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25oct10

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Arrêt de la Cour constitutionnelle bolivienne reconnaissant le droit à la consultation et à la propriété des Terres Communautaires d'Origine (TCO) dans une affaire concernant l'Assemblée du peuple guarani Itika Guasu


Arrêt de la Cour constitutionnelle bolivienne n°2003/2010-R
Sucre, 25 octobre 2010

Dossier: 2008-17547-36-RAC
District: Tarija
Juge rapporteur: Marco Antonio Baldivieso Jinés

En révision de la décision 1/08 du 29 février 2008, qui couvre les pages 268 à 271, rendue par la juge du Tribunal de Sentencia de la province O'Connor dépendant de la Corte Superior de l'arrondissement judiciaire de Tarija, dans le cadre du recours d'amparo constitutionnel, désormais action d'amparo constitutionnel introduite par Mirtha Natividad Arce Camacho, en lieu et place de Miguel Ángel Rojas Zamora, directeur technique du Service départemental des voiries (SEDECA) de Tarija contre Never Barrientos, président de l'Assemblée du peuple guarani Itika Guasu, dénonçant la violation de son droit à la liberté de réunion et d'association à des fins licites ainsi que de son droit au travail, dans des conditions qui ne portent pas préjudice au bien collectif, en s'appuyant pour cela sur l'article 7, alinéas c) et d) de la Constitution politique de l'État abrogée en 2009.

I. ANTÉCÉDENTS D'ORDRE JURIDIQUE

I.1. Contenu du recours

Dans la requête déposée le 28 février 2008 et qui couvre les pages 32 à 35, le mandataire de la partie appelante soutient que:

I.1.1. Faits motivant le recours

Le 21 janvier 2008, l'entreprise PETROSUR SRL a conclu une convention avec SEDECA Tarija, par laquelle cette dernière s'engageait à céder à Petrosur SRL son campement situé dans la communauté de Cañadas pour une durée de quatre mois, du 21 janvier au 21 mai 2008. Pour sa part, PETROSUR SRL s'engageait à réaménager le campement, qui allait être par la suite utilisé par les travailleurs de SEDECA, pour qu'ils puissent rénover le système de voirie de la région.

Via une note reçue le 21 février 2008 par PETROSUR SRL, la partie intimée, en lieu et place de l'Assemblée du peuple guarani Itika Guasu, exprime son désaccord avec la convention conclue avec SEDECA Tarija, car elle viole la Loi 1257 du 11 juillet 1991 et la Loi 3760 du 7 novembre 2007, lesquelles établissent que toute activité pouvant porter préjudice à son territoire doit faire l'objet d'une consultation préalable. De la même manière, le représentant de l'Assemblée du peuple guarani Itika Guasu a fait savoir à PETROSUR SRL que son intervention peut donner lieu aux doutes et à la susceptibilité étant donné que l'entreprise n'a pas demandé à SEDECA Tarija de respecter les lois en vigueur dans le pays.

Pour sa part et face à une telle situation, PETROSUR SRL doute que SEDECA ait respecté les lois en vigueur à l'égard des peuples indigènes, et surtout, s'interroge sur la suite à donner à la convention conclue, en déclarant son intention d'obtenir de SEDECA Tarija le remboursement de la somme de 55. 000$ US (cinquante-cinq mille 00/1000 dollars américains) qui a été investie dans le réaménagement du campement de la communauté de Cañadas, en cas de non-respect de la convention.

Après révision de la législation invoquée dans la lettre de la partie intimée remise à PETROSUR, la Loi 3760 élève au rang de loi les 46 articles de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, approuvée lors de la 62e session de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies; la Loi 1257 approuve et ratifie la Convention 169 de l'OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, établissant dans son article 6.1 que les gouvernements devront consulter les peuples concernés chaque fois qu'ils prévoiront des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement. On peut en déduire que la convention conclue entre PETROSUR SRL et SEDECA ne fait pas partie des mesures législatives ou administratives susceptibles de toucher directement le peuple guarani.

I.1.2. Droits et garanties prétendument violés

La représentante de la partie appelante soutient que la partie intimée a violé son droit à la liberté de réunion et d'association à des fins licites ainsi que son droit au travail dans des conditions qui ne portent pas préjudice au bien collectif, en citant à cet effet l'article 7 alinéas c) et d) de la Constitution politique de l'État abrogée en 2009.

I.1.3. Partie intimée et contenu de la réclamation

Un recours d'amparo constitutionnel a été formé contre Never Barrientos, président de l'Assemblée du peuple guarani Itika Guasu. Le recours visait à ce que l'amparo soit octroyé, à laisser sans effet le contenu de la lettre adressée par l'Assemblée du peuple guarani à l'entreprise PETROSUR SRL, et à ratifier les termes de la convention souscrite entre les deux institutions et à la maintenir en vigueur.

1.2. Audience et décision de la juge des garanties

Lors de l'audience publique du 29 février 2008 (voir pages 266 à 268 du dossier) à laquelle ont assisté la partie appelante, la partie intimée, le tiers intéressé et le représentant du Ministère public, ils se sont produits les faits suivants:

I.2.1. Ratification et extension du recours

La partie appelante a ratifié les termes de son recours, ajoutant que l'article 4 du Decreto Supremo (DS) 24215 prévoit la création, pour chaque département, des services départementaux des voiries et le transfert d'équipes et d'installations; de la même manière, le Decreto Supremo (DS) 25134 définit les limites du droit de propriété par rapport au droit de voirie sur les routes de l'État.

1.2.2. Rapport de la partie intimée

La partie intimée a indiqué lors de l'audience que :

Les installations du service départemental des voiries (SEDECA) de Tarija se trouvent sur le territoire guarani, qui est en phase d'assainissement à la suite de la Resolución de Inmovilización |1| concernant [le territoire] Itika Guazu. La lettre remise à l'entreprise PETROSUR SRL ne constitue en aucun cas une violation d'un droit: le peuple guarani ne demande pas la rupture de la convention conclue par les deux entreprises. Cependant, il aurait dû être consulté préalablement. De plus, il estime que les droits que leur a accordés l'État bolivien sont ignorés, conformément à la Loi sur la protection de l'environnement, laquelle leur donne le pouvoir de démontrer leur désaccord lorsqu'il s'agit de prendre des décisions néfastes pour l'environnement.

Pour toutes ces raisons, il demande que l'amparo soit déclaré irrecevable et non fondé étant donné qu'aucun droit n'a été violé.

1.2.3. Intervention du tiers intéressé

Au cours de l'audience, Hernán Rojas a énoncé ce qui suit :

Lorsque l'entreprise PETROSUR SRL a conclu une convention avec SEDECA Tarija pour utiliser le campement abandonné, cette dernière s'est entretenue avec la partie intimée pour lui demander l'autorisation de s'installer sur cette zone-là, tout en lui fournissant une copie de la convention. La réponse à cette demande d'autorisation est la lettre dans laquelle le représentant du peuple guarani exprime son désaccord à l'égard de cette demande. C'est pourquoi il a été demandé à SEDECA Tarija de prendre les mesures nécessaires.

I.2.4. Intervention du représentant du Ministère public

Le représentant du Ministère public a indiqué, lors de l'audience, que :

Le recours d'amparo de SEDECA Tarija concerne les installations situées à Cañadas qui ont été prêtées à l'entreprise PETROSUR SRL au moyen d'une convention conclue entre ces deux entreprises. Les installations étant détériorées, l'entreprise PETROSUR SRL aurait dû investir une somme d'argent assez conséquente pour les rénover. L'Assemblée du peuple guarani a envoyé une lettre de désaccord par rapport à la convention conclue par SEDECA avec l'entreprise.

Pour toutes ces raisons, le représentant du Ministère public demande que le recours soit accordé étant donné que la lettre met en péril ladite convention.

I.2.5. Décision

Par la décision 1/08 du 29 février 2008 (voir pages 268 à 271), la juge du Tribunal de Sentencia de la province d'O'Connor, dépendant de la Corte Superior de l'arrondissement judiciaire de Tarija, a accordé la tutelle sollicitée, disposant que le représentant de l'Assemblée du peuple guarani laisse sans effet la lettre envoyée à PETROSUR SRL, en considérant que : 1) La partie appelante a démontré que le campement situé dans la région de Cañadas, province d'O'Connor, appartient au SEDECA, conformément aux articles 8 à 17 du Decreto Supremo (DS) 24215 du 28 juillet 1995 et à l'article 10 et sqq. du DS 25134 du 31 août 1998 ; 2) la convention souscrite entre SEDECA Tarija et PETROSUR SRL se réfère uniquement et exclusivement à l'utilisation de l'immeuble destiné à loger les travailleurs de PETROSUR SRL en échange d'un réaménagement de celui-ci, et ce pour une durée de quatre mois ; et, 3) le représentant de l'Assemblée du peuple guarani n'a pas démontré sa position selon laquelle l'activité pétrolière à laquelle se consacre PETROSUR SRL nuirait à l'environnement, fait qui n'est pas mentionné dans la convention conclue entre SEDECA et PETROSUR SRL, alors que le représentant de l'Assemblée du peuple guarani aurait pu utiliser cet argument pour faire entendre son désaccord concernant l'activité pétrolière devant les instances correspondantes.

I.3. Procédure judiciaire devant la Cour constitutionnelle bolivienne

Le présent recours d'amparo constitutionnel a été déposé le 10 mars 2008 ; cependant, après la démission des magistrats de la Cour constitutionnelle bolivienne, les affaires en cours ont été suspendues. Les nouvelles autorités ayant été désignées et les travaux juridictionnels ayant repris par accord juridictionnel 001/2010 du 8 mars, la présente cause a été assignée par tirage au sort le 2 septembre 2010, en conséquence de quoi la présente décision est rendue dans les délais prescrits.

II. CONCLUSIONS

De la révision des faits exposés ci-dessus, on tire les conclusions suivantes:

II.1. La convention souscrite le 21 janvier 2008 par SEDECA Tarija et PETROSUR SRL établit que SEDECA, en sa qualité de propriétaire du campement de Cañadas, dans la province d'O'Connor, Tarija, confère à PETROSUR SRL le droit d'usage et de jouissance desdites installations afin d'y loger ses travailleurs ou d'y réaliser toute autre activité qui respecte la configuration des installations, et ce pour une durée de quatre mois, jusqu'au 21 mai 2008. En guise de contre-prestation, PETROSUR SRL s'engage à réaménager ces installations afin de les rendre habitable. De la même manière, par la signature de la convention, SEDECA Tarija s'est engagé à garantir à PETROSUR SRL le droit d'utiliser les installations du campement de Cañadas pendant toute la durée de la convention (pages 13 à 15).

II.2. Via le fax reçu le 21 février 2008 par PETROSUR SRL, Never Barrientos, président de l'Assemblée du peuple guarani Itika Guasu, fait part de son désaccord avec la convention souscrite avec SEDECA Tarija portant sur un lieu situé aux abords des terres communautaire d'origine (TCO) Itika Guasu, argüant du fait qu'en vertu des Lois 1257 et 3760, toute activité pouvant porter préjudice au territoire du peuple guarani doit faire l'objet d'une consultation préalable, et ce dans l'espoir d'obtenir une rectification de leurs actions (page 20).

II.3. Par note du 21 février 2008, le contremaître de PETROSUR SRL fait savoir au directeur technique de SEDECA que si aucune solution n'est trouvée au problème de l'opposition de l'Assemblée du peuple guarani à la validité de la convention, ils se verront dans l'obligation de laisser cette dernière sans effet, ce qui obligera SEDECA à rembourser la somme de 55.000 dollars US. -, montant investi par PETROSUR SRL dans le réaménagement du campement situé à Cañadas (page 23).

II.4. Dans les notes remises par SEDECA Tarija, les 22 et 27 février 2008, respectivement au président de l'Assemblée du peuple guarani région Itika Guasu et de l'Assemblée du peuple guarani nationale, il leur est demandé de retirer la lettre envoyée à PETROSUR SRL étant donné que PETROSUR n'a pas violé les droits des Guaranis (pages 26 à 27 et 30 à 31).

II.5. Par la Resolución de Inmovilización RAI-TCO-0017 du 18 juillet 1997, la direction générale intérimaire de l'Institut national pour la réforme agraire (INRA) a déclaré, en réponse à la demande du titre de propriété du territoire guarani effectuée le 17 septembre 1996 par Nicolás Montero, Bonifacio Barrientos, Rogelio Aireyu, Valerio Mena ainsi que d'autres personnes (pages 225 à 231), l'immobilisation de plusieurs territoires, dont celui d'Itika Guasu.

III. FONDEMENTS JURIDIQUES DU JUGEMENT

Le représentant de la partie appelante, désormais demandeur, soutient que la partie intimée, désormais défendeur, a violé son droit à la liberté de réunion et d'association à des fins licites ainsi que son droit au travail, car il a envoyé une note à PETROSUR SRL, pour rendre sans effet la convention souscrite avec SEDECA Tarija, en s'appuyant sur son droit à la consultation, prévu par les lois 3760 et 1257, sans considérer que la convention souscrite ne fait pas partie des mesures législatives ni des mesures administratives susceptibles de toucher le peuple guarani. Il convient donc, lors de la révision, d'analyser la situation pour savoir si de telles affirmations sont fondées et si elles méritent la protection offerte par le recours d'amparo constitutionnel.

III.1. Considérations concernant l'application de la Constitution Politique de l'État en vigueur.

Comme ce recours, désormais action, a été présenté devant la Cour constitutionnelle et jugé selon la Loi fondamentale abrogée, il convient de déterminer, avant d'analyser la décision soumise à révision, la norme constitutionnelle qui sera d'application.

En ce sens et conformément aux fondements établis dans la SC 0006/2010-R du 6 avril, partant du principe pro homine, énoncé dans les articles 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ; 29 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme ; 13.IV et 256 de la CPE, le juge doit appliquer les normes les plus favorables aux personnes, à leur liberté et à leurs droits ainsi que les interpréter dans leur sens le plus large.

En ce sens, en accord avec le principe d'interprétation évolutive de la loi et parmi plusieurs interprétations possibles, il convient de choisir celle qui porte le moins entrave au droit ou à la garantie qui fait l'objet de la plainte ; il convient donc d'opter pour l'interprétation la plus large concernant la reconnaissance des droits, et pour l'interprétation la plus restreinte concernant l'établissement des limites de l'exercice de ces mêmes droits.

Conformément à ces principes, la Loi fondamentale en vigueur offre, en règle générale, plus de garanties ; il est donc normal de l'appliquer. Toutefois, dans chaque cas, les normes constitutionnelles seront analysées afin de donner la primauté à celles qui sont les plus favorables à l'appelant, désormais demandeur.

III.2. De l'harmonisation des termes dans les procédures constitutionnelles.

La Constitution Politique de l'État, dans les articles consacrés à la protection des droits fondamentaux, prévoit le recours constitutionnel d'amparo (art. 128), dont la procédure figure dans l'article 129.III, lequel établit : « La partie défenderesse sera citée dans les formes prévues pour respecter l'acción de libertad (action veillant au respect de la protection de la liberté personnelle)... ». Ensuite, l'alinéa IV dispose que : « La décision finale sera prononcée lors d'une audience publique immédiatement après la réception du rapport de la partie défenderesse et, à défaut de celui-ci, la décision sera prononcée sur base de la preuve fournie par le demandeur. L'autorité judiciaire examinera le domaine de compétence du Ministère public ou de la partie défenderesse, et s'il s'avère que la requête est jugée recevable et efficace, l'autorité accordera le recours constitutionnel d'amparo… ».

Dans l'article 97 I et II, la Loi sur la Cour constitutionnelle bolivienne, quant à elle, utilise le terme « recurrente » (appelant) pour établir la personnalité de celui qui intente une action en protection des droits fondamentaux et le terme « parte recurrida » (partie intimée) pour désigner la personne contre laquelle cette action est intentée. Toutefois, l'article 102.I, qui établit que: « L'amparo sera acordé ou rejeté...» rejoint les termes employés par la Constitution Politique de l'Etat.

Par conséquent, le terme à appliquer pour désigner une personne qui intente une action en protection des droits fondamentaux sera celui de « accionante » (demandeur), et on emploiera le terme « demandado/a » (défendeur) pour désigner l'autorité ou la personne contre laquelle a été intentée cette même action. De la même manière, en ce qui concerne la terminologie relative au dispositif, on emploiera le terme « accorder » et, dans le cas contraire, celui de « rejeter » la protection.

Dans les cas où on ne procède pas à une analyse de fond, il convient de souligner que même si la Comisión de Admisión est chargée d'examiner les recours constitutionnels d'amparo qui ont été jugés « irrecevables » ou qui ont été « rejetés » par les Tribunales de garantías, conformément à ce qui a été établi par la SC 505/2005-R et par la AC 107/2006-RCA, il existe des cas dans lesquels l'action en protection des droits fondamentaux a été jugée recevable, une audience a eu lieu et un jugement a été rendu, mais une fois que l'affaire est portée devant la présente juridiction pour révision, après le tirage au sort de l'affaire, la Cour réunie en séance plénière constate qu'il est impossible de procéder à une analyse de fond, que ce soit pour une raison établie dans l'article 96 de la Loi sur la Cour constitutionnelle (LTC), pour le non-respect du principe de subsidiarité ou des délais, ou pour tout autre motif, comme le non-respect des conditions d'admission établies dans l'article 97 de la LTC. A cet égard, la présente Cour énonce dans la SC494/2001-R et la SC 652/2004-R, entre autres, et jusque dans la SC 820/2007-R y comprise, qu'il faut dans ces cas-là déclarer la requête « irrecevable ».

Néanmoins, afin de respecter les termes de la Constitution et de maintenir une certaine harmonie et de ne pas engendrer de confusion dans l'utilisation de la terminologie propre à la phase d'admission du recours constitutionnel d'amparo, il convient dans ces situations de « rejeter » la tutelle sollicitée, en précisant que : « la problématique exposée n'a pas été soumise à une analyse du fond » vu que dans ces cas-là, le demandeur peut à nouveau intenter une action en protection des droits fondamentaux, uniquement quand elle remplit les conditions d'admissibilité.

Afin d'unifier et d'harmoniser les critères de procédure, il est convenu qu'à partir de la présente décision, il convient d'utiliser la terminologie susmentionnée, laquelle sera contraignante, conformément aux dispositions des articles 4 et 44 de la LTC, aussi bien pour toutes les autorités judiciaires qui agissent en tant que Tribunal de garantías constitucionales, que pour la présente Cour.

III.3. Le recours d'amparo constitutionnel: amparo préventif

Tout comme l'habeas corpus, la Constitution abrogée considérait l'amparo constitutionnel comme un recours, tout comme la Loi sur le Tribunal Constitutionnel, alors que la Constitution en vigueur et la Loi 27 du 6 juillet 2010 utilisent le terme "action d'amparo constitutionnel" en ce sens qu'une personne a le droit (en tant qu'individu ou collectif) d'utiliser la justice constitutionnelle pour défendre ses droits fondamentaux et ses garanties constitutionnelles vis-à-vis des actes illégaux commis par des fonctionnaires publics ou des particuliers.

Le recours d'amparo constitutionnel est également accompagné d'une série d'actes de procédures tels que la requête, l'instruction, l'audience, la décision du juge ou du Tribunal de garantías et la révision postérieure par la Cour constitutionnelle. Ces actes de procédure constituent une procédure constitutionnelle autonome, extraordinaire, soumis à une procédure spéciale et rapide, dans laquelle il existe une présomption de violation d'un droit ou d'une garantie, une demande, des parties en désaccord, une procédure spécifique que doit suivre l'amparo, ainsi qu'un tribunal (d'une ou plusieurs personnes) qui statue.

L'amparo constitutionnel, en plus d'être considéré comme une action - droit - et une procédure, est également vu comme un moyen juridictionnel de défense des droits et des garanties, et doit donc être envisagé comme une garantie en faveur des citoyens qui leur permettra de défendre leurs droits fondamentaux et leurs garanties constitutionnelles. C'est de là que découle la dénomination employée dans la Constitution politique de l'État, chapitre II, titre IV du second livre de la CPE, qui fait référence aux garanties juridictionnelles et aux actions de défense, le recours constitutionnel d'amparo faisant partie de ces dernières.

L'actuelle action d'amparo constitutionnel conserve la procédure prévue dans la Constitution abrogée, même si certaines modifications non substantielles y ont été apportées, telles que la précision relative à l'origine de l'action contre des actes ou des omissions illégales ou indues de fonctionnaires, de particuliers ou de groupes de personnes. Cette action partage beaucoup d'éléments avec l'action de liberté (acción de libertad): la brièveté, le caractère immédiat de la protection, l'obtention d'une procédure rapide, simple et avec peu de démarches, de même que son caractère général, ce qui implique que l'action peut être intentée sans exception contre des fonctionnaires ou des particuliers.

En résumé, le but de l'action d'amparo constitutionnel est d'assurer aux personnes la jouissance de leurs droits fondamentaux et de leurs garanties constitutionnelles, en les protégeant de toute menace, restriction ou suppression illégale ou arbitraire de ceux-ci par des actes, des décisions ou des omissions de la part de fonctionnaires, de particuliers ou de collectivités. Conformément à cela, la requête d'amparo constitutionnel peut être corrective (réparatrice) ou préventive :

Corrective ou réparatrice: L'action d'amparo constitutionnel est activée à la suite de la restriction ou de la suppression effective de droits et de garanties dues à des actes, des décisions ou des omissions illégales ou indues. Dans ce cas, le Tribunal de garantías accordera la tutelle dans le but de rétablir immédiatement les droits et garanties violés.

Préventive: Lorsque l'action est introduite à cause d'une menace de restriction ou de suppression imminente des droits fondamentaux ou des garanties constitutionnelles. Le recours constitutionnel d'amparo, dans ce cas, a pour finalité d'éviter la violation d'un droit ou d'une garantie. Dès lors, s'il existe réellement une menace, le juge qui reçoit la requête d'amparo adoptera les mesures nécessaires pour empêcher la réalisation de cet acte ou la prise de cette décision à caractère illégal, évitant de cette manière la violation des droits ou des garanties. Toutefois, pour que ce type d'amparo constitutionnel soit recevable, la menace dénoncée doit être certaine et imminente, conformément à la décision SC 0819/2010-R du 2 août de la Cour constitutionnelle, qui précisait:

    «… il doit exister la conviction que les droits présumés violés le sont effectivement ou le seront si la protection n'est pas accordée, si la partie intimée a commis un acte visant à concrétiser cette menace, et s'il a été prouvé que cette menace sera rapidement mise à exécution, et que par conséquent, la certitude du préjudice est établie. (…) Ce sont des aspects qui déterminent le bien-fondé ou non du recours d'amparo constitutionnel, et c'est dans cette optique qu'une analyse à différents niveaux doit être réalisée. Premièrement, il faut identifier les caractéristiques des sujets qui menacent de restreindre ou de supprimer un droit, identifier la situation de ces derniers par rapport à l'appelant; il faut aussi étudier pourquoi la possibilité de matérialisation de la menace sera d'autant plus grande que les sujets qui la profèrent jouissent de certains privilèges par rapport au citoyen lambda, et augmente ainsi la probabilité de réalisation de cette dernière. Par la suite, il faudra également analyser la véracité des faits mis en cause et dans quelle mesure ces faits violeraient le droit à la dignité, compte tenu de l'environnement social où ils pourraient se développer… ».

De la même manière, la SC 0819/2010-R a précisé :

    « (…) les personnes introduisent des actions en protection parce qu'elles sont convaincues que leurs droits fondamentaux ont été violés, ou seront du moins enfreints, si la juridiction constitutionnelle ne leur accorde pas la protection : c'est-à-dire qu'il existe une menace réelle à l'encontre de leurs droits. Le demandeur se voit dès lors dans l'obligation de prouver clairement qu'il existe un préjudice ou que, de façon certaine et imminente, celui-ci est sur le point d'être commis, et que cela porte atteinte, viole ou enfreint effectivement ses droits fondamentaux, ou au moins les menace, cette menace étant l'élément essentiel qui déterminera le bien-fondé ou non de la requête d'amparo constitutionnel.

En ce sens, le demandeur doit prouver les risques qui existent vis-à-vis de ses droits et garanties et, pour la même raison, il doit individualiser et identifier ceux qui portent atteinte à ses droits ou qui les menacent. Il faut également que les faits dénoncés, tout en étant véridiques, affectent ou menacent réellement les droits fondamentaux ou les garanties constitutionnelles du demandeur » .

III.4. Le territoire des nations et peuples indigènes originaires paysans.

III.4.1. Le territoire : l'un des critères de définition du peuple autochtone

Le territoire est intimement lié à la définition des peuples autochtones, étant donné qu'il constitue un élément permettant de les caractériser. Cette définition, bien qu'elle suppose une vision intégrationniste et subordonnée, trouve sa source dans la Convention 107 de l'Organisation internationale du travail (OIT) de 1957 (Convention relative aux populations aborigènes et tribales) qui, dans son article 1, affirme que la Convention s'appliquerait : « a) aux membres des populations tribales ou semi-tribales dans les pays indépendants, dont les conditions sociales et économiques correspondent à un stade moins avancé que le stade atteint par les autres secteurs de la communauté nationale et qui sont régies totalement ou partiellement par des coutumes ou des traditions qui leur sont propres ou par une législation spéciale; b) aux membres des populations tribales ou semi-tribales dans les pays indépendants, qui sont considérées comme aborigènes du fait qu'elles descendent des populations qui habitaient le pays, ou une région géographique à laquelle appartient le pays, à l'époque de la conquête ou de la colonisation et qui, quel que soit leur statut juridique, mènent une vie plus conforme aux institutions sociales, économiques et culturelles de cette époque qu'aux institutions propres à la nation à laquelle elles appartiennent. » Postérieurement, la Convention 169 de l'OIT (Convention relative aux peuples indigènes et tribaux), ratifiée par la Bolivie au moyen de la Loi 1257, a établi dans l'art. 1 que la Convention s'applique « b) aux peuples dans les pays indépendants qui sont considérés comme indigènes du fait qu'ils descendent des populations qui habitaient le pays, ou une région géographique à laquelle appartient le pays, à l'époque de la conquête ou de la colonisation ou de l'établissement des frontières actuelles de l'Etat, et qui, quel que soit leur statut juridique, conservent leurs institutions sociales, économiques, culturelles et politiques propres ou certaines d'entre elles. » Elle ajoute ensuite que : «2. Le sentiment d'appartenance indigène ou tribale doit être considéré comme un critère fondamental pour déterminer les groupes auxquels s'appliquent les dispositions de la présente convention. »

Pour sa part, Martínez Cobo, dans l'Etude du problème de la discrimination à l'encontre des populations autochtones, affirme que : « Par communautés, populations ou nations autochtones, il faut entendre celles qui, liées par une continuité historique avec les sociétés antérieures à l'invasion et précoloniales qui se sont développées sur leurs territoires, se jugent distinctes des autres secteurs des sociétés qui dominent à présent sur leurs territoires ou parties de ces territoires (…) et elles sont déterminées à conserver, développer et transmettre aux générations futures les territoires de leurs ancêtres et leur identité ethnique qui constituent la base de la continuité de leur existence en tant que peuple, conformément à leurs propres modèles culturels, à leurs institutions sociales et à leurs systèmes juridiques. » (MARTINEZ COBO, José, Etude du problème de la discrimination à l'encontre des peuples autochtones - Conclusions, Propositions et Recommandations, Nations Unies, 1987, page 30).

Par ailleurs, les organisations internationales et les experts ont établi des critères pour définir les peuples indigènes. Ceux-ci ont été résumés par Irene A. Daes : a) L'antériorité s'agissant de l'occupation et de l'utilisation d'un territoire donné ; b) Le maintien volontaire d'un particularisme culturel qui peut se manifester par certains aspects de la langue, une organisation sociale, des valeurs religieuses ou spirituelles, des modes de production, des lois ou des institutions ; c) Le sentiment d'appartenance à un groupe, ainsi que la reconnaissance par d'autres groupes ou par les autorités nationales en tant que collectivité distincte; et d) Le fait d'avoir été soumis, marginalisé, dépossédé, exclu ou victime de discrimination, que celui soit ou non encore le cas. (Conseil économique et social des Nations Unies, Activités normatives: Évolution des normes concernant les droits des populations autochtones, Nations Unies, 1996, page 18).

En Bolivie, lors de la réforme constitutionnelle de 1994, les termes de peuples indigènes et de communautés indigènes et paysannes ont été utilisés. Aujourd'hui, par contre, la Constitution en vigueur utilise les termes suivants comme une seule et même notion : « Nations et peuples indigènes originaires paysans ».

L'article 30 de la Constitution définit « les nations et peuples indigènes originaires paysans » comme étant « (…) toute collectivité humaine qui partage une identité culturelle, une langue, une tradition historique, des institutions, une territorialité et une vision du monde dont l'existence est antérieure à l'invasion coloniale espagnole. »

Comme on peut le constater, plusieurs termes ont été associés en Bolivie (Nations et peuples indigènes originaires paysans) qui, ensemble, ont un sens semblable à celui qui a été donné internationalement au terme « peuples autochtones », étant donné qu'ils reprennent la plupart des critères internationaux dans leur définition. Par exemple, en ce qui concerne l'antériorité relative à l'occupation et l'utilisation d'un territoire donné, la Constitution souligne que l'existence de la collectivité humaine doit être antérieure à l'invasion espagnole. Pour ce qui est des spécificités culturelles, il est établi que cette collectivité doit partager une identité culturelle, une langue, une tradition historique, des institutions, une territorialité et une vision du monde. Quant au fait d'avoir été soumis, marginalisé, dépossédé, exclu ou victime de discrimination, l'article 30 ne fait aucune mention expresse de ce critère ; néanmoins celui-ci apparaît de manière implicite dans le préambule de la Constitution politique de l'Etat, dans lequel on peut lire : « En des temps immémoriaux, des montagnes surgirent de terre, des rivières changèrent de cours, des lacs se formèrent. Notre Amazonie, notre chaco, notre altiplano et nos plaines et vallées se couvrirent de verdure et de fleurs. Nous peuplâmes cette Mère Terre sacrée de visages différents, ce qui explique la pluralité actuelle des choses et notre diversité en tant qu'êtres et cultures. C'est ainsi que nos peuples se sont constitués, et jamais nous n'avions compris le racisme jusqu'à ce que nous en soyons victimes, et ce depuis l'époque sombre de la colonisation ».

Par conséquent, la territorialité constitue l'un des éléments caractéristiques des « nations et peuples indigènes originaires paysans », d'où le fait que les normes internationales et la Constitution politique de l'État elle-même aient une incidence sur la reconnaissance de leur droit aux territoires occupés par leurs ancêtres.

III.4.2. Le droit à la terre et au territoire

La Convention 107 de l'OIT relative aux populations aborigènes et tribales reconnaît l'importance de la terre, établissant ainsi dans son article 11, deuxième partie de la Convention, que: « Le droit de propriété, collectif ou individuel, sera reconnu aux membres des populations intéressées sur les terres qu'elles occupent traditionnellement. »

Plus tard, la Convention 169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, dans son article 7, établit que : « Les peuples intéressés doivent avoir le droit de décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le processus du développement, dans la mesure où celui-ci a une incidence sur leur vie, leurs croyances, leurs institutions et leur bien-être spirituel et les terres qu'ils occupent ou utilisent d'une autre manière, et d'exercer autant que possible un contrôle sur leur développement économique, social et culturel propre. En outre, lesdits peuples doivent participer à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement. »

L'article 13 de cette même Convention détermine qu'en appliquant les dispositions de la partie II de la Convention ("Terres"), « les gouvernements doivent respecter l'importance spéciale que revêt pour la culture et les valeurs spirituelles des peuples intéressés la relation qu'ils entretiennent avec les terres ou territoires, ou avec les deux, selon le cas, qu'ils occupent ou utilisent d'une autre manière, et en particulier des aspects collectifs de cette relation. »

La Convention adopte une conception globale du terme terres, puisque selon l'article 13.2, il comprend « le concept de territoires, qui recouvre la totalité de l'environnement des régions que les peuples intéressés occupent ou qu'ils utilisent d'une autre manière ». (C'est nous qui soulignons).

L'article 14 de la Convention établit que : « Les droits de propriété et de possession sur les terres qu'ils occupent traditionnellement doivent être reconnus aux peuples intéressés. En outre, des mesures doivent être prises dans les cas appropriés pour sauvegarder le droit des peuples intéressés d'utiliser les terres non exclusivement occupées par eux, mais auxquelles ils ont traditionnellement accès pour leurs activités traditionnelles et de subsistance. Une attention particulière doit être portée à cet égard à la situation des peuples nomades et des agriculteurs itinérants ». (C'est nous qui soulignons).

Le même article, alinéa 2, souligne que : « Les gouvernements doivent en tant que de besoin prendre des mesures pour identifier les terres que les peuples intéressés occupent traditionnellement et pour garantir la protection effective de leurs droits de propriété et de possession». Quant à l'alinéa 3, il précise que : « Des procédures adéquates doivent être instituées dans le cadre du système juridique national en vue de trancher les revendications relatives à des terres émanant des peuples intéressés ».

Pour sa part, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ratifiée par la Bolivie au moyen de la Loi 3760, souligne dans l'article 26 que :

« 1. Les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources qu'ils possèdent et occupent traditionnellement ou qu'ils ont utilisés ou acquis.

2. Les peuples autochtones ont le droit de posséder, d'utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et ressources qu'ils possèdent parce qu'ils leur appartiennent ou qu'ils les occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi que ceux qu'ils ont acquis.

3. Les États accordent reconnaissance et protection juridiques à ces terres, territoires et ressources. Cette reconnaissance se fait en respectant dûment les coutumes, traditions et régimes fonciers des peuples autochtones concernés. (C'est nous qui soulignons).

L'article 27 de cette Déclaration établit que : « Les États mettront en place et appliqueront, en concertation avec les peuples autochtones concernés, un processus équitable, indépendant, impartial, ouvert et transparent prenant dûment en compte les lois, traditions, coutumes et régimes fonciers des peuples autochtones, afin de reconnaître les droits des peuples autochtones en ce qui concerne leurs terres, territoires et ressources, y compris ceux qu'ils possèdent, occupent ou utilisent traditionnellement ». (C'est nous qui soulignons).

L'article 28.1 de cette Déclaration énonce que : « Les peuples autochtones ont droit à réparation, par le biais, notamment, de la restitution ou, lorsque cela n'est pas possible, d'une indemnisation juste, correcte et équitable pour les terres, territoires et ressources qu'ils possédaient traditionnellement ou occupaient ou utilisaient et qui ont été confisqués, pris, occupés, exploités ou dégradés sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ».

En ce sens, le préambule de la Constitution bolivienne énonce que : « Nous, peuple bolivien, de composition plurielle, depuis le plus profond de notre histoire, nous inspirant des luttes du passé, des soulèvements anticoloniaux menés par les indigènes, par l'indépendance, par les luttes populaires de libération, par les manifestations indigènes, sociales et syndicales, par guerres de l'eau et celle d'octobre, par les luttes pour la terre et le territoire, et avec la mémoire de nos martyrs, nous construisons un nouvel État ».

Dans le cadre de ces normes internationales et du préambule, l'article 2 de la Constitution politique de l'État garantit le droit à l'autodétermination des nations et des peuples indigènes originaires paysans dans le cadre de l'unité de l'État. Ce droit consiste en leur droit à l'autonomie, à l'autogouvernance, à leur culture, à la reconnaissance de leurs institutions et à la consolidation de leurs entités territoriales. Dans ce domaine, l'article 30 alinéas 4), 6) et 15) de la CPE reconnaît le droit à l'autodétermination et territorialité, ainsi qu'à la titularisation collective de terres et territoires.

D'autre part, il convient de préciser que l'actuelle organisation territoriale de l'État, en accord avec l'article 269 de la CPE, comprend les « départements, provinces, municipalités et territoires indigènes originaires paysans » ; territoires qui doivent être reconnus dans leur entièreté, car conformément à l'article 403 de la CPE, ils comprennent des zones de production, des zones d'exploitation et de conservation des ressources naturelles ainsi que des espaces de reproduction sociale, spirituelle et culturelle.

On peut déduire, à partir des normes qui viennent d'être citées, qui constituent le bloc de constitutionnalité, conformément à l'article 410 de la CPE, que les peuples indigènes originaires paysans ont droit: 1. Aux terres, territoires qu'ils ont traditionnellement possédés, occupés, utilisés ou acquis ; 2. À posséder, utiliser et contrôler lesdits territoires et terres ; 3. À ce que l'État garantisse la reconnaissance et la protection juridique desdits territoires et terres, ainsi que des ressources qui s'y trouvent.

Il convient d'ajouter à ce qui vient d'être consigné que la Commission interaméricaine des droits de l'homme, dans son rapport sur les « Comunidades Cautivas: Situación del Pueblo Indígena Guaraní y formas contemporáneas de esclavitud en el Chaco de Bolivia » (Communautés Captives : Situation du peuple indigène guarani et formes contemporaines d'esclavage dans le Chaco bolivien) du 24 décembre 2008, a signalé, parmi les recommandations, que pour prévenir, analyser et sanctionner ces formes d'esclavage, il convenait de :

« 13. Fournir les ressources économiques, techniques et humaines nécessaires pour renforcer le Tribunal agraire national et faciliter la capacité dudit tribunal, en coordination avec le Ministère public et d'autres institutions de l'administration de justice et de réforme agraire, à collaborer dans l'analyse et la sanction des pratiques analogues à l'esclavage dans le Chaco et d'autres régions du pays. Encourager la résolution, par cet organe, des oppositions aux ordres de réversion ou aux ordres d'un autre type, dans le cadre du processus d'assainissement en faveur du peuple guarani. »

Pour ce qui est des recommandations spécifiques pour la reconstitution du territoire du peuple indigène guarani, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a indiqué qu'il fallait :

« 16. Adopter un plan intégral pour la reconstitution territoriale du peuple indigène guarani en accordant une attention toute particulière aux droits de propriété collective, d'autogouvernance, d'éducation, de santé, de logement et de modules de formation dans le domaine de l'agriculture et dans d'autres activités économiques. »

« 18. S'assurer que les mesures actuelles prises par l'Etat à ce sujet, telles que le processus d'assainissement prévu dans la législation agraire et le plan interministériel transitoire 2007 - 2008 pour le peuple guarani, soient conformes aux normes internationales concernant la portée et le contenu des droits des peuples indigènes sur leurs terres, territoires, ressources naturelles, formes d'organisation sociale, politique et culturelle ; et soient conformes au droit à la consultation et au consentement préalable, libre et en connaissance de cause des peuples indigènes. À ce propos, il faut accorder une attention particulière aux normes contenues dans les instruments internationaux des droits de l'homme ratifiés par l'Etat, notamment la Convention 169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et les normes établies dans la jurisprudence du système interaméricain des droits de l'homme après interprétation des droits consacrés dans la Convention américaine relative aux droits de l'homme. »

« 19. S'assurer que toutes les mesures prises par l'Etat pour la restitution du territoire du peuple guarani, telles que l'assainissement, l'expropriation et la réversion de terres, soient prises en accord avec le peuple guarani, conformément à ses procédures de consultation, ses valeurs, ses usages et son droit coutumier ».

« 22. Garantir le droit des communautés du peuple guarani, avant et après l'obtention de la reconnaissance légale de ses territoires, à la détermination et à l'élaboration de ses propres priorités et stratégies pour le développement (…) »

« 24. S'assurer que les droits de propriété collective qui seraient acquis par les communautés guaranis garantissent également les droits sur les ressources naturelles dont sont dotés leurs territoires »

« 25. Pour ce qui est d'autres types de mesures, d'activités, de lois ou de politiques qui touchent les intérêts des communautés des peuples guaranis, l'Etat doit garantir la participation desdites communautés par un processus de consultation qui implique l'obligation d'obtenir leur accord préalable, libre et en connaissance de cause, conformément à leurs propres coutumes et traditions ».

« 27. Identifier et résoudre les demandes insatisfaites potentielles de certaines terres communautaires d'origine, en particulier dans l'Alto Parapetí, qui résultent des processus d'assainissement antérieurs qui auraient été réalisés dans la région. La résolution desdites demandes devra être conforme aux mêmes normes que celles mentionnées auparavant sur les droits des peuples indigènes. »

D'autre part, en ce qui concerne les recommandations visant à garantir l'accès à la justice au peuple indigène guarani et aux autres peuples indigènes en Bolivie, il convient de :

« 28. Adopter et réformer les politiques et les lois nationales pour que des procédures efficaces soient mises en place afin de répondre aux revendications de terres formulées par les peuples indigènes - en portant une attention particulière à la situation des communautés guaranis dans la région du Chaco »

« 29. Adopter et réformer la législation nationale pour que les peuples indigènes puissent entamer des procédures légales, que ce soit personnellement ou via leurs organismes représentatifs, dans le but d'assurer leurs droits en tant qu'êtres humains. De telles procédures doivent être équitables et justes, et permettre de trouver des décisions rapides accompagnées de réparations effectives pour la violation de leurs droits individuels et collectifs. Une attention toute particulière doit être portée aux cas liés aux préjudices subis par des indigènes victimes d'actes de violence ».

« 30. Faire en sorte que les formalités à entreprendre dans le cadre de la procédure de revendication des terres indigènes soient simples et accessibles et que les organes chargés de ces formalités possèdent les moyens techniques et matériels nécessaires à la formulation d'une réponse adéquate aux requêtes des peuples indigènes dans le cadre desdites procédures (…) ».

III.5. Le droit à la consultation préalable dans les normes du bloc de constitutionnalité

Le droit à la consultation préalable a été reconnu aux peuples indigènes dans la Convention 169 de l'OIT dont l'article 6.1 a établi qu'en appliquant les dispositions de la présente convention, les gouvernements devront :

« a) consulter les peuples intéressés, par des procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que l'on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement ».

L'article 6.2 de la Convention déclare que : « Les consultations effectuées en application de la présente convention doivent être menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à un accord ou d'obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées. »

La consultation, en accord avec l'article 15.2 de la Convention 169, concerne également les ressources présentes sur les terres des peuples indigènes ; il est précisé que, lorsque les minéraux ou ressources du sous-sol sont propriété de l'État, les gouvernements doivent établir ou maintenir des procédures pour consulter les peuples intéressés dans le but de déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont menacés avant d'entreprendre ou d'autoriser tout programme de prospection ou d'exploitation des ressources présentes sur leurs terres.

Lesdites normes ont été élargies et précisées dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui dans l'article 19 établit que : « Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés -- par l'intermédiaire de leurs propres institutions représentatives -- avant d'adopter et d'appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d'obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.»

En outre, en ce qui concerne les terres et territoires, l'article 32 de la Déclaration énonce que :

« 1. Les peuples autochtones ont le droit de définir et d'établir des priorités et des stratégies pour la mise en valeur et l'utilisation de leurs terres ou territoires et autres ressources.

2. Les États consultent les peuples autochtones concernés et coopèrent avec eux de bonne foi par l'intermédiaire de leurs propres institutions représentatives, en vue d'obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l'approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l'utilisation ou l'exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres.

3. Les États mettent en place des mécanismes efficaces visant à assurer une réparation juste et équitable pour toute activité de cette nature, et des mesures adéquates sont prises pour en atténuer les effets néfastes sur les plans environnemental, économique, social, culturel ou spirituel. »

Pour sa part, la Constitution politique de l'État reconnaît dans son article 30. 15) le droit des peuples autochtones: « À être consultés à travers des procédures adéquates, et en particulier à travers leurs institutions, chaque fois que sont envisagées des mesures législatives ou administratives susceptibles de les concerner », ajoutant par la suite que « le droit à la consultation préalable obligatoire, effectuée par l'État, de bonne foi et de manière concertée, pour ce qui concerne l'exploitation des ressources naturelles non renouvelables présentes sur le territoire qu'ils occupent, sera respecté».

Pour ce qui est des ressources naturelles, l'article 403 de la Constitution politique de l'État (CPE) reconnaît l'intégrité du territoire indigène originaire paysan, qui comprend le droit à la terre, à l'utilisation et l'exploitation exclusives des ressources naturelles renouvelables, à la consultation préalable et en connaissance de cause, et à la participation aux bénéfices tirés de l'exploitation des ressources naturelles non renouvelables se trouvant sur leurs territoires.

Au vu des normes constitutionnelles et internationales concernant les droits des peuples indigènes, qui - comme cela a été signalé - font partie du bloc de constitutionnalité, conformément à ce qui est établi dans l'article 410 de la CPE, on peut conclure que la consultation préalable constitue, tant au niveau national qu'au niveau des collectivités territoriales autonomes, un devoir de l'État, qui doit être accompli via les institutions représentatives des peuples autochtones.

Cette consultation doit être menée de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances dans les cas suivants: a. Avant d'adopter ou d'appliquer des lois ou des mesures qui pourraient avoir une incidence directe sur les peuples indigènes (articles 6.1. de la Convention 169, 19 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et 30.15 de la CPE); b. Avant d'approuver tout projet pouvant avoir une incidence sur leurs terres ou territoires et autres ressources (article 32.2. de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones); c. Avant d'autoriser ou d'entreprendre tout programme de prospection ou d'exploitation des ressources naturelles se trouvant sur les terres habitées par les peuples indigènes (articles 15.2 de la Convention 169, 32.2 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, 30.15 et 403 de la CPE); et, d. Avant d'utiliser les terres ou territoires indigènes à des fins militaires (article 30 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones).

Cette consultation doit avoir lieu dans le but de parvenir à un accord avec les peuples ou d'obtenir leur consentement libre, préalable et en connaissance de cause. Ceci dit, il convient de souligner que ce consentement est le but de la consultation, mais qu'il ne constitue pas un droit en soi, sauf dans les deux cas de figure prévus aussi bien dans la Convention 169 que dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones: 1. Déplacements des terres qu'ils occupent et leur réinstallation (articles. 16.2 de la Convention et 10 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones); et, 2. Stockage ou déchargement de matières dangereuses présentes sur les terres ou territoires des peuples indigènes (article 29 de la Déclaration).

Aux deux cas de figure cités ci-dessus, il faut en ajouter un troisième, qui a fait jurisprudence dans l'affaire Pueblo Saramaka vs. Surinam, lorsque la Cour interaméricaine des droits de l'homme a reconnu le droit au consentement « [...] lorsqu'il s'agit de projets de développement ou d'investissement à grande échelle qui auraient un impact majeur sur le territoire Saramaka, l'État est tenu non seulement de consulter les indigènes Saramaka, mais doit également obtenir leur consentement préalable, donné en toute liberté et en connaissance de cause, selon leurs coutumes et traditions. La Cour considère que la différence entre « consultation » et « consentement » dans ce contexte doit faire l'objet d'une analyse plus poussée. »

Dans le même arrêt, elle signale que « [...] le Rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, a observé, de manière similaire que :

Lorsque de tels projets sont menés à bien dans des régions habitées par des peuples autochtones, on peut s'attendre à ce que ces communautés connaissent des bouleversements sociaux et économiques, qui ne sont pas toujours bien compris, et certainement pas toujours prévus, par les autorités chargées de la promotion du projet. [...] Les principales conséquences [...] sont la perte des territoires et terres traditionnels, l'expulsion, la migration et la réimplantation qui s'ensuit, l'épuisement des ressources nécessaires à la survie matérielle et culturelle, la destruction et la pollution de l'environnement traditionnel, la désorganisation sociale et communautaire, la détérioration à long terme de la santé et de la nutrition ainsi que, dans certains cas, la persécution et la violence."

Par conséquent, le Rapporteur spécial des Nations Unies détermina que « Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, est essentiel au respect des droits fondamentaux des peuples autochtones s'agissant des grands projets de développement». (Cour interaméricaine des droits de l'homme. Affaire Pueblo Saramaka vs. Surinam. Excepciones Preliminares, Fondo, Reparaciones, Costas. Arrêt du 28 novembre 2007, Série C No. 72.)

Conformément à ce qui vient d'être dit, pour pouvoir mener à bien les projets correspondant aux trois cas de figure signalés ci-dessus, les peuples autochtones doivent donner leur consentement, ce qui signifie que, dans les cas en question, les peuples ont le pouvoir de refuser le projet ; dans les autres cas, lorsque la consultation est faite en toute bonne foi, avec des méthodes appropriées et des informations correctes, les peuples indigènes ont le droit de participer à l'élaboration du projet, l'intervention de l'État étant délimitée par des marges définies selon des critères raisonnables, l'État étant sujet à des normes, des principes et des valeurs contenus dans la Constitution politique de l'État, y compris le principe de légalité et l'interdiction du caractère arbitraire, et ce afin de respecter les droits des communautés originaires et d'éviter les impacts nocifs sur leur environnement et leur mode de vie.

III.6. Analyse du problème juridique exposé

La partie appelante, désormais demandeur, par l'intermédiaire de son représentant, soutient que la partie intimée a violé son droit de se réunir à des fins licites ainsi que son droit au travail par la remise d'une lettre à l'entreprise PETROSUR SRL visant à laisser sans effet la Convention souscrite avec SEDECA Tarija, en s'appuyant sur son droit à la consultation prévu dans les Lois 3760 et 1257, sans prendre en considération le fait que la convention souscrite ne fait pas partie des mesures législatives et administratives susceptibles de concerner le peuple guarani.

Avec ce qui a été exposé ci-dessus, on peut établir que la partie défenderesse, Never Barrientos, président de l'Assemblée du peuple guarani d'Itika Guasu, a envoyé une note le 21 février 2008 à PETROSUR SRL, dans laquelle il exprimait son désaccord avec la convention souscrite entre cette entreprise et SEDECA Tarija, alléguant qu'elles devaient respecter le droit du peuple guarani à être consulté avant toute activité susceptible de concerner leur territoire et leur demandant qu'elles rectifient leur conduite, tout en nourrissant « l'espoir que la non-reconnaissance des droits autochtones ne soit pas une pratique institutionnalisée ». Néanmoins, il a également été constaté qu'avec cette note, le droit de se réunir et de s'associer à des fins licites, ainsi que le droit au travail de la partie appelante n'ont pas été enfreints, et qu'il n'existe pas non plus de menace certaine et imminente de la violation de ces droits.

Ceci étant entendu, il faut préciser que le contremaître de PETROSUR SRL, dans une lettre datée du 21 février 2008, a communiqué au directeur technique de SEDECA que, si le problème de l'opposition à la convention de l'Assemblée du peuple guarani n'était pas résolu, le groupe se verrait dans l'obligation de la laisser sans effet, avec obligation pour SEDECA Tarija de rembourser le montant de 55.000 dollars US, montant qui avait été investi dans la rénovation du campement situé à Cañadas. Cette note ne menace en aucun cas de restreindre le droit à la liberté d'association ni le droit au travail, étant donné que ces droits ne sont pas absolus et doivent être exercés dans les limites prévues dans les normes du bloc de constitutionnalité et dans les lois.

Ainsi, conformément aux normes du bloc de constitutionnalité citées dans les Fondements juridiques III.4. et III.5. du présent arrêt, les peuples autochtones ont le droit à la consultation préalable, droit qui, contrairement à ce que soutient le demandeur, s'étend à l'approbation de tout projet susceptible de toucher leurs terres, territoires et autres ressources (art. 32.2. de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones), ceci étant dû à l'importance particulière que les peuples autochtones accordent à leur territoire, comme nous l'avons expliqué plus haut.

Dans le cas présent, la convention souscrite entre PETROSUR SRL et SEDECA Tarija porte sur l'utilisation des installations du campement Cañadas, situé sur le territoire du peuple guarani d'Itika Guasu. Par conséquent, il aurait fallu consulter les autochtones au préalable à propos de ladite convention, en respectant les règles reprises dans la Convention 169 de l'OIT et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui font partie du bloc de constitutionnalité.

Précisons que, bien que l'article 8 du DS 24215 du 12 janvier 1996 organise le transfert à chaque Service départemental des voiries des installations et autres biens des agences des districts du Service national des voiries, et que l'article 10 du DS 25134 du 21 août 1998, établit qu'à des fins d'usage et d'exploitation des routes du réseau fondamental, l'espace occupé par les routes appartient à l'État, en ce compris la surface d'affectation qui est formé de la bande de terrain de chaque côté de la route (50 m), berme comprise, et que le Service national des voiries pourra utiliser ou autoriser l'utilisation de la zone d'affectation pour des motifs d'intérêt général ou dans le cas où une amélioration du service des voiries serait nécessaire.

Toutefois, il faut aussi prendre en compte que, à la date de présentation de l'action d'amparo constitutionnel et de l'audience, existait déjà l'ordonnance d'immobilisation RAI-TCO-0017 du 18 juillet 1997, par laquelle la directrice intérimaire de l'Institut national pour la réforme agraire déclarait l'immobilisation de plusieurs zones, parmi lesquelles Itika Guasu, après la demande d'attribution de titres de propriétés sur les terres guaranis effectuée le 17 septembre 1996 par Nicolás Montero, Bonifacio Barrientos, Rogelio Aireyu, Valerio Mena ainsi que d'autres personnes, qui se sont appuyés sur leur droit au territoire historique et traditionnel du peuple guarani et sur la nécessité de protéger l'intégrité de ce territoire.

En ce sens, il faut considérer que, en accord avec les règles contenues dans les normes du bloc de constitutionnalité, citées dans le Fondement juridique III.4 du présent arrêt, les peuples indigènes originaires paysans ont droit aux terres et territoires qu'ils ont traditionnellement possédés, occupés, utilisés ou acquis, le droit de contrôler ces terres et territoires et le droit à ce que l'Etat garantisse la reconnaissance de ces mêmes terres. Conformément à cela, le peuple guarani Itika Guasu, et n'importe quelle communauté indigène originaire paysanne, a droit à son territoire et a le droit d'être au courant des projets, d'y participer, ou au moins d'être consultée au préalable à propos de ces projets - en l'occurrence une convention - qui pourraient toucher leur territoire ; à fortiori avec la résolution d'immobilisation RAI-TCO-0017 du 18 juillet 1997, par laquelle l'État, par l'intermédiaire de l'Institut national pour la réforme agraire (INRA), marque le début de la reconnaissance des terres communautaires d'origine au peuple guarani.

D'après ce qui a été dit, il est évident que la partie défenderesse n'a commis aucun acte illégal, étant donné qu'elle a seulement fait parvenir une note à PETROSUR SRL, en défense des droits du peuple indigène qu'elle représente, afin que soient respectées les normes internationales ratifiées par la Bolivie telles que la Convention 169 de l'OIT et la Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones, lesquelles font partie du bloc de constitutionnalité, dont l'interprétation et l'application sont prévues dans l'article 256 de la CPE.

En ce sens, il était du devoir du Service départemental des voiries de Tarija (SEDECA Tarija) de régulariser la situation de la convention souscrite avec PETROSUR SRL, en respectant les normes précédemment mentionnées, d'autant plus qu'il n'existe dans cette affaire aucune menace concrète et imminente de violation des droits du demandeur, et que si la consultation avait été effectuée, l'actuel défendeur n'aurait pas eu à faire objection.

Au vu des arguments exposés, en accordant la protection, la juge des garanties n'a pas appliqué de manière adéquate la norme prévue par l'article 19 de la CPE abrogée, l'actuel article 128 de la CPE.

C'EST POURQUOI

La Cour constitutionnelle, en vertu de la juridiction et des compétences qui lui sont conférées par les articles 4 et 6 de la Loi 003 du 13 février 2010, dénommée Ley de Necesidad de Transición a los Nuevos Entes del Órgano Judicial y Ministerio Público (Loi sur la transition vers les nouveaux organes du pouvoir judiciaire et du Ministère Public) ; article 7 alinéa 8 et article 93 de la LTC, en révision, adopte la décision de:

1° REVOQUER la décision 1/08 du 29 février 2008, pages 268 à 271, prononcée par la Juge du Tribunal de Sentencia de la province d'O'Connor, dépendant de la Corte Superior du district judiciaire de Tarija et, par conséquent REJETTE la protection sollicitée.

Conformément aux recommandations de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, dans le rapport sur les « Communautés Captives : Situation du peuple indigène guarani et formes contemporaines d'esclavage dans le Chaco bolivien » du 24 décembre 2008, EXHORTE les organes du pouvoir public et les institutions étatiques à respecter les normes internationales et constitutionnelles relatives aux droits des peuples autochtones, en particulier :

a. L'organe exécutif, par le biais des ministères correspondants, doit respecter de façon coordonnée le rapport de la Commission interaméricaine précédemment cité, en adoptant des politiques et des projets globaux pour la reconstitution territoriale des nations et des peuples autochtones originaires paysans, et en l'occurence, du peuple guarani. En outre, grâce aux mécanismes adéquats, il doit rendre effectif le droit à la consultation des nations et des peuples indigènes originaires paysans, conformément aux fondements de cet arrêt.

b. L'INRA doit clôturer les processus de titularisation des territoires communautaires d'origine toujours en cours, parmi lesquels celui du peuple guarani, conformément à ce qui est prévu dans le cadre de la septième disposition transitoire de la CPE.

c. Le Tribunal agraire national doit donner la priorité aux procédures qui concernent les nations et les peuples autochtones originaires paysans.

Que ce présent arrêt soit enregistré, notifié et publié dans la Gaceta Constitucional.

Le président Juan Lanchipa Ponce n'intervient pas sur cette affaire car il n'en a pas pris connaissance.

Signatures de:

Abigael Burgoa Ordóñez
PREMIER PRESIDENT

Ernesto Félix Mur
MAGISTRAT

Ligia Mónica Velásquez Casteños
MAGISTRAT

Marco Antonio Baldivieso
MAGISTRAT


Notes

1. NDT: La "Resolución de Inmovilización" est une décision empêchant toute modification en ce qui concerne l'utilisation et la possession des terres avant la procédure de sanaeamiento. Le sanaeamiento est une procédure visant à régulariser et formaliser le droit de propriété agraire. Cette procédure a comme but, inter alia, l'établissement de cadastre de la propriété agraire, l'inscription de titres de propriété en cours, la conciliation des conflits qui ont trait à la propriété agraire et l'annulation des titres viciés. [Retour]


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