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1976-2001: 25 anes d'impunité


Huit ans de répression sans équivoque.

Par Gregorio Dionis,
Directeur de l'Équipe Nizkor.

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La république argentine a établi un modèle de répression de 1976 à 1983. La dictature qui a organisé cette répression n'est pas tombée sous la pression populaire ou politique mais s 'est tout simplement effondrée suite à son désastre militaire dans les Malouines.


La guerre des Malouines fut déclenchée par le régime militaire pour prouver son pouvoir hégémonique sur le continent sud-américain. Prendre la place de la Grande Bretagne dans le contrôle de l'Atlantique sud était d'ailleurs considéré comme une «mission historique».

Cette précision a toute son importance car la capitulation sans condition des militaires a ouvert une transition forcée vers la démocratie sans di rigeant poli tique con nu. Aussi, si le pouvoir des militaires a été ébranlé en 1983, il est resté bien présent et persiste encore aujourd'hui. Les services de renseignements définissent encore les conditions des batailles médiatiques ou des alternatives de pouvoir dans le pays. La dictature a simplement été remplacée par un contrôle politique et social appliqué par des structures difïùses peut-être, mais efficaces.

Il s'agit en réalité d'un modèle d'impunité développé pour occulter et disperser les responsabilités historiques du coup d'État de 1976. Approuvé par la classe dirigeante du pays avant l' instauration du processus démocratique, ce type d'impunité a créé une situation qui a corrompu et désagrégé la société, ceci étant perceptible dans l'émigration massive, la misère, la faim et l'absence de légitimité du système. Cette société invertébrée s'agite sans trouver l'issue du bourbier historique et social où elle est plongée.

Modèle de répression

Les événements de 1976 furent la suite d'un processus commencé pendant et après la dictature militaire du général Ongania en 1969, On ne peut pas comprendre ce qui s'es t passé de 1973 à 1976 et ensuite, si on n 'analyse pas en profondeur ces années de pouvoir absolu du secteur le plus intégriste de la société (au sens religieux du terme) avec le soutien explicite de forces, telles que l'Opus Dei, qui participaient officieusement au gouvernement militaire.

Les militaires argentins s'appuyaient sur une théorie qui a été longuement démontrée depuis. Ils étaient pénétrés de l'influence directe de milliers de militaires nazis exilés en Argentine à la fin de la Seconde guerre mondiale. Cette influence était bien réelle et l'on peut affirmer que les forces argentines furent créées et organisées par les Prussiens dans un premier temps puis par les nazis. Ce ci vaut pour les usines d'armement, l'énergie nucléaire et la stratégie de guerre.

Néanmoins, il reste un élément peu connu. Les services de renseignements argentins ont copié le fonctionnement des services mis sur pied pendant la Seconde guerre mondiale par le général allemand Reinhard Gehlen. Les militaires argentins se basèrent sur ce modèle pour leurs propres services pendant le régime militaire de 1976. Ils avaient estimé que l'Argentine réunissait toutes les conditions d'une révolution et ils décidèrent de s'y opposer en appliquant le modèle répressif développé par les nazis pour contrôler les socié tés de la Tchécoslovaquie à l'Ukraine en passant par la Po logne et la Hongrie.

Modus operandi

Tout comme la police analyse le modus operandi d'un assassin pour pouvoir l'arrêter, les crimes contre l'humanité ont un modus operandi qui permet de savoir comment les structures criminelles ont fonctionné et quels étaient les objectifs fixés.

Les militaires argentins ont utilisé plusieurs mécanismes impliquant une planification. Seuls des états- majors hautement qualifiés d'un point de vue criminel pouvaient se permettre cette planification massive. Nos informations conduisent à penser qu'u ne première étape du travail de renseignements commença en 1973. Il s'agissait de recenser toutes les organisations politiques, sociales et syndicales du pays et d'en dresser les profils sociaux.

Cette première étape s'est achevée fin 1974. En décembre apparaissent les premiers contrôles militaires pour justifier les actions ultérieures. Dès mai 1975, on soupçonnait la confection de listes précises de personnes et dans certaines zones -comme la marine de guerre à Bahia Blanca- ces listes furent transmises à des dirigeants politiques convaincus et à des hauts fonctionnaires du gouvernement du général Lanusse.

Des ordres secrets avaient permis la mise en place de commandos adéquats. À partir de ce moment, s'enclencha une série d'actions simultanées: création de centres de détentions illégales, camps de concentration clandestins, centres d'extermination suivant le modèle suivi par les forces d'occupation nazies en Europe. Parallèlement, de complexes opérations de contre information visaient sans distinction le contrôle et l'affaiblissement des organisarions.

C'est à ce moment que les militaires prirent le contrôle des municipalités, des syndicats... Les responsables syndicaux furent assassinés de façon systématique et remplacés par des collaborateurs des services de renseignemenrs désormais officiels ou par des personnes d'extrême-droite acceptant les méthodes et l'idéologie de l'appareil militaire.

Cela peut paraître incroyable mais certaines opérations furent copiées sur celles exécutées par les SS en Pologne et en Hongrie. Deux pratiques utilisées par les militaires argentins ne présentent aucun doute. La première pratique consista à infiltrer les mouvements paysans dans le nord, les organisations dans les bidonvilles, de nombreux syndicats mais aussi des groupes terroristes ou guérilleros. La deuxième pratique visait la disparition systémarique d'enfants selon un modèle appliqué par les lois raciales nazies.

Les camps d'extermination furent réellement des lieux où la mort éta it une méthode, où le seul objectif était l'élimination physique de la génération de 16 à 25 ans, jugée "sans salut". Si l'on analyse les données dont disposent les organisations de défence des droits humains, il est clair qu'être jeune à cet te époque en Argentine augmentait gravement les risques d'être exterminé d'une façon ou d'une autre par l 'Etat.

Modèle d'impunité

À la fin de juin 1982, la guerre des Malouines couche à sa fin, tout comme la présence des services de renseignements argentins en Amérique centrale en 1986. Les classes dirigeantes argentines, et pas simplement les militaires, réalisent ce qui s'est tramé durant toutes ces années: un vaste pogrom contre une génération, pogrom qu 'on pouvair difficilemenr cacher et encore moins justifier comme une guerre civile. Aucune preuve ne pouvair étayer la thèse d'une guerre civile. En revanche, des fai ts prouvaient que l'Éta t avait agi de façon illégale et criminelle.

Partant de cette réalité, un modèle d'impunité est élaboré, basé sur la présentation à la justice de quelques responsables des trois corps militaires. Cela a permis de bloquer pendant longtemps l'utilisation de la formule juridique de "crimes contre l'humanité" ou de "violation du droit internationai humanitaire".

Quelques militaires ont été jugés et condamnés mais simplement pour des délits de droit commun. En d'autres termes, on n'a jamais utilisé le droit international des droits humains ni le droit international humanitaire ni la jurisprudence dérivée des jugements de Nuremberg ou de Tokyo. En définitive, ces militaires furent considérés comme des tueurs en série, des psychopathes isolés et non comme des personnes ayant constituées d'authentiques organisations criminelles.

Plus tard, apparaissent les lois d' "Obéissance dûe" et de "Point final", couronnées par les amnisties des militaires qui étaient détenus dans des prisons particulières, adaptées à leurs besoins, rappelant les établissements construits pour les trafiquants de drogue en Colombie, L'amiral Massera eur droit, lui, à une piscine chauffée.

Les procès à l'é tranger l'étranger

Un tribunal de Rome a condamné entre autres le général Suarez Mason et le général Riveros, faisant suite à la décision de la justice française de condamner le capitaine Astiz pour l'assassinat de deux religieuses françaises.

En application des théories de Ghelen, la marine argentine avait infiltré le groupe des Mères de la Place de Mai qui se réunissait, à ses débuts, dans l'église de Santa Cruz à Buenos Aires. L'infiltration du groupe aboutit à l'assassinat de certains membres.

Le capitaine Astiz fut photographié lors de la capitulation face aux forces britanniques ce qui permit à quelques survivants de faire le rapprochement entre cet officier et la pseudo-victime qui participait aux réunions de Santa Cruz.

Suarez Mason et Riveros étaient les cerveaux du tristement célèbre Bataillon 601-renseignements militaires (GII dans le jargon militaire). Leurs actions dépassèrent le territoire argentin, organisant la Contra nicaraguayenne, agissant en Honduras, au Salvador ou au Guatemala.

Les procès espagnols ont é té les seuls à appliquer l'argumentation juridique de crimes contre l'humanité, à dépoussiérer les documents et les décisions du tribunal de Nuremberg et à ne pas considérer les crimes individuellement mais comme des crimes contre l'humanité et d'organisations criminelles en application de la juridiction pénale internationale.

C'est la première fois qu'on a pu ébranler les modèles d'impunité. Malgré le temps écoulé, la politique de militarisation de l'E tat argentin et le modèle d'impunité post-Malouines, respecté jusqu'à présent par la classe argentine, sont maintenant affaiblis.

Il es t prématuré de tirer des conclusions mais ces procès ont déclenché un grand débat dans la société argentine sous un angle nouveau, sans suspecter la génération qui fut exterminée.

Ce fait est non seulement positif mais il peut être utile à d'autres sociétés comme en Colombie pour comprendre que l'extermination systématique ne peut pas résoudre les crises sociales et politiques.

Pour la première fois en Amérique latine, on utilise le droit international des droits humains et le droit international humanitaire contre des classes dirigeantes qui, à un moment donné, créèrent des organisarions criminelles pour contrer les demandes des populations qui refusent de vivre et de subir la misère, la faim et la marginalisation.

[Source: Demain Le Monde, Bruxelles, Belgique, février 2001]

DDHH en Argentina

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Este documento ha sido publicado el 14may01 por el Equipo Nizkor y Derechos Human Rights