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12jan16
Esclave de Daech: "on nous loue, nous achète et nous offre en cadeau"
L'ex-concubine d'un membre de Daech, actuellement témoin sous protection en Europe, s'est décidée de confier son histoire aux médias russes. Cette femme kurde d'ethnie yazidie âgée de 21 ans s'est exprimée sur le génocide des Yazidis devant le Conseil de sécurité de l'Onu le 16 décembre et a été nominée au Nobel de la paix.
Nadia Murad Basee Taha confie à Novaya Gazeta que malgré les nouvelles sur les Yazidis tués ou chassés de leurs villages par Daech, les autorités kurdes ont promis que les terroristes n'allaient pas tuer les habitants de son village. Pourtant, le 3 aout 2014, Daech a pris la ville de Sinjar dans le nord-ouest de l'Irak, le village de Korju où vivait la jeune Yazidie Nadia Murad Basee Taha. "Les rebelles ont ouvert le feu. Ce jour-ci, 3.000 personnes, hommes, femmes et enfants, sont morts… Après la libération de Sinjar, 16 fosses communes ont été trouvées à Sinjar et dans ses environs", raconte Nadia Murad Basee Taha.
"Le jeudi 14 août, leur émir est arrivé dans le village. Il s'appelait Abou Hamza Al-Hatouni… L'émir est venu voir notre chef de village et a dit: +Vous avez trois jours. Soit vous vous convertissez à l'islam, soit nous allons vous tuer+", poursuit la brave femme.
D'après la jeune femme, le jour suivant, l'émir est revenu accompagné par 2.000 rebelles. Le matin, ils ont déclaré que tous les habitants du village qui n'ont pas pu fuir, soit 1.700 personnes, devaient se rassembler devant une école. Les rebelles ont alors ordonné aux femmes et aux enfants de monter au premier étage et aux hommes de rester au rez-de-chaussée.
Ayant séparé les villageois, les combattants de Daech ont raflé aux hommes et aux femmes tous leurs bien y compris les portables, les porte-monnaie, leurs bagues et leur argent puis ont demandé à ceux qui voulaient se convertir à l'islam de sortir de l'école. "Pourtant, ni les femmes, ni les hommes, personne n'a voulu se convertir à l'islam. Personne n'est sorti", explique la femme.
Selon elle, les rebelles ont ensuite mis tous les hommes dans des pick-up et les ont emmenés à 200 mètres du village pour les fusiller. Les femmes, quant à elles, ont été "triées" par les rebelles:
"Les femmes âgées et les plus de 40 ans ainsi que les femmes enceintes ont été séparées. Nous, les jeunes femmes de 9 à 25 ans étions 150. Nous étions emmenées dans un square. Les 80 femmes âgées ont été fusillées, les rebelles n'ayant pas voulu les prendre en concubines. Elles étaient toutes de mon village. Ma mère était aussi parmi elles", témoigne Nadia Murad Basee Taha.
L'un des rebelles, le commandant Hadji Salman de Mossoul, a pris Nadia dans ses locaux où il avait six gardiens et un chauffeur. L'un d'eux a appris le Coran à Nadia.
Hadji Salman a emmené Nadia dans sa chambre et a demandé à Nadia de se convertir à l'islam. Cette dernière a accepté à condition de ne pas coucher avec lui.
"Si, tu seras notre femme, c'est pour ça que je t'ai choisie", a-t-il dit.
"Alors je ne vais pas me convertir à l'islam", a répliqué Nadia.
"Vous, les Yazidis, vous êtes des infidèles. Vous devez croire. Et maintenant, vous n'êtes que des mécréants", a coupé net Hadji Salman.
"Et mes frères, mes proches", a alors demandé la jeune femme.
"Ils ne sont que des infidèles, je les ai tués. Et vous, vous serez donnés aux musulmans de l'EI et vous cesserez d'être des infidèles. Nous allons vous libérer des kouffar (infidèles, ndlr) pour que vous soyez converties à l'islam".
Après cette conversation, le chauffeur du commandant a donné des habits et des produits de beauté à Nadia.
Maquillée et vêtue d'une robe noire et de vêtements noirs, Nadia a été emmenée dans le tribunal de Mossoul, tribunal de l'EI, où elle a vue des milliers de femmes habillées en noir, les têtes couvertes, chacune accompagnée d'un rebelle. Le cadi, le juge musulman, a lu le Coran à haute voix et a fait les femmes répéter des mots qu'on prononce pour se reconvertir à l'islam.
Ensuite, chacune des femmes a été prise en photo et leurs photos ont été accrochées sur les murs accompagnées des numéros de leurs "propriétaires".
"Les rebelles viennent au tribunal et regardent ces photos. Si l'une des femmes lui plaît, il peut appeler ce numéro pour louer cette femme. Il paye la location par l'argent ou par ses biens, d'après leurs arrangements. On peut nous louer, nous acheter ou nous recevoir en cadeau".
Heureusement, une fois, lorsque le commandant est sorti chercher une nouvelle robe pour Nadia pour la vendre, elle a pu fuir. Elle a trouvé une femme avec des enfants et lui a raconté sa vie. Cette famille était très pauvre mais voulait vraiment sauver Nadia. Nadia s'est lors rapelée le numéro l'un de ses frères sains et saufs qui se cachait dans un camp de réfugiés au Kurdistan. Le chef de la famille généreuse lui a écrit sur Viber à son frère que sa sœur figurait sur la liste de recherche et a demandé de l'argent. Une fois la somme voulue reçue, l'homme a mis Nadia dans sa voiture en burqa. Personne n'a rien vérifié, sauf les pièces d'identité trouvé pour Nadia par cette famille, le visage de Nadia étant couvert d'un voile. Dans le même temps sa photo sans voile était affichée sur tous les postes-frontières. Deux sœurs de Nadia ont été louées et achetées à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'un de leurs proches ne paye une rançon. L'une d'elles se trouve actuellement en Allemagne et l'autre au Kurdistan.
Nadia déplore que tous les hommes achetant ou louant les femmes restent de marbre face à leur malheur. Si les chrétiens et les chiites étaient mal traités, les Yazidis faisaient l'objet d'une haine particulière. Les femmes étaient vendues et violées, les hommes tués.
Près de 3.500 Yazidis dont des femmes, des jeunes filles et des enfants ont disparu. Depuis déjà 16 mois, on n'a plus de nouvelles sur ces personnes. Elles ne sont pas recherchées, personne n'en parle.
"Actuellement, le monde entier voit ce que représente Daech. Dans le même temps, à ce moment précis, des jeunes filles et des femmes sont violées. La conscience de l'humanité ne s'est pas encore réveillée et il n'y a personne pour sauver ces femmes", conclut la brave femme.
[Source: Sputnik News, Moscou, 12jan16]
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