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Troisième rapport sur la mise en œuvre de la résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité par les États touchés par les combattants terroristes


Haut de page

Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2015/975

Distr. générale
29 décembre 2015
Français
Original : anglais

Lettre datée du 15 décembre 2015, adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par la Présidente du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1373 (2001) concernant la lutte antiterroriste

Au nom du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1373 (2001) concernant la lutte antiterroriste, j'ai l'honneur de présenter au Conseil le troisième rapport sur la mise en œuvre de la résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité par les États touchés par les combattants terroristes étrangers (voir annexe).

Le Comité vous serait reconnaissant de bien vouloir porter le texte de la présente lettre et de son annexe à l'attention des membres du Conseil de sécurité et de le faire distribuer comme document du Conseil.

La Présidente du Comité du Conseil de sécurité
créé par la résolution 1373 (2001)
concernant la lutte antiterroriste
(Signé) Raimonda Murmokaitè


Annexe

Mise en œuvre de la résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité par les États touchés par les combattants terroristes

Troisième rapport

Résumé

1. Introduction

Le présent rapport est le troisième d'une série établie par la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme en application du paragraphe 24 de la résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité afin d'aider le Comité à identifier les principales insuffisances dans la capacité des États de mettre en œuvre les résolutions 1373 (2001) et 1624 (2005) qui pourraient les empêcher d'endiguer le flot de combattants terroristes étrangers, ainsi qu'à recenser les bonnes pratiques mises en œuvre pour appliquer ces résolutions et faciliter l'octroi d'une assistance technique dans ce domaine. Le premier rapport (S/2015/338, annexe) a suivi une approche thématique. Le deuxième rapport (S/2015/683, annexe) a suivi une approche régionale et analysé les efforts déployés par 32 États d'Asie centrale, du Maghreb, d'Afrique de l'Est/de la Corne de l'Afrique, d'Europe occidentale et de la région Océanie/Amériques. Le présent rapport s'intéresse à sept autres régions (Bassin du Lac Tchad, Afrique de l'Ouest/Sahel, États situés dans les zones de conflit au Moyen-Orient, ou à proximité, Asie du Sud, Asie du Sud-Est, Caucase du Sud et Europe du Sud-Est) et contient des recommandations de portée régionale et à caractère thématique destinées à renforcer l'action des États face à la menace que représentent les combattants terroristes étrangers.

2. Dispositions de la résolution 2178 (2014) relatives à la qualification des infractions pénales

L'absence de législation pénale relative aux poursuites contre les combattants terroristes étrangers reste une lacune majeure. Les États sont peu nombreux à avoir suffisamment qualifié les infractions pénales pour que puissent être poursuivis les auteurs d'actes préparatoires ou accessoires en rapport avec des combattants terroristes étrangers. Beaucoup s'en remettent à la législation en place pour faire face au phénomène des combattants terroristes étrangers, et cette législation peut s'avérer insuffisante pour prévenir les déplacements de ces derniers. Dans la plupart des États, les poursuites sont hypothéquées par les difficultés rencontrées lorsqu'il s'agit de collecter à l'étranger, en particulier dans les zones de conflit, des éléments de preuve recevables, ou de transformer des données de renseignement en éléments de preuve à charge admissible contre des combattants terroristes étrangers. Plusieurs États éprouvent des difficultés à produire des éléments de preuve recevables ou à transformer des données de renseignements en éléments de preuve recevables sur la base d'informations obtenues au moyen des TIC, notamment les médias sociaux. Les enquêtes et les poursuites préventives concernant des personnes soupçonnées d'être des combattants terroristes étrangers constituent une gageure supplémentaire pour toutes les régions, compte tenu en particulier des préoccupations liées au respect de la procédure régulière et des droits de l'homme. De nombreux États continuent d'éprouver des difficultés à déterminer les mesures à prendre face à la menace potentielle que représentent certaines catégories de voyageurs et de rapatriés.

3. Répression et prévention des déplacements de combattants terroristes étrangers entre États

L'échange d'informations et la coopération et la coordination interinstitutions sont insuffisants dans plusieurs régions, ce qui reste un obstacle majeur à l'interception réussie des combattants terroristes étrangers. Tous les États bénéficieraient de l'intensification de l'échange d'informations de source policière et de la coopération et de la coordination interinstitutions. Bien des organismes de répression n'ont pas les moyens techniques d'enquêter sur les affaires de terrorisme dans le respect de l'état de droit et des obligations internationales relatives aux droits de l'homme. Les organismes publics et les secteurs de la police et des technologies de l'information et de la communication doivent agir en concertation pour enrayer le phénomène des combattants terroristes étrangers. Les États ont amélioré la surveillance des mouvements transfrontières des combattants terroristes étrangers mais beaucoup ne disposent pas des capacités techniques et opérationnelles nécessaires pour contrôler efficacement les frontières et la délivrance des papiers d'identité et documents de voyage et ainsi identifier les combattants terroristes étrangers et les empêcher de se déplacer. La longueur et la porosité des frontières et l'insuffisance des contrôles en matière d'immigration et de visas s'ajoutent aux obstacles. Très peu d'États ont pleinement accès aux bases de données de l'Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL). Peu d'États utilisent actuellement les systèmes de renseignements préalables concernant les voyageurs ou les dossiers passagers, lesquels sont des outils efficaces fondés sur les risques permettant d'identifier des combattants terroristes étrangers en puissance. Les États devraient continuer de s'employer à adopter des stratégies globales et novatrices pour endiguer efficacement le flot de combattants terroristes étrangers conformément à la résolution 2178 (2014).

4. Lutte contre le financement du terrorisme

Les efforts visant à tarir les sources de financement du terrorisme restent lacunaires à plusieurs égards. Les États de toutes les régions devraient renforcer leurs régimes nationaux de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. De nombreux États continuent d'éprouver des difficultés à engager des enquêtes et des poursuites visant le financement d'organisations terroristes et de combattants terroristes étrangers présumés, et peu d'États ont pris les mesures juridiques, institutionnelles et administratives nécessaires pour interdire et réprimer le financement des combattants terroristes étrangers, y compris aux fins de leurs déplacements et activités connexes. De nombreux États ont prononcé seulement quelques condamnations pour infraction de financement du terrorisme, voire aucune.

5. Lutte contre l'incitation et l'extrémisme violent conduisant au terrorisme

La plupart des États ont déterminé que la nécessité d'éliminer les facteurs propices à la propagation du terrorisme s'inscrit dans une approche globale de la lutte contre la menace terroriste. Les États de toutes les régions ont mis en place un certain nombre d'outils destinés à venir compléter les mesures de répression classiques pour lutter contre l'extrémisme violent et la radicalisation menant au terrorisme, y compris des stratégies de réhabilitation et de réinsertion, l'élaboration d'un contre-discours et la promotion de la tolérance culturelle et religieuse. Bien que la nécessité d'associer la société civile à l'action contre l'extrémisme violent soit de plus en plus largement reconnue, les possibilités en la matière demeurent limitées dans plusieurs régions. Très peu d'États ont adopté des stratégies globales de lutte contre l'extrémisme violent. Certains ont intégré dans leur action contre le terrorisme des mesures de surveillance de la propagation de l'extrémisme violent par le biais d'Internet. Pour la plupart des régions, la prévention de l'utilisation d'Internet à des fins terroristes demeure toutefois extrêmement difficile.

Table des matières

I. Introduction

II. Combattants terroristes étrangers : problèmes, tendances et faits nouveaux

III. Analyse de la situation dans la région

IV. Recommandations de portée mondiale

V. Recommandations de portée régionale

Pièce jointe

Méthodologie


I. Introduction

1. Le présent rapport est le troisième d'une série élaborée par la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme en application du paragraphe 24 de la résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité, dans le but d'appuyer les travaux du Comité qui visent à détecter, dans la capacité qu'ont les États Membres d'appliquer ses résolutions 1373 (2001) et 1624 (2005), les principales insuffisances qui pourraient les empêcher d'endiguer le flot de combattants terroristes étrangers, de recenser les bonnes pratiques à cet égard et de faciliter la mise à disposition d'une assistance technique.

2. Le rapport couvre sept régions touchées : le bassin du lac Tchad, l'Afrique de l'Ouest/le Sahel, les États qui se trouvent au cœur ou dans le voisinage des zones de conflit du Moyen-Orient, l'Asie du Sud, l'Asie du Sud-Est, le Caucase du Sud et l'Europe du Sud-Est. Il reprend l'approche axée sur les risques, retenue pour l'examen de l'application de la résolution 2178 (2014) par les États Membres, et aborde les thèmes intéressant l'ensemble des régions en question, mais aussi les enjeux propres à l'une ou l'autre d'entre elles.

3. L'approche axée sur les risques permet d'adapter les modalités du renforcement des capacités à la perception par chaque État de ses propres besoins. Du fait que les États touchés par le phénomène des combattants terroristes étrangers sont très divers (en termes de taille et de population) et que les menaces associées à ces combattants varient d'un État à l'autre, tout comme les capacités existantes et les vulnérabilités, il n'existe pas de solution toute faite en la matière. Les États devraient élaborer une stratégie de lutte contre le danger que présentent les combattants terroristes étrangers en se fondant sur leurs propres préoccupations en matière de sécurité, plutôt que sur un modèle unique dont l'efficacité pourrait être limitée dans leur cas particulier.

4. Le rapport contient également des recommandations régionales et thématiques tendant à renforcer l'action menée par les États Membres pour contrer la menace posée par les combattants terroristes étrangers. Il porte essentiellement sur les sept régions susmentionnées et vient ainsi compléter l'analyse de la situation par région entamée dans le deuxième rapport (S/2015/683, annexe). Des notes sur la méthode employée sont jointes à l'annexe du présent rapport.

II. Combattants terroristes étrangers : problèmes, tendances et faits nouveaux

A. Combattants terroristes étrangers qui retournent dans leur pays de départ

1. Identification

5. Les combattants terroristes étrangers ont par définition un État d'origine, qu'ils sont ou non susceptibles de regagner un jour. L'élaboration de mesures propres à gérer comme il convient le retour de ces combattants est un défi de longue haleine pour les États d'origine |1|. La Direction exécutive continuera de suivre les efforts qu'ils déploient à cette fin.

6. La perspective de voir des combattants terroristes étrangers revenir des champs de bataille de République arabe syrienne, d'Iraq et d'autres zones de conflit est une préoccupation majeure pour beaucoup d'États d'origine (États de nationalité ou de résidence habituelle). Bien qu'on dispose de peu de données sur le nombre de ces combattants qui reviennent dans leur pays de départ, certains États ont indiqué avoir enregistré plusieurs centaines de retours. Même s'il semble que très rares soient les combattants qui se livrent à des activités terroristes après qu'ils sont rentrés, les attaques perpétrées par des hommes entraînés ont plus de chances de réussir et d'être meurtrières |2|. De plus, ceux qui suivent un entraînement auprès de groupes terroristes sont plus susceptibles de représenter une menace terroriste à leur retour que ceux qui prennent part à des combats |3|. Des groupes terroristes, notamment l'État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL), également connu sous le nom de Daech, le Front el -Nosra et d'autres cellules, filiales, groupes dissidents ou émanations d'Al-Qaida, ont établi des camps d'entraînement dans l'ensemble du Moyen-Orient, de la péninsule arabique, du Maghreb et du Sahel afin de recruter et de former des combattants terroristes étrangers (voir S/2015/441). Les vétérans de ces camps sont à même de mettre à profit les nouvelles compétences et l'expérience du combat qu'ils ont acquises pour mener des activités terroristes une fois revenus dans leur État d'origine |4|.

7. Les combattants terroristes étrangers qui retournent dans leur pays de départ sont susceptibles non seulement de préparer et de commettre des actes de terrorisme, mais aussi de prêter leur concours à d'autres activités terroristes (par exemple en recrutant pour le compte d'organisations terroristes ou en incitant des individus à commettre des actes de terrorisme). Il arrive aussi qu'ils mettent en place de nouvelles cellules terroristes, fournissent des orientations ou une expertise opérationnelle, ou lèvent des fonds pour permettre à des terroristes de commettre des attentats ou de voyager |5|.

8. Les États Membres doivent par conséquent s'efforcer d'identifier les combattants de retour et de les répartir en catégories, en s'appuyant pour ce faire sur des données démographiques et en appréciant le rôle qu'ils jouaient dans l'organisation terroriste dont ils faisaient partie (recrutement, facilitation, combat, propagande ou soutien) et les raisons qui ont motivé leur départ, puis leur retour. Il s'agit d'une tâche complexe, mais les États devraient avoir recours à tous les moyens existants pour la mener à bien, notamment les renseignements biométriques de filtrage, une collecte de données assidue et des entretiens approfondis.

9. Il est encore plus difficile de déterminer si des personnes identifiées comme des combattants terroristes étrangers ont l'intention d'entreprendre de nouvelles actions terroristes une fois de retour dans leur pays d'origine. Les États devraient donc s'efforcer de mettre au point et de diffuser des modèles de risque. Lorsqu'ils savent comment évaluer le risque associé au retour d'un combattant, les gouvernements sont en mesure d'allouer les ressources voulues pour prévenir ou faire cesser ses activités terroristes ou pour faciliter sa réintégration dans la société.

10. Les États font face à la menace potentielle que constitue le retour des combattants terroristes étrangers en adoptant un large éventail de mesures dans les domaines de la justice pénale et de la gestion administrative, mais aussi en favorisant la réhabilitation et la réintégration. Sachant que toutes ces mesures ou presque nécessitent d'abondantes ressources, l'allocation de celles-ci serait optimisée si les modèles de risque existants étaient perfectionnés.

2. Mesures de justice pénale

11. La mise au point d'un mode d'action en matière de justice pénale fait intervenir un ensemble de questions complexes, à commencer par l'équilibre à trouver entre répression et prévention, la contribution des combattants de retour en tant que témoins prêts à collaborer, les difficultés posées par la collecte d'éléments de preuve sur les médias sociaux et dans les zones de conflit, et le rôle du procureur avant et après l'assignation d'une personne à un programme de réhabilitation.

12. Afin d'établir des stratégies de justice pénale qui soient efficaces et adaptées à chaque situation et de faciliter une évaluation judicieuse des risques posés par les diverses catégories de combattants revenus dans leur pays de départ, il est nécessaire d'approfondir les travaux de recherche menés jusqu'à présent et de partager les données d'expérience accumulées. Pour contrer la menace que font peser les combattants terroristes étrangers, il importe de prendre en compte tout l'éventail des crimes graves qu'ils ont pu commettre durant leurs voyages - crimes de guerre, crimes contre l'humanité et crimes sexistes. Il importe également de procéder à une évaluation initiale de chaque combattant afin de déterminer son degré de culpabilité et de prendre ainsi les mesures appropriées.

3. Mesures administratives

13. Certains États ont recours à des ordonnances de contrôle pour surveiller tel ou tel combattant de retour qui pourrait en venir à se livrer au terrorisme. Par exemple, les Gouvernements de la Malaisie et de Singapour ont élaboré des programmes efficaces visant à réhabiliter et à réintégrer dans la société certains détenus terroristes, qui font appel à la détention préventive ou à l'internement administratif et sont exécutés en coopération avec diverses organisations de la société civile. Les restrictions imposées au titre d'une ordonnance de contrôle peuvent porter sur les possessions, le lieu de travail, le lieu de résidence, les relations avec autrui et les voyages. La personne visée peut également être contrainte à rendre son passeport; se prêter à des visites inopinées de la police; se présenter devant des fonctionnaires à une heure et dans un lieu donnés; se soumettre à une surveillance électronique; rendre compte de ses transactions financières aux autorités. Ces ordonnances font généralement l'objet d'un contrôle rigoureux par les quelques États qui y ont recours. Les autres États qui décideraient d'utiliser des ordonnances de ce genre devraient également se doter d'instruments de contrôle. S'ils emploient de telles mesures pour appliquer la résolution 2178 (2014), les États doivent s'assurer qu'elles sont pleinement conformes au droit international, en particulier le droit international des droits de l'homme, le droit international des réfugiés et le droit international humanitaire.

4. Réhabilitation et réintégration

14. Les politiques et pratiques rigides en matière de poursuites à l'égard des combattants terroristes étrangers peuvent aller à l'encontre de la mise en œuvre efficace de stratégies globales de lutte contre ces combattants et l'extrémisme violent. Les États Membres devraient envisager des solutions de substitution à l'incarcération, selon qu'il convient, ainsi que la réhabilitation et la réintégration éventuelle des rapatriés, prisonniers et détenus dans un environnement professionnel et social positif.

15. Les prisons doivent faire l'objet d'une attention particulière car, en l'absence des garanties appropriées et nécessaires, elles peuvent être un sanctuaire où les terroristes sont à même de constituer des réseaux, de comparer et d'échanger des tactiques, de recruter et de radicaliser de nouveaux complices, voire de diriger l'exécution d'opérations meurtrières menées à l'extérieur. De plus, les extrémistes incarcérés seront un jour ou l'autre remis en liberté. Afin de limiter le risque de voir ces individus reprendre des activités terroristes après leur élargissement, il est essentiel de tout faire pour qu'ils y renoncent. L'environnement carcéral est propice à la promotion de l'extrémisme violent, mais il permet aussi de lutter préventivement contre le risque d'une radicalisation susceptible de conduire à la perpétration d'actes violents.

5. Mobilisation au niveau local

16. Dans sa résolution 2178 (2014), le Conseil de sécurité a encouragé les États Membres à faire participer les populations locales et les organisations non gouvernementales compétentes à l'élaboration de stratégies de lutte contre le discours extrémiste violent qui peut inciter à la commission d'actes de terrorisme, y compris en donnant voix au chapitre aux jeunes, aux familles, aux femmes, aux chefs religieux et culturels et aux responsables de l'éducation, ainsi qu'à tous les autres groupes de la société civile concernés. Des efforts plus soutenus dans ce domaine viendraient appuyer les initiatives menées par les États pour endiguer le flot de combattants terroristes étrangers sur le plan local.

17. Nombre d'États ont noué des partenariats efficaces avec des populations exposées pour permettre aux autorités compétentes d'identifier les combattants terroristes qui reviennent de l'étranger, d'évaluer avec exactitude les risques qu'ils présentent et d'empêcher que les personnes visées s'engagent de nouveau sur la voie de l'extrémisme.

18. Le cas échéant, les États peuvent envisager de recourir à des techniques d'accompagnement pour établir et maintenir la communication avec les familles des combattants susceptibles de regagner leur pays de départ, afin de créer un environnement accueillant pour ces derniers et de maintenir le contact avec eux à compter du moment où ils sont rentrés. C'est d'autant plus important que les familles jouent souvent un rôle crucial en persuadant le combattant de retour de renoncer à la violence et en favorisant sa réintégration |6|.

6. Rôle des pouvoirs locaux

19. Dans bien des États, l'ampleur sans précédent du phénomène des combattants terroristes étrangers a poussé à leurs limites les moyens dont disposent les organismes nationaux compétents pour exécuter leurs stratégies de lutte contre l'extrémisme violent. La participation des pouvoirs locaux à la mise en œuvre de ces stratégies présente de nombreux avantages, notamment dans la mesure où elle donne aux gouvernements la possibilité de mobiliser des ressources supplémentaires. Certains États ont élaboré des plans nationaux pour coordonner la contribution des villes et des municipalités aux efforts qui visent à empêcher que les combattants de retour s'engagent de nouveau dans des activités relevant de l'extrémisme violent. Il s'agit là d'une bonne pratique qui permet aux gouvernements de déployer des moyens accrus, de communiquer des informations sur d'autres bonnes pratiques et d'adopter une approche de terrain plus nuancée en matière de mobilisation locale.

7. Conclusions et recommandations

20. De nombreux États ont mis au point des méthodes innovantes pour traiter la question du retour des combattants terroristes étrangers. Ils devraient, lorsqu'il y a lieu de le faire, les partager avec la communauté internationale. Les approches globales et pluridisciplinaires peuvent nécessiter beaucoup de ressources; toutefois, il est essentiel d'élaborer des modèles de risque efficaces pour identifier les combattants qui pourraient, une fois revenus dans leur pays de départ, envisager de poursuivre leurs activités terroristes. De tels modèles servent non seulement à identifier les terroristes et à les traduire en justice, mais également à faciliter l'affectation de ressources à d'autres interventions utiles et soigneusement calibrées. Le tableau 1 donne à voir le nombre officiel de combattants terroristes étrangers originaires des États Membres les plus touchés par le phénomène.

Tableau 1
Nombre officiel de combattants terroristes étrangers originaires des États Membres les plus touchés

État Membre Nombre de combattants terroristes étrangers
Algérie 260
Allemagne 740
Australie 120
Azerbaïdjan 271
Belgique 180
Bosnie-Herzégovine 217
Canada Plus de 130
Danemark 115
États-Unis d'Amérique 180
Fédération de Russie 2 700
Finlande 40
France 500
Géorgie 41
Indonésie 50
Irlande 10
Italie 30
Kazakhstan 300
Koweït 71
Kirghizistan Plus de 350
Malaisie 60
Maldives 200
Maroc 1 200
Norvège 80
Ouzbékistan Entre 200 et 300
Pays-Bas 200
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord Entre 750 et 1 000
Serbie 18
Singapour 2
Tadjikistan 300
Trinité-et-Tobago 24
Tunisie Plus de 3 000
Turquie 1 300

Source : Les outils d'évaluation régulière de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et les réponses des États Membres. L'identification et l'analyse des caractéristiques des combattants terroristes étrangers seront d'autant plus précises que des éléments d'information complémentaires seront recueillis. Toutefois, le fait que les réponses fournies par les États Membres sont insuffisantes indique que la collecte de données demeure difficile.

Note : La liste des « États Membres les plus touchés » comprend les États d'origine, de transit et/ou de destination, ou des États situés au voisinage des zones de conflit armé dans lesquelles les combattants terroristes étrangers opèrent. Elle a été dressée à l'issue d'une concertation entre la Direction exécutive et les États Membres. Le nombre des États Membres présentés comme les plus touchés évolue d'un rapport à l'autre (S/2015/338 : 21 États; S/2015/683 : 32 États; S/2015/975 : 77 États).

B. Recrutement de femmes et de filles

1. Un phénomène qui va croissant

21. On sait que les femmes jouent depuis longtemps un rôle important dans les mouvements terroristes |7|. Néanmoins, le niveau actuel de leur participation à la commission d'actes de terrorisme et à l'extrémisme violent impose que ce phénomène soit examiné de beaucoup plus près à très brève échéance |8|. On estime à 550 le nombre de femmes originaires d'Europe qui se sont rendues dans les territoires contrôlés par l'EIIL. Dans certains pays occidentaux, les femmes représentent de 10 à 20 % des individus partis à l'étranger pour y mener des activités terroristes.

22. Les responsables politiques, entre autres, portent souvent sur les combattants terroristes étrangers un regard influencé par des stéréotypes sexistes profondément enracinés. On considère généralement que les femmes sont moins enclines que les hommes à se livrer au terrorisme. Cependant, les gouvernements sont de plus en plus conscients que les femmes terroristes sont tout aussi susceptibles de commettre des actes meurtriers que leurs congénères de sexe masculin. Au Nigéria, la fréquence et l'intensité des attentats-suicides impliquant des femmes et des filles ont sensiblement augmenté en 2015 |9| Dans ce pays et en République arabe syrienne, des brigades uniquement composées de femmes sont formées pour interroger, contrôler et surveiller d'autres femmes. Les Chabab ont publiquement appelé les parents à envoyer leurs filles non mariées combattre aux côtés des activistes de sexe masculin. Il est clair que les femmes ne devraient pas être considérées comme plus ou moins dangereuses que les hommes, ou plus ou moins portées qu'eux vers la paix, le dialogue et la réconciliation |10|.

23. Les principales causes de l'extrémisme violent et de la radicalisation conduisant au terrorisme sont multiples et varient en fonction du contexte. Les discours tenus et la propagande diffusée auprès des femmes, tout comme les itinéraires qu'elles suivent, leur sont propres, car elles n'assument pas les mêmes rôles que les hommes dans les groupes terroristes. Ces dernières années, le nombre des jeunes filles qui manifestent en ligne leur soutien à l'EIIL (baptisées « califettes ») a sensiblement augmenté, du fait que le groupe continue d'insister sur l'importance de leur contribution à l'établissement d'un « califat ».

24. Les groupes terroristes tels que l'EIIL, Boko Haram et les Chabab exploitent pleinement Internet et les médias sociaux pour diffuser leur idéologie, faire connaître leurs activités, lever des fonds et coordonner et mettre au point leurs opérations. Tout aussi inquiétante est la tendance récente à la multiplication des « recruteuses » qui radicalisent et enrôlent des jeunes femmes et des filles afin de leur confier des missions plus pragmatiques, telles que la production, la diffusion et la promotion de messages et d'images à caractère violent sur les médias sociaux |11|, ou le soutien actif à Boko Haram et à l'EIIL, qui peut prendre diverses formes (combattre, recruter, collecter des fonds, assurer la logistique, transmettre des messages ou espionner) . Le tableau 2 indique le pourcentage de femmes et de filles enregistré parmi les combattants terroristes étrangers, par État Membre.

Tableau 2
Pourcentage de femmes ou de filles parmi les combattants terroristes étrangers, par État Membre

État Membre Pourcentage de femmes ou de filles
parmi les combattants terroristes étrangers
Allemagne 10
Belgique 20
Bosnie-Herzégovine 17
États-Unis d'Amérique 15
Finlande 20
France 29
Géorgie 0,82
Kirghizistan 20
Malaisie 20
Norvège 30
Serbie 39
Trinité-et-Tobago 40

2. Mesures prises en réaction

25. Les services de renseignements et les services chargés du maintien de l'ordre doivent ajuster leur conception de la lutte antiterroriste afin de tenir compte de la nature et de l'ampleur actuelles de la participation des femmes. L'une des principales difficultés en la matière tient à la proportion élevée, parmi les femmes, de personnes plus jeunes et donc moins susceptibles d'être connues des fonctionnaires de police et du renseignement ou des agents chargés de la surveillance des frontières. Les États devraient adapter leurs stratégies en instaurant des formations à la sécurité à l'intention des femmes - qu'elles soient membres des forces de l'ordre ou de services gouvernementaux, voire simples citoyennes - de sorte qu'elles puissent jouer un rôle plus constructif dans l'élaboration des politiques et programmes de lutte contre le terrorisme. Plusieurs États ont renforcé la présence des femmes dans la police de proximité afin de faciliter la détection au niveau local des signes de radicalisation ou de préparatifs d'opérations terroristes. D'autres ont fait le choix de recruter davantage de femmes dans la police nationale.

26. Au Kenya, au Nigéria et au Pakistan, des organisations féminines encouragent le dialogue entre les religions, viennent en aide aux victimes du terrorisme et les aident à se réadapter à la vie sociale. En Iraq, des groupes féminins militent pour la modification des programmes scolaires afin qu'y soient abordés la promotion de l'état de droit, la prévention des conflits et la lutte contre l'extrémisme violent.

3. Conclusions et recommandations

27. Les États devraient former les fonctionnaires chargés du contrôle aux frontières et du maintien de l'ordre à des méthodes d'évaluation des risques fondée sur des données factuelles, qui prennent acte de ce que le fait d'interroger des femmes ou des filles présente des difficultés particulières et qui soient respectueuses des droits de l'homme et de l'état de droit. Ils devraient également recruter davantage de femmes dans leurs services de sécurité - notamment la police et les unités spécialisées dans la lutte contre le terrorisme - et sensibiliser ceux-ci aux problèmes spécifiques que posent les femmes qui pratiquent l'extrémisme violent.

28. Aux stades de l'élaboration, de l'exécution, du suivi et de l'évaluation des stratégies de lutte contre l'extrémisme violent, il convient de prendre en considération la problématique hommes-femmes et de consulter des femmes issues de la société civile et du secteur de la sécurité.

29. Les États devraient continuer de forger d'authentiques partenariats avec les organisations féminines locales, de recenser les organisations féminines et les militantes crédibles et de donner aux femmes les moyens de participer à la prise de décisions à tous les niveaux, afin qu'elles puissent contribuer à l'action menée pour prévenir et combattre le terrorisme.

30. Dans le cadre des contacts qu'ils entretiennent avec les médias afin d'opposer un contre-discours à la propagande extrémiste, les États devraient mettre en avant des femmes dont les vues font écho aux préoccupations de certains publics cibles et financer des initiatives qui permettent aux femmes, y compris d'anciennes militantes radicalisées, d'aborder la question de l'extrémisme violent et de ses conséquences dans des articles, des livres, des films et par l'intermédiaire d'autres supports de communication. Conformément au paragraphe 16 de la résolution 2178 (2014), ils devraient également faire en sorte que les femmes, notamment celles qui occupent des fonctions de responsable politique ou de dirigeante locale ou religieuse, ainsi que les groupes féminins issus de la société civile, soient mieux à même de collaborer avec les médias et de contribuer à l'élaboration de messages et de stratégies de communication visant à lutter contre la propagande et les comportements extrémistes.

C. Coopération internationale

1. Promouvoir la coopération

31. Depuis sa création, l'un des principaux objectifs du Comité contre le terrorisme est la promotion de la coopération internationale en matière pénale dans le but de traduire les terroristes en justice. L'émergence du phénomène des combattants terroristes étrangers rend encore plus nécessaire l'amélioration de cette coopération |12|. En effet, par définition, les affaires impliquant ces combattants contiennent des éléments transfrontières. Pour relever ce défi, tous les États devraient mettre à contribution les outils existants de façon plus systématique, plus diligente et plus productive. Ils pourraient également envisager, à plus long terme, l'élaboration collective de nouveaux outils qui rendent possible une coopération internationale plus étendue, plus rapide et plus efficace. Le Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention du terrorisme, adopté en mai 2015, est un exemple parmi d'autres d'une approche commune qui fonctionne.

2. Entraide judiciaire en matière pénale, notamment pour les extraditions

32. D'une manière générale, à l'échelle mondiale, l'entraide judiciaire est rarement sollicitée. Par ailleurs, le traitement des demandes est souvent lent et laborieux |13|. Les affaires concernant des combattants terroristes étrangers présentent des difficultés particulières. Pour les instruire, même les États qui disposent de moyens importants s'appuient principalement sur des éléments de preuve recueillis sur le plan national. Rares sont les États qui peuvent dépêcher des missions dans les zones de conflit pour y collecter des informations. Rares sont également ceux qui disposent d'une présence diplomatique dans ces zones. Le problème est aggravé par l'accroissement considérable de la demande de coopération aux fins de la centralisation des données et des éléments de preuve numériques recueillis sur Internet. Cela suppose souvent de coopérer avec le secteur privé.

33. Afin d'endiguer le flot de combattants terroristes étrangers vers les zones de conflit, les États devraient établir une autorité juridique et se doter de moyens pratiques pour arrêter et extrader les suspects. Les problèmes rencontrés dans les procédures d'extradition sont similaires à ceux qui se posent dans le cadre de l'entraide judiciaire. Toutefois, le nombre des traités portant sur l'entraide judiciaire auxquels les États Membres ont adhéré est inférieur à celui des traités et accords d'extradition. De plus, 38 % des États Membres n'ont pas encore désigné d'autorité centrale pour le traitement des demandes d'extradition. Seul un État sur trois est en mesure d'arrêter des fugitifs sur la foi des notices rouges d'INTERPOL, première étape des procédures d'extradition. D'une manière générale, il semble que la confiance mutuelle entre États soit limitée pour ce qui est de l'extradition de terroristes présumés.

34. Moins de la moitié des États Membres sont prêts à extrader leurs nationaux. Lorsqu'un État s'y refuse, il doit veiller à appliquer le principe aut dedere aut judicare (extrader ou juger) |14|. Cependant, il est extrêmement difficile d'obtenir la condamnation de combattants terroristes étrangers arrêtés quand l'ensemble des témoins et des éléments de preuve se trouve à l'étranger. Depuis quelque temps, les États Membres ont entrepris de modifier leur législation afin de rendre possible l'extradition de tous les citoyens, indépendamment de leur nationalité. On trouvera décrits ci-après d'autres substituts à l'extradition et l'utilisation qui en est faite dans le cadre des affaires impliquant des combattants terroristes étrangers.

3. Accords bilatéraux et multilatéraux

35. De telles affaires requièrent souvent une coopération interrégionale. Il n'est ni réaliste ni nécessaire pour quelque État que ce soit de conclure des accords d'entraide judiciaire détaillés avec tous les autres États Membres. Pour des raisons juridiques ou en raison de choix politiques, certains États s'interdisent de prendre part à des initiatives d'entraide judiciaire en l'absence d'accords de ce type. Les accords bilatéraux extrarégionaux de coopération en matière pénale sont rares. Cela peut poser problème lorsqu'une coopération s'impose entre les États d'origine, de transit et de destination, le principe de la double incrimination ne pouvant s'appliquer qu'une fois les éléments d'incrimination contenus dans les paragraphes pertinents de la résolution 2178 (2014) incorporés dans le droit interne. Toutefois, l'accord trouvé par le Maroc et l'Espagne constitue un bon exemple de coopération conjointe bilatérale extrarégionale.

4. Double incrimination et autres obstacles

36. Le principe de la double incrimination revêt une importance particulière dans les affaires concernant des combattants terroristes étrangers. Peu d'États Membres ont expressément érigé le voyage ou le financement de ces combattants en infraction pénale. Certains se fondent sur les dispositions juridiques existantes pour instruire les délits ou infractions perpétrés par des combattants terroristes étrangers, mais appliquent des règles strictes en matière de double incrimination, plutôt que d'interpréter ce principe avec souplesse afin de tirer tout le parti possible de l'entraide judiciaire.

37. Étant donné que nombre de combattants terroristes étrangers sont des jeunes ou des enfants, la définition pénale des mineurs que donne la législation nationale peut également avoir une incidence sur la coopération internationale. L'expiration du délai de prescription peut aussi donner à lieu à des difficultés; les États devraient donc abroger la prescription dans les affaires relevant de la juridiction pénale.

5. Autorités centrales

38. En l'absence d'autorité centrale désignée, les États peuvent passer par la voie diplomatique. La réponse à une demande d'entraide judiciaire s'en trouve parfois retardée. Environ 44 % des États Membres, dont certains comptent parmi les plus touchés par le phénomène des combattants terroristes étrangers, n'ont pas encore désigné d'autorité centrale, ou celle -ci n'est pas pleinement opérationnelle.

6. Enquêtes internationales mixtes

39. Il importe que les États agissent en coordination lorsqu'ils instruisent une même affaire liée au phénomène des combattants terroristes étrangers. Certains ont mis au point des mécanismes permettant de mener conjointement des enquêtes internationales intégrées. Il faut encourager cette tendance, en particulier dans la mesure où de tels mécanismes peuvent être utiles dans les enquêtes concernant les réseaux de recrutement et de financement des combattants terroristes étrangers. La coopération entre l'Inde et les États -Unis d'Amérique dans le cadre de l'enquête sur les attentats terroristes à l'explosif perpétrés en 2008 à Mumbai (Inde), ou entre l'Indonésie et l'Australie dans le cadre de l'enquête sur les attentats terroristes à l'explosif perpétrés en 2002 à Bali (Indonésie), a fait la preuve de son efficacité puisque des terroristes ont été traduits en justice. Le Centre de maintien de l'ordre de l'Europe du Sud-Est, implanté à Budapest et dont le personnel comprend au moins un attaché de liaison (police et/ou douanes) de chacun de ses 12 États membres, est un autre modèle qui a fait ses preuves. Il permet de coordonner l'échange d'informations en temps réel ainsi que les enquêtes mixtes portant sur les affaires relevant de la criminalité transnationale |15|. Néanmoins, beaucoup d'États n'ont pas les moyens juridiques de mener des enquêtes mixtes ou ne possèdent pas l'expérience et la formation nécessaires.

7. Transfert de procédures pénales

40. Dans les enquêtes portant sur les voyages de combattants terroristes étrangers, les éléments de preuve et les témoins peuvent être dispersés entre États de départ, de transit et de destination. De plus, deux États - voire davantage - enquêtent parfois sur un même combattant. Pour faciliter ces travaux d'investigation, on peut avoir recours au transfert de procédure pénale, qui consiste à clore l'enquête dans un État et à communiquer l'intégralité du dossier à un autre État pour qu'il la poursuive de son côté. Ce mécanisme est habituellement mis en œuvre dans le cadre d'un traité bilatéral ou d'un accord entre les procureurs et les forces de police des États concernés. Il requiert un certain degré de confiance mutuelle et s'avère particulièrement efficace quand les États concernés ont des procédures pénales similaires. Néanmoins, pour des raisons qui tiennent à un manque de visibilité, de confiance ou de compétence, il est rarement employé.

8. Détournement du statut de réfugié

41. L'afflux massif de réfugiés et de demandeurs d'asile en provenance des zones de conflit présente aussi le risque de voir des combattants terroristes étrangers tenter de mettre à profit le système de protection des réfugiés pour échapper aux poursuites. En consultation avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, tous les États devraient établir une procédure efficace qui permette d'attribuer le statut de réfugié aux demandeurs d'asile habilités à y prétendre et d'en exclure les personnes qui, aux termes de l'article 1F de la Convention relative au statut des réfugiés, ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier de la protection internationale.

9. Transfèrement international des personnes condamnées

42. Il arrive souvent que des combattants terroristes étrangers soient inculpés et condamnés dans des États autres que leur État de nationalité. Une fois qu'ils ont accompli leur peine, ils sont remis en liberté et renvoyés dans leur État d'origine pour y être réintégrés dans leur communauté. Toutefois, le fait de purger sa peine dans son propre pays peut faciliter la réadaptation. Le soutien des membres de la famille, des amis, des responsables locaux et des chefs religieux est de nature à jouer un rôle crucial dans la déradicalisation et la réintégration de ces combattants; or, c'est généralement dans le pays d'origine qu'un tel soutien peut être obtenu.

43. La Convention sur le transfèrement des personnes condamnées, adoptée par le Conseil de l'Europe et par 18 États qui n'en sont pas membres (États d'Asie, d'Amérique et du Pacifique) constitue à cet égard un instrument utile. Toutefois, le transfèrement présente de nombreuses difficultés, notamment en raison de la diversité des normes prescrites pour les condamnations et des conditions de détention. Les États de destination, d'origine et de transit sont par conséquent encouragés à conclure des accords bilatéraux sur le transfèrement des combattants terroristes étrangers dans leur État de nationalité |16|.

10. Conclusions et recommandations

44. Les problèmes liés aux combattants terroristes étrangers ont par nature une portée internationale, aussi les États Membres devraient-ils intensifier leur coopération dans le but d'y apporter des solutions. Il existe déjà des mécanismes qui vont dans ce sens, mais leur mise œuvre n'est pas encore suffisamment avancée pour qu'il soit possible d'obtenir des résultats concrets. Les États Membres devraient déployer les ressources nécessaires pour conférer l'efficacité requise aux mécanismes de coopération internationale existants. Ils devraient également, le cas échéant, réexaminer et actualiser leur législation, leurs structures institutionnelles et leurs mécanismes de coopération pertinents.

III. Analyse de la situation dans la région

45. La présente section vient compléter l'analyse régionale des menaces et des priorités entamée dans le deuxième rapport : elle est consacrée à sept autres régions touchées par le phénomène des combattants terroristes étrangers. Les thèmes abordés varient selon la région, sur la base de l'évaluation des menaces et des priorités réalisée par la Direction exécutive.

A. Bassin du lac Tchad (Cameroun, Niger, Nigéria et Tchad)

1. Évaluation générale de la menace

46. La menace terroriste qui pèse sur le bassin du lac Tchad prend une dimension de plus en plus régionale à mesure que Boko Haram étend ses opérations du Nigéria au Niger, au Tchad et au Cameroun voisins. En dépit des récents succès remportés par la coalition formée par les quatre États du bassin, Boko Haram reste une menace de taille et continue de perpétrer des attaques meurtrières dans la région.

47. Le début des opérations de la Force multinationale mixte et la détermination du Président du Nigéria, Muhammadu Buhari, à venir à bout du groupe pourraient marquer un tournant pour la région. Cela dit, pour prévenir le recrutement terroriste et endiguer le flot de combattants terroristes étrangers, les États de la région devraient également assortir les stratégies répressives de démarches indirectes visant à enrayer les moteurs socioéconomiques sous-jacents du terrorisme.

48. Les États de la région sont touchés par le phénomène des combattants terroristes étrangers en tant qu'États d'origine et de destination. Boko Haram demeure composé pour l'essentiel de ressortissants nigérians, mais il semblerait qu'il recrute de plus en plus d'extrémistes au Cameroun (quelque 3 000 individus à ce jour), au Niger et au Tchad. Si rien n'indique qu'il compte actuellement dans ses rangs un nombre important de combattants terroristes étrangers à la région, il apparaît en revanche qu'il recrute au Mali (les autorités tchadiennes ont arrêté des Maliens soupçonnés d'être impliqués dans des attaques perpétrées par le groupe sur le territoire tchadien). Boko Haram semble aussi avoir établi des cellules locales dans toute la région. Beaucoup de nouveaux membres sont recrutés de force ou contre des récompenses financières ou autres, mais certains sont attirés par les messages diffusés par le groupe.

49. Boko Haram a noué des liens avérés avec d'autres groupes terroristes actifs sur le continent, en particulier Al -Qaida au Maghreb islamique. En mars 2015, il a prêté allégeance à l'EIIL et s'est rebaptisé « Province ouest-africaine de l'État islamique ». On ne connaît pas l'ampleur réelle de l'appui matériel que lui fournit l'EIIL. Toutefois, en janvier 2015, Boko Haram a ouvert un compte Twitter en arabe, lequel serait l'organe de communication officiel de la division médiatique du groupe, Al -Urwah Al-Wuthqa. Jusqu'alors, Boko Haram n'avait jamais disposé de véritable site de propagande ni manifesté d'autre présence officielle sur les médias sociaux dans quelque langue que ce soit, mais il diffuse aujourd'hui de la propagande en ligne sous diverses formes, dont des vidéos. La sophistication nouvelle des contenus produits depuis le lancement du compte Twitter de Boko Haram est la démonstration de l'influence exercée par l'EIIL.

2. Analyse de la situation dans la région

a) Dispositions de la résolution 2178 (2014) relatives à la qualification des infractions pénales

50. Tous les États de la région sont dotés d'une législation antiterroriste, mais aucun n'a expressément érigé en infraction pénale le fait de se rendre ou de tenter de se rendre dans un autre État que son État de résidence ou de nationalité dans le dessein de commettre, d'organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou afin de participer ou de dispenser ou recevoir un entraînement au terrorisme, comme l'a pourtant demandé le Conseil de sécurité dans sa résolution 2178 (2014). Certes, au Nigéria, la loi sur la prévention du terrorisme satisfait à la plupart des dispositions relatives à la qualification des infractions pénales, telles qu'énoncées dans la résolution 2178 (2014). Et pour leur part, le Cameroun et le Tchad ont criminalisé le recrutement ainsi que le fait de dispenser ou de recevoir un entraînement dans le but de commettre des actes de terrorisme. Le crime de facilitation est également couvert par la législation antiterroriste du Tchad. Cependant, les lois antiterroristes récemment adoptées au Cameroun et au Tchad donnent une définition trop vague du concept de « terrorisme » et des « actes de terrorisme » et punissent de la peine capitale la plupart des infractions à caractère terroriste, ce qui soulève des préoccupations sur le plan des droits de l'homme.

51. Le nombre de procédures engagées pour infractions liées au terrorisme est très faible pour diverses raisons, dont le manque de moyens pour engager des poursuites. Un État a constitué un groupe spécialisé de procureurs et de juges antiterroristes et il a récemment créé une cellule spécialisée dans les dossiers complexes, qui relève du Ministère public : c'est elle qui est chargée des affaires de terrorisme et des crimes graves. Les autres États de la région sont moins avancés à cet égard. Afin d'instruire comme il convient les infractions relatives aux combattants terroristes étrangers, les États devraient renforcer les moyens dont ils disposent pour obtenir des éléments de preuve auprès des États de destination, en particulier ceux dans lesquels l'armée est aux avant-postes de la lutte contre le terrorisme et prend part à la collecte et à la conservation de tels éléments, et s'attacher à améliorer la coordination et l'échange d'informations à l'échelle nationale et internationale entre les forces de l'ordre, la police des frontières, les services de renseignement et les parquets. Il faudrait que les États de la région veillent à ce que les auteurs d'actes de terrorisme, y compris les combattants terroristes étrangers, qui passent en jugement fassent l'objet d'une procédure régulière. On peut citer deux autres pierres d'achoppement, entre autres : la recevabilité, aux yeux des tribunaux, des renseignements obtenus par les services spéciaux, et le recours privilégié à des enquêtes conduites par les procureurs.

b) Répression

52. L'échange d'informations et la coopération interinstitutions ne sont guère développés. Un État a créé une cellule antiterroriste spéciale mais elle n'a pas les moyens techniques ni l'équipement nécessaire pour s'acquitter de ses tâches comme il le faudrait. Dans trois États, l'armée est responsable au premier chef de la lutte contre le terrorisme. En conséquence, les services de répression ont des capacités limitées pour enquêter sur les activités terroristes dans le respect des droits de l'homme et de l'état de droit. Un État dispose de plusieurs services de répression qui enquêtent sur les infractions terroristes, mais n'a instauré d'aucun dispositif qui établisse clairement leurs responsabilités respectives. Il a toutefois instauré une unité nationale mixte chargée du renseignement, qui relève du Bureau du Conseiller national pour les questions de sécurité, et travaille à la mise en place d'une base de données centralisée et informatisée. Les États de la région manquent également de capacités dans le domaine de la police scientifique. Certains ont pris des mesures en vue d'intensifier la collecte et le partage de renseignements. Par l'intermédiaire de la Force multinationale mixte, les quatre États accentuent leurs efforts pour coordonner l'action militaire menée contre Boko Haram et multiplier les échanges de renseignements au moyen du nouveau centre régional de centralisation du renseignement. Néanmoins, ils devraient aussi se concentrer sur le renforcement de la coordination et de la coopération entre les services de répression à l'échelle nationale et régionale.

c) Prévention des déplacements des combattants terroristes étrangers entre États

53. La plupart des membres de Boko Haram viennent des communautés frontalières du Cameroun, du Niger, du Nigéria et du Tchad. Ils parlent kanouri ou haoussa et peuvent aisément se mêler aux populations locales. Ils ont souvent de la famille de l'autre côté de la frontière et peuvent, du fait que la délivrance de documents relatifs à l'ascendance tels que les certificats de naissance n'est pas suffisamment contrôlée, obtenir des cartes d'identité ou des passeports d'un autre pays avec une certaine facilité.

54. Les États de la région ont tendance à concentrer leurs ressources sur des mesures visant à assurer la sécurité des postes frontière situés dans les aéroports. Deux États utilisent un système informatique de gestion des flux migratoires qui intègre les listes de surveillance et les alertes nationales. Dans un autre État, les données personnelles des voyageurs sont vérifiées pour s'assurer qu'ils ne figurent pas sur une liste nationale de suspects. Un État prend actuellement des dispositions en vue de renforcer ses capacités de gestion des frontières : l'équipement voulu et une suite logicielle pour la gestion des mouvements transfrontières seront mis en place, et une connexion sera établie avec les bases de données d'INTERPOL. Dans la plupart des États de la région, les manifestes passagers reçus avant les arrivées sont contrôlés pour vérifier que les noms d'individus inscrits sur les listes de surveillance n'y figurent pas. Néanmoins, la transmission des données concernant les voyageurs par l'intermédiaire des manifestes n'est pas automatique et les contrôles sont effectués manuellement. De plus, toutes les compagnies aériennes ne communiquent pas ces manifestes. En général, les services compétents ne disposent que de moyens limités pour s'assurer que des passagers non-nationaux ne figurent pas sur les listes de suspects nationales et internationales détaillées et intégrées - que ce soit aux postes frontière, surtout le long des frontières terrestres, ou par recoupements internes.

55. Nombre de postes frontière terrestres manquent de ressources de base, telles que l'électricité et l'accès à Internet. Il s'ensuit que nombre de gardes frontière n'ont pas accès aux bases de données nationales et internationales et doivent utiliser des listes papier des personnes recherchées. En outre, les rares postes frontière officiels sont parfois espacés de plusieurs centaines de kilomètres et les frontaliers traversent souvent à des points de passage non officiels pour mener leurs activités commerciales et sociales. La lutte contre Boko Haram limite la présence des autorités gouvernementales dans les zones frontalières, étant donné que les installations gouvernementales isolées sont des cibles faciles. En conséquence, il est très simple pour les membres de Boko Haram de franchir les frontières terrestres en toute discrétion. Deux États voisins font désormais effectuer des patrouilles le long de leurs frontières par l'armée, la police et la gendarmerie.

d) Lutte contre l'incitation et l'extrémisme violent conduisant au terrorisme

56. Hormis au Nigéria, les taux d'accès aux TIC et d'utilisation de ces technologies par les ménages et autres particuliers restent très bas, en particulier parmi les groupes vulnérables. On craint toutefois que Boko Haram tente de radicaliser et de recruter des individus au moyen d'Internet. Il se pourrait aussi que des personnes ayant reçu une éducation plus poussée que la moyenne se soient elles-mêmes radicalisées en ligne et qu'elles soient recrutées pour aller combattre hors de la région (en République arabe syrienne et en Iraq, par exemple). Il est fait état d'autres modes de radicalisation - dans les écoles religieuses, auprès de prêcheurs itinérants, dans les prisons et dans les camps de réfugiés et de déplacés. Le détournement à des fins subversives d' institutions éducatives et religieuses est un risque important dans les quatre États de la région, d'autant plus que l'enseignement public ne répond pas aux besoins des populations locales, notamment dans les zones où Boko Haram est présent. Un État a pris des mesures pour promouvoir le dialogue interconfessionnel et la tolérance religieuse, en créant un jour de prière pour la paix et une plate-forme interreligieuse dont l'un des objectifs consiste à établir un programme de coexistence pacifique dans diverses régions du pays. Seul un État a adopté un programme de lutte contre l'extrémisme violent, qui tient compte de la nécessité de collaborer avec la société civile et les populations locales. Il a recruté du personnel en nombre pour exécuter ce programme, lequel comporte un volet consacré aux réfugiés. Néanmoins, sa mise en œuvre vient seulement de débuter. On ignore encore si la stratégie en question pourra être appliquée avec succès dans les zones très touchées par les activités de Boko Haram, où l'influence du gouvernement est limitée. Un État s'est doté d'une stratégie pour le développement et la sécurité, qui promeut l'accès aux services sociaux de base, y compris l'éducation, mais les ressources nécessaires font défaut. Un autre État a récemment mis en place des centres destinés à réintégrer les jeunes ex-combattants terroristes étrangers. Mais les activités de réintégration et de réadaptation des ex-combattants terroristes étrangers demeurent embryonnaires dans la région.

B. Afrique de l'Ouest/Sahel (Côte d'Ivoire, Mali, Mauritanie, Niger et Sénégal)

1. Évaluation générale de la menace

57. Au début de 2012, au Mali, la rébellion du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (composé essentiellement de Touaregs) a entraîné une guerre civile qui a gravement détérioré la situation politique. Des groupes islamistes violents ont tiré parti des troubles qui ont suivi pour prendre le contrôle des régions septentrionales du Mali et déstabiliser l'ensemble de la région du Sahel.

58. Certains de ces groupes ont été mis en déroute en 2013, à la suite de l'opération Serval menée par les troupes françaises. Ils ont toutefois réussi à se replier et à se regrouper. Bien qu'ils ne contrôlent plus des villes entières, ils parviennent encore à compromettre le processus de paix en cours au moyen d'attaques terroristes. Depuis 2014, ils ne s'en prennent plus aux forces militaires du Gouvernement et aux forces internationales dans le nord du pays, mais aux membres du personnel et aux vacataires des Nations Unies et du Comité international de la Croix-Rouge présents dans le centre et le sud du Mali. La violence ne progresse plus seulement vers le sud, mais se répand dans tout le pays. Au cours de l'été 2015, le groupe terroriste Ansar Eddine a également adressé des menaces directes à la Côte d'Ivoire et à la Mauritanie.

59. La menace qui pèse sur la région prend un tour de plus en plus protéiforme, en raison de l'entrée en action de groupes toujours plus nombreux. Le Front de libération du Macina et le groupe Ansar Eddine restent essentiellement des mouvements nationaux qui ne recrutent pas de combattants étrangers. En revanche, Al-Qaida au Maghreb islamique a diffusé l'enregistrement vidéo d'une attaque lancée en juillet 2015 contre un convoi des Nations Unies, sur lequel apparaissent des combattants originaires du Maroc, d'Espagne et d'Égypte. On ne dispose pas d'une estimation précise du nombre de combattants terroristes étrangers actifs au Sahel, mais on connaît leurs caractéristiques générales.

60. L'une des plus évidentes est la suivante : contrairement à l'EIIL, c'est le plus souvent en fonction de leurs stratégies et zones d'influence respectives que les groupes terroristes actifs au Sahel choisissent les pays où ils recrutent des combattants. L'organisation Al-Mourabitoun, par exemple, recrute généralement des Mauritaniens du Mouvement pour l'unité et le jihad en Afrique de l'Ouest ou des Maghrébins de l'organisation Ceux qui signent avec le sang, basée au Mali. Pour tenter de soustraire une part de son influence à Al-Qaida au Maghreb islamique, le Mouvement pour l'unité et le jihad en Afrique de l'Ouest aurait étendu ses activités de recrutement au Tchad et au Soudan. Al-Qaida au Maghreb islamique a récemment recentré ses propres activités de recrutement sur les populations locales qui connaissent bien les zones d'activité des terroristes. Pour sa part, l'EIIL cherche à peser davantage dans la région en faisant appel à des cellules dormantes locales -celle qui a été démantelée en Mauritanie en juillet 2015 comptait des combattants étrangers originaires d'Algérie.

61. Des combattants terroristes étrangers d'Afrique de l'Ouest ont également rejoint Boko Haram et l'EIIL. Au début de 2015, de jeunes Nigériens seraient allés en nombre grossir les rangs de Boko Haram au Nigéria moyennant quelque 560 dollars par mois. Les États du Sahel sont donc des pays d'origine et de transit, tandis que le Mali est l'un des principaux États de destination.

62. D'autres groupes jihadistes font allégeance à l'EIIL pour développer leurs réseaux. Ce fut le cas de Boko Haram, en mars 2015, et Al-Mourabitoun aurait fait de même deux mois plus tard. Le fait qu' Al-Qaida au Maghreb islamique et l'EIIL soient rivaux rend leur neutralisation plus difficile, en partie parce que leurs méthodes diffèrent. Par exemple, le premier a tendance à utiliser des otages comme moyen de négociation, alors que le second les tue pour administrer la preuve de son radicalisme.

63. Compte tenu de l'évolution de la menace terroriste dans la région, il faut adopter une approche plus intégrée de la lutte contre le terrorisme, notamment en déterminant les conditions qui favorisent son développement et en tenant compte de facteurs socioéconomiques tels que le taux de chômage élevé parmi les jeunes, la pauvreté, les conflits prolongés et l'absence d'état de droit.

2. Analyse de la situation dans la région

a) Dispositions de la résolution 2178 (2014) relatives à la qualification des infractions pénales

64. La plupart des États de la région ont élaboré des lois qui traitent tous les aspects de la lutte contre le terrorisme et prennent en compte les actes érigés en infraction par les traités de lutte contre le terrorisme. Cependant, d'une manière générale, ces lois ne sont pas conformes aux dispositions de la résolution 2178 (2014) relatives à la qualification des infractions pénales. La Mauritanie et le Niger ont intégré dans leur législation interne certaines dispositions qui érigent le recrutement en infraction pénale, de même que le fait de dispenser ou de recevoir un entraînement au terrorisme, sur le territoire national ou à l'étranger.

65. La création au Mali, en Mauritanie, au Niger et au Sénégal d'unités d'enquête et de poursuites spécialisées dans la lutte contre le terrorisme représente un réel progrès en ce qu'elle permet aux juges et aux tribunaux de se spécialiser dans ce domaine. Cependant, ces unités ne disposent pas des capacités logistiques et techniques voulues et les poursuites engagées n'aboutissent que rarement. Il est donc nécessaire de renforcer les pouvoirs de ces unités, de parfaire leurs compétences afin qu'elles soient en mesure de traiter les affaires mettant en cause des combattants terroristes étrangers, et d'étoffer leurs ressources techniques.

b) Répression et prévention des déplacements des combattants terroristes étrangers entre États

66. Rares sont les pays où il existe des mesures législatives, administratives ou opérationnelles destinées à empêcher ceux qui souhaitent devenir des combattants terroristes étrangers de quitter leur pays d'origine ou de résidence pour rejoindre des zones de conflit à l'étranger - certains pays n'en ont même pris aucune. Un État confisque le passeport des personnes soupçonnées de chercher à devenir des combattants terroristes à l'étranger.

67. Le fait que les citoyens de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest n'aient pas besoin de visa pour se déplacer, l'absence généralisée de visas de transit, et le fait que les passagers en transit ne soient pas contrôlés sont autant de failles que les combattants terroristes étrangers peuvent exploiter.

68. L'absence de système informatisé de contrôle aux frontières terrestres compromet la capacité des agents de première ligne de s'assurer que les voyageurs ne sont pas inscrits sur une liste de surveillance ou ne font pas l'objet d'une alerte. En outre, les listes de surveillance et les alertes sont transmises sur support papier, ce qui ne donne pas la possibilité de procéder à des vérifications en temps réel.

69. Seuls les agents de première ligne de quelques États de la région ont accès au Système mondial de communication policière d'INTERPOL (I -24/7) et à sa base de données sur les documents de voyage perdus ou volés, qui comprend une base de données sur les combattants terroristes étrangers. L'absence de système de renseignements préalables concernant les voyageurs compromet aussi la capacité des agents de première ligne de repérer les combattants terroristes étrangers à leur entrée sur un territoire ou à leur sortie de celui-ci. Le manque de coordination entre les services de contrôle aux frontières aggrave encore le problème.

70. Pour prévenir, détecter et endiguer le flux de combattants terroristes étrangers, il faut aussi que les services de maintien de l'ordre, aux frontières notamment, échangent informations et analyses au sujet de ces combattants. Toutefois, la capacité de réunir et de centraliser les informations et les renseignements sur les groupes terroristes et les combattants terroristes étrangers et de les partager avec tous les services de maintien de l'ordre varie considérablement d'un État à l'autre. Il est donc essentiel de renforcer les moyens mis à la disposition des États pour collecter et analyser des données et d'établir des mécanismes permettant de centraliser et de partager de tels éléments d'information et renseignements. Par exemple, un centre d'orientation stratégique a été créé au Sénégal, qui relève directement du Cabinet du Président : il regroupe tous les éléments d'information provenant des services du renseignement internes et externes. On ignore toutefois dans quelle mesure il les communique à l'ensemble des services de sécurité.

71. Les États de la région ont du mal à endiguer les flux de combattants terroristes étrangers en raison de la longueur et de la porosité des frontières, et parce qu'ils n'ont pas les moyens de mettre en place des mesures de contrôle aux frontières efficaces. Cependant, certains ont pris des dispositions pour empêcher les criminels et les terroristes de traverser les frontières. Ainsi, la stratégie de gestion des frontières de la Mauritanie prévoit des points d'entrée officiels et le nombre des points de passage obligatoires a été accru. Dans le nord du pays, la zone frontalière a été déclarée zone militaire d'accès restreint et l'entrée et le séjour sur cette partie du territoire sont soumis à des règles spécifiques. La Mauritanie fait aussi participer les populations nomades et locales à son système de gestion de la sécurité et aux dispositifs d'alerte rapide. Le Niger, quant à lui, déploie des patrouilles conjointes (internationales) à ses frontières avec le Mali et le Nigéria et des patrouilles mixtes (nationales) sur l'ensemble de son territoire. Les services douaniers ne participent pas aux patrouilles conjointes, mais des accords bilatéraux sur le droit de poursuite ont été signés avec le Mali. Il faut cependant augmenter la fréquence et la compétence géographique de ces patrouilles et renforcer leur capacité opérationnelle. Les autres États de la région devraient eux aussi établir des patrouilles conjointes et mixtes et les doter d'instructions permanentes. Les services de contrôle aux frontières devraient renforcer leur coopération avec leurs homologues des États voisins en menant des opérations conjointes ou synchronisées.

c) Lutte contre l'incitation et l'extrémisme violent conduisant au terrorisme

72. Le recrutement prend différentes formes dans la région : mobilisation collective par des cellules de recrutement locales dans les États où des réseaux affiliés à Al-Qaida au Maghreb islamique sont bien implantés; enrôlements individuels spontanés; recrutement actif par Al-Qaida au Maghreb islamique et le Mouvement pour l'unité et le jihad en Afrique de l'Ouest, en particulier au moyen d'incitations matérielles telles que des « bonus » et d'incitations idéologiques fondées sur l'exploitation des revendications locales, en particulier parmi les jeunes des zones marginalisées.

73. On ignore l'importance du rôle que jouent Internet et les médias sociaux dans le recrutement de nouveaux membres par les groupes terroristes (en particulier en République arabe syrienne et en Iraq). L'utilisation d'Internet est répandue dans les villes mais le nombre global d'utilisateurs et le taux de pénétration des médias sociaux au niveau national restent relativement limités (le développement de cybercafés étant toutefois à prendre en compte) dans tous les États de la région, qui ne se sont pas encore doté des moyens voulus pour contrôler les sites Web et les médias sociaux et sont dépourvus du matériel et des connaissances de base nécessaires. Deux d'entre eux ont bien pris des mesures afin de prévenir les recrutements (mise en place d'unités de police de proximité et estimation des risques dans les prisons) mais, dans leur ensemble, les États n'ont pas réussi à régler le problème du recrutement, faute de ressources.

74. Tous les États de la région n'érigent pas l'incitation en infraction pénale. Les gouvernements constatent que la radicalisation est un problème de taille qui prend de l'ampleur et dont les principales causes sont l'extrême pauvreté, le faible taux d'alphabétisation, le chômage élevé (en particulier parmi les jeunes) et l'influence exercée par les extrémistes religieux. Certains États organisent des réunions entre les chefs religieux et les représentants des autorités civiles et traditionnelles et tiennent des séminaires d'information publics. Des mesures ont aussi été prises pour contrôler les programmes d'enseignement dispensés par les établissements religieux. Au Sénégal, par exemple, le parlement est actuellement saisi d'un projet de loi visant à ce que les écoles religieuses n'enseignent plus seulement les préceptes de la religion mais aussi les dialectes locaux. Certains États se sont aussi ralliés à l'initiative prise par le Maroc de former des imams à l'enseignement du « véritable islam ». La Mauritanie a quant à elle lancé un programme de réhabilitation des terroristes en détention et des extrémistes. Les États de la région devraient s'en inspirer et adopter des stratégies globales de lutte contre l'extrémisme violent, qui s'attaquent aux facteurs favorisant le terrorisme, à la propagation de l'extrémisme violent et au recrutement, ainsi que des programmes de réinsertion et de réintégration à l'intention des combattants terroristes étrangers de retour dans leur pays d'origine.

d) Coopération régionale

75. Aucun pays de la région n'a encore ratifié la Déclaration de Rabat de 2008 sur l'entraide judiciaire et l'extradition dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (A/62/939-S/2008/567, annexe), adoptée à la cinquième Conférence des ministres de la justice des pays francophones d'Afrique. Pourtant, une fois entrée en vigueur, elle constituera une base très solide pour la coopération internationale dans le but d'endiguer les flux de combattants terroristes étrangers.

76. Un autre instrument important, même s'il n'a pas de caractère officiel, est la plateforme régionale de coopération judiciaire dans le Sahel, qui facilite le traitement des requêtes d'entraide judiciaire et améliore la compréhension mutuelle des cadres juridiques et administratifs grâce à la nomination de personnes référentes dans les domaines de la police et de la justice. Cependant, tous les États de la région ne sont pas membres de cette plateforme.

77. La coopération entre les polices nationales et entre les services de renseignement reste faible, malgré l'établissement de mécanismes de coopération tels que le Comité des services de renseignement et de sécurité africains à Addis-Abeba et le centre de centralisation du renseignement à Alger. Le fait que les polices nationales ne disposent pas de bases de données informatisées et centralisées et le manque général de confiance aggravent la situation.

C. États du Moyen-Orient situés dans les zones de conflit ou à proximité (Arabie Saoudite, Bahreïn, Égypte, Émirats arabes unis, Iran (République islamique d'), Iraq, Jordanie, Koweït, Liban, Oman, Qatar, République arabe syrienne, Turquie et Yémen)

1. Évaluation générale de la menace

78. Selon de récentes estimations, plus de 25 000 combattants terroristes étrangers originaires de plus de 100 États Membres se sont rendus en Iraq et en République arabe syrienne, essentiellement pour rejoindre des entités terroristes telles que l'EIIL, le Front el-Nosra et des cellules, filiales, groupes dissidents et émanations d'Al-Qaida (voir S/2015/358). Leurs effectifs les plus substantiels se trouvent en Iraq et en République arabe syrienne, et on en observe en plus petit nombre au Yémen. La présence de ces individus contribue à alimenter le sectarisme et aggrave l'intensité, la durée et la complexité des conflits en cours dans la région.

79. Qu'ils soient considérés comme des États d'origine, de transit ou de destination, ou comme relevant de plusieurs de ces catégories, les États du Moyen-Orient situés dans les zones de conflit ou à proximité comptent parmi les plus touchés par le phénomène des combattants terroristes étrangers. Cela tient à divers facteurs historiques, politiques et géographiques. En premier lieu, les États de la région sont proches, géographiquement, du conflit qui frappe la République arabe syrienne. En deuxième lieu, de vastes zones de deux États (la République arabe syrienne et l'Iraq) sont sous le contrôle de l'EIIL. En troisième lieu, il n'existe pas d'instance régionale unique dans le cadre de laquelle les États de la région les plus touchés pourraient coopérer en matière de lutte contre le terrorisme. Or, étant donné que l'EIIL est devenu une menace pour tous les États de la région, il est urgent de créer une telle instance. En quatrième lieu, plusieurs États de la région ont connu une importante transition politique à partir de 2011, ce qui les a contraints à revoir leurs priorités. Pour certains d'entre eux, cette transition a été une source de troubles et d'instabilité accrus, que les organisations terroristes ont exploités à leur avantage. Ces facteurs ont pour effet d'exacerber les problèmes déjà posés de longue date par le conflit israélo-palestinien.

80. Pour répondre aux menaces que représentent l'EIIL et les combattants terroristes étrangers, les États de la région peuvent s'appuyer sur deux éléments : le phénomène des combattants terroristes étrangers n'est pas nouveau dans la région et, il y a 20 ans déjà, plusieurs États avaient pris des mesures législatives et institutionnelles face au retour de combattants terroristes étrangers du conflit en Afghanistan; tous les États de la région ont pris des mesures au titre de l'application de la résolution 1373 (2001), sur certaines desquelles ils peuvent s'appuyer pour contrer la menace que représentent actuellement les combattants terroristes étrangers. Toutefois, ces dispositions risquent de ne pas suffire pour déjouer les modes opératoires de plus en plus sophistiqués auxquels ont recours les groupes terroristes actifs dans la région et contenir la menace que représentent les combattants terroristes étrangers. Des mesures prises en application de la résolution 2178 (2014) seraient plus efficaces.

2. Analyse de la situation dans la région

a) Systèmes de justice pénale et coopération internationale en matière pénale

81. La plupart des États de la région se sont dotés de systèmes de justice pénale qui permettent à leurs juridictions de poursuivre ceux de leurs ressortissants qui sont d'ex-combattants terroristes étrangers ou d'ex-membres d'une organisation terroriste à l'étranger lorsqu'ils sont de retour. Mais pour enrayer le phénomène en question, plusieurs États du Moyen-Orient situés dans les zones de conflit ou à proximité ont pris des mesures administratives et répressives propres à empêcher les départs. Cependant, ces mesures, efficaces à court terme, risquent de l'être moins dans la durée, surtout en l'absence de cadre réglementaire adapté. La plupart visent avant tout à étoffer les pouvoirs des forces de l'ordre et ne tiennent pas dûment compte des droits des suspects. Pour prévenir d'éventuels abus, il faut donc adopter une démarche fondée sur l'état de droit, qui appuie les mesures administratives et répressives prises pour endiguer les flux de combattants terroristes étrangers.

82. Outre l'incorporation en droit interne des infractions énumérées dans la résolution 2178 (2014), les États devraient modifier leurs procédures pénales de telle sorte que le droit fondamental des suspects à une procédure équitable ne soit jamais bafoué. Cela permettrait non seulement de garantir le respect de l'état de droit dans le cadre de la lutte contre le phénomène des combattants terroristes étrangers, mais aussi d'aider les services de maintien de l'ordre à les identifier parmi l'ensemble des personnes éveillant des soupçons. L'inclusion, dans les codes de procédure pénale, de dispositions autorisant le recours à des techniques d'enquête spéciales donnerait à ces services les moyens de traiter les affaires liées aux combattants terroristes étrangers présentant une certaine complexité, mais limiterait le recours aux déclarations de culpabilité fondées sur des aveux plutôt que sur des éléments de preuve.

83. S'agissant des combattants terroristes étrangers, il est particulièrement difficile pour les États du Moyen-Orient situés dans les zones de conflit ou voisins de ces zones de coopérer en matière pénale, tant au niveau régional qu'avec des États d'autres régions, la qualification pénale des crimes liés aux combattants terroristes étrangers et les peines prononcées étant propres à chaque pays. En outre, les États de la région n'ont conclu que de rares accords bilatéraux, que ce soit avec d'autres États de la région ou avec des États extérieurs. Étant donné que les mécanismes de coopération traditionnels - extradition, entraide judiciaire - ne sont plus nécessairement adaptés face à l'augmentation du nombre de demandes de coopération et d'intervention rapide, il conviendrait que les États de la région envisagent de conclure des accords bilatéraux prévoyant une procédure accélérée de coopération en cas d'urgence et réfléchissent à d'autres mécanismes de coopération, comme le transfert des procédures pénales.

b) Répression et prévention des déplacements des combattants terroristes étrangers entre États

84. La menace que représentent les combattants terroristes étrangers rend particulièrement importante la mise en commun et l'échange d'informations, d'autant plus que le Conseil de sécurité a mis l'accent sur la prévention des flux de tels combattants dans sa résolution 2178 (2014). Sont concernés au premier chef les États de destination qui ne coopèrent pas ou qui n'ont pas les moyens de le faire. Dans les États du Moyen-Orient situés dans les zones de conflit ou à proximité, la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme a recensé plusieurs lacunes à l'occasion de ses évaluations. Au niveau national, elle a notamment constaté des rivalités institutionnelles entre les organes de lutte contre le terrorisme, la multiplication des organes de ce type et l'absence de tout dispositif propre à faire en sorte que les instances opérationnelles bénéficient des fruits de la coopération menée au niveau politique. Au plan régional, l'absence de mécanisme de partage de l'information est également très préoccupante, car tous les États de la région comptent parmi les plus touchés par le phénomène des combattants terroristes étrangers. On constate également un manque de coopération avec les États d'autres régions.

85. Pour remédier à ces lacunes, les États de la région doivent conclure d'urgence de nouveaux accords et arrangements bilatéraux sur l'échange d'informations avec d'autres États de la région et des États situés à l'extérieur. Ils doivent aussi exploiter davantage le Système mondial de communication policière d'INTERPOL, I-24/7, notamment sa base de données sur les combattants terroristes étrangers. INTERPOL étudie actuellement des moyens d'encourager l'utilisation des instruments existants et a également créé le projet Al Qabdah, qui facilite l'accès à sa base de données sur les terroristes actifs dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Les États doivent aussi faire en sorte que les fonctionnaires des douanes de première ligne puissent accéder au système I-24/7 pour consulter les informations relatives aux personnes recherchées et soupçonnées. En outre, il faut établir des systèmes de renseignements préalables concernant les voyageurs pour permettre aux agents des services de l'immigration de repérer d'éventuels combattants terroristes étrangers. Au 28 septembre 2015, seuls 6 des 14 États de la région s'étaient dotés d'un tel système.

86. Aux frontières, mais aussi dans les capitales et les grandes villes où sont délivrés des documents de voyage, il est important que les États de la région renforcent les mesures prises pour repérer les documents de voyage et les passeports perdus ou volés. Pour préserver la sécurité et l'intégrité de la procédure de délivrance des documents, les organismes compétents devraient être équipés d'outils et de capacités qui leur permettent de vérifier l'authenticité de tous les actes de l'état civil (extraits d'actes de naissance, par exemple) de sorte qu'aucun document de voyage ne soit délivré à un autre individu que celui auquel il est destiné, voire à une personne recherchée.

87. La porosité des frontières reste un sujet de préoccupation majeur pour plusieurs États de la région. Il faut des ressources importantes pour surveiller des étendues aussi vastes. Certains États ont commencé à ériger des clôtures sur des tronçons de leurs frontières qui sont particulièrement exposés au risque d'infiltration. Sont concernées, par exemple, les frontières entre l'Arabie saoudite et l'Iraq et entre Oman et le Yémen. Mais ce sont les zones frontalières ouvertes entre la République arabe syrienne et l'Iraq qui suscitent le plus d'inquiétude, dans la mesure où elles sont actuellement sous le contrôle de facto de l'EIIL. Cette situation facilite les déplacements de combattants terroristes étrangers de la République arabe syrienne vers l'Iraq et inversement, ainsi que la fourniture d'un appui matériel dans la zone de conflit. Des mesures de surveillance de ces régions ne permettront pas de reprendre immédiatement le contrôle des territoires conquis par l'EIIL, mais elles sont essentielles pour empêcher la libre circulation des combattants terroristes étrangers et endiguer les flux d'aide financière et autre destinés à l'EIIL. À cet égard, l'appui de la communauté internationale est crucial; elle doit en particulier fournir du matériel et des dispositifs performants qui permettent de détecter et de constater les activités transfrontières illégales. Certains États de la région ont également demandé que leurs agents de première ligne soient formés à l'utilisation des technologies et systèmes de pointe pour le contrôle aux frontières. Il s'agit là d'un impératif pour les pays voisins de zones de conflit.

c) Lutte contre le financement du terrorisme

88. Les dispositifs et structures de lutte contre le financement du terrorisme établis par les États du Moyen-Orient situés dans les zones de conflit ou à proximité ne permettent pas d'éliminer en totalité les mécanismes d'aide financière aux combattants terroristes étrangers visés par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2178 (2014). En outre, la plupart des systèmes de financement du terrorisme n'ont fait leur apparition que récemment (les filières de blanchiment d'argent sont dans l'ensemble plus anciennes). Par conséquent, le personnel des institutions concernées, des services de maintien de l'ordre et des systèmes judiciaires ne possèdent pas les compétences spécialisées requises pour connaître pleinement de cette infraction relativement nouvelle, comme le montrent les évaluations des États de la région faites par la Direction exécutive, qui mettent généralement en évidence un nombre plus élevé de cas de blanchiment d'argent que de cas de financement du terrorisme. En outre, il est très difficile pour les États de la région de mener des enquêtes et d'établir qu'un individu a l'intention de fournir des ressources financières à une tierce personne qui entend rejoindre une organisation terroriste à l'étranger. Par ailleurs, l'EIIL gère des champs pétrolifères situés sur des territoires qu'il contrôle et tire des revenus importants d'autres activités illicites, telles que les enlèvements contre rançon et le trafic d'organes et de biens et antiquités volés. Les revenus tirés de ces activités lui permettent de recruter et de rémunérer plus facilement ceux qu'il incite à devenir des combattants terroristes étrangers.

89. Pour remédier à cette situation, il faudrait que les États de la région adoptent des dispositions conformes aux résolutions du Conseil de sécurité, notamment ses résolutions 1267 (1999), 2170 (2014), 2178 (2014) et 2199 (2015). Ils devraient notamment prendre des mesures juridiques et administratives interdisant la collecte ou la fourniture, par quelque moyen que ce soit, de fonds destinés à financer les combattants terroristes étrangers, et qu'ils s'attachent à sensibiliser les services de maintien de l'ordre, les institutions financières et autres, les procureurs, les juges, les sociétés pétrolières, les institutions publiques et privées qui s'occupent d'objets culturels anciens, ou encore les institutions médicales, aux différents types de financement des combattants terroristes étrangers. Peu d'éléments donnent à penser que les États de la région ont pris les mesures juridiques, institutionnelles et pratiques qui s'imposaient. Leur inaction continuera de faciliter le financement des déplacements de combattants terroristes étrangers qui vont rejoindre des groupes terroristes tels que l'EIIL, et de financer l'EIIL lui-même.

d) Lutte contre l'incitation et l'extrémisme violent conduisant au terrorisme

90. La plupart des États de la région sont conscients qu'il faut s'attaquer aux conditions propices à la propagation du terrorisme, et notamment régler les conflits régionaux en cours, en particulier le conflit israélo-palestinien. La diffamation des religions peut également susciter la violence et la haine, et se traduire notamment par l'exploitation de lieux de culte par des extrémistes violents. Il arrive aussi que la population carcérale soit sollicitée pour inciter à la commission d'actes de terrorisme.

91. Il faut que les États de la région adoptent une approche intégrée et globale qui fasse appel à un large éventail de représentants des pouvoirs publics et d'intervenants non gouvernementaux, en tenant compte du rôle de chacun, et qui repose sur un vaste partenariat - réunissant collectivités locales, chefs religieux, société civile, médias, secteur privé et organisations humanitaires, entre autres. Elle devrait aussi inclure des mesures de lutte contre l'incitation à la commission d'actes de terrorisme motivés par l'extrémisme et l'intolérance.

92. Pour de nombreux États de la région, l'exploitation des technologies de l'information et des communications, notamment des médias sociaux, par des groupes terroristes est un problème de taille, qui ne fait qu'empirer. L'organisation et le financement du voyage des combattants terroristes étrangers sont souvent coordonnés au moyen de réseaux en ligne qui sont difficilement détectables. L'attrait exercé par Internet auprès des groupes terroristes tient à son faible coût et ils s'en servent pour mettre en place des réseaux et faire de la propagande. L'utilisation accrue d'Internet résulte également de l'adoption d'une politique plus restrictive en ce qui concerne les rassemblements. Certains États ont interdit les sites Web qui diffusent de la propagande terroriste. Cependant, cette solution ne présente qu'un intérêt limité, car les recruteurs peuvent rapidement créer de nouveaux sites. De plus, d'autres États considèrent Internet comme une importante source d'information exploitable par les services de maintien de l'ordre. Certains ont donc intégré dans leurs programmes de lutte contre le terrorisme des systèmes qui permettent de surveiller Internet, les sites des médias sociaux et les forums de discussion interactifs, mais aussi de publier des messages destinés à réfuter les discours tenus par les terroristes et leurs recruteurs. Toutes ces mesures peuvent être utiles pour lutter contre l'extrémisme violent et la radicalisation qui conduisent au terrorisme, mais il importe de veiller à ce qu'elles ne portent pas atteinte au droit à la liberté d'expression. Il est essentiel de protéger ce droit, non seulement pour garantir que les mesures de lutte contre le terrorisme sont conformes aux obligations internationales dans le domaine des droits de l'homme, mais aussi pour empêcher les terroristes de tirer parti de causes de friction réelles ou supposées.

D. Asie du Sud (Afghanistan, Bangladesh, Inde, Maldives, Pakistan et Sri Lanka)

1. Évaluation générale de la menace

93. De nombreux États d'Asie du Sud, dont l'Afghanistan, l'Inde et le Pakistan, continuent de subir des attaques terroristes de grande ampleur. Elles s'inscrivent dans une succession régulière de telles attaques depuis plus de 20 ans, qui ne montre aucun signe d'apaisement. L'Inde compte toujours parmi les États du monde les plus systématiquement pris pour cible. Depuis les années 90, elle a été le théâtre de nombreux actes de terrorisme liés à des personnes qui avaient été entraînées ou avaient combattu au sein d'entités associées à Al-Qaida au Pakistan et en Afghanistan. Au Pakistan, plusieurs attentats ont été organisés par d'anciens membres des réseaux terroristes d'Afghanistan.

94. En 2014, quelque 330 Maldiviens se sont rendus en Syrie, persuadés d'aller y combattre par des agents recruteurs itinérants qui leur avaient offert de l'argent pour gagner ce pays en passant par Sri Lanka. Selon les autorités des Maldives, il semble que les habitants des îles les plus isolées soient systématiquement ciblés par les recruteurs, et que nombre d'entre eux soient partis avec femme et enfants. Au cours du seul mois de janvier 2015, ce sont au moins 15 Maldiviens qui ont tenté de se rendre en Syrie. Quatre d'entre eux ont été appréhendés en chemin, en Malaisie. Traditionnellement, d'autres États de la région tels que l'Afghanistan et le Pakistan font davantage porter leurs efforts sur la lutte contre les réseaux terroristes profondément enracinés sur leur territoire, comme Al-Qaida et les Taliban. Toutefois, depuis peu, ils accordent eux aussi une attention plus grande à la menace venue des combattants terroristes étrangers. Il semblerait que l'EIIL ait pris contact en 2014 avec des groupes d'activistes d'Asie du sud, avec pour objectif apparent d'étendre son influence dans la région et de recruter des combattants pour ses opérations en Iraq et en Syrie. Il est probable que la menace liée aux combattants terroristes étrangers contribuera à court terme à aggraver l'instabilité dans la région.

2. Analyse de la situation dans la région

a) Dispositions de la résolution 2178 (2014) relatives à la qualification des infractions pénales

95. À la suite de l'adoption de la résolution 2178 (2014), les États Membres de l'Association sud-asiatique de coopération régionale (ASACR) se sont penchés sur les nombreux problèmes posés par les combattants terroristes étrangers en matière d'application de la législation et de maintien de l'ordre. D'une manière générale, les États de la région n'ont incorporé dans leur droit interne aucun délit pénal dont l'acception soit suffisamment étendue pour qu'il soit possible d'engager des poursuites au titre des agissements préparatoires ou faits de complicité intervenus sur leur territoire dans le but de commettre un acte de terrorisme à l'étranger. Le droit pénal de ces États présente en outre des lacunes spécifiques en ce qui concerne les possibilités offertes d'engager des poursuites contre les individus qui se rendent ou tentent de se rendre dans un autre État que celui où ils résident ou dont ils ont la nationalité dans le dessein de commettre, organiser ou préparer des actes de terrorisme, ou de dispenser ou recevoir un entraînement au terrorisme, ou de participer à de telles activités. En tant que signataires de la Convention régionale de l'ASACR sur la répression du terrorisme, les États de la région ont érigé en infractions pénales le fait de faciliter ou d'encourager la commission d'une infraction, ou encore le fait de prodiguer des conseils en vue d'une telle entreprise.

b) Répression et prévention des déplacements des combattants terroristes étrangers entre États

96. On constate un certain nombre de lacunes dans les mécanismes de surveillance des frontières mis en place par les États de la région. La porosité de nombreuses frontières est à cet égard particulièrement préoccupante. Par ailleurs, il est possible de pénétrer sur le territoire de nombreux États de la région ou d'en sortir sans visa, et la frontière entre l'Inde et le Népal ne fait l'objet d'aucun contrôle. Certains États (comme le Népal ou les Maldives) délivrent des visas à l'arrivée sur le territoire national : il arrive que les combattants terroristes étrangers tirent parti de ce type de dispositif, ainsi que des frontières où aucun contrôle n'est exercé, pour brouiller les pistes en segmentant leur itinéraire, afin d'empêcher les agents des polices aux frontières de déterminer avec certitude les étapes précédentes de leur voyage.

97. Un renforcement, aux plans national et international, de l'échange d'informations en matière d'application de la législation, pourrait permettre à tous les États de la région de commencer à combler ces lacunes. Il est essentiel que les services nationaux de police mettent en place des contacts réguliers avec les douanes et les services d'immigration, et qu'ils communiquent régulièrement avec les services de renseignement nationaux. Il est tout aussi essentiel que les gouvernements déploient des efforts soutenus de coopération, au niveau régional et au-delà, et que les organismes nationaux tirent pleinement parti des ressources multilatérales. Les États Membres doivent utiliser autant que possible les données contenues dans les systèmes d'information multilatéraux, tels que les listes de surveillance nationales et régionales, ainsi que les notices d'INTERPOL et ses bases de données, notamment celle qui porte sur les combattants terroristes étrangers.

98. Seul un des huit États d'Asie du sud (l'Inde) utilise actuellement le système de renseignements préalables concernant les voyageurs et les dossiers passager. Or, dans les pays qui ont mis en place un régime d'exemption de visa ou qui délivrent des visas à l'arrivée, ces dispositifs peuvent constituer le seul moyen efficace de repérer d'éventuels combattants terroristes étrangers. Le système de renseignements préalables concernant les voyageurs est un outil de surveillance aux frontières qui peut permettre d'intercepter les combattants terroristes étrangers et autres délinquants qui tentent d'échapper à la détection, à l'arrestation et aux poursuites judiciaires : tous les États de la région sont donc instamment priés de mettre en place de tels systèmes dans les meilleurs délais.

c) Lutte contre l'incitation et l'extrémisme violent conduisant au terrorisme

99. Le détournement d'Internet aux fins du recrutement de combattants terroristes étrangers est un sujet de préoccupation majeur. Conformément à la résolution 1624 (2005), les États ont pris des mesures pour interdire le recrutement et pour lutter contre l'extrémisme violent. S'il est vrai que ces initiatives sont encourageantes, il convient de noter que certaines stratégies par trop énergiques qui sont adoptées par les services de maintien de l'ordre pour lutter contre le recrutement de combattants terroristes étrangers, notamment par le truchement d'Internet, sont susceptibles de porter atteinte à des droits fondamentaux tels que la liberté d'expression et la liberté d'association.

100. Deux États ont cherché à contrer l'influence des idéologies extrémistes en pratiquant davantage le dialogue avec les communautés religieuses et leurs chefs spirituels. Dans le premier, les personnes désireuses d'officier en tant qu'imam doivent suivre un cours de formation validé par les autorités de l'État et reçoivent le texte des sermons officiellement approuvés qu'ils doivent diffuser lors de la prière du vendredi. Dans le second, le Ministère de l'éducation encadre les madrassas et a entrepris d'élaborer un programme national incluant l'enseignement des langues, des mathématiques et des sciences et impose à toutes les écoles primaires des normes minimales à observer pour toutes les matières autres que la religion, de la première à la huitième année d'études. Le Ministère des affaires religieuses et le National Committee on Militancy Resistance and Prevention (comité national de répression et de prévention du militantisme radical) travaillent tous deux avec les imams et les spécialistes de la religion afin de renforcer la sensibilisation du public à la question du terrorisme. En outre, la plupart des États de la région ont engagé le dialogue avec des associations de la société civile pour les aider à comprendre les problèmes auxquels elles se heurtent et trouver des moyens de les régler.

d) Lutte contre le financement du terrorisme

101. Les États Membres de la région ont à peine entamé l'exécution de la tâche complexe qui consiste à remonter les filières de financement des combattants terroristes étrangers. En Asie du Sud, comme dans d'autres régions, de petits montants suffisent pour financer les frais de voyage et d'équipement de tels combattants, ce qui rend plus délicate l'application des mesures telles que le suivi de la localisation et l'interception. Les combattants terroristes étrangers en provenance d'Asie du sud peuvent s'autofinancer ou être financés par des réseaux de recrutement. Ce financement peut être issu de sources licites (épargne individuelle, prestations sociales, emprunts de petits montants et dons) ou illicites (à savoir, en particulier, le trafic de stupéfiants et d'armes, le vol, le vol à main armée et la fraude). Les mouvements d'argent peuvent s'effectuer par des méthodes traditionnelles telles que la remise d'espèces et le transfert de fonds ou de valeurs (également connu sous le nom de « hawala »), ou au moyen de cartes de débit ou de crédit. L'Afghanistan, en particulier, a accompli des progrès considérables dans l'enregistrement et le contrôle des services de transfert de fonds ou de valeurs. Afin d'intensifier les efforts de détection et d'interception, il est recommandé que les banques centrales, les services de renseignement financier et les représentants du secteur privé présents dans la région coopèrent et se coordonnent en vue d'échanger des informations. Le développement de tels échanges aura pour effet d'enrichir les données colligées par les services du renseignement financier, qui pourront les utiliser pour bloquer les flux financiers destinés aux combattants terroristes étrangers.

e) Coopération internationale et régionale

102. Les États d'Asie du Sud sont encouragés à renforcer la coopération aux niveaux régional et international, qu'il s'agisse de la coopération sur le plan juridique (entraide juridique, extradition) ou de l'échange de renseignements de nature opérationnelle entre membres des services de répression. La coopération antiterroriste, tant formelle qu'informelle, s'est améliorée au cours de ces cinq dernières années. Pour contrer efficacement les menaces en constante évolution que posent les combattants terroristes étrangers, il est toutefois nécessaire que les États renforcent leur coopération aux plans régional et international. Il s'agit d'empêcher le recrutement de ces combattants et de faire en sorte qu'ils puissent être plus facilement arrêtés et traduits en justice pour actes de terrorisme.

E. Asie du Sud-Est (Indonésie, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour et Thaïlande)

1. Évaluation générale de la menace

103. Bien que de nombreux États de l'Asie du Sud -Est demeurent vulnérables face à la menace que fait peser le terrorisme international, de nombreux éléments et tendances positifs sont apparus au cours des dernières années, et la nature de la menace a considérablement évolué. La capacité de certains groupes terroristes (y compris la Jemaa Islamiya, affiliée à Al-Qaida) |17| de commettre des actes terroristes a été mise à mal grâce à de vigoureuses mesures de répression et à la participation des populations. En outre, la conclusion d'accords de paix entre les gouvernements et les groupes séparatistes, intervenue récemment, a contribué à la prévention des actes terroristes |18|. La région doit cependant faire face à une nouvelle forme de menace terroriste, posée par les combattants terroristes étrangers qui partent d'Asie du Sud -Est pour aller grossir les rangs de l'EIIL.

104. Une unité militaire spéciale dénommée Katibah Nusantara et constituée principalement de combattants terroristes étrangers malaisiens et indonésiens a été créée au sein de l'EIIL six mois après l'établissement de celui -ci. En avril 2015, elle a montré ses capacités militaires en s'emparant, en Iraq, de plusieurs territoires tenus par les Kurdes. Katibah Nusantara aide l'EIIL à réaliser son projet consistant à intégrer l'Asie du Sud -Est à son « califat » mondial. L'EIIL diffuse sur ses sites Web du matériel de propagande en langues malaise et indonésienne; par ailleurs, il semblerait que Katibah Nusantara prenne en charge les familles des combattants terroristes étrangers originaires d'Asie du Sud -Est et soit en train de développer un réseau dans la région |19| où, depuis l'été 2014, la menace liée à l'EIIL se propage rapidement.

105. Le nombre de combattants terroristes étrangers en provenance d'Asie du Sud-Est a sensiblement augmenté. Les autorités gouvernementales reconnaissent officiellement que 209 Indonésiens, 80 Malaisiens et deux familles singapouriennes combattent pour l'EIIL |20|. Le lien entre Katibah Nusantara et les combattants de retour au pays a pour effet d'exacerber la menace terroriste dans la région. L'Indonésie, la Malaisie et Singapour ont mis au jour plusieurs complots terroristes organisés par des combattants de l'EIIL rentrés au pays.

106. Une trentaine de groupes terroristes d'Asie du Sud-Est, y compris la Jemaa Islamiya, en Indonésie, et le Groupe Abu Sayyaf, aux Philippines, ont publiquement prêté allégeance à l'EIIL |21|. Le lien entre le Groupe Abu Sayyaf et l'EIIL reste toutefois à démontrer. Comme les motivations du groupe semblent plus crapuleuses qu'idéologiques (il est coutumier des enlèvements suivis de demandes de rançon ou de manœuvres d'extorsion), il est plausible que cette alliance soit un moyen d'obtenir un soutien logistique et financier de la part de l'EIIL.

107. Pour les combattants terroristes étrangers, tous les États d'Asie du Sud-Est sont des pays d'origine - Singapour, la Malaisie et la Thaïlande étant également des États de transit. Étant donné que l'émigration de travailleurs vers l'étranger est une tradition bien établie dans la plupart des États de la région, de nombreux groupes de trafiquants s'y sont spécialisés dans la fabrication de titres de voyage falsifiés. C'est pourquoi il est relativement facile de s'y procurer de faux passeports pour aller ensuite combattre dans les zones de conflit.

108. La Police royale malaisienne a arrêté 132 Malaisiens (dont 20 % de femmes) soupçonnés d'avoir tenté de quitter le pays pour s'engager dans les rangs de l'EIIL entre 2013 et octobre 2015. Par ailleurs, deux des suspects arrêtés en avril 2015 dans l'affaire du complot terroriste éventé de Kuala Lumpur venaient de rentrer de Syrie.

2. Analyse de la situation dans la région

a) Dispositions de la résolution 2178 (2014) relatives à la qualification des infractions pénales

109. Bien qu'aucun État d'Asie du Sud-Est n'ait expressément érigé en infractions pénales les déplacements de combattants terroristes étrangers ou le financement de ces déplacements, plusieurs d'entre eux sont en train de prendre des mesures d'urgence pour pallier les lacunes de la législation. C'est ainsi qu'à titre de mesure préventive, la Malaisie et Singapour peuvent désormais refuser de délivrer des titres de voyage ou les annuler, afin de faire obstacle aux déplacements de combattants terroristes étrangers. En vue de traiter les questions relatives aux combattants terroristes étrangers, la Malaisie a promulgué le Special Measures Against Terrorism in Foreign Countries Act et modifié le Security Offences (Special Measures) Act en juin 2015, promulgué le Prevention of Terrorism Act, toujours au cours de l'année 2015, et modifié le Prevention of Crime Act en septembre de cette même année.

110. D'autres États s'appuient sur la législation en vigueur pour s'attaquer au problème des combattants terroristes étrangers, mais on peut craindre que cela ne soit pas suffisant pour empêcher ces individus de se rendre dans des zones de conflit. Dans un État au moins, le fait de dispenser ou de recevoir un entraînement terroriste sur le territoire national ou à l'étranger ne constitue pas une infraction pénale. Par ailleurs, un État au moins ne dispose d'aucune base juridique permettant de contrôler la délivrance des titres de voyage.

111. En 2007, un État a adopté une loi antiterroriste prévoyant des mesures rigoureuses. Elle est toutefois rarement invoquée et ne contient aucune disposition érigeant en infractions pénales les déplacements des combattants terroristes étrangers et le financement de tels déplacements. Il n'existe pas non plus de dispositions législatives générales érigeant en infraction pénale la préparation d'actes de terrorisme, qui puissent être invoquées pour sanctionner ces déplacements.

112. La Malaisie et Singapour ont érigé en infraction le recrutement de membres de groupes terroristes. Il faut que les gouvernements prennent des mesures pour lutter contre le recrutement par l'EIIL de combattants en provenance d'Asie du Sud-Est par le truchement de ses sites Web en langues locales. Les mesures visant à lutter contre l'utilisation des médias sociaux à des fins de recrutement ne doivent cependant pas porter atteinte à la liberté d'expression.

b) Mesures préventives et administratives

113. Dans le cadre de leur législation nationale en matière de sécurité et en vertu d'une nouvelle loi antiterroriste, deux États ont recours à diverses mesures préventives et administratives pour faire obstacle aux déplacements des combattants terroristes étrangers, parmi lesquelles la mise en détention et le recours à des ordonnances de protection imposant, par exemple, une assignation à résidence. Ces mesures permettent d'incarcérer sans inculpation et/ou sans contrôle judiciaire les combattants terroristes étrangers potentiels, pendant une période d'une durée maximale de deux ans, avec possibilité de prorogation d'une durée indéfinie |22|. Les organismes des Nations Unies intervenant dans le domaine des droits de l'homme ont exprimé de sérieuses réserves quant à cette pratique. Le Comité contre la torture a indiqué que les mesures en question pourraient constituer une violation de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité des droits de l'homme, dans son observation générale nº 35 sur l'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a déclaré que cette forme de détention pouvait s'apparenter à la privation arbitraire de liberté.

c) Répression et poursuites judiciaires

114. Tous les États d'Asie du Sud -Est ont élaboré leurs propres stratégies de lutte contre le terrorisme et disposent, au sein de la police et du parquet, d'unités spéciales compétentes en la matière. La coordination au niveau national a été considérablement améliorée. En dépit des difficultés que pose habituellement la collecte d'informations et d'éléments de preuve dans les zones de conflit, l'efficacité des mesures prises par l'Indonésie et la Malaisie a été démontrée. La base de données I-24/7 d'INTERPOL n'est pas utilisée de façon systématique, exception faite d'un État.

115. Au total, 266 combattants terroristes étrangers de nationalité indonésienne sont partis rejoindre les rangs de l'EIIL. Quatre condamnations ont été prononcées en Indonésie dans des affaires en lien avec les combattants terroristes et huit autres affaires sont en cours d'instruction. Le pays détient actuellement 43 personnes dans le cadre d'affaires liées aux combattants terroristes étrangers. Toutefois, faute de qualification appropriée des infractions pénales, l'un des États concernés invoque des chefs d'inculpation relativement mineurs pour engager des poursuites contre les combattants terroristes soupçonnés de s'être rendus à l'étranger, aussi est -il à craindre que d'ex-détenus terroristes se livrent de nouveau à des actes de terrorisme après avoir purgé des peines de courte durée.

116. Plutôt que d'engager des poursuites pénales contre les combattants terroristes étrangers, deux États ont recours à la détention préventive ou à l'internement administratif afin d'empêcher la perpétration d'actes de terrorisme ou d'assurer la réhabilitation et la réinsertion sociale de tels combattants. Ainsi qu'il a été observé plus haut, d'aucuns suggèrent que cette pratique n'est pas respectueuse des droits de l'homme.

117. Dans un État, on n'a enregistré qu'une seule condamnation en vertu de la loi contre le terrorisme, les poursuites liées aux affaires de terrorisme étant généralement menées au titre des infractions prévues par le Code pénal. Compte tenu du nombre élevé d'enlèvements avec demande de rançon commis dans cet État par des groupes terroristes, la police nationale et les services du procureur, qui relèvent du Ministère de la justice, ont mis en place des unités antiterroristes et des unités spéciales de prévention des enlèvements. Ce faisant, ils ont acquis une expérience appréciable en la matière, notamment pour ce qui est des négociations en cas de prise d'otages.

118. La supervision des activités liées au maintien de l'ordre est relativement limitée en Asie du Sud-Est. Les magistrats du parquet sont chargés de contrôler la légalité des enquêtes menées par la police.

d) Lutte contre l'incitation et l'extrémisme violent conduisant au terrorisme

119. Tous les États d'Asie du Sud-Est ont pris des mesures énergiques afin de prévenir l'extrémisme violent en renforçant le dialogue et en favorisant la compréhension mutuelle entre sociétés. La plupart des gouvernements mettent en œuvre des politiques d'ensemble novatrices visant à combattre l'extrémisme violent et ont déjà obtenu des résultats positifs, notamment en apportant des solutions à des problèmes aussi épineux que le recrutement de jeunes. Ils ont aussi intensifié les relations avec la société civile en vue de renforcer l'engagement des communautés. Le dialogue mené spécifiquement avec les jeunes dans les écoles et les universités s'est révélé particulièrement fructueux. La Malaisie et Singapour exécutent des programmes visant à assurer la réhabilitation et la réinsertion sociale des personnes condamnées pour faits de terrorisme, en coopération avec diverses organisations de la société civile, mais aussi parfois en ayant recours à la détention préventive ou à l'internement administratif, ce qui suscite des préoccupations en matière de droits de l'homme. Le Ministère malaisien de l'intérieur dispose de deux établissements spécialisés dans les programmes de réhabilitation et de déradicalisation.

120. Coprésidente du Groupe de travail sur la détention et la réinsertion du Forum mondial de lutte contre le terrorisme, l'Indonésie promeut l'application du Mémorandum de Rome sur les bonnes pratiques en matière de réhabilitation et de réinsertion des délinquants extrémistes violents, adopté par le Forum. L'Indonésie a également élaboré certains programmes gouvernementaux en coopération avec les communautés religieuses et leurs chefs spirituels.

e) Coopération régionale et internationale

121. D'une manière générale, la coopération entre les États de l'Asie du Sud-Est pour ce qui est de l'échange d'informations répond à des besoins ponctuels. La configuration géographique d'archipels tels que l'Indonésie et les Philippines rend plus complexe la surveillance de leurs frontières. L'Indonésie, la Malaisie, Singapour et la Thaïlande mènent toutefois diverses opérations de concert, telles que des patrouilles navales et aériennes coordonnées dans le secteur du détroit de Malacca.

122. Les États Membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) ont adopté des instruments de portée régionale, notamment la Convention sur la lutte contre le terrorisme (2007) et un traité multilatéral d'entraide judiciaire entre pays de l'ASEAN attachés aux mêmes principes (2004). Ces instruments ont tous deux été ratifiés par l'ensemble des États membres de l'Association, mais ils ne sont pas encore pleinement exploités. Par ailleurs, il n'existe pas d'accord régional en matière d'extradition.

123. L'ASEAN a entrepris de constituer une « communauté politique et de sécurité » qui examinera les enjeux liés à la sécurité, notamment le terrorisme.

124. L'Indonésie et la Malaisie entretiennent toutes deux des liens étroits avec les États qui sont aux prises avec l'EIIL et elles disposent de moyens considérables pour recueillir des renseignements utiles au sujet des combattants terroristes étrangers issus de leur propre population. Tous les États d'Asie du Sud-Est ont renforcé leur coopération avec les États-Unis d'Amérique dans divers domaines, et tous prennent une part active aux efforts menés par l'Association de coopération économique Asie-Pacifique et par la Réunion Asie-Europe au titre de la lutte contre le terrorisme.

F. Caucase du Sud (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie)

1. Évaluation générale de la menace

125. Plusieurs conflits territoriaux sont encore source d'instabilité dans le Caucase du Sud, qui font obstacle à une croissance économique viable et au bien-être social. La région a été frappée par plusieurs attentats terroristes. Ces deux dernières années, il a été signalé que des citoyens géorgiens et azerbaïdjanais s'étaient rendus en République arabe syrienne pour participer à des activités terroristes.

126. Les chercheurs et la presse d'Azerbaïdjan affirment que des centaines d'Azerbaïdjanais ont combattu en République arabe syrienne depuis le début du conflit syrien. D'après les autorités, 248 citoyens azerbaïdjanais se seraient rendus en Afghanistan et au Pakistan pour prendre part à des activités extrémistes - la mort de 78 d'entre eux ayant été confirmée - et 271 se seraient rendus en République arabe syrienne et en Iraq - la mort de 97 d'entre eux a été confirmée. Trente individus ont été traduits en justice à leur retour |23| et 33 font l'objet d'un mandat de recherche international.

127. Le 23 janvier 2015, un Géorgien a été inscrit sur la liste tenue par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999) et 1989 (2011) et décrit comme un « grand chef militaire basé en République arabe syrienne et membre de la choura de l'EIIL ». Depuis le milieu de l'année 2014, cet individu est à la tête de quelque 1 000 combattants terroristes étrangers pour le compte de l'EIIL, et notamment de Jaysh al -Muhajirin wal-Ansar (l'Armée des émigrants et des partisans), et il a conduit plusieurs attaques dans le nord de la République arabe syrienne. Parmi les Géorgiens qui auraient été impliqués dans des activités de l'EIIL, y compris en tant que chefs militaires, plusieurs sont des Tchétchènes ou des Kystes de la vallée de Pankissi, zone limitrophe du Caucase du Nord, en Fédération de Russie. Selon les statistiques communiquées en août 2015 par les autorités géorgiennes à la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, 41 citoyens géorgiens, y compris des femmes, opéraient hors du pays en tant que combattants terroristes étrangers. Le Ministère de l'intérieur a indiqué que quatre Géorgiens avaient été arrêtés en juin 2015, soupçonnés d'avoir favorisé le recrutement d'individus destinés à rejoindre les rangs d'organisations terroristes à l'étranger et d'avoir aidé à la perpétration d'actes terroristes |24|.

128. Aujourd'hui encore, il est relativement facile pour les Azerbaïdjanais et les Géorgiens de se rendre en République arabe syrienne, notamment en passant par la Turquie; ils sont aidés en cela par des similitudes linguistiques et par l'exemption de visa dont ils font l'objet. En outre, les États d'Asie centrale et la Fédération de Russie ont constaté que ceux de leurs ressortissants qui se rendaient en République arabe syrienne utilisaient l'Azerbaïdjan et la Géorgie comme pays de transit.

129. Des trois pays de la région, c'est l'Arménie qui semble être le moins touchée par le phénomène des combattants terroristes étrangers. Du fait du conflit qui l'oppose à l'Azerbaïdjan et de la fermeture de sa frontière avec la Turquie, elle n'est pratiquement pas concernée par les voyages de combattants terroristes étrangers. Elle est toutefois atteinte par des phénomènes connexes, notamment les attaques visant l'ethnie arménienne en République arabe syrienne et en Iraq, mais aussi l'afflux de réfugiés syriens, qui la considèrent à la fois comme un pays de passage et de destination.

2. Analyse de la situation dans la région

a) Dispositions de la résolution 2178 (2014) relatives à la qualification des infractions pénales

130. L'Azerbaïdjan et la Géorgie ont récemment modifié leurs lois relatives à la lutte contre le terrorisme et leur législation pénale en vue de mieux faire face à la menace terroriste. En 2014, les autorités azerbaïdjanaises ont alourdi les sanctions pénales encourues pour les crimes terroristes et liés au mercenariat (combattre comme mercenaire, recruter ou parrainer des mercenaires), mais pas pour les crimes liés aux voyages de combattants terroristes étrangers au sens donné par la résolution 2178 (2014). En 2015, la Géorgie a établi la responsabilité pénale des individus se livrant à des activités liées aux voyages de combattants terroristes étrangers et au recrutement de terroristes ou affiliés à une organisation terroriste étrangère ou contrôlée par un État étranger |25| (entre autres infractions). L'incitation et la formation au terrorisme sont érigées en infractions pénales dans les deux États susmentionnés. Quant au droit pénal arménien, il sanctionne le terrorisme international et les activités de mercenariat. Le projet de nouveau code pénal arménien a été adopté en juin 2015. Pour poursuivre les combattants terroristes étrangers, les trois États en question peuvent également recourir aux dispositions de leurs codes pénaux relatives à la responsabilité du complice et à la préparation de crimes graves.

131. Les trois États ont établi, selon qu'il convenait, leur compétence en ce qui concerne les actes de terrorisme commis par leurs citoyens, quel que soit le lieu.

132. Deux de ces États ont déjà engagé des enquêtes ou des poursuites contre des citoyens ayant participé à des activités terroristes à l'étranger. Toutefois, étant donné qu'il s'agit d'un phénomène relativement nouveau pour leurs systèmes de justice pénale respectifs, ils devront certainement procéder à des ajustements afin de traiter les affaires y relatives dans le strict respect de l'état de droit et du droit international des droits de l'homme. Il leur faudra notamment faire face aux difficultés posées par la nécessité de réunir des éléments de preuve attestant de l'intention de rejoindre les rangs d'une organisation terroriste à l'étranger et d'établir les faits dans le cas de crimes terroristes perpétrés à l'étranger sur des territoires qui échappent souvent à tout contrôle.

b) Répression et prévention des déplacements des combattants terroristes étrangers entre États

133. Les autorités de maintien de l'ordre, de contrôle aux frontières et douanières du Caucase du Sud ont renforcé la surveillance des déplacements des combattants terroristes étrangers. À tous ses points de contrôle aux frontières, l'Azerbaïdjan utilise un système automatisé interorganisations de recherche d'informations, afin d'identifier les combattants terroristes étrangers. Plus généralement, les trois États continuent de s'employer à renforcer la sécurité aux frontières et à coopérer avec les autres États concernés en matière de contrôles aux frontières. Ces efforts sont toutefois compromis par les difficultés que comporte le contrôle des frontières, en particulier dans certains territoires et dans les zones montagneuses, ainsi que par la persistance de tensions au niveau régional et entre États voisins. Néanmoins, il est essentiel qu'ils procèdent conjointement à une évaluation des risques rigoureuse en coopérant au niveau régional (notamment grâce au partage d'informations relatives aux itinéraires empruntés, aux tendances observées et à la nature des groupes, mouvements et sources de financement impliqués) pour endiguer le flot de combattants terroristes étrangers. Aucun des États de la région n'exploite pleinement un système de renseignements préalables concernant les voyageurs, mais tous prennent des dispositions pour renforcer les contrôles aux points d'entrée, notamment la consultation des listes de surveillance.

134. Globalement, les trois États tireraient avantage d'une plus grande coordination et d'un meilleur partage des informations entre leurs autorités de maintien de l'ordre, de contrôle aux frontières et douanières, surtout dans l'optique de la prévention des voyages et du transit des combattants terroristes étrangers.

c) Lutte contre le financement du terrorisme

135. Aucune mesure spécifique n'a été prise pour démanteler et neutraliser les filières de financement des combattants terroristes étrangers. Cependant, les trois États continuent de renforcer leurs mesures législatives et opérationnelles de lutte contre le financement du terrorisme, qui peuvent aussi être mises à contribution pour provoquer l'arrêt du financement et des voyages des combattants terroristes étrangers. Le financement du terrorisme, qu'il se fasse au profit d'organisations terroristes ou d'individus, est dûment érigé en infraction pénale dans les trois États de la région.

d) Lutte contre l'incitation et l'extrémisme violent conduisant au terrorisme

136. Afin de faire face au phénomène grandissant de la radicalisation et du recrutement de terroristes, y compris de combattants terroristes étrangers, les trois États ont instauré des mesures de contrôle supplémentaires visant les institutions religieuses et les médias - toutefois, certaines de ces mesures ne font pas de distinction entre les personnes coupables d'incitation à la violence et les opposants politiques. Par ailleurs, on observe des tentatives de contre-propagande : ainsi, en janvier 2014, le Conseil musulman du Caucase a émis une fatwa (avis officiel) condamnant toute implication dans des conflits armés au nom de la religion. Pour lutter plus efficacement contre ce phénomène, les trois États doivent faire porter davantage d'efforts sur les populations vulnérables, en mettant l'accent sur le développement économique, la police de proximité, la réforme du système pénitentiaire et le dialogue avec les minorités ethniques et religieuses.

137. Certaines organisations de la société civile et certains organes de presse commencent à prendre part aux activités de prévention. À titre d'exemple, une émission de télévision populaire en Azerbaïdjan, « Seni Axtariram » (« Je suis à ta recherche »), diffuse des reportages dans lesquels des combattants terroristes étrangers et leurs familles racontent leur histoire |26|. La coopération entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile doit s'intensifier pour que de telles initiatives soient plus efficaces.

e) Coopération régionale

138. En leur qualité de membres du Conseil de l'Europe, il est prévu que les trois États deviennent parties au Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme, qui traite spécifiquement des questions liées aux combattants terroristes étrangers. De plus, ils participent activement aux efforts de lutte contre le terrorisme et la violence extrémiste déployés par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). L'Arménie et l'Azerbaïdjan sont membres de la Communauté d'États indépendants, qui, par l'intermédiaire de son Centre de lutte contre le terrorisme, dirige la coopération dans ce domaine. D'autres dispositifs de coopération et de partage d'informations existent dans le cadre de l'Organisation pour la démocratie et le développement économique-GUAM, dont l'Azerbaïdjan et la Géorgie font partie, et de l'Organisation de coopération économique de la mer Noire. Toutefois, la coopération régionale pâtit considérablement de l'absence de relations diplomatiques entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, ainsi qu'entre la Géorgie et la Fédération de Russie.

G. Europe du Sud-Est (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, ex-République yougoslave de Macédoine et Serbie) et Fédération de Russie

1. Évaluation générale de la menace

139. Le fait pour des individus de se rendre à l'étranger dans le but d'y prendre part à des conflits n'est pas un phénomène nouveau en Europe du Sud-Est. Plusieurs milliers de combattants étrangers avaient participé au conflit dans les Balkans. Depuis, nombre d'entre eux ont gagné d'autres zones de conflit, mais certains sont restés sur place pour fonder une famille et s'intégrer, à des degrés divers, dans les États de la région.

140. La nouvelle vague de départs de combattants terroristes étrangers a particulièrement touché l'Europe du Sud-Est et la Fédération de Russie, d'où un nombre relativement élevé d'individus sont partis pour aller grossir les rangs des organisations terroristes en République arabe syrienne et en Iraq. La plupart des États de la région constituent des pays d'origine pour les combattants en question, et certains des pays de transit.

141. Dans plusieurs États d'Europe du Sud-Est, les combattants terroristes étrangers se comptent par centaines et leur proportion dans la population nationale est parmi les plus élevées au monde. La région est fortement exposée à la radicalisation et au recrutement de combattants terroristes, deux phénomènes qui ont récemment atteint des niveaux préoccupants. Les perspectives économiques médiocres, les taux de chômage élevés, les différends historiques et le manque de confiance envers les gouvernements rendent certains États d'Europe du Sud -Est plus vulnérables que d'autres au recrutement de combattants. Tous les États de la région prennent très au sérieux la menace que fait planer le phénomène des combattants terroristes étrangers. Plusieurs d'entre eux, dont l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine et la Serbie, ont promulgué de nouveaux textes en application de la résolution 2178 (2014) ou engagé un processus à cette fin.

2. Analyse de la situation dans la région

a) Dispositions de la résolution 2178 (2014) relatives à la qualification des infractions pénales

142. Comme suite à l'adoption de la résolution 2178 (2014), plusieurs États ont entrepris, le cas échéant, de réviser ou de modifier leur législation pénale. L'Albanie a engagé la mise en conformité de son droit pénal avec les dispositions de la résolution. En Bosnie-Herzégovine, une loi adoptée en juin 2014 interdit à quiconque de quitter le pays dans le but de participer à des activités paramilitaires ou à des conflits à l'étranger. En vertu de cette loi, il n'est pas nécessaire de prouver l'intention de commettre certains actes, mais simplement la présence sur un champ de bataille à l'étranger. Quiconque est condamné pour ce type d'infraction encourt une peine d'emprisonnement d'une durée comprise entre cinq et vingt ans. Depuis l'adoption de cette loi, les autorités ont observé qu'elle avait un effet préventif modéré, mais aucun tribunal n'a encore rendu de décision dans une affaire découlant de son application.

143. Peu d'États de la région ont la capacité de traduire en justice les combattants terroristes étrangers ou sont déterminés à le faire. La Serbie, par exemple, a arrêté trois de ses nationaux suspectés d'avoir commis des infractions liées aux combattants terroristes étrangers. Elle a engagé des poursuites pénales contre sept combattants, dont quatre sont jugés par contumace. D'après les médias, l'Albanie a arrêté en mars 2015 sept individus soupçonnés d'être impliqués dans le recrutement d'Albanais envoyés combattre en République arabe syrienne. Le 6 août 2015, la police de l'ex-République yougoslave de Macédoine a procédé à l'arrestation sur son territoire de neuf de ses nationaux qui revenaient du Moyen-Orient. La Bosnie-Herzégovine a récemment a fait de même avec 16 individus soupçonnés d'être allés combattre en République arabe syrienne et en Iraq ou d'avoir recruté dans les Balkans et aidé financièrement des personnes à rejoindre l'EIIL.

144. La Fédération de Russie a modifié certains articles de son Code pénal pour établir la responsabilité pénale de quiconque dispense ou suit des formations visant à conduire des activités terroristes; crée une organisation terroriste ou en devient membre; dirige un groupe armé illégal ou en fait partie. Ces articles tels que modifiés servent de base pour engager des poursuites, notamment dans les affaires de recrutement de combattants et de facilitation ou de financement de leurs voyages. En 2014, 66 individus ont été reconnus coupables de crimes terroristes, dont cinq étrangers (soit 8 % des condamnés).

b) Répression et prévention des déplacements des combattants terroristes étrangers entre États

145. Le défi consistant à empêcher les déplacements de combattants terroristes étrangers entre États est probablement le plus difficile à relever pour une région qui, depuis bien longtemps, est un point de passage entre l'Europe, l'Asie et l'Afrique, et qui est traversée par des migrants venus d'endroits aussi éloignés que le Pakistan, l'Afghanistan et l'Afrique avec l'Europe pour destination. Nombre des États de la région sont des pays d'origine ou de transit pour les combattants terroristes étrangers. Toutefois, il est possible de faire bien davantage pour empêcher les déplacements de tels combattants d'un État à l'autre en Europe du Sud-Est. Plusieurs États de la région ne seront vraisemblablement pas intégrés à l'espace Schengen dans un avenir proche et il leur incombe donc de gérer leurs frontières de façon unilatérale ou bilatérale. Certains États ont également adjoint aux outils de coopération régionale en matière de gestion des frontières des mesures unilatérales visant à renforcer leur sécurité. Ainsi, la Bulgarie a érigé des clôtures de sécurité le long des frontières qu'elle partage avec des États non membres de l'Union européenne, afin d'endiguer le flux des migrants désireux d'entrer sur son territoire.

146. Les conflits en République arabe syrienne, en Iraq et dans la Corne de l'Afrique sont également à l'origine de flux extrêmement denses de migrants, de réfugiés et de demandeurs d'asile. Les États ont dû faire face à ces arrivées massives à leurs frontières. Pour les réfugiés, l'Europe du Sud-Est constitue soit une destination finale, soit une porte d'accès à l'Europe. La plupart des États de la région ont mis en place un droit de l'asile moderne, mais ils doivent renforcer leur capacité de gérer l'arrivée de migrants et de réfugiés tout en respectant les droits qui leur sont reconnus dans le droit international. Beaucoup d'États rencontrent des difficultés pour identifier les terroristes présumés ou leurs nationaux de retour de champs de bataille étrangers. L'Europe du Sud-Est se heurte à un problème supplémentaire : l'absence de stratégie ou de mécanisme de coopération de portée régionale aux fins de la gestion des flux transfrontières. De ce fait, il va être de plus en plus difficile pour les États de faire face, d'où un risque accru de voir les combattants terroristes étrangers profiter des systèmes nationaux, et la radicalisation et le recrutement dans les camps de réfugiés s'intensifier.

147. La Fédération de Russie a pris des dispositions préventives, y compris la publication d'avertissements officiels à l'intention des citoyens russes suspectés de vouloir se rendre en République arabe syrienne ou en Iraq dans le but d'y participer à des activités terroristes. Elle a instauré un ensemble de mesures dans les aéroports et aux postes frontière, qui prévoient la consultation des bases de données permettant d'identifier parmi les voyageurs des individus suspects ou faisant l'objet d'un mandat de recherche international. Ainsi, 70 personnes se sont vu refuser l'autorisation de quitter le pays. La Fédération a en outre adopté des mesures juridiques destinées à empêcher l'entrée sur son territoire d'étrangers soupçonnés d'avoir pris part à des activités terroristes.

c) Lutte contre l'incitation et l'extrémisme violent conduisant au terrorisme

148. Pour ce qui est de l'objectif consistant à mettre un terme au recrutement à des fins de terrorisme, notamment celui de combattants terroristes étrangers, le degré d'application de la résolution 2178 (2014) varie d'un État à l'autre. Tous ont érigé en infraction pénale le recrutement aux fins du terrorisme et signé et ratifié la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme. Mais les États d'Europe du Sud -Est doivent revoir leur législation et envisager de l'actualiser pour que le recrutement de combattants terroristes étrangers soit également érigé en infraction. Ils doivent aussi investir davantage d'efforts dans la lutte contre le recrutement et l'extrémisme violent, en particulier sur Internet. La majorité des États de la région n'a toujours pas mis au point de stratégie nationale intégrée abordant tous les aspects de la lutte contre l'extrémisme violent, étayée par de solides programmes suscitant l'adhésion des populations locales.

149. La Fédération de Russie a élaboré une stratégie globale de lutte contre le recrutement, qui s'appuie non seulement sur des représentants des pouvoir publics, notamment les services de maintien de l'ordre et de sécurité, ainsi que les Ministères de la culture, de l'éducation et des sciences et du développement régional, mais aussi sur la société civile, les autorités religieuses, les milieux d'affaires et la presse. La Commission interinstitutions de lutte contre l'extrémisme, qui met l'accent sur le dialogue et la compréhension mutuelle, joue également un rôle important. Le recrutement et l'incitation sur Internet sont aussi une source de préoccupation majeure pour le Gouvernement russe. Depuis février 2014, plus de 500 sites Web utilisés pour inciter des individus à se livrer à des activités terroristes ont été bloqués.

d) Coopération internationale et régionale

150. En dépit de l'absence de stratégie régionale relative aux déplacements transfrontières en Europe du Sud-Est, de grands progrès ont été accomplis au cours de la dernière décennie en faveur du renforcement de la coopération régionale. Outre l'OSCE et le Conseil de l'Europe, qui agissent en ce sens, plusieurs organes de coopération régionale ont été créés ou consolidés, comme le Centre de maintien de l'ordre de l'Europe du Sud-Est, qui se consacre à la coopération en matière de maintien de l'ordre, et le Groupe consultatif des procureurs d'Europe du Sud-Est, réseau de professionnels chevronnés qui apportent leur concours sur le plan opérationnel et favorisent l'échange rapide d'informations et d'éléments de preuve dans le cadre des enquêtes transnationales. Ils entendent ainsi combler une importante lacune dans la région, soit en traitant sans délai - et dans le respect des règles en vigueur - les demandes d'entraide judiciaire, soit en passant par des filières informelles de partage de l'information. Le Centre de maintien de l'ordre et le Groupe consultatif tirent parti d'une convention régionale qui autorise le recours à des méthodes de coopération modernes, notamment les enquêtes menées conjointement.

151. Tous les États de la région ont pris des dispositions pour améliorer la coopération régionale en matière de lutte contre le terrorisme et, depuis peu, ils font porter davantage d'efforts sur la question des combattants terroristes étrangers. En février 2015, les ministres des affaires étrangères des pays d'Europe du Sud -Est ont adopté une déclaration commune sur le terrorisme, qui accorde une large place au phénomène des combattants terroristes étrangers et dans laquelle ils ont prié le Conseil de coopération régionale de créer une plateforme de coopération régionale mettant en relation tous les intervenants nationaux, régionaux et internationaux compétents pour qu'ils définissent une stratégie commune de lutte contre le terrorisme et le phénomène en question. Malgré ces avancées décisives, la coopération régionale reste compromise par plusieurs problèmes, notamment les tensions bilatérales persistantes, susceptibles d'avoir des effets néfastes sur la coopération transfrontière et par conséquent de faciliter les déplacements des terroristes.

152. La Fédération de Russie est un membre actif de l'OSCE, de la Communauté d'États indépendants, de l'Organisation du Traité de sécurité collective, du Groupe Eurasie de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de l'Organisation de Shanghai pour la coopération. Assumant un rôle actif dans ces organisations régionales, elle diffuse des connaissances et des techniques afin d'aider les États voisins à lutter contre le terrorisme. En application des accords bilatéraux qu'elle a signés avec ces États, 380 individus se sont vu interdire l'accès au territoire de la Fédération de Russie depuis 2015.

IV. Recommandations de portée mondiale

153. Certaines lacunes dans la mise en œuvre de la résolution 2178 (2014) sont communes à chaque région touchée par les combattants terroristes étrangers. La présente section contient des recommandations formulées à l'intention des États Membres sur la base des insuffisances relevées dans le premier rapport (S/2015/338, annexe), dans lequel les problèmes ont fait l'objet d'une analyse thématique, ainsi que dans le deuxième et dans celui-ci, dans lesquels le phénomène des combattants terroristes étrangers est analysé d'un point de vue régional. Les recommandations sont énoncées ci-après.

A. Dispositions de la résolution 2178 (2014) relatives à la qualification des infractions pénales

154. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Veiller à ce que toutes les infractions liées aux combattants terroristes étrangers prévues par la résolution 2178 (2014) et toutes les infractions pertinentes prévues dans la résolution 1373 (2001) soient érigées en infractions pénales dans la législation nationale;

    b) Veiller à ce que l'ensemble des actes préparatoires et des infractions préventives prévues par les résolutions du Conseil de sécurité et dans les instruments internationaux de lutte contre le terrorisme soit érigés en infractions graves et à ce que toute définition d'une infraction terroriste soit claire, précise et conforme au principe de légalité;

    c) Prendre des mesures pour encourager la participation des parlementaires, de la société civile, des organisations internationales et régionales pertinentes et des responsables politiques au processus législatif;

    d) Revoir la législation nationale afin de garantir que les règles de procédure pénale et de preuve permettent de recueillir de nombreux éléments à charge contre les combattants terroristes étrangers et de les exploiter, tout en respectant les obligations internationales relatives aux droits de l'homme et à l'état de droit, et actualiser la législation selon que de besoin, en veillant, en particulier, à ce que les éléments de preuve recueillis au moyen de techniques d'enquête spéciales ou auprès de pays de destination, ou les éléments de preuve recueillis à l'aide des technologies de l'information et des communications et des médias sociaux, y compris grâce à la surveillance électronique, soient recevables dans le cadre des affaires impliquant des combattants terroristes étrangers, dans le respect des principes internationaux relatifs à l'état de droit et aux droits de l'homme, en particulier le droit à la liberté d'expression et le droit de ne pas être l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans la vie privée.

B. Poursuites engagées contre des combattants terroristes étrangers

155. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Dispenser aux juges et aux procureurs une formation plus poussée dans le domaine des pratiques internationales optimales en matière de lutte contre le terrorisme, s'agissant en particulier des combattants terroristes étrangers, pouvant inclure la collecte et la recevabilité des preuves émanant des médias sociaux ou d'enquêtes financières, obtenues au moyen de techniques d'enquête spéciales et éléments de preuve provenant de zones de conflit, tout en assurant le plein respect de l'état de droit et des obligations relatives aux droits de l'homme;

    b) Prendre des mesures pour que les services de renseignement, les forces de l'ordre, le ministère public et toutes les autres autorités compétentes, y compris les autorités financières, travaillent en étroite coopération et coordination et veiller à ce que les ministères publics soient associés dès le départ aux enquêtes relatives à des individus soupçonnés d'être des combattants terroristes étrangers;

    c) Veiller à ce que les autorités compétentes soient en mesure d'agir au cas par cas en ce qui concerne les combattants terroristes étrangers de retour, sur la base, entre autres, d'une évaluation des risques ainsi que des éléments de preuve dont elles disposent;

    d) Élaborer et mettre en œuvre des stratégies permettant de traiter comme il convient des catégories spécifiques de personnes qui regagnent leur pays, en particulier les mineurs, les femmes, les proches et autres individus potentiellement vulnérables, les prestataires de services médicaux et d'autres services humanitaires, ou encore les individus désabusés qui regagnent leur pays et qui ont commis des infractions moins graves;

    e) Recourir à des mesures administratives ou à des programmes de réhabilitation et de réinsertion, ou aux deux, plutôt qu'à l'action judiciaire dans les cas où il ne serait pas approprié de poursuivre des combattants terroristes étrangers rentrant au pays pour des faits de terrorisme, tout en veillant à ce que de telles mesures soient utilisées dans le respect des dispositions applicables du droit international des droits de l'homme et de la législation nationale et fassent l'objet d'un examen scrupuleux.

C. Prévention des déplacements des combattants terroristes étrangers entre États : contrôle aux frontières et répression

156. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Mettre en œuvre des mesures propres à assurer la collecte, l'analyse, la transmission et l'utilisation efficaces d'informations précises concernant des individus dont on sait ou dont on soupçonne qu'ils sont des combattants terroristes étrangers;

    b) Utiliser activement les données contenues dans les systèmes d'information multilatéraux, telles que les listes nationales ou régionales de surveillance et les notices de diffusion et bases de données d'INTERPOL, y compris la base de données relative aux combattants terroristes étrangers;

    c) Mettre en place un système d'alerte opérationnel fonctionnant 24 heures sur 24 pour fournir en temps voulu des informations sur les combattants terroristes étrangers aux niveaux national et transnational, notamment grâce à une base de données et à des mécanismes centralisés permettant de faciliter un échange d'informations coordonné entre les États Membres et entre les services de police, les services de sécurité et les organes administratifs nationaux;

    d) Instaurer, à titre prioritaire, un système de renseignements préalables concernant les voyageurs qui soit conforme aux dispositions de l'annexe 9 à la Convention relative à l'aviation civile internationale et aux Directives relatives aux renseignements préalables concernant les voyageurs de l'Association du transport aérien international de l'Organisation de l'aviation civile internationale et de l'Organisation mondiale des douanes;

    e) Prendre des mesures énergiques pour endiguer le flot de combattants terroristes étrangers de part et d'autre des frontières, et pour cela : a) tirer parti des méthodes de gestion coordonnée des frontières dans la mesure où elles concernent leur porosité; b) intégrer les technologies de l'information et des communications appropriées; c) travailler en étroite collaboration avec les communautés frontalières; et d) élaborer des stratégies efficaces de coopération transfrontière au niveau régional.

D. Lutte contre l'incitation et l'extrémisme violent

157. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Encourager les États à élaborer des stratégies de communication efficaces, à mieux comprendre la nature des idéologies extrémistes et l'attrait qu'elles exercent et à promouvoir d'autres voies afin de lutter contre l'incitation et l'extrémisme violent;

    b) Permettre aux populations locales et à la société civile, notamment aux femmes, aux jeunes, aux chefs religieux et aux autres acteurs non gouvernementaux concernés, de contribuer à l'élaboration de stratégies globales afin de lutter contre l'incitation et l'extrémisme violent et de contribuer ainsi à l'action menée pour endiguer le flot de combattants terroristes étrangers;

    c) Mettre en œuvre des mesures pour interdire et réprimer l'incitation à commettre des actes terroristes, y compris via Internet et d'autres médias sociaux, tout en préservant les droits de l'homme qui sont en jeu, notamment le droit à la liberté d'expression et de religion ou de conviction;

    d) Envisager de resserrer les partenariats avec les organisations régionales, le secteur privé et la société civile afin de lutter contre l'incitation grâce à des campagnes médiatiques, des programmes d'enseignement et d'autres initiatives propres à renforcer la résilience des communautés, promouvoir les droits de l'homme et sensibiliser le public en élargissant sa compréhension des différentes cultures.

E. Neutralisation des filières de financement des combattants terroristes étrangers

158. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Revoir les lois relatives au financement du terrorisme et envisager d'y incorporer de nouvelles dispositions relatives aux combattants terroristes étrangers, touchant notamment au financement des voyages que ces derniers effectuent dans le dessein de commettre, d'organiser ou de préparer des actes terroristes ou afin de dispenser ou de recevoir un entraînement terroriste;

    b) Intensifier le recours aux mécanismes de gel des avoirs, conformément aux résolutions 1267 (1999) et 1373 (2001), de manière à désorganiser l'activité terroriste, y compris en adoptant des procédures qui permettent d'établir des listes nationales de terroristes conformes aux principes relatifs aux droits de l'homme;

    c) Adopter des procédures efficaces de divulgation ou de déclaration d'espèces aux points de passage des frontières afin de mettre fin au transport transfrontière illicite d'espèces et de faciliter la confiscation de celles-ci, y compris les fonds destinés à contribuer au recrutement d'autres combattants terroristes étrangers;

    d) Sensibiliser le secteur privé, notamment les organisations à but non lucratif, aux risques de financement lié aux combattants terroristes étrangers, en particulier aux risques que représentent les sociétés offrant de nouvelles méthodes de paiement (tels que les porte-monnaie électroniques ou la banque mobile auxquels ont accès les combattants terroristes étrangers), les services de transfert de fonds ou de valeurs opérant à proximité de zones de conflit et les petites sociétés de crédit;

    e) Améliorer l'accès des cellules de renseignement financier aux données agrégées émanant des organismes de répression ou d'autres organismes publics compétents (douanes, organismes de surveillance des frontières et services nationaux de renseignement par exemple), ainsi qu'aux informations relatives aux aides sociales et aux impôts, lorsque cela est autorisé, pour faciliter la surveillance des filières de financement des combattants terroristes étrangers et établir le profil financier de ces derniers, s'agissant en particulier de ceux dont on sait qu'ils se trouvent déjà dans des zones de conflit ou sont de retour.

F. Coopération internationale

159. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Examiner les mécanismes de coopération internationale, y compris les lois nationales relatives à l'entraide judiciaire en matière pénale et à l'extradition, et les actualiser, selon que de besoin, afin de faire face à l'augmentation considérable de la demande de données numériques;

    b) Envisager de mettre en place des lois et des mécanismes idoines destinés à faciliter la coopération internationale la plus large possible, y compris, entre autres, de véritables enquêtes conjointes, la nomination de magistrats de liaison, la coopération entre polices nationales, la mise en place de réseaux de coopération fonctionnant en permanence et le transfert des poursuites pénales et de la responsabilité de l'application des peines;

    c) Désigner des instances centrales chargées de recevoir les demandes d'entraide judiciaire et d'extradition, de les analyser et d'y répondre et veiller à ce qu'elles soient dotées de l'autorité, des ressources et de la formation voulues, y compris : i) des outils de coopération régionaux et bilatéraux; ii) une formation à l'établissement des demandes d'assistance; iii) l'accès à des procédures simplifiées et informelles, en tant que de besoin; et iv) des services de traduction;

    d) Envisager de mettre en place des plateformes de coopération régionale en matière d'entraide judiciaire et d'y participer, et collaborer étroitement avec les organisations internationales et régionales en vue de renforcer les réseaux judiciaires et autres réseaux pertinents ainsi que la coopération interrégionale de manière à faciliter le traitement efficace des demandes d'extradition et d'entraide judiciaire.

G. Droits de l'homme et état de droit

160. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Veiller à ce que les actes terroristes soient définis dans la législation nationale avec mesure et précision et de manière conforme aux instruments internationaux de lutte contre le terrorisme, et veiller à ce que les mesures prises pour endiguer le flot de combattants terroristes étrangers soient conformes à toutes les obligations découlant du droit international, en particulier le droit international des droits de l'homme, le droit international des réfugiés et le droit international humanitaire;

    b) S'employer à soumettre les mesures qu'il est proposé de prendre à l'encontre des combattants terroristes étrangers, avant leur adoption, à un débat public et à un examen sous l'angle des droits de l'homme et envisager la possibilité de recourir à des « clauses d'extinction », selon qu'il conviendra;

    c) Rappeler l'importance des mécanismes d'examen, de surveillance et de responsabilisation indépendants, y compris en ce qui concerne les activités des organes de sécurité et les mesures qui ont pour effet la privation de liberté.

V. Recommandations de portée régionale

161. Les recommandations formulées ci-après se rapportent à l'analyse des régions visées dans le présent rapport et dans le précédent. Elles ont pour objectif une action dans les domaines prioritaires pour chaque région mais certaines peuvent s'appliquer à plus d'une région.

A. Maghreb

162. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Relier les dispositifs de contrôle à l'immigration aux bases de données d'INTERPOL et alimenter activement la base de données sur les combattants terroristes étrangers tenue par INTERPOL;

    b) Mettre en place des systèmes interactifs de renseignements préalables concernant les voyageurs;

    c) Concevoir des programmes qui permettent de faciliter et de gérer la réhabilitation et la réinsertion des combattants terroristes étrangers et envisager d'en faire des solutions de substitution à l'engagement de poursuites dans les cas où il ne serait pas approprié de porter des accusations pour faits de terrorisme;

    d) Tirer parti des activités de police de proximité afin d'empêcher le recrutement et la radicalisation pouvant conduire au terrorisme.

B. Afrique de l'Est/Corne de l'Afrique

163. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Élaborer et mettre en œuvre des stratégies nationales intégrées de lutte contre le terrorisme et des stratégies de lutte contre l'extrémisme violent qui soient multidimensionnelles et sans exclusive, se concerter avec la société civile au stade de l'élaboration et institutionnaliser la coopération grâce à des comités directeurs nationaux;

    b) Constituer des capacités en matière de technologies de l'information et des communications et de médecine légale, développer les compétences du personnel des services de maintien de l'ordre et renforcer la capacité de ces institutions de surveiller le contenu des médias sociaux liés au terrorisme afin d'endiguer le flot de combattants terroristes étrangers;

    c) Prendre des mesures pour assurer une coordination interorganisations efficace, notamment en constituant des équipes d'intervention multiorganisations;

    d) Envisager de ratifier les conventions sur l'extradition et sur l'entraide judiciaire de l'Autorité intergouvernementale pour le développement afin d'améliorer la coopération transfrontière en matière pénale.

C. Bassin du lac Tchad

164. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Vérifier que la législation existante est conforme à la résolution 2178 (2014) et actualiser les cadres législatifs nationaux afin d'ériger en infractions l'ensemble des actes préparatoires et des infractions préventives qui sont le fait de combattants terroristes étrangers, comme le requièrent les résolutions 1373 (2001) et 2178 (2014), tout en veillant à ce que les infractions pénales soient clairement définies et respectueuses du droit des droits de l'homme et des principes fondamentaux de l'état de droit;

    b) Donner aux autorités judiciaires davantage de moyens pour poursuivre efficacement les auteurs d'actes terroristes et ceux qui les financent, y compris les combattants terroristes étrangers, en dispensant des formations et en prévoyant les ressources adéquates;

    c) Renforcer la coopération entre les autorités de police, de justice et de surveillance des frontières afin de traduire en justice les terroristes, y compris les combattants terroristes étrangers;

    d) Accroître la capacité d'intercepter et d'arrêter les combattants terroristes étrangers en améliorant la gestion des frontières, l'échange des informations émanant des organismes de contrôle des frontières et l'échange de données de renseignement sur les combattants terroristes étrangers;

    e) Élaborer des programmes qui permettent de faciliter et de gérer la réhabilitation et la réinsertion des combattants terroristes étrangers et prendre des mesures pour en faire des solutions de substitution à l'engagement de poursuites dans les cas où il ne serait pas approprié de porter des accusations pour faits de terrorisme.

D. Afrique de l'Ouest/Sahel

165. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Vérifier que la législation existante est conforme à la résolution 2178 (2014) et actualiser les cadres législatifs nationaux afin d'ériger en infractions l'ensemble des actes préparatoires et des infractions préventives qui sont le fait de combattants terroristes étrangers, comme le requièrent les résolutions 1373 (2001) et 2178 (2014);

    b) Resserrer la surveillance des zones situées entre les postes frontière officiels en recensant les zones frontalières les plus vulnérables et en mettant en œuvre des mesures d'atténuation des risques; établir des contrôles sur les sites vulnérables; constituer des unités de surveillance des frontières mobiles ou instaurer des patrouilles itinérantes, sur la base de l'évaluation des risques et des besoins et en coopération avec les États voisins; et étendre les zones contrôlées aux abords des points de contrôle officiels;

    c) Conclure des accords bilatéraux sur les questions transfrontières, leur donner effet et renforcer ceux qui existent déjà;

    d) Œuvrer en étroite collaboration avec les communautés frontalières et les populations nomades pour ce qui touche aux questions de sécurité, y compris les combattants terroristes étrangers;

    e) Élaborer et mettre en œuvre des stratégies globales pour contrer et réprimer l'extrémisme violent.

E. États situés dans les zones de conflit au Moyen-Orient, ou à proximité

166. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Vérifier activement que la législation existante est conforme à la résolution 2178 (2014) et actualiser les cadres législatifs nationaux en tant que de besoin afin d'ériger en infractions l'ensemble des actes préparatoires et des infractions préventives qui sont le fait de combattants terroristes étrangers, comme le requièrent les résolutions 1373 (2001) et 2178 (2014). Ce faisant, veiller à ce que les infractions pénales soient clairement définies et respectueuses du droit des droits de l'homme et des principes fondamentaux de l'état de droit;

    b) Réexaminer la législation nationale afin de garantir que les éléments de preuve recueillis au moyen de techniques d'enquête spéciales sont recevables dans le cadre des affaires impliquant des combattants terroristes étrangers, tout en respectant les principes internationaux relatifs à l'état de droit et aux droits de l'homme, en particulier le droit à la liberté d'expression et le droit de ne pas être l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans la vie privée;

    c) Accroître la coopération bilatérale avec les États d'autres régions, notamment grâce à diverses modalités de coopération en matière pénale;

    d) Réexaminer les mesures et mécanismes juridiques existants dans le but d'y incorporer les nouvelles dispositions relatives à la lutte contre le financement des voyages des combattants terroristes étrangers. Ce faisant, les États devraient introduire les amendements législatifs nécessaires pour désorganiser et empêcher le financement des voyages de combattants terroristes étrangers, ainsi que la fourniture d'un soutien financier à l'EIIL, à Al-Qaida et aux autres groupes affiliés;

    e) Pour combattre et prévenir l'extrémisme violent, élaborer des stratégies globales qui assignent un rôle de premier plan aux jeunes, aux familles, aux femmes, aux chefs religieux, aux responsables de la culture et de l'éducation et aux autres groupes de la société civile concernés. S'intéresser de près aux discours concernant les combattants terroristes étrangers, que ce soit lors de rassemblements publics, sur Internet ou par le biais d'autres technologies de l'information et, le cas échéant, revoir la législation existante tout en veillant au respect des droits à la liberté d'expression, de religion et de conviction et du droit de ne pas être l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans la vie privée;

    f) Intensifier la coordination et l'échange d'informations entre institutions, aux niveaux national et avec d'autres États. Les organismes nationaux chargés de la répression et de la sécurité devraient transmettre des renseignements pertinents susceptibles de permettre l'identification d'individus dont on sait qu'ils sont ou qui pourraient devenir des combattants terroristes étrangers;

    g) Mettre en œuvre des systèmes interactifs de renseignements préalables concernant les voyageurs qui rendent possibles l'analyse les données relatives aux passagers et le déclenchement d'une intervention appropriée en temps réel;

    h) Utiliser activement les outils et les ressources internationaux d'INTERPOL, y compris sa base de données relative aux combattants terroristes étrangers;

    i) Fournir aux postes de contrôle aux frontières les outils nécessaires pour que les agents y soient en mesure de procéder à des évaluations des risques dans le but d'empêcher les déplacements de combattants terroristes étrangers.

F. Asie centrale

167. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Veiller à ce que les législations nationales érigent en infraction pénale le fait pour un individu de se rendre ou de tenter de se rendre dans un État autre que son État de résidence ou de nationalité dans le dessein de perpétrer, d'organiser ou de préparer des actes terroristes, ou d'y participer, ou pour dispenser ou recevoir un entraînement terroriste, conformément à la résolution 2178 (2014);

    b) Établir les compétences pour connaître des crimes liés au terrorisme perpétrés à l'étranger;

    c) Assurer la transparence et le respect des responsabilités dans les enquêtes, les poursuites et les procès relatifs à la lutte antiterroriste;

    d) Renforcer les capacités de gestion des frontières, en particulier pour ce qui est de la sécurité des documents de voyage et des contrôles aux frontières, conformément aux normes internationales;

    e) Mettre en place des cadres et des pratiques opérationnelles pour renforcer la coopération nationale et régionale entre les autorités de police compétentes (comités nationaux de sécurité, gardes frontière, police, services douaniers et cellules de renseignement financier);

    f) En collaboration avec les communautés locales et les organisations de la société civile, répondre aux griefs qui alimentent l'extrémisme violent et la radicalisation, y compris les violations des droits de l'homme, le manque de transparence et la corruption, et l'aliénation sociopolitique.

G. Asie du Sud

168. Les recommandations sont les suivantes :

    a) S'engager de manière plus soutenue en faveur de la coopération juridique internationale et régionale, en particulier en ratifiant la Convention de l'ASACR sur l'entraide judiciaire en matière pénale et en désignant une autorité centrale chargée de répondre aux demandes d'entraide judiciaire et d'extradition;

    b) Améliorer l'échange d'informations entre institutions au niveau national, en mettant l'accent sur les échanges entre les services de renseignement, la police, les organismes de contrôle des frontières et les autorités financières;

    c) Prendre des mesures pour endiguer le flot de combattants terroristes étrangers de part et d'autre des frontières en tirant avantage des méthodes de gestion coordonnée des frontières dans la mesure où elles concernent la porosité et l'ouverture de celles-ci, en intégrant les technologies de l'information et des communications appropriées, en travaillant en étroite collaboration avec les populations frontalières et en élaborant des stratégies efficaces de coopération transfrontière au niveau régional;

    d) Veiller à ce que les banques centrales, les cellules de renseignement financier et les représentants du secteur privé dans la région se concertent et coopèrent afin de partager les données d'information financière en vue d'endiguer le flot de combattants terroristes étrangers;

    e) S'employer avec la société civile et le secteur privé à affaiblir la légitimité et la résonance des messages et du discours des extrémistes violents, y compris grâce aux médias sociaux;

    f) Mettre en œuvre des systèmes de renseignements préalables concernant les voyageurs avec l'appui des États donateurs et des organismes et organisations spécialisés compétents, notamment l'Organisation de l'aviation civile internationale et l'Association du transport aérien international.

H. Asie du Sud-Est

169. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Revoir et renforcer les lois antiterroristes conformément aux normes internationales, et pour cela, en particulier, ériger en infraction le recrutement de membres d'un groupe terroriste et le recrutement de combattants terroristes étrangers; ériger en infraction les actes préparatoires à de graves infractions terroristes, y compris le fait pour un individu de se rendre ou de tenter de se rendre dans un État autre que son État de résidence ou de nationalité dans le dessein de perpétrer, d'organiser ou de préparer des actes terroristes, ou d'y participer, ou pour dispenser ou recevoir un entraînement terroriste, conformément à la résolution 2178 (2014); et ériger en infraction le fait de dispenser ou de recevoir un entraînement terroriste à l'intérieur ou à l'extérieur du territoire;

    b) Revoir et améliorer les garanties relatives à la détention préventive et à l'internement administratif à la lumière des préoccupations qui ont été exprimées par les mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme;

    c) Mettre en place des systèmes de surveillance des réfugiés, en coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés;

    d) Promouvoir la coopération régionale en faisant davantage appel aux instruments et mécanismes régionaux, y compris la Convention de l'ASEAN sur la lutte contre le terrorisme et le Traité d'entraide juridique en matière pénale entre les pays membres de l'ASEAN et les pays animés du même esprit;

    e) Mettre en œuvre des systèmes interactifs de renseignements préalables concernant les voyageurs, qui rendent possibles l'analyse des données relatives aux passagers et le déclenchement d'une intervention appropriée en temps réel. Utiliser activement les outils et les ressources internationaux d'INTERPOL, y compris sa base de données relative aux combattants terroristes étrangers.

I. Caucase du Sud

170. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Organiser des formations à l'intention des fonctionnaires de la justice pénale associés à la lutte contre le terrorisme, en particulier pour ce qui est de l'utilisation d'éléments de preuve émanant de juridictions étrangères ou recueillis au moyen de techniques d'enquête spéciales (y compris les preuves numériques) tout en respectant l'état de droit et les droits de l'homme;

    b) Instaurer des partenariats entre les secteurs public et privé, notamment avec les agences de voyage et les fournisseurs d'accès à Internet;

    c) Renforcer l'évaluation commune des risques grâce à la coopération régionale, notamment en partageant les informations relatives aux itinéraires empruntés, aux tendances, aux groupes, aux mouvements et aux sources de financement, entre autres;

    d) Étayer les mécanismes régionaux et internationaux de coopération et d'échange d'informations et de données de renseignement concernant les déplacements des combattants terroristes étrangers, leur entraînement et le soutien qu'ils reçoivent;

    e) Dialoguer avec les communautés et les minorités marginalisées et répondre à leurs besoins, et donner aux parents, enseignants, travailleurs sociaux, personnalités religieuses et responsables locaux les moyens de reconnaître les signes avant-coureurs, de résister à l'extrémisme violent et à la radicalisation conduisant au terrorisme et de mettre en garde contre les voyages vers les zones de conflit à l'étranger.

J. Europe du Sud-Est

171. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Formuler et mettre en œuvre, pour lutter contre le terrorisme et l'extrémisme violent, des stratégies nationales intégrées qui soient multidimensionnelles et sans exclusive, en prêtant un intérêt particulier à l'incitation et au recrutement via Internet. Ce faisant, œuvrer en étroite concertation avec la société civile, les chefs religieux, les minorités et les responsables locaux, dialoguer avec le secteur privé et travailler avec les fournisseurs d'accès à Internet et aux médias sociaux;

    b) Renforcer la coordination et la coopération nationales et régionales en matière de protection des frontières et élaborer une stratégie régionale de contrôle des frontières qui tienne compte des flux massifs de migrants qui arrivent dans la région ou la traversent;

    c) Continuer à renforcer les mécanismes de coopération entre polices nationales et services frontaliers fonctionnant 24 heures sur 24;

    d) Renforcer les capacités de mener des enquêtes et de poursuivre les auteurs d'infractions perpétrées avant qu'ils ne se rendent dans des zones de conflit.

K. Europe occidentale

172. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Veiller à ce que les amendements législatifs soient conformes au droit international, en particulier le droit des droits de l'homme;

    b) Relier directement les services de contrôle aux frontières et les postes de police au système I-24/7 d'INTERPOL et appliquer à titre prioritaire les dispositions de la résolution 2178 (2014) relatives aux renseignements préalables concernant les voyageurs;

    c) Intensifier la coopération bilatérale et régionale avec les États qui ne font pas partie de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe, y compris en envisageant le recours au transfert des poursuites pénales et en augmentant le nombre de traités bilatéraux avec les États non membres de l'Union européenne qui sont touchés par le phénomène des combattants terroristes étrangers.

L. Océanie/Amériques

173. Les recommandations sont les suivantes :

    a) Prendre des mesures pour recenser et mettre à la disposition des États de la région et d'ailleurs les bonnes pratiques destinées à permettre aux communautés locales et aux acteurs non gouvernementaux d'élaborer des stratégies pour contrer le discours extrémiste violent et empêcher la radicalisation pouvant conduire au terrorisme;

    b) Mettre en place un système d'alerte fonctionnant en permanence afin de faciliter la communication en temps voulu aux niveaux national et international d'informations sur les combattants terroristes étrangers, y compris une base de connaissances centralisée;

    c) Mettre en place des mécanismes pour faciliter l'échange coordonné d'informations entre États Membres et entre services de répression, services de sécurité et services administratifs nationaux;

    d) Instaurer des partenariats entre les secteurs public et privé afin d'utiliser les compétences des prestataires de médias sociaux pour ce qui est des campagnes de contre-propagande visant les combattants terroristes étrangers, notamment en mobilisant la connaissance que ces prestataires ont des caractéristiques démographiques des utilisateurs et des moyens de diffusion qu'ils offrent pour accroître l'efficacité de la contre-propagande.


Pièce jointe

Méthodologie

A. Définition des combattants terroristes étrangers

1. La Direction exécutive du Comité contre le terrorisme a recensé 77 États Membres les plus touchés par la menace grave et grandissante que représentent les combattants terroristes étrangers, définis comme des individus qui se rendent dans un État autre que leur État de résidence ou de nationalité dans le dessein de commettre, d'organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou d'y participer, ou de dispenser ou recevoir un entraînement au terrorisme, notamment à l'occasion d'un conflit armé |ª|.

B. Identification des États touchés

2. Les 77 États Membres touchés ont été sélectionnés sur la base du fait qu'il s'agit d'États d'origine, d'États de transit ou de destination, ou d'États jouxtant des zones de conflit armé dans lesquelles opèrent des combattants terroristes étrangers |b|, et qu'ils sont concernés par la question des combattants terroristes étrangers recrutés par des entités telles que l'État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL), le Front el-Nosra et l'ensemble des autres cellules, filiales, émanations ou groupes dissidents d'Al-Qaida, notamment le Groupe Abu Sayyaf, le Mouvement des Chabab, Boko Haram, Lashkar e Toiba, Jemaa Islamiya et d'autres organisations, ou qui s'y sont ralliés. Se fondant sur son dialogue permanent avec les États, la Direction exécutive estime que plusieurs États situés à l'extérieur de la région dans laquelle opèrent actuellement l'EIIL et le Front el-Nosra font partie des « États de destination » du fait qu'ils attirent des combattants terroristes étrangers souhaitant se joindre à d'autres organisations figurant sur la liste des personnes et entités visées par des sanctions. Il est probable que d'autres États leur seront ajoutés dans les prochains rapports, qui porteront également sur la question des combattants terroristes étrangers aux niveaux régional et sous-régional. Il convient aussi de noter que plusieurs des États touchés appartiennent à deux des catégories susmentionnées ou plus.

3. En se basant sur les réponses apportées aux questions contenues dans ses outils d'évaluation existants et à d'autres questions spécialement mises au point pour cette enquête et centrées sur les combattants terroristes étrangers, la Direction exécutive a recensé les principaux problèmes qui se posent aux États les plus touchés sélectionnés dans le cadre de son dialogue avec les États.

C. Gestion des risques fondée sur les faits

4. La présente étude a été effectuée par des experts de la Direction exécutive qui ont utilisé des informations recueillies dans le cadre de visites de pays et d'autres formes de dialogue avec les États, y compris les réponses aux questions adressées directement à ces derniers dans le cadre de cette étude, ainsi que des données recueillies aux fins de l'enquête détaillée sur la mise en œuvre et du bilan général de la mise en œuvre établi pour chaque État Membre. La Direction exécutive a également écrit à tous les États concernés en sollicitant leur contribution.

5. L'étude s'appuie également sur l'analyse des menaces effectuée dans le cadre du dialogue entre la Direction exécutive et ses partenaires, dont l'Équipe d'appui analytique et de surveillance des sanctions créée par la résolution 1526 (2004) du Conseil de sécurité et d'autres groupes d'experts du Conseil de sécurité, le Conseil de l'Europe, le Groupe d'action financière, l'Organisation internationale pour les migrations, l'Organisation internationale de police criminelle et l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.

6. Pour réaliser cette étude, la Direction exécutive a pour la première fois adopté une démarche axée sur les risques afin de favoriser un renforcement des capacités adapté à l'idée que les États se font de leurs propres besoins. En raison de l'immense diversité des États touchés (taille et population, variété des menaces que les combattants terroristes étrangers font peser sur tel ou tel État, moyens et points faibles de chaque État face aux risques), il est en effet impossible d'adopter une démarche qui vaudrait pour tous les États.

7. Les États devraient mettre au point une réponse à la menace posée par les combattants terroristes étrangers qui soit adaptée à leurs problèmes particuliers de sécurité nationale, plutôt que se fonder sur un modèle prédéterminé qui risque de ne pas correspondre à leur situation. Par exemple, la taille d'un État est un indicateur simple, mais essentiel, qui permet de déterminer la pertinence de certaines mesures antiterroristes par rapport à d'autres. Ainsi, les analyses de la Direction exécutive ont montré que les grands États avaient davantage besoin de mécanismes de coordination complexes pour les échanges de données entre institutions nationales que les petits États, dans lesquels il est relativement aisé de diffuser efficacement les informations au niveau opérationnel.

8. Cela étant, l'une des principales qualités du processus d'évaluation de la Direction exécutive est sa cohérence. Les États se voient poser les mêmes questions, ce qui permet de tirer des conclusions à la fois rigoureuses et précises aux niveaux régional et mondial en appliquant les critères choisis. Dans ses rapports, la Direction exécutive établit une méthode d'analyse qui garantit l'impartialité du processus d'évaluation tout en permettant de mettre au point un outil qui apporte aux différents États des réponses concrètes sur la marche à suivre, sous la forme d'un projet de plan d'action grâce auquel les États et leurs partenaires internationaux pourront véritablement renforcer leurs capacités. Dans les rapports qu'il établit à l'issue de ses visites effectuées dans les États, le Comité classe déjà certaines mesures par ordre de priorité. Il s'agit ici d'étendre cette approche et de la mettre en œuvre de façon plus systématique.

9. Afin de hiérarchiser leurs conclusions par ordre de priorité, les experts de la Direction exécutive ont recoupé leurs constatations sur la mise en œuvre des différentes mesures, qui est classée en six niveaux allant de « Oui » à « Aucune information » et assortie de trois rangs de priorité (faible, moyenne ou élevée). Cette notion de priorité a pour but d'indiquer le degré d'importance d'une mesure donnée pour assurer la sécurité du pays. Lors de ses visites de pays, le Comité formule des recommandations prioritaires spécialement adaptées à la situation particulière de chaque État. Ajouter un critère de priorité s'est avéré utile pour ce qui est d'aider les États à se doter d'une stratégie de mise en œuvre de leurs mesures antiterroristes à la fois plus efficace et axée sur les risques. La Direction exécutive perfectionnera cet outil dans les mois qui viennent.


Notes:

1. Il faut aussi prendre en considération la catégorie des combattants terroristes étrangers qui reviennent, après une première expérience qui a valeur de formation, pour se rendre ensuite dans d'autres zones de conflit. Ces combattants ont la capacité d'intensifier ou de prolonger les conflits. L'Équipe d'appui analytique et de surveillance des sanctions créée par la résolution 1526 (2004) du Conseil de sécurité a noté que les vétérans jouaient un rôle disproportionné dans les campagnes de l'État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL) et du Front el -Nosra, comme en témoigne la présence dans ces deux groupes de nombreux commandants de haut rang qui ont servi dans des conflits passés (voir S/2015/358). [Retour]

2. La proportion de combattants partis en République arabe syrienne qui reviennent préparer des attentats contre leur propre pays ou leur propre région est très faible. Toutefois, il est également probable que le risque va augmenter progressivement à mesure que les départs vers des zones de combat situées à l'étranger se multiplieront. Voir Thomas Hegghammer et Petter Nesser : « Assessing the Islamic State's commitment to attacking the West », in Perspectives on Terrorism, vol. 9, nº 4 (août 2015). [Retour]

3. Jeanine de Roy van Zuijdewijn : « The foreign fighters' threat : what history can (not) tell us », in Perspectives on Terrorism, vol. 8, nº 5 (octobre 2014). [Retour]

4. L'attaque perpétrée contre Charlie Hebdo en janvier 2015 a administré la preuve qu'Al-Qaida dans la péninsule arabique restait déterminé à préparer des attaques hors de la région et à appuyer les éléments extérieurs désireux de mener de telles attaques (voir S/2015/441). [Retour]

5. Dans l'édition 2015 du rapport de l'Union européenne sur la situation et les tendances du terrorisme, l'Office européen de police (Europol) a mis en garde contre la possibilité que des combattants terroristes étrangers revenant dans leur pays de départ exploitent leur nouveau réseau humain pour faciliter le transit d'aspirants combattants vers des zones de conflit et lever des fonds en vue de contribuer au financement des voyages ou des activités de membres de groupes terroristes. [Retour]

6. La déclaration sur les bonnes pratiques en matière d'engagement d'un dialogue avec les combattants étrangers à des fins de prévention, de communication, de réhabilitation et de réintégration, adoptée par le Réseau de sensibilisation à la radicalisation de la Commission européenne, recense 21 bonnes pratiques concernant l'établissement de la confiance, la communication, les aspects de fond et la durabilité, ainsi qu'un modèle d'interaction avec les familles qui comprend des exemples concrets et des enseignements tirés d'expériences de prise en charge directe et indirecte. [Retour]

7. De nombreuses organisations terroristes ont compté des femmes dans leurs rangs, notamment la Fraction armée rouge, en Allemagne, les Brigades rouges, en Italie, l'Armée républicaine irlandaise, l'ETA (Patrie basque et liberté) et l'Armée rouge japonaise. Depuis peu, des femmes prennent également part aux activités menées par le Hezbollah, Al-Qaida, le Mouvement des Chabab, le Riyadus-Salikhin Reconnaissance and Sabotage Battalion of Chechen Martyrs et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Ejército del Pueblo). Leurs fonctions et leur niveau d'implication varient fortement, allant de l'appui non opérationnel (par exemple en tant qu'épouse ou comme soutien moral) à l'appui opérationnel (par exemple pour le recrutement, l'entraînement, la levée de fonds, la propagande ou les prises d'otages), voire à l'exécution d'actes meurtriers (par exemple en tant que kamikazes). [Retour]

8. Voir Erin Marie Saltman et Melanie Smith : « 'Till martyrdom do us part' : Gender and the ISIS phenomenon », Institute for Strategic Dialogue (2015). Consultable à l'adresse http://www.strategicdialogue.org/publications/. [Retour]

9. En 2014, on a recensé 26 attentats-suicides; en mai 2015, il s'en était déjà produit 27. Dans les trois quarts des cas au moins, les attentats-suicides sont perpétrés par des femmes ou des enfants. [Retour]

10. Voir « Women and terrorist radicalization : final report », de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, consultable à l'adresse http://www.osce.org/secretariat/999197download=true et « Teenage girl leaves for ISIS, and others follow », de Kimiko de Freytas-Tamura in The New York Times (24 février 2015), à l'adresse http://www.nytimes.com/2015/02/25/world/from-studious-teenager-to-isis-recruiter.html?_r=1. [Retour]

11. Voir « European female jihadists in Syria: exploring an under-researched topic », d'Edwin Bakker et Seran de Leede (note d'information à l'attention du Centre international pour la lutte contre le terrorisme) (avril 2015). Consultable à l'adresse http://www.icct.nl/download/file/ICCT-Bakker-de-Leede-European-Female-Jihadists-In-Syria-Exploring-An-Under-Researched-Topic-April2015(1).pdf. [Retour]

12. Dans sa résolution 2178 (2014), le Conseil de sécurité a rappelé que, dans sa résolution 1373 (2001), il avait décidé que tous les États Membres devaient veiller à ce que toute personne qui participe au financement, à l'organisation, à la préparation ou à la perpétration d'actes de terrorisme ou qui y apporte un appui soit traduite en justice et que tous les États devaient se prêter mutuellement la plus grande assistance à l'occasion d'enquêtes criminelles ou de poursuites pénales relatives au financement d'actes de terrorisme ou à l'appui à de tels actes, y compris l'assistance en vue de l'obtention des éléments de preuve qui seraient en leur possession et qui seraient nécessaires à la procédure. [Retour]

13. Le traitement des demandes d'entraide judiciaire est lent, que ce soit par l'État qui formule la demande que par celui qui la reçoit, pour certaines ou pour l'ensemble des raisons suivantes : a) absence de désignation d'une autorité centrale responsable ou insuffisance des pouvoirs juridiques de l'autorité centrale désignée; b) manque de volonté politique; c) inadéquation des ressources humaines et techniques (notamment en ce qui concerne la coopération visant à recueillir des éléments de preuve sur Internet ou les médias sociaux); d) différences entre les obligations juridiques respectives des États Membres; e) barrière linguistique; f) défaut d'information (par exemple, de synthèse des procédures de demande et des obligations juridiques); g) absence d'organe de coopération judiciaire régional; h) absence d'un coordonnateur ayant autorité pour engager des échanges informels en vue de l'établissement d'une demande. [Retour]

14. Voir en particulier le paragraphe 3 de l'annexe à la résolution 1456 (2003), dans laquelle le Conseil a déclaré que les États devaient traduire en justice ceux qui financent, planifient, appuient ou commettent des actes de terrorisme ou donnent asile à leurs auteurs, conformément au droit international, en particulier en appliquant le principe « extrader ou juger ». [Retour]

15. Le nombre d'enquêtes mixtes traitées par le Centre (affaires liées au terrorisme et aux armes légères et de petit calibre) est passé de 44 en 2010 à 70 en 2014. [Retour]

16. L'article 17 de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée dispose que les États Parties peuvent envisager de conclure des accords ou arrangements bilatéraux ou multilatéraux relatifs au transfert sur leur territoire de personnes condamnées à des peines d'emprisonnement ou autres peines privatives de liberté du fait d'infractions visées par la Convention afin qu'elles puissent y purger le reste de leur peine. [Retour]

17. La Jemaa Islamiya a déclaré que son objectif était d'instaurer un État islamique en Asie du Sud -Est, comprenant l'Indonésie, la Malaisie, Singapour, le sud de la Thaïlande, le Brunéi Darussalam et le sud des Philippines. [Retour]

18. Les Philippines ont conclu en mars 2014 un accord général de paix avec le Front de libération islamique Moro, l'Indonésie a conclu en 2005 un accord de paix avec le Mouvement de libération d'Atje et le Myanmar a conclu des accords de paix avec plusieurs groupes ethniques. [Retour]

19. En juin 2015, 10 sites en malais et 70 en indonésien avaient été détectés. [Retour]

20. En janvier 2015, le Gouvernement philippin était conscient du fait que deux de ses ressortissants avaient été tués en Syrie, mais ne disposait d'aucun élément établissant que des Philippins avaient combattu pour l'EIIL. [Retour]

21. Aux Philippines, le Front de libération islamique Moro et le Front de libération nationale Moro ont condamné l'EIIL. [Retour]

22. Chaque prorogation est limitée à deux ans, mais il n'y a pas de limite au nombre de prorogations. [Retour]

23. En juillet 2015, 10 personnes ont été condamnées à des peines d'emprisonnement d'une durée comprise entre quatre et quinze ans pour crimes graves. En janvier 2015, le Ministère de la Sécurité nationale a annoncé l'arrestation de 10 autres personnes qui étaient parties combattre en République arabe syrienne. Trente-neuf individus accusés d'avoir constitué des groupes permanents dans le but de participer à des conflits étrangers ont récemment été placés en détention conformément à l'article 283 du Code pénal. Des investigations sont toujours en cours concernant les citoyens azerbaïdjanais encore présents en République arabe syrienne et en Iraq. [Retour]

24. Une enquête judiciaire est en cours, en application des articles 327(1) et 328 du Code pénal géorgien. [Retour]

25. Les modifications les plus récentes adoptées par le Parlement géorgien l'ont été le 12 juin 2015. [Retour]

26. L'émission entend réunir des familles ou des amis ayant perdu tout contact. En 2013 et 2014, son animateur s'est rendu en République arabe syrienne pour essayer de rencontrer des combattants terroristes azerbaïdjanais après que leurs familles ont fait appel aux producteurs de l'émission. [Retour]

Notes de la pièce jointe :

a Résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité, huitième alinéa. [Retour]

b Le Conseil de sécurité appelle particulièrement l'attention sur la situation difficile de ces États au paragraphe 14 de sa résolution 2178 (2014). [Retour]


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