déroulées sans incident. Dans une lettre datée du 1er octobre 2015, M. Hilale m'a informé que chacune des 12 nouvelles régions, dont celles de Dakhla et Laayoune, serait dotée de larges pouvoirs concernant notamment la mobilisation de ressources financières et la création d'organismes de développement.

9. Dans une déclaration faite le 4 novembre 2015, j'ai rappelé que le statut définitif du Sahara occidental était l'objet d'un processus de négociation mené sous mes auspices, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, et j'ai constaté avec regret l'absence de négociations véritables, « sans conditions préalables et de bonne foi, [...] en vue de parvenir à une solution politique [...] mutuellement acceptable qui pourvoie à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental ». Le 5 novembre, M. Hilale m'a fait savoir que son pays était consterné par la teneur de la déclaration et le moment choisi pour la faire. Il a insisté sur le fait que l'expression « statut définitif » était nouvelle et contredisait les résolutions du Conseil de sécurité demandant l'adoption d'« une solution politique mutuellement acceptable ». Le 17 novembre, M. Abdelaziz m'a adressé une lettre dans laquelle il m'a félicité de mon appel en faveur de véritables négociations, a réaffirmé l'appui du Front Polisario aux efforts de mon Envoyé personnel et rappelé qu'il « [s'agissait] d'une situation de crise » et qu'« on ne [pouvait] pas laisser le conflit s'éterniser ».

10. Le Roi Mohammed VI s'est rendu à Laayoune en novembre 2015 et à Dakhla en février 2016. À Laayoune, le 6 novembre, il a prononcé son discours annuel à l'occasion du quarantième anniversaire de la « Marche verte ». Le Roi a déclaré que l'initiative d'autonomie « [était] le maximum que le Maroc puisse offrir » et que « son application [restait] tributaire de l'impératif de parvenir à une solution politique définitive dans le cadre des Nations Unies ». Il a expliqué que l'intégration du territoire au sein d'un Maroc unifié s'effectuerait essentiellement dans le cadre du « modèle de développement des provinces du Sud ». Il a également souligné que les recettes générées par les ressources naturelles continueraient d'être investies au profit des habitants de la région, en concertation et en coordination avec eux, s'engageant à réaliser un grand nombre de projets d'infrastructure dont ils bénéficieraient tous. Il a ajouté que les législateurs élus par les citoyens étaient les « représentants authentiques des habitants ». Le 12 novembre et le 15 février, M. Hilale m'a communiqué par écrit des précisions sur cette initiative, indiquant notamment qu'elle consisterait à réaliser des projets dans les secteurs des phosphates, de l'agriculture, de la pêche et du tourisme, avec un budget total de 7,7 milliards de dollars.

11. Dans sa lettre datée du 17 novembre 2015, M. Abdelaziz a exprimé sa « vive préoccupation » devant la teneur du discours du Roi, qui était « délibérément provocateur et visait clairement à tirer un trait sur le processus politique mis en œuvre par les Nations Unies ». M. Abdelaziz a ultérieurement déclaré que le Front Polisario n'excluait pas une reprise du conflit armé puisque le référendum convenu en échange du cessez-le-feu de 1991 n'avait pas eu lieu. Il a également indiqué que la visite du Roi à Laayoune constituait une violation du droit international.

12. Dans les camps de réfugiés situés à proximité de Tindouf (Algérie), la vie publique et les activités sociales se sont poursuivies sans heurt et dans un climat relativement calme. Toutefois, les conditions de vie difficiles, déjà aggravées par la diminution continue de l'aide humanitaire, se sont encore détériorées en octobre 2015 du fait de la longue période de fortes pluies qui ont dévasté les cinq camps, détruisant bon nombre des habitations en pisé, des équipements et des stocks alimentaires des réfugiés. Face à l'ampleur des dégâts, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont lancé un appel éclair global portant sur un montant de 19,8 millions de dollars.

13. Le Front Polisario a organisé des manifestations publiques à l'occasion de son quarante-deuxième anniversaire le 10 mai 2015. Du 16 au 22 décembre 2015, il a tenu son quatorzième congrès populaire général, faisant état de la participation de 2 472 délégués. Dans son communiqué final, le Congrès a accusé le Maroc de faire preuve d'intransigeance en refusant de reprendre les négociations. Il s'est félicité de mon intention de me rendre dans la région et des efforts redoublés de mon Envoyé personnel, y voyant une opportunité nouvelle, et s'est dit prêt à s'employer de manière constructive à rechercher un règlement. Il a cependant aussi rappelé que l'attitude de défi du Maroc face aux efforts déployés par les Nations Unies pourrait avoir des conséquences graves. Le 23 décembre, M. Abdelaziz a été réélu Secrétaire général du Front Polisario. En janvier 2016, il a nommé de nouveaux dirigeants dans plusieurs domaines.

14. Le 23 juin 2015, en sa qualité de dépositaire des Conventions de Genève de 1949 et des Protocoles additionnels s'y rapportant, le Front Polisario a déposé auprès du Conseil fédéral suisse une déclaration unilatérale rappelant que, en tant que représentant du peuple du Sahara occidental, il s'était engagé à appliquer les Conventions et leur Protocole additionnel I au conflit qui l'oppose au Royaume du Maroc. Le 26 juin, le Conseil a avisé les Hautes Parties contractantes de la réception de la déclaration. Le 9 juillet, il a également transmis une communication du Royaume du Maroc datée du 30 juin dans laquelle celui-ci rejetait la déclaration et la déclarait nulle et non avenue, ajoutant que le dépositaire avait outrepassé ses prérogatives en l'acceptant.

15. Durant la période considérée, les autorités marocaines m'ont adressé 11 lettres dans lesquelles elles ont réaffirmé leur appui au processus politique mis en œuvre par les Nations Unies, souligné que l'initiative marocaine d'autonomie était la seule solution et rappelé que le Maroc respectait pleinement les droits de l'homme et avait beaucoup investi dans le territoire. Elles ont également fait part de leurs préoccupations face à la situation sur le plan humanitaire et des droits de l'homme dans les camps de réfugiés situés près de Tindouf, qu'elles ont qualifiée de déplorable. Pour sa part, M. Abdelaziz m'a écrit à dix reprises, déplorant dans ses lettres « l'obstruction marocaine » et dénonçant les violations des droits de l'homme, l'usage disproportionné de la force et l'exploitation illicite des ressources naturelles. Il a demandé à plusieurs reprises à l'ONU de prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation, d'obtenir la libération de tous les prisonniers politiques sahraouis et de mettre en place un organe de contrôle du respect des droits de l'homme pour le Sahara occidental.

III. Activités politiques

16. Après la publication de mon précédent rapport (S/2015/246) le 10 avril 2015, j'ai dépêché ma Directrice de cabinet, Susana Malcorra, pour exposer ma position sur les questions en jeu et relancer les négociations concernant le Sahara occidental. Mme Malcorra portait des lettres adressées au Roi Mohammed VI et à M. Abdelaziz dans lesquelles je rappelais mon engagement sur le plan personnel et politique et exhortais les parties à faire preuve d'une volonté politique plus forte et à retourner à la table des négociations.

17. Au milieu du mois de juin, Mme Malcorra a remis mes lettres à M. Abdelaziz. Un conseiller du Roi Mohammed VI, Abdelatif Menouni, l'a reçue en l'absence du Roi. Dans les deux lettres, je souligne les dangers que pose l'évolution de la dynamique régionale, notamment l'expansion de l'État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL) au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la montée des pressions migratoires dans le bassin méditerranéen et le trafic de stupéfiants et autres produits de contrebande au Sahel. J'indique que, face à cette dynamique, la communauté internationale doit redoubler d'efforts pour régler des conflits de longue date. J'attire en particulier l'attention des dirigeants sur les dangers liés à la radicalisation des jeunes, qui pourrait compromettre la paix et la sécurité dans la région et au-delà. Face à des problèmes qu'aucun acteur ne peut régler seul, je souligne que, plus que jamais, le statu quo n'est plus une option. J'ai également demandé à Mme Malcorra de faire comprendre aux parties que, sept ans après avoir présenté leurs propositions respectives au Conseil de sécurité, elles n'avaient toujours pas comblé le fossé qui séparait leurs positions mutuellement exclusives et qu'aucune des deux parties n'était parvenue à faire accepter sa proposition par l'autre et à trouver une solution. J'ai demandé à ma Directrice de cabinet de rappeler que le manque d'intégration régionale qui en résultait avait des répercussions concrètes sur les habitants de la région.

18. Dans sa réponse en date du 9 août 2015, M. Abdelaziz s'est félicité de mon appel en faveur de la reprise des négociations et de mon intention de me rendre au Sahara occidental et dans la région, ajoutant que les mesures prises étaient « une marque importante de la détermination de l'ONU à sortir de l'impasse actuelle et à honorer la promesse de tenir un référendum sur l'autodétermination du peuple sahraoui ». Pour sa part, dans une lettre datée du 24 août 2015, le Roi a indiqué que « le Maroc [souhaitait] sincèrement mettre fin à ce conflit régional » et que son « initiative d'autonomie [était] le seul moyen de progresser vers une solution finale ». Il a par ailleurs souligné qu'il partageait mon objectif de relancer le processus politique sous les seuls auspices de l'ONU, ajoutant qu'il fallait pour cela que l'Algérie démontre qu'elle avait la volonté politique de réaliser cet objectif commun, vu sa « responsabilité historique et politique dans ce conflit ».

19. À ma demande, mon Envoyé personnel pour le Sahara occidental, Christopher Ross, a intensifié ses consultations bilatérales et ses navettes diplomatiques afin de chercher de nouveaux moyens de reprendre les négociations politiques entre les parties, selon la formule des pourparlers de Manhasset. Dans cet esprit, M. Ross a effectué quatre visites dans la région : du 31 août au 10 septembre 2015, du 19 au 28 octobre 2015, du 22 au 30 novembre 2015 et du 16 au 25 février 2016.

20. À Rabat, mon Envoyé personnel a rencontré M. Mezouar et le nouveau Ministre délégué aux affaires étrangères (ancien Secrétaire général du Ministère), Nasser Bourita. M. Mezouar a engagé mon Envoyé personnel à effectuer autant de visites qu'il le souhaitait dans le cadre de sa navette diplomatique, et réaffirmé l'attachement du Maroc au processus de négociation facilité par l'ONU. Pour sa part, M. Bourita a indiqué que la base du processus était la « formule convenue en 2004 » qui consistait, à son avis, en une solution politique qui ne remettait pas en question le statut du Sahara occidental, dans la mesure où « le Sahara [était] déjà marocain ».

21. Les interlocuteurs marocains de mon Envoyé personnel ont présenté deux positions défendues par le Maroc de longue date comme des idées nouvelles à explorer dans le cadre de la navette diplomatique. En Septembre 2015, ils lui ont demandé de chercher des moyens d'amener l'Algérie à participer officiellement aux négociations, réaffirmant que le maintien du statu quo était dû à l'absence de l'Algérie. En octobre 2015, ils lui ont suggéré de promouvoir un échange de vues sur l'autodétermination. M. Bourita a indiqué que, de l'avis du Maroc, l'autodétermination n'était pas le fruit d'une simple formalité mais l'exercice des droits de l'homme au quotidien, en particulier la poursuite du développement économique, social et culturel.

22. Suite à une interview accordée à l'agence de presse espagnole EFE par M. Mezouar, dans laquelle il aurait, selon une opinion largement répandue, déclaré que mon Envoyé personnel ne serait pas autorisé à se rendre au Sahara occidental à l'avenir, la question a été soulevée par le Conseil de sécurité en novembre 2015. La tension s'est relâchée une fois que le Représentant permanent du Maroc a assuré les membres qu'il n'y avait aucun obstacle aux visites de M. Ross. M. Bourita a indiqué que, si le Maroc ne remettait pas en question son droit de se rendre au Sahara occidental, il s'agissait de s'entendre sur la question de savoir si le moment était « opportun ». La visite précédente de M. Ross au Sahara occidental a eu lieu au printemps 2013.

23. À Rabouni, mon Envoyé personnel a rencontré M. Abdelaziz en octobre 2015 et l'équipe de négociation du Front Polisario, dirigée par Khatri Adduh, à chaque rencontre. M. Ross a procédé à un échange de vues sur le processus de négociation et indiqué que l'ONU et les principaux acteurs internationaux avaient noté avec satisfaction l'intention déclarée du Front Polisario d'engager des négociations sur une base plus souple et d'abandonner l'idée d'un référendum immédiat, à condition que le Maroc fasse également des compromis.

24. Lorsque mon Envoyé personnel a fait part des deux idées formulées par Rabat, les représentants du Front Polisario ont prévenu que l'objectif du Maroc était de semer la confusion dans le processus et de le retarder encore plus. Réaffirmant l'attachement du mouvement au règlement pacifique du conflit, ils ont indiqué que leur patience avait des limites et qu'ils ne comprenaient pas pourquoi l'ONU acceptait les efforts déployés par le Maroc pour « redéfinir les paramètres de négociation ». Ils ont maintenu que le Maroc rejetait le processus de négociation depuis 2012 et n'avait aucun respect pour l'ONU et le Front Polisario.

25. En Algérie, le Président Abdelaziz Bouteflika a confirmé que la position de son pays restait inchangée et réaffirmé que l'Algérie accepterait toute solution approuvée par le Front Polisario. Soulignant que son pays n'était pas partie au conflit, le Ministre d'État et Ministre des affaires étrangères et de la coopération, Ramtane Lamamra, a rejeté les efforts faits par le Maroc pour « bilatéraliser » le conflit du Sahara occidental en le qualifiant de « conflit régional » entre l'Algérie et le Maroc. Il a rappelé que c'était un conflit entre le Royaume du Maroc et le Front Polisario qui durait depuis 1975. Répondant à la question du Maroc concernant l'autodétermination, M. Lamamra a indiqué que l'Algérie demeurait attachée à ce droit tel qu'il est défini dans le contexte de l'ONU et qu'il était donc inutile de s'attarder sur la question. Pour sa part, le Ministre pour les affaires maghrébines, l'Union africaine et la Ligue des États arabes, Abdelkader Messahel, a déclaré que la solution privilégiée par l'Algérie demeurait l'exercice par le peuple du Sahara occidental de son droit à l'autodétermination dans le cadre d'un référendum organisé suivant le principe « une personne, un vote ».

26. À Nouakchott, mon Envoyé personnel a rencontré le Premier Ministre mauritanien Ould Hademine à deux reprises, ainsi que le Ministre des affaires étrangères et son Ministre délégué. Comme précédemment, ils ont tous réaffirmé la position traditionnelle de « neutralité positive » de la Mauritanie dans le processus de négociation sur le Sahara occidental. Le Premier Ministre a réitéré sa mise en garde contre le risque de voir la stabilité régionale compromise par l'impasse dans laquelle se trouvent encore les négociations concernant le Sahara occidental. Il a également rappelé les liens familiaux et culturels étroits qui existent entre les Sahraouis et les Mauritaniens.

27. Mon Envoyé personnel a également poursuivi ses consultations avec les membres du Groupe des amis du Sahara occidental. Il s'est rendu à Madrid, Paris, Londres et Washington et a rencontré le Vice -Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie à New York. Lors de ces entretiens, les interlocuteurs de mon Envoyé personnel ont réaffirmé qu'ils soutenaient son action. Pour sa part, mon Envoyé personnel a rappelé les dangers potentiels de l'impasse dans laquelle se trouvent toujours les négociations et demandé à ses interlocuteurs d'aider à régler la situation. Comme précédemment, il a souligné que les parties devaient assouplir leurs positions pour sortir de l'impasse. À Madrid, il a remercié vivement l'Espagne de continuer à faciliter sa mission en mettant à sa disposition un avion de l'armée de l'air espagnole pour ses déplacements en Afrique du Nord.

28. Compte tenu de l'impasse actuelle et de mon intention de me rendre auprès de la MINURSO, je suis allé dans la région du 3 au 7 mars 2016 au terme de plusieurs discussions concernant les préparatifs du voyage. Je souhaitais vivement me rendre d'abord à Rabat, en réponse à l'invitation que le Roi Mohammed VI m'avait adressée le 14 avril 2014, mais cela s'est avéré impossible car son emploi du temps ne lui permettait pas de me recevoir. J'ai malheureusement dû annuler des voyages prévus dans la région en novembre 2015 et en janvier 2016 en raison d'une éventuelle visite en République populaire démocratique de Corée. Le 4 février 2016, le Roi m'a adressé une invitation à le rencontrer pour examiner diverses questions, dont celle du Sahara occidental, et à convenir de dates mutuellement acceptables pour une visite dans la région à l'occasion du vingt-septième Sommet arabe qui devait se tenir à Marrakech (Maroc) en avril. Bien que j'aie offert de commencer mon voyage en rencontrant un représentant attitré du Roi, la partie marocaine a refusé, insistant sur le fait que toute visite à Laayoune devait être précédée par une visite à Rabat. J'ai donc effectué les autres visites prévues - à Nouakchott, dans le camp de réfugiés de Smara près de Tindouf, à Rabouni, à la base d'opérations de Bir Lahlou et à Alger - avec l'intention de me rendre ultérieurement à Rabat et Laayoune, en supposant que l'on puisse convenir de dates mutuellement acceptables.

29. Ma visite avait quatre objectifs. Tout d'abord, je voulais évaluer la situation de mes propres yeux et apporter ma contribution à la recherche d'un règlement. Ensuite, je tenais à me rendre auprès de la MINURSO pour rendre hommage à son personnel civil et à ses observateurs militaires, qui servent dans des conditions extrêmement difficiles. Troisièmement, lors de la première visite dans les camps de réfugiés effectuée par un Secrétaire général depuis 1998, je voulais attester de cette crise humanitaire prolongée. Enfin, je souhaitais procéder à un échange de vues sur d'autres questions d'intérêt mutuel avec les dirigeants concernés. Ma visite a été grandement facilitée par l'offre généreuse du Gouvernement espagnol de mettre à ma disposition un avion de l'armée de l'air espagnole pour mes déplacements dans la région.

30. À Nouakchott, Rabouni et Alger, j'ai eu des discussions politiques avec les dirigeants mauritaniens, algériens et du Front Polisario sur l'état d'avancement du processus de négociation et les moyens de le faire avancer. Dans le camp de réfugiés de Smara, j'ai pu voir de mes propres yeux les frustrations profondes et les sentiments exacerbés par plus de 40 ans sans aucune perspective d'un avenir meilleur. Dans l'impossibilité de sortir de ma voiture assaillie par la foule, j'ai rencontré des représentants de la jeunesse le même jour à Rabouni. J'ai pu lire sur les visages la colère et l'amertume envers la communauté internationale, l'ONU, le Maroc et le Front Polisario. J'ai été répugné par les conditions de vie extrêmement dures et inhumaines des réfugiés. J'ai rappelé à chaque interlocuteur qu'il était urgent de parvenir à « une solution politique [...] mutuellement acceptable qui pourvoie à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental » (voir résolution 2218 (2015) du Conseil de sécurité, par. 7). Je me suis également engagé à faire davantage pour encourager à fournir une aide humanitaire plus importante dans les camps.

IV. Activités de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental

A. Activités opérationnelles

31. Au 31 mars 2016, la composante militaire de la MINURSO comptait 244 membres du personnel, dont 11 femmes, pour un effectif autorisé de 246 personnes; elle continue d'être déployée sur neuf bases d'opérations et dans un bureau de liaison à Tindouf (Algérie).

32. Du 1er avril 2015 au 31 mars 2016, la MINURSO a effectué 8 369 patrouilles terrestres et 262 patrouilles aériennes et s'est rendue auprès des unités de l'Armée royale marocaine et des forces militaires du Front Polisario afin de s'assurer qu'elles respectent les accords militaires. À l'ouest du mur de sable, les observateurs militaires de la MINURSO se sont régulièrement rendus auprès de 585 unités ainsi que dans 29 zones d'entraînement et 316 postes d'observation de l'Armée royale marocaine, et ont surveillé 399 activités opérationnelles. À l'est du mur de sable, les observateurs militaires de la MINURSO se sont régulièrement rendus auprès de 78 unités et dans 10 zones d'entraînement et 31 postes d'observation des forces militaires du Front Polisario, et ont contrôlé quatre activités opérationnelles. La MINURSO a également surveillé une manifestation de partisans du Front Polisario qui s'est déroulée près du mur de sable, afin de s'assurer de son caractère exclusivement civil et d'atténuer ou de prévenir les éventuelles tensions.

33. Au 31 mars 2016, la coopération locale se poursuivait entre les deux parties au niveau des bases d'opérations. Le manque de soutien logistique et de moyens disponibles consécutif au retrait du personnel civil de la MINURSO contraint les lieux d'affectation à limiter strictement la consommation d'eau, de carburant et d'autres provisions afin de préserver les stocks.

34. À l'ouest du mur de sable, outre la violation potentielle du cessez-le-feu mentionnée au paragraphe 6 du présent rapport, la MINURSO n'a relevé aucune violation par l'Armée royale marocaine autre que les neuf violations persistantes signalées dans mon précédent rapport (S/2015/246, par. 25). L'Armée royale marocaine a continué de redéployer son personnel militaire aux centres de résistance situés au niveau de la deuxième ligne de défense du mur de sable, à 15 kilomètres de celui-ci, ce qui constitue une violation persistante majeure depuis septembre 2008. Au 14 mars 2016, 55 postes d'observation étaient encore opérationnels. L'Armée royale marocaine a continué de contester les cas de violations persistantes du cessez-le-feu qui lui étaient notifiés, invoquant des « impératifs opérationnels » n'ayant aucun lien avec les termes du cessez-le-feu. Le 6 novembre 2015, l'Armée royale marocaine a ordonné le déploiement temporaire d'un contingent supplémentaire de la Garde royale marocaine dans la zone située à l'extérieur de Laayoune en vue de renforcer la sécurité durant la visite de S. M. le Roi Mohammed VI. À l'est du mur de sable, la MINURSO a constaté et relevé une nouvelle violation, à savoir le déplacement, par les forces militaires du Front Polisario, de deux unités hors de leur emplacement d'origine, qui est venue s'ajouter aux trois violations persistantes énumérées dans mon précédent rapport (ibid.).

35. Par réaction contre une formalité d'entrée à l'ouest du mur de sable qui, selon le Maroc, est prévue dans l'accord sur le statut de la Mission, le Front Polisario a mis en place, le 15 avril 2015, une nouvelle procédure d'entrée à l'est du mur, apposant un cachet sur les passeports des membres du personnel militaire et civil de la MINURSO. Le refus, à l'ouest du mur, des passeports munis de ce cachet a entraîné une interruption de la rotation du personnel de la MINURSO et des restrictions en matière de livraisons aux bases d'opérations à l'est du mur, empiétant sur les opérations, notamment les patrouilles, de la MINURSO. Celle-ci a repris l'intégralité de ses activités le 9 mai, à la suite d'un dialogue intensif avec le Front Polisario, qui a entraîné la suspension indéfinie de la mesure. Toutefois, le Front Polisario a averti que celle-ci pourrait être réintroduite si le processus politique restait au point mort ou si rien n'était fait pour dissiper le sentiment qu'il existait deux poids, deux mesures, dans le traitement accordé par l'ONU aux parties. Le 25 juin 2015, le Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et Conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies a adressé des lettres séparées au Gouvernement marocain et au Secrétaire général du Front Polisario, les invitant à respecter le statut, les privilèges et les immunités de la MINURSO à cet égard.

36. Dans une lettre datée du 9 août 2015, M. Abdelaziz a critiqué les procédures d'entrée du Maroc ainsi que son exigence selon laquelle les véhicules de la MINURSO à l'ouest du mur de sable portent des plaques d'immatriculation marocaines et que le courrier adressé aux localités situées à l'ouest du mur de sable soit adressé au Maroc, et non au Sahara occidental, jugeant qu'il s'agissait là de violations de son statut de territoire non autonome. Il a demandé que ces mesures, parmi d'autres, soient rectifiées pour rétablir la crédibilité de l'Organisation des Nations Unies et la confiance dans sa neutralité au Sahara occidental.

37. Ces événements ont amené par la suite la MINURSO à revoir sa logistique, ses opérations et ses plans d'urgence de manière à pouvoir faire face à d'éventuelles restrictions qui frapperaient ses opérations, s'adapter à l'évolution des conditions de sécurité régionales et assurer la continuité de ses opérations pendant 90 jours. L'installation d'une plateforme d'éclatement logistique distincte a par la suite été proposée à Tifariti, à l'est du mur de sable, le personnel médical de l'unité médicale militaire demeurant posté en permanence à l'est du mur de sable pour assurer l'approvisionnement et le bien-être du personnel et améliorer l'état de préparation face aux éventuelles menaces ou interruptions. Ce dernier élément grève sévèrement les capacités médicales et logistiques de la Mission. Dans un premier temps, pour répondre à ces nouvelles exigences, la MINURSO demande 11 nouveaux membres du personnel paramédical et trois nouveaux médecins pour le contingent médical que le Bangladesh a fourni.

38. Le commandant de la force a tenu des réunions régulières avec les représentants militaires des deux parties afin de préserver les voies de communication et de faire preuve de la diligence voulue pour ce qui était de veiller au respect de l'accord militaire no 1. Du 16 au 18 octobre 2015, le général de corps d'armée, Conseiller militaire pour les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, Maqsood Ahmed, s'est rendu au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés voisins de Tindouf, où il s'est entretenu avec les représentants des deux parties.

39. Les mines terrestres et autres restes explosifs de guerre ont continué de mettre en danger la vie des observateurs militaires et des membres des équipes logistiques de la MINURSO, ainsi que les populations locales et nomades. À la fin du mois de mars 2016, 52 zones où avaient été larguées des bombes à sous-munitions et 42 champs de mines restaient à dépolluer à l'est du mur de sable. Le départ de l'ensemble du personnel recruté sur le plan international chargé de superviser le projet de déminage mené par le Service de la lutte antimines de l'ONU dans le cadre du mandat de la MINURSO a cependant conduit à la suspension de toutes les activités de déminage depuis le 20 mars. Avant cela, deux accidents liés aux mines et à d'autres restes explosifs de guerre se sont produits à l'est du mur de sable, touchant cinq civils. Au total, 15 accidents liés aux mines et à des restes explosifs de guerre sont survenus à l'ouest du mur de sable, qui ont fait 21 blessés et 2 morts parmi les civils, et 8 blessés et 1 mort parmi les soldats.

40. Avant le 20 mars 2016, face à ces menaces, le Centre de coordination de la lutte antimines, géré par le Service de lutte antimines, avait mené des activités de déminage et d'élimination des restes explosifs de guerre, de vérification de l'état des routes et de formation aux mesures de précaution relatives aux mines terrestres à l'est du mur de sable, à l'appui des efforts engagés par la Mission pour assurer la surveillance du cessez-le-feu. Les équipes du Centre de coordination de la lutte antimines ont déminé 7 382 251 mètres carrés de terres au total et détruit 1 797 pièces, dont 181 armes à sous-munitions, 144 engins non explosés, 45 mines antichar et 1 427 munitions d'armes légères dans les zones d'opérations des observateurs militaires et du personnel logistique international de la MINURSO. Deux des 21 zones déminées où avaient été larguées des bombes à sous-munitions étaient situées sur les principaux itinéraires de ravitaillement et les routes fréquemment empruntés par les observateurs militaires de la MINURSO. Les autres zones étaient situées aux alentours des bases d'opérations. Un total de 29 kilomètres d'itinéraires de patrouille a également été inspecté pour faciliter les patrouilles de la MINURSO à l'est du mur de sable. Ces activités ont permis de sauver des vies et d'améliorer la liberté de circulation, non seulement pour les membres du personnel des Nations Unies mais aussi pour les populations locales.

41. L'Armée royale marocaine a fait état du déminage de plus de 220 360 000 mètres carrés de terres à l'ouest du mur de sable et de la destruction de 9 873 pièces, notamment des mines antichar et antipersonnel, des engins non explosés et des munitions d'armes légères.

42. Avant le 20 mars 2016, le Centre de coordination de la lutte antimines a collaboré avec les deux parties au conflit dans le cadre des initiatives de lutte antimines en vue de mieux évaluer la menace que représentent les mines terrestres et les autres restes explosifs de guerre au Sahara occidental, et les conséquences de leur présence. Une coordination et une communication systématiques ont été maintenues à cet égard.

43. Le risque d'instabilité et d'insécurité dans la région a de plus en plus pesé sur l'environnement opérationnel de la MINURSO. La responsabilité de la protection de la Mission incombe au premier chef au Maroc, au Front Polisario et à l'Algérie. Les parties et les pays voisins ont pris des mesures supplémentaires pour empêcher que des groupes radicaux ne s'infiltrent. Toutefois, les observateurs non armés de la Mission sont de plus en plus exposés aux menaces régionales croissantes. L'intensification de la concurrence entre Al -Qaida au Maghreb islamique et l'État islamique d'Iraq et du Levant, qui se disputent la prééminence dans la région, pourrait susciter de nouvelles actions radicales contre des pays considérés comme appuyant les interventions internationales de lutte contre le terrorisme, voire contre l'Organisation des Nations Unies.

44. Au cours de la période considérée, les médias marocains ont signalé le démantèlement de cellules terroristes à Laayoune à au moins trois occasions. Les autorités marocaines ont par la suite confirmé les détails y relatifs à mon Représentant spécial pour le Sahara occidental, ce qui donné lieu à un débat constructif entre les dirigeants de la MINURSO et les autorités marocaines sur le renforcement des mesures de protection du personnel et des biens de l'Organisation à l'ouest du mur de sable.

45. Pour sa part, le Front Polisario a tenu la Mission régulièrement informée des menaces potentielles, telles que des attaques terroristes et des enlèvements, et a suggéré d'accroître les mesures de protection et la vigilance. À titre de précaution et faute de pouvoir s'assurer du bien-fondé de ces menaces, la MINURSO a ramené à 50 kilomètres le rayon couvert par toutes ses patrouilles terrestres autour de ses cinq bases d'opérations à l'est du mur de sable. Le Front Polisario insiste pour que toutes les patrouilles diurnes vers la frontière mauritanienne soient effectuées sous son escorte armée, ce qui a fréquemment fait l'objet de protestations de la part des autorités marocaines, celles-ci estimant qu'il s'agit là d'une grave limitation à liberté de circulation de la MINURSO.

46. La MINURSO a demandé à l'Armée royale marocaine et au Front Polisario de renforcer la protection de ses bases d'opérations en stationnant des cellules de réaction rapide et en augmentant le nombre de gardes de sécurité, ce qui n'est pas toujours pratiquement envisageable pour les parties. La MINURSO a également renforcé sa vigilance et sa capacité d'apprécier la situation afin d'améliorer la sécurité et la sûreté de son personnel militaire et civil. Des experts du Département de la sûreté et de la sécurité se sont régulièrement rendus sur les bases d'opérations et auprès du bureau de liaison de Tindouf afin de passer en revue les mesures de sécurité en place et de consulter les représentants locaux des parties au sujet des questions de sécurité. Le personnel des bases d'opérations a été dûment sensibilisé à la menace, l'accent ayant été mis sur les exercices de sécurité et de sûreté. Le départ des membres du personnel de sécurité recrutés au plan international dont les noms figuraient sur la liste établie par le Maroc le 16 mars 2016 a réduit la capacité de la Mission pour ce qui est de gérer la sécurité, l'empêchant ainsi d'évaluer et de renforcer pleinement et en toute indépendance la sûreté et la sécurité de son personnel.

B. Activités de fond de la composante civile

47. Tout au long de la période considérée, ma Représentante spéciale a entretenu des relations constructives avec les parties, essentiellement par l'intermédiaire de leurs bureaux de coordination respectifs.

48. À l'ouest du mur de sable, les contacts avec les interlocuteurs locaux sont restés limités au bureau de coordination de la MINURSO au Maroc et aux autorités civiles et militaires marocaines, que ma Représentante spéciale et les membres concernés de la Mission ont rencontrés régulièrement pour s'entretenir de questions opérationnelles. Des membres de la MINURSO ont également rencontré plusieurs visiteurs étrangers, notamment des diplomates, des parlementaires, des journalistes et des universitaires. Les activités de fond de la MINURSO sont cependant interrompues depuis le départ de la composante politique de la Mission en mars 2016, à la demande du Maroc.

49. La crise récente et sa couverture par les médias locaux ont eu des conséquences négatives sur la manière dont l'impartialité de la MINURSO et de l'ONU était perçue à l'ouest du mur de sable, ce qui a suscité des tensions et accentué la pression sur le personnel resté sur place. Le fait que les véhicules de la Mission portent des plaques d'immatriculation marocaines à l'ouest du mur de sable est un problème déjà ancien et la situation n'a pas évolué par rapport aux précédents rapports (voir S/2015/246, par. 40). Ces plaques doivent être remplacées par des plaques de l'ONU lorsque les véhicules de la MINURSO passent à l'est du mur et circulent à l'extérieur de la zone d'opérations, ce qui pose des problèmes logistiques et administratifs. En dépit des dispositions explicites qui figurent dans l'Accord sur le statut de la Mission, les autorités marocaines n'ont pas donné suite à l'engagement qu'elles ont pris en mars 2014 de remplacer progressivement les plaques minéralogiques marocaines des véhicules de la Mission par des plaques de l'ONU (voir S/2014/258, par. 50).

50. Dans les camps de réfugiés situés au sud de Tindouf, la MINURSO et les organismes des Nations Unies peuvent librement établir des contacts avec les représentants du Front Polisario et avec les réfugiés, ainsi qu'avec des organisations locales ou internationales de la société civile. En dépit des difficultés rencontrées en mai 2015 (voir par. 35), les dirigeants de la Mission ont entretenu des relations constructives avec le Front Polisario sur des questions opérationnelles. Cependant, par suite du retrait du personnel international de la composante civile de la MINURSO, l'ONU fait l'objet de nouvelles critiques.

C. Difficultés auxquelles se heurtent les opérations de la Mission

51. Les deux parties continuent à interpréter le mandat de la MINURSO de manière sensiblement différente. Comme je l'ai indiqué à maintes reprises, le Maroc estime que ce rôle se limite à surveiller le cessez -le-feu et aux questions militaires, ainsi qu'à l'appui au déminage et aux mesures de confiance instaurées par le HCR. Le Front Polisario considère quant à lui que l'objectif central de la Mission reste d'organiser un référendum d'autodétermination, ce à quoi contribue la surveillance du cessez-le-feu. Pour l'ONU, le mandat de la MINURSO est défini par les résolutions successives du Conseil de sécurité. Pour répondre aux attentes du Conseil, la bonne exécution du mandat de la Mission exige que celle-ci puisse mener l'intégralité des activités ordinaires de maintien de la paix effectuées dans le cadre des opérations des Nations Unies partout dans le monde. Les tensions qui résultent des divergences entre les parties concernant l'interprétation du mandat et, plus généralement, celle du processus de négociation et de la manière dont l'ONU appréhende ce processus peuvent compromettre les opérations de la MINURSO. Cette situation nuit à la crédibilité de la Mission et de l'ONU auprès des parties et de la population, ce qui l'empêche d'exécuter pleinement les tâches prescrites par le Conseil de sécurité.

52. La réaffectation temporaire du personnel international de la MINURSO de Laayoune vers divers autres sites pèse lourdement sur la capacité de la Mission de continuer à remplir ses fonctions. Cet état de fait est particulièrement critique pour les opérations logistiques, qui doivent pouvoir s'effectuer sans entrave des deux côtés du mur de sable. En raison du caractère conjoint de la Mission, l'absence de personnel logistique et administratif indispensable compromet aujourd'hui les opérations de la MINURSO sur le terrain. Cette dernière est à présent incapable de remplir des fonctions simples mais essentielles, comme le fait de franchir le mur de sable avec des véhicules de ravitaillement (ce qui impose la présence de chauffeurs recrutés sur le plan international, compte tenu des exigences des parties), mais aussi les réparations et l'entretien mécaniques des infrastructures et du matériel indispensables pour maintenir les sites éloignés en état de fonctionnement. Outre le risque créé par la dégradation actuelle de l'approvisionnement en produits de première nécessité, cette perte de capacités risque de provoquer une brusque interruption des activités militaires de la Mission. Par ailleurs, le retrait de certains éléments essentiels de la composante civile internationale a également eu de sérieuses répercussions sur le contrôle administratif et financier des fonds et des avoirs de la Mission, ce qui a au minimum entraîné des retards importants dans l'exécution des tâches.

53. Au-delà des conséquences opérationnelles, le retrait du personnel international de la composante civile pèse lourdement sur la capacité de la Mission d'exécuter le mandat qui lui a été confié par le Conseil de sécurité. Le fait que le Maroc ait annulé sa contribution volontaire de quelque 3 millions de dollars par an, qui couvrait notamment les frais de bouche et d'hébergement des observateurs militaires, s'est immédiatement traduit par un coût non prévu au budget de la MINURSO. Comme la composante militaire est tributaire des moyens civils et techniques pour rester opérationnelle, elle aura de grandes difficultés à continuer à surveiller le cessez-le-feu. Les autres tâches essentielles et les activités ordinaires de maintien de la paix, comme l'évaluation des conditions locales qui peuvent avoir une incidence sur les opérations de la Mission et sur le processus politique et l'établissement de rapports sur ces questions, ont été interrompues.

V. Activités humanitaires et droits de l'homme

A. Personnes portées disparues du fait du conflit

54. En tant qu'intermédiaire neutre, le Comité international de la Croix -Rouge, a poursuivi le travail engagé avec les parties et les familles sur les disparitions survenues pendant les hostilités.

B. Activités d'assistance et de protection des réfugiés sahraouis

55. Conformément à son mandat, le HCR a continué d'assurer une protection internationale aux réfugiés sahraouis qui vivent dans les cinq camps situés à proximité de Tindouf et de fournir avec ses partenaires une aide essentielle à leur survie et d'autres activités de subsistance qui s'adressent plus particulièrement aux réfugiés en situation de vulnérabilité et aux jeunes. Il s'agit notamment d'activités multisectorielles dans les domaines suivants : protection, abris, eau et assainissement, santé, nutrition, éducation, articles non alimentaires et moyens de subsistance (question qui suscite un regain d'intérêt). Comme par le passé, le HCR s'est acquitté de ses obligations en matière de protection et de services de base en adoptant une approche de proximité. En attendant que les réfugiés des camps situés autour de Tindouf soient enregistrés, le HCR et le PAM ont fourni de l'aide pour une population estimée, comme précédemment, à 90 000 réfugiés en situation de vulnérabilité. Le PAM a distribué 35 000 rations alimentaires supplémentaires aux personnes qui en avaient besoin en raison de leur état nutritionnel. En mars 2016, le HCR a mené une mission technique préliminaire afin de déterminer les domaines dans lesquels un appui et des conseils pourraient être fournis.

56. À la suite des fortes inondations survenues en octobre 2015 (voir par. 12), le HCR a dirigé l'intervention d'urgence interinstitutions menée avec d'autres acteurs humanitaires, en étroite collaboration avec le Gouvernement algérien, le Croissant -rouge algérien et des partenaires sur le terrain. Le HCR, le PAM, l'UNICEF et l'OMS ont lancé un appel interinstitutions visant à recueillir 19,8 millions de dollars. Le HCR a distribué des abris et des articles de secours immédiatement nécessaires, dont 4 205 tentes familiales d'urgence et 15 822 articles de survie essentiels. Parallèlement à l'évacuation des eaux stagnantes, une campagne de sensibilisation sur les dangers des maladies hydriques les plus fréquentes a été menée. Le PAM a distribué 205 tonnes de denrées alimentaires juste après les inondations. Début novembre, 85 000 rations individuelles ont également été fournies. Par ailleurs, l'UNICEF a installé 57 locaux d'enseignement temporaires et a distribué environ 36 000 fournitures scolaires pour permettre à tous les enfants de passer leurs examens. De plus, 15 écoles et établissements préscolaires ont été remis en état et 17 établissements de soin temporaires, ainsi que 5 espaces temporaires amis des enfants, ont été créés.

57. Faute de fonds suffisants, les activités de remise en état des abris n'ont pu concerner que les 2 000 familles les plus vulnérables sur les 17 841 familles touchées. De ce fait, de nombreuses familles continuent de vivre dans des tentes temporaires ou dans des maisons endommagées ou sont hébergées par d'autres familles de réfugiés. La deuxième phase de l'intervention d'urgence, ainsi que la remise en état de 50 salles de classe, se poursuit en 2016. Comme 11,9 millions de dollars seulement ont été reçus jusqu'à présent, le déficit de financement associé à l'appel interinstitutions s'élève à 40 % du montant demandé.

58. De même, le manque de moyens financiers a obligé le PAM à ajuster le nombre d'articles alimentaires distribués et le panier alimentaire a donc été moins diversifié. Entre août et octobre 2015, le PAM a été contraint de réduire la ration alimentaire dans des proportions pouvant atteindre 20 %. Dans le domaine de la santé, le HCR et ses partenaires ont continué de répondre aux besoins des réfugiés dans les camps à hauteur de 80 % au plus. Des maladies chroniques comme l'hypertension, le diabète, l'anémie et l'insuffisance rénale restent les principaux problèmes de santé. Un système d'information sanitaire a été expérimenté, ce qui a permis de produire régulièrement des indicateurs de santé public fiables. En 2015, des programmes de prévention de l'anémie et des retards de croissance ont été mis en œuvre pour quelque 12 000 enfants de moins de 5 ans et 8 000 femmes enceintes ou allaitantes. En mars 2016, le HCR et le PAM ont mené une mission conjointe pour évaluer la situation des réfugiés sahraouis du point de vue de la sécurité alimentaire et pour contrôler la qualité des activités liées à la nourriture et à la nutrition. Dans le domaine sanitaire, l'une des principaux enjeux consiste à pouvoir garder le personnel qualifié, compte tenu de la faiblesse des moyens financiers.

59. Par l'intermédiaire de ses organisations partenaires, le HCR a aussi fourni un appui financier à des instituteurs du primaire et à des enseignants du secondaire dans les cinq camps et veillé à ce que tous les enfants âgés de 6 à 17 ans soient scolarisés. Les jeunes réfugiés ont été plus nombreux à suivre des cours de formation professionnelle ou d'autres formations qualifiantes. Vingt-cinq étudiants ont reçu une bourse et effectuent aujourd'hui des études supérieures dans des universités algériennes. Le PAM a continué d'appuyer le programme d'alimentation scolaire. Le HCR a également continué de fournir de l'eau potable à tous les réfugiés qui vivent dans les cinq camps. Des plans préventifs d'entretien et de remise en état des infrastructures d'approvisionnement en eau ont été mis en œuvre afin de tirer un meilleur parti de ces installations, car les volumes quotidiens disponibles restent insuffisants. Des efforts et des moyens ont à nouveau été consacrés à l'extension du réseau de distribution d'eau dans l'ensemble des camps. Enfin, des trousses d'hygiène ont été distribuées à 38 450 femmes et filles en âge de procréer.

60. Le HCR a œuvré en étroite collaboration avec des prestataires de services de base intervenant en cas de violence sexuelle et sexiste afin de mettre en place des dispositifs d'orientation et d'intervention d'ordre juridique, médical et psychosocial.

61. Le HCR et ses partenaires ont engagé une stratégie pluriannuelle relative aux moyens de subsistance qui est particulièrement axée sur l'autonomisation des jeunes. À cette fin, il a déployé en mars 2016 une mission sur cette question visant à recenser les possibilités d'activités rémunératrices pour les jeunes qui vivent dans les camps situés à proximité de Tindouf. Ces activités ont été intégrées dans la stratégie pluriannuelle qui a été développée à la suite de cette mission. Un centre d'innovation sur les technologies de l'information, les aptitudes à la communication et la gestion a été créé pour permettre aux jeunes réfugiés de suivre des cours et des études universitaires en ligne. Le Haut-Commissariat a également mené d'autres initiatives relatives aux moyens de subsistance et projets à effet rapide, notamment la création de trois boulangeries et d'une savonnerie, au titre de ses projets qui permettent de dégager des revenus. Au vu du déficit de moyens important auquel se heurte son programme d'aide dans les camps, qui n'est financé qu'à hauteur de 6 %, le HCR continuera de sensibiliser les pays donateurs et d'organiser des séances d'information à l'intention de ces derniers, en collaboration avec ses partenaires, afin d'obtenir plus de fonds pour améliorer la situation de ces réfugiés, qui est la plus ancienne qu'il ait à gérer.

62. Le manque de moyens financiers a continué à peser sur le programme ordinaire destiné aux réfugiés, en dépit des efforts engagés à haut niveau pour mobiliser une aide supplémentaire. Le 22 juillet, à la suite de sa visite dans la région (voir par. 16 et 17), ma Directrice de cabinet a organisé une réunion des représentants permanents des pays donateurs existants ou potentiels à New York afin de mobiliser des fonds supplémentaires pour remédier aux difficultés, surtout en ce qui concerne l'aide alimentaire.

C. Mesures de confiance

63. Toutes les activités du programme de mesures de confiance, telles qu'elles figurent dans le plan d'action de 2012, ont été suspendues en juin 2014. Étant donné qu'il poursuit les consultations et la coopération avec les deux parties, le HCR reste prêt à organiser une reprise rapide des visites familiales et des séminaires culturels dans le cadre du mécanisme de coordination existant.

64. Plus de 12 000 personnes peuvent officiellement bénéficier du programme de visites familiales. Le HCR reste attaché aux activités et aux principes qui figurent dans le programme de mesures de confiance et a donc maintenu une capacité opérationnelle minimale afin de pouvoir intervenir immédiatement lorsque ces activités reprendront. Il est impératif que le programme continue à maintenir des liens entre des populations séparées par le conflit depuis quarante ans.

D. Droits de l'homme

65. Comme il en avait été décidé avec le Maroc, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a conduit une mission technique à Laayoune et à Dakhla, au Sahara occidental, du 12 au 18 avril 2015. La mission, qui a été précédée de réunions organisées avec de hautes personnalités du Gouvernement marocain à Rabat, a permis au Haut-Commissariat d'obtenir des informations de première main, de mieux comprendre la situation et les défis en matière de droits de l'homme au Sahara occidental et de réfléchir au tour que la coopération pourrait prendre à l'avenir pour protéger efficacement les droits fondamentaux de tous. La MINURSO a fourni un soutien logistique au cours de cette mission.

66. À Laayoune et à Dakhla, la délégation du Haut-Commissariat s'est entretenue avec de nombreux interlocuteurs, parmi lesquels des représentants des autorités locales et de la société civile, ainsi que des victimes de violations des droits de l'homme et leurs proches et d'anciens prisonniers du Front Polisario. Même si la délégation a été autorisée à rencontrer les interlocuteurs de son choix, comme convenu avec le Gouvernement marocain, ses réunions avec les membres de la société civile et les victimes ont été surveillées et plusieurs actes de représailles signalés. Afin de mieux évaluer les mécanismes de protection existants, la délégation s'est également entretenue avec des représentants des bureaux du Conseil national des droits de l'homme de Laayoune et de Dakhla afin de recueillir leurs vues sur les besoins et les lacunes en matière de protection des droits de l'homme au niveau local et sur l'aide que le Haut-Commissariat pourrait apporter pour y remédier et renforcer les capacités existantes. La délégation a réuni des informations sur différentes violations présumées des droits de l'homme. Elle a aussi été informée des projets présents et futurs touchant aux domaines économique, social et culturel au Sahara occidental et a pu observer de près certains d'entre eux à Laayoune et à Dakhla.

67. Au cours de la période considérée dans le rapport, le Gouvernement marocain a adressé des invitations à quatre titulaires de mandat au titre d'une procédure spéciale du Conseil des droits de l'homme, qui viennent s'ajouter à celles des années précédentes. La Rapporteuse spéciale sur le droit à l'alimentation et l'Experte indépendante sur les droits de l'homme et la solidarité internationale ont effectué deux missions à Dakhla le 10 octobre 2015 et les 19 et 20 janvier 2016, respectivement. Les dates de la visite de suivi du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont à l'examen.

68. Selon plusieurs sources, les autorités marocaines ont continué à empêcher ou à disperser systématiquement les rassemblements liés au droit à l'autodétermination, aux politiques de l'emploi discriminatoires et à d'autres questions socioéconomiques au cours de la période considérée. Selon elles, les forces de l'ordre marocaines ont également bloqué l'accès aux manifestations et souvent fait un usage excessif ou injustifié de la force en réprimant les manifestations, y compris durant la mission du Haut-Commissariat. Dans plusieurs cas, des manifestants et des militants auraient fait l'objet d'arrestations arbitraires et de procès inéquitables et auraient été condamnés à des peines de prison sur la base de chefs d'accusation visiblement fabriqués de toutes pièces, uniquement parce qu'ils avaient exercé leur droit à la liberté d'expression ou de réunion pacifique. Des groupes locaux de défense des droits de l'homme ont signalé que certaines personnes qui avaient été blessées lors des manifestations se sont vu refuser un traitement médical ou des services sanitaires, ou n'y ont pas eu un accès équitable et rapide. D'autres ont renoncé à obtenir une assistance médicale dans les hôpitaux par crainte de représailles des services de sécurité sur les lieux. Pourtant, selon les autorités marocaines, le droit de réunion est garanti par la loi pour tous les organismes reconnus, sauf en cas d'infraction à la loi ou si le rassemblement est considéré comme un trouble à l'ordre public. Elles ont ajouté qu'un grand nombre de manifestations ont ainsi eu lieu sans incident au cours de la période considérée.

69. Le 12 janvier 2016, au moins 19 Sahraouis membres de l'Association sahraouie des diplômés sans emploi auraient entamé une grève de la faim, qui a duré près de deux semaines, pour protester contre la discrimination économique et sociale et demander l'égalité d'accès à l'emploi. Les forces de sécurité auraient encerclé le bâtiment où se trouvait le groupe et empêché leurs proches et leurs amis de leur rendre visite, restreignant ainsi l'accès à l'eau des grévistes, ce qui a considérablement détérioré la santé de la majorité d'entre eux. Le 23 janvier, l'électricité aurait été coupée dans le bâtiment afin de les forcer à mettre fin à la grève. Le 26 janvier, le Haut-Commissariat a envoyé une note verbale à la Mission permanente du Maroc auprès de l'Organisation des Nations Unies à Genève pour obtenir des informations sur ces faits et sur les mesures prises par le Maroc pour répondre aux revendications du groupe. Le 30 mars, la Mission permanente a répondu qu'une commission multidisciplinaire avait rendu visite au groupe et que les médecins présents avaient rapporté que la grève de la faim était feinte et que les grévistes avaient mangé au cours de la visite. La Mission a également fait observer dans sa réponse que chaque fois qu'un gréviste feignait de perdre connaissance, il était évacué vers un hôpital pour y recevoir des soins.

70. Les 21 Sahraouis appartenant au groupe du camp de protestation de Gdeim Izik purgent toujours des peines de prison allant jusqu'à la réclusion à vie après leur condamnation par un tribunal militaire en 2013 |1|. Le nouveau Code de justice militaire (projet de loi nº 108-13), entré en vigueur en juillet 2015, a mis fin aux procès de civils par des tribunaux militaires, mais ce groupe n'a pas pu bénéficier rétroactivement de décision et la Cour de cassation ne s'est pas encore prononcée sur le recours qu'il avait formé contre le verdict. Des actes de torture et des mauvais traitements continuent à être signalés dans les lieux de détention et sont notamment liés à la surpopulation et à l'accès limité aux soins médicaux. Dans une lettre qu'il m'a adressée le 16 février 2016, le Représentant permanent a confirmé qu'il avait été décidé de désigner le Conseil national des droits de l'homme mécanisme national de prévention chargé d'inspecter les lieux de détention, conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, sous réserve de l'approbation du Parlement.

71. Plusieurs groupes sahraouis de défense des droits de l'homme qui avaient demandé à être reconnus officiellement par les autorités marocaines n'ont pas obtenu de statut juridique au cours de la période considérée. Les autorités marocaines ont continué à harceler les défenseurs des droits de l'homme et les militants sahraouis. Des restrictions injustifiées auraient été imposées à ceux d'entre eux qui cherchaient à entrer dans la zone située à l'ouest du mur de sable ou à en sortir, ce qui constitue une limitation de leur liberté de circulation. Selon les autorités marocaines, 34 943 étrangers venus de plus de 120 pays se sont rendus dans cette zone au cours de la période à l'examen, notamment des organisations de défense des droits de l'homme, des diplomates et des journalistes. Les autorités locales continueraient à limiter l'accès de certains étrangers - des journalistes, des défenseurs des droits de l'homme et des militants -, à en expulser certains et à en empêcher d'autres d'entrer.

72. Dans ses observations finales concernant le quatrième rapport périodique du Maroc, adoptées le 8 octobre 2015, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels du Conseil économique et social a salué l'adoption de plusieurs mesures favorisant l'exercice de droits économiques, sociaux et culturels par la population (E/C.12/MAR/CO/4, par. 4). Les informations disponibles indiquent toutefois que les Sahraouis sont toujours victimes de discrimination dans ce domaine. Le Comité a recommandé au Maroc de redoubler d'efforts, sous l'égide des Nations Unies, pour trouver une solution à la question du droit à l'autodétermination du Sahara occidental [ibid., par. 6 a)], et de prendre des mesures qui permettraient aux Sahraouis d'exercer pleinement leurs droits économiques, sociaux et culturels. La Rapporteuse spéciale sur le droit à l'alimentation s'est rendue à Dakhla en octobre 2015 et a déclaré, dans son rapport, qu'elle avait constaté que d'importants efforts avaient été déployés pour développer l'infrastructure, nombre d'entre eux tirant parti de projets agricoles et de projets de pêche. Elle s'est également fait l'écho de certaines constatations et recommandations du Comité (voir A/HRC/31/51/Add.2, par. 56 à 60).

73. Les investissements marocains et internationaux au Sahara occidental et dans ses eaux territoriales font toujours l'objet d'un litige entre le Gouvernement marocain et le Front Polisario. Le 10 décembre 2015, le Tribunal de la Cour de justice européenne a rendu un arrêt dans l'affaire du Front Polisario contre le Conseil de l'Union européenne (affaire T-512/12) et statué en faveur du Front Polisario en annulant l'accord entre l'Union européenne et le Royaume du Maroc relatif aux produits agricoles, aux produits agricoles transformés, aux poissons et aux produits de la pêche, dans la mesure où il s'applique au Sahara occidental. Le Maroc a dénoncé cette décision qui est, selon lui, d'inspiration politique. Le 19 février, le Conseil de l'Union européenne a interjeté appel contre l'arrêt du Tribunal au motif que ce dernier s'était trompé en droit sur six points, notamment en concluant que le Front Polisario avait qualité pour agir devant la juridiction de l'Union européenne et qu'il était directement et individuellement concerné par la décision annulée (affaire C-104/16 P).

74. Les bureaux du Conseil national des droits de l'homme à Laayoune et à Dakhla ont continué à mener différentes activités, parmi lesquelles la surveillance des manifestations, l'organisation des activités de renforcement des capacités et la visite de lieux de détention et d'établissements médicaux. Ils ont aussi continué à établir des rapports et à adresser aux autorités compétentes des recommandations sur certaines questions relatives aux droits de l'homme. En 2015, le Conseil a reçu plus de 300 plaintes, dont la majorité concernait des allégations de violations des droits de l'homme par les forces de sécurité et les autorités locales, ainsi que les conditions de détention. Des progrès ont été constatés s'agissant du délai de réponse des autorités à ces plaintes mais, selon plusieurs sources, la majorité des mesures prises demeurent insuffisantes. Des affaires de disparitions forcées, que l'Instance équité et réconciliation a exclues pour raisons techniques ou qui se sont produites après la fin de son mandat, demeurent non résolues. Le Maroc a déclaré que le Conseil national des droits de l'homme avait été chargé de s'en occuper. Toutefois, selon différentes sources, le fait que les responsabilités soient mal établies et l'absence d'enquêtes dans les allégations de violations des droits de l'homme à l'encontre des Sahraouis sont restés des sources de préoccupation importantes durant la période à l'examen.

75. Conformément à un accord passé avec l'Algérie et le Front Polisario, le Haut-Commissariat a envoyé une mission technique dans les camps de réfugiés sahraouis situés près de Tindouf (Algérie), du 29 juillet au 4 août 2015. La mission, qui a été précédée de réunions avec de hauts responsables du Gouvernement à Alger, a permis au Haut-Commissariat d'obtenir des informations de première main, de mieux comprendre la situation et les défis en matière de droits de l'homme, et de réfléchir au tour que la coopération pourrait prendre à l'avenir pour protéger efficacement les droits fondamentaux de tous. La MINURSO a fourni un soutien logistique au cours de cette mission.

76. Avec la coopération du Front Polisario et des autorités algériennes, la délégation s'est rendue dans trois des cinq camps de réfugiés près de Tindouf : Auserd, Smara et Laayoune. Elle a pu s'entretenir avec différents interlocuteurs de son choix, dont des représentants du Front Polisario, du « Comité sahraoui pour les droits de l'homme » et de la société civile, et avec des personnes critiques à l'égard du Front Polisario. La délégation a aussi rencontré des réfugiés sahraouis, des victimes et des proches de victimes de disparitions forcées, sans aucune restriction.

77. Dans les camps de réfugiés, la délégation a constaté que beaucoup était fait, compte tenu du peu de ressources disponibles, pour garantir l'accès à l'éducation et aux soins de santé, l'administration de la justice et la préservation du patrimoine culturel. Les informations obtenues n'indiquaient pas que le Front Polisario se livre à des violations des droits de l'homme ni à des actes de violence systématiques. La situation humanitaire catastrophique associée à l'absence d'accès aux richesses et aux ressources naturelles à l'ouest du mur de sable empêchait les Sahraouis vivant dans les camps de jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

78. La « compétence » du « tribunal militaire » créé par le Front Polisario s'étendait jusqu'à présent aux enquêtes et au procès des personnes accusées « d'atteintes à la sécurité » jusqu'en 2012, date à laquelle une « décision » avait transféré certaines de ces infractions, y compris celles qui concernaient les drogues, des « tribunaux civils » aux « tribunaux militaires ». Dans mon précédent rapport, j'avais cité ce fait comme un motif de préoccupation (S/2015/246, par. 63). Le 16 août 2015, une « décision » limitant la « compétence » des « tribunaux militaires » aux « atteintes à la sécurité » a été rendue, mais elle ne s'applique pas rétroactivement aux affaires en cours. Parmi celles-ci se trouveraient plusieurs affaires dans lesquelles le « tribunal militaire » avait condamné des civils à des peines d'emprisonnement pour trafic de drogue le 14 septembre 2015

79. Les quelques groupes de défense des droits de l'homme existant dans les camps de réfugiés continuent à fonctionner librement, sans qu'aucune restriction ait été signalée. Toutefois, les demandes répétées de reconnaissance de son statut présentées par un groupe de défense des droits de l'homme luttant contre des pratiques d'esclavage et appelant à l'égalité de représentation dans les emplois publics pour les Sahraouis à la peau foncée étaient toujours en souffrance au 31 mars 2016. Durant la période à l'examen, le Front Polisario et les acteurs de la société civile se seraient employés ensemble à mettre fin à des pratiques d'esclavage et auraient résolu au moins 15 de ces affaires.

80. Au cours de la période considérée, des personnes ont continué à exprimer diverses opinions, individuellement ou collectivement, et à organiser de petites manifestations, et les quelques médias électroniques privés existant dans les camps ont continué à fonctionner et même à critiquer la direction et l'administration des camps. Les personnes sont toujours libres de circuler dans les cinq camps et aux alentours, y compris à Rabouni, même si les déplacements sont réglementés par les points de contrôle de sécurité installés par le Front Polisario et par un couvre -feu.

81. Le Front Polisario a continué à se dire prêt à participer à toutes les activités des Nations Unies liées aux droits de l'homme tout en insistant sur le fait que cette coopération ne devait pas se substituer à une composante droits de l'homme dans le mandat de la MINURSO. Le Maroc a déclaré à plusieurs reprises que le Haut-Commissariat devrait collaborer avec l'Algérie, pays hôte, pour s'occuper de la situation en matière de droits de l'homme dans les camps de réfugiés.

82. Au cours de mon entretien avec M. Abdelaziz, j'ai évoqué les affaires de trois jeunes femmes qui auraient été retenues contre leur gré par leur famille dans les camps de réfugiés à différentes périodes. M. Abdelaziz a promis d'accorder une attention particulière à ces affaires pour qu'elles soient résolues, tout en me rappelant que les procédures qui s'imposaient avaient été engagées.

VI. Union africaine

83. Avant que le Gouvernement du Maroc ne demande aux trois membres du personnel de l'Union africaine de quitter Laayoune, la MINURSO a poursuivi sa coopération avec la délégation d'observateurs de l'Union africaine, conduite par Yilma Tadesse (Éthiopie), et elle a continué à lui fournir un appui logistique et administratif en puisant dans ses ressources propres. Le 18 mars, la Présidente de la Commission de l'Union africaine a publié une déclaration dans laquelle elle a déploré que le Maroc ait décidé d'amputer le personnel de la MINURSO de certains de ses membres. Elle a également souligné qu'il importait de faire avancer le processus politique et elle a demandé à la communauté internationale d'appuyer sans réserve l'action des Nations Unies.

VII. Aspects financiers

84. Dans sa résolution 69/305, l'Assemblée générale a décidé d'ouvrir un crédit de 51,1 millions de dollars destiné à financer le fonctionnement de la MINURSO pour l'exercice allant du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016. Un projet de budget d'un montant de 54,3 millions de dollars aux fins du fonctionnement de la Mission pour la période allant du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017 (A/70/696) a été présenté par le Secrétariat à l'Assemblée pour examen durant la seconde partie de la reprise de sa soixante-dixième session. Il convient de noter que le montant proposé est fondé sur le mandat en cours et les attributions de la Mission.

85. Au 31 mars 2016, le montant des contributions non versées au compte spécial de la Mission s'élevait à 47,9 millions de dollars. À la même date, le montant total des contributions non acquittées pour l'ensemble des opérations de maintien de la paix atteignait 2 593,6 millions de dollars.

86. Les remboursements au titre des contingents ont été effectués pour la période allant jusqu'au 31 juillet 2014. Entre le 1er juillet et le 31 décembre 2015, des versements partiels ont été faits pour rembourser les dépenses afférentes au matériel appartenant aux contingents pour une période de six mois.

VIII. Observations et recommandations

87. La situation, à savoir l'absence de progrès sur la voie d'une solution du différend relatif au statut du Sahara occidental, étant inchangée depuis mon dernier rapport, l'action que mène l'ONU par l'intermédiaire de mon Envoyé personnel et de la MINURSO garde tout son sens.

88. Tant la montée des frustrations chez les Sahraouis que le développement des réseaux criminels et extrémistes dans la région sahélo-saharienne contribuent à accroître les risques qui pèsent sur la stabilité et la sécurité de tous les pays de la région. Un règlement du conflit au Sahara occidental réduirait ces risques potentiels et favoriserait la coopération et l'intégration régionales, ce qui permettrait respectivement de faire face aux menaces communes et d'ouvrir plus de possibilités sur le plan économique.

89. Comme je l'ai instamment demandé lors de ma visite dans la région, il est crucial d'accomplir des progrès au plus tôt afin de remédier à la situation humanitaire désastreuse qui perdure depuis bien trop longtemps. À cet égard, je continue de regretter que le processus politique entamé en avril 2007 n'ait toujours pas ouvert la voie à de véritables négociations, comme le Conseil de sécurité et moi-même en avons exprimé le souhait à maintes reprises.

90. La principale difficulté réside dans le fait que chaque partie vient à la table des négociations avec une vision différente de la situation. Le Maroc considère que le Sahara occidental fait déjà partie du territoire national et que les négociations ne peuvent porter que sur sa proposition de statut autonome sous souveraineté marocaine, étant entendu que l'Algérie doit prendre part à ces négociations. Le Front Polisario estime que le statut définitif du Sahara occidental reste à déterminer, que le dernier mot doit revenir à la population autochtone dans le cadre d'un référendum où l'indépendance serait un choix possible, que toutes les propositions et idées avancées par l'une quelconque des parties doivent être débattues et que seuls le Maroc et lui-même doivent participer aux négociations.

91. Il est temps de s'engager dans de sérieuses négociations, sans conditions préalables et de bonne foi, afin de parvenir à une solution politique mutuellement acceptable qui permette l'autodétermination du peuple du Sahara occidental (voir résolution 2218 (2015) du Conseil de sécurité, par. 7). Cette solution politique doit régler le différend relatif au statut du Sahara occidental et comporter un accord sur la nature de l'autodétermination et la forme qu'elle prendra. Les négociations doivent prendre en compte les propositions et idées des deux parties. En tant que pays voisins, l'Algérie et la Mauritanie peuvent et doivent prêter un important concours à ce processus. À cette fin, j'ai demandé à mon Envoyé personnel de redoubler d'efforts auprès de toutes les parties.

92. Le Conseil de sécurité a créé la MINURSO pour surveiller le cessez-le-feu entre les parties, pour maintenir le statu quo militaire et, sous réserve de l'accord des parties, pour organiser un référendum d'autodétermination. Comme toute autre opération de maintien de la paix des Nations Unies, la MINURSO rend compte au Secrétariat, au Conseil et à mon Envoyé personnel des faits nouveaux intervenant au niveau local qui ont des incidences directes ou indirectes dans sa zone d'opérations, notamment eu égard au maintien du cessez-le-feu et aux facteurs pouvant nuire au processus de paix facilité par mon Envoyé personnel, à savoir la conjoncture politique et les conditions de sécurité.

93. Sans une composante civile internationale appropriée et au complet, la MINURSO ne peut pas s'acquitter de l'une de ses fonctions clefs et donc répondre aux attentes du Conseil de sécurité. Au moment de l'élaboration de ce rapport, l'expulsion de la plupart des membres du personnel international de la composante civile de la MINURSO avait eu pour principale conséquence de compromettre de facto l'exécution du mandat de la Mission, une situation que les terroristes et les éléments radicaux ne manqueront vraisemblablement pas d'exploiter. Même avec une présence réduite du personnel civil d'appui recruté sur le plan international, les activités militaires ne pourront être maintenues à moyen et à long terme, car les composantes civile et militaire sont indissociables. Ce sont certes les militaires qui sont chargés de créer sur le terrain des conditions propices à l'avancée du processus politique, mais tout repose sur le bon fonctionnement de la composante civile. Au-delà des conséquences graves qui découlent de cette situation sur le plan opérationnel, la Mission ne peut rester dans l'incapacité de s'acquitter des tâches prescrites, ce qui aura à court et moyen terme d'importantes répercussions sur la stabilité de la région et la crédibilité du Conseil de sécurité, des opérations de maintien de la paix des Nations Unies et des missions politiques dans leur ensemble.

94. Je suis profondément inquiet du fait que les conditions de sécurité dans la zone d'opérations de la MINURSO vont probablement continuer de se dégrader et accentuer les difficultés que la Mission rencontre pour surveiller le cessez-le-feu. Avant l'actuelle crise, la MINURSO s'était efforcée de revoir les dispositions qu'elle avait prises en matière de logistique et de sécurité de façon à s'adapter par anticipation à une éventuelle évolution de la situation, ce qu'elle fait actuellement avec des ressources et des capacités limitées. Je recommande en premier lieu, dans l'attente d'une évaluation complète des besoins d'appui de la Mission, que le Conseil approuve le déploiement de 14 nouveaux membres du personnel de santé militaire (voir par. 37).

95. Je demande au Conseil de sécurité de rétablir et de renforcer la MINURSO dans le rôle qui lui a été assigné, de défendre les règles du maintien de la paix et l'impartialité de l'ONU et, encore plus important, d'éviter de créer un précédent pour les opérations de maintien de la paix déployées partout dans le monde. Par sa présence et son bon fonctionnement, la Mission contribue de manière essentielle au respect du cessez-le-feu par les parties : elle sert de dispositif d'application des résolutions successives du Conseil et incarne la détermination de la communauté internationale à parvenir à un règlement du conflit. Comme toute mission de maintien de la paix, la MINURSO doit pouvoir nouer des contacts avec les différents secteurs et membres de la société et j'espère à cet égard que les restrictions qui pèsent encore sur « sa liberté d'interaction avec tous ses interlocuteurs » mentionnée dans toutes les résolutions du Conseil sur le sujet depuis 2012 seront levées.

96. Le risque de rupture du cessez-le-feu et de reprise des hostilités et le danger d'une escalade vers une guerre à proprement parler qui lui est inhérent s'accroîtront considérablement si la MINURSO est forcée de partir ou se retrouve dans l'incapacité de remplir le mandat fixé par le Conseil de sécurité. Dans ce contexte et au vu des efforts que continue de déployer mon Envoyé personnel et de l'importance que continue de revêtir la Mission, je recommande au Conseil de sécurité de proroger le mandat de celle -ci de 12 mois, jusqu'au 30 avril 2017.

97. Ainsi que je l'ai constaté avec une vive préoccupation lors de ma visite dans un camp de réfugiés situé près de Tindouf, les programmes d'aide aux réfugiés sont en manque chronique de financement et la situation humanitaire a continué de se dégrader, en particulier sous l'effet des pluies torrentielles et des inondations survenues à la fin de 2015. Si cette catastrophe naturelle d'une ampleur exceptionnelle a permis d'attirer l'attention sur le sort tragique des réfugiés au Sahara occidental, une fois que l'élan de générosité sera retombé, il est probable que la démobilisation des donateurs et la baisse des budgets alloués à l'action humanitaire redeviennent les principaux obstacles à la fourniture de l'aide.

98. J'exhorte la communauté internationale à continuer d'appuyer ce programme humanitaire d'une importance vitale et à augmenter sa contribution financière. À cet égard, je note avec satisfaction que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés organise une réunion d'information et demande aux pays donateurs de soutenir sans réserve son action et ses initiatives et celles de ses partenaires, l'objectif étant d'obtenir davantage de fonds pour financer l'aide aux réfugiés sans perdre de vue que, de toutes les situations auxquelles le Haut-Commissariat s'efforce de remédier, celle-ci est la plus ancienne. Je réitère également mon appel à continuer d'envisager la possibilité d'enregistrer les réfugiés des camps proches de Tindouf et à tout mettre en œuvre pour mener à bien cette tâche.

99. Je demeure préoccupé par le fait que le programme de mesures de confiance reste suspendu et suis en empathie avec les familles séparées depuis si longtemps. J'encourage les parties à dialoguer davantage avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés sur la possibilité de rétablir ce programme humanitaire important pour la population du Sahara occidental.

100. Il reste crucial de combler les lacunes en matière de protection des droits de l'homme et de régler les problèmes sous-jacents typiques des conflits de longue durée comme celui qui sévit au Sahara occidental. Les droits de l'homme ne connaissent pas de frontières et aucune partie n'est exempte du devoir de respecter les droits fondamentaux de chacun. J'engage donc vivement les parties à respecter et à promouvoir les droits de l'homme, notamment en réglant les questions en suspens dans ce domaine et en renforçant leur coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et les divers mécanismes relatifs aux droits de l'homme de l'ONU.

101. Je salue la coopération des parties avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme à l'occasion des visites effectuées par ses représentants au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés en 2015. Je prends note également des invitations faites par le Maroc aux titulaires de mandat au titre d'une procédure spéciale du Conseil des droits de l'homme et de sa coopération avec eux. Je me félicite qu'il ait été confirmé que le Conseil national des droits de l'homme a été désigné en tant que mécanisme national de prévention indépendant, comme le prévoit le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et je souhaite vivement que les formalités législatives nécessaires soient achevées dans les meilleurs délais. J'accueille également avec satisfaction la volonté affichée par le Front Polisario, qui s'est déclaré prêt à coopérer avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, ainsi que ses modifications de la compétence des « tribunaux militaires » présents dans les camps de réfugiés, qui vont dans le bons sens.

102. J'appelle à un engagement plus ferme en faveur des droits de l'homme au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés par le soutien aux entités qui œuvrent sur place au respect des droits fondamentaux et par la fourniture d'un surcroît d'aide humanitaire dans les camps. Des violations des droits de l'homme continuant d'être signalées, il est nécessaire d'appréhender la situation, à la fois au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés, de manière indépendante et impartiale dans le cadre d'une coopération suivie avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et les autres organes chargés des droits de l'homme, l'objectif étant de garantir la protection de tous. Cela contribuerait non seulement à l'application effective et intégrale par les parties du droit international des droits de l'homme et des normes existant en la matière, mais aussi à la création d'un environnement propice au processus de négociation.

103. Au vu de l'intérêt que continuent de susciter les ressources naturelles du Sahara occidental, il est bon de rappeler à tous les acteurs concernés que, conformément à l'Article 73 de la Charte des Nations Unies, il leur faut reconnaître « le principe de la primauté des intérêts des habitants de ces territoires ».

104. En définitive, ce qu'il importe de souligner avec le plus de force c'est que le conflit au Sahara occidental et les déchirantes souffrances humaines qui en découlent doivent cesser pour assurer le bien-être de la population sahraouie ainsi que la stabilité et la sécurité, dans la région de l'Afrique du Nord et au-delà. En 2007, le Conseil de sécurité a demandé aux parties de négocier une solution, ce qu'elles n'ont pas réussi à faire en neuf ans. Il est plus que jamais urgent qu'elles entament un authentique dialogue et que la communauté internationale prête son entière assistance à ces pourparlers.

105. Pour conclure, je tiens à remercier mon Envoyé personnel pour le Sahara occidental, Christopher Ross, des efforts qu'il a inlassablement déployés pour maintenir le dialogue avec les parties et les États voisins dans notre recherche collective d'un règlement du conflit. Je suis également reconnaissant à Kim Bolduc, ma Représentante spéciale pour le Sahara occidental et Chef de la MINURSO, pour sa direction exemplaire. J'exprime à ces deux hauts fonctionnaires internationaux, très investis dans leur fonction, mon total soutien et ma gratitude pour le travail qu'ils accomplissent dans un contexte politique particulièrement difficile. Je remercie en outre le général de division Tayyab Azam ainsi que son prédécesseur, le général de division Edy Mulyono, de s'être acquittés de leurs responsabilités avec dévouement et compétence. Enfin, je remercie aussi les hommes et les femmes de la MINURSO qui, dans des circonstances difficiles, s'appliquent à remplir le mandat de la Mission.


Annexe

Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental

État des contributions au 31 mars 2016

Pays Observateurs militairesª Contingentsª Police civileb Total
Allemagne 4 0 0 4
Argentine 3 0 0 3
Autriche 5 0 0 5
Bangladesh 8 20 0 28
Bhoutan 2 0 2
Brésil 10 0 0 10
Chine 7 0 0 7
Croatie 7 0 0 7
Djibouti 1 0 1
Égypte 20 0 0 20
El Salvador 3 0 0 3
Fédération de Russie 14 0 0 14
France 6 0 0 6
Ghana 10 7 0 17
Guinée 4 0 0 4
Honduras 13 0 0 13
Hongrie 6 0 0 6
Inde 3 0 0 3
Indonésie 5 0 0 5
Irlande 3 0 0 3
Jordanie 0 0 0 0
Kazakhstan 5 0 0 5
Malaisie 12 0 0 12
Malawi 3 0 0 3
Mexique 4 0 4
Mongolie 4 0 0 4
Népal 5 0 0 5
Nigéria 3 0 0 3
Pakistan 14 0 0 14
Pologne 1 0 0 1
République de Corée 4 0 0 4
Sri Lanka 3 0 0 3
Suisse 1 0 0 1
Togo 2 0 0 2
Yémen 10 0 0 10
Total 205 27 0 232c

a L'effectif militaire autorisé est de 246, y compris le commandant de la force.
b L'effectif autorisé est de 12.
c Effectif présent sur le terrain (contingents, police civile et commandant de la force).


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Notes :

** Deuxième nouveau tirage pour raisons techniques (27 avril 2016). [Retour]

1. Voir S/2013/220, par. 14, 81 et 82, S/2014/258, par. 81, et S/2015/246, par. 57. [Retour]


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