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Rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants dans le contexte du conflit armé en Colombie (septembre 2011-juin 2016)


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Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2016/837

Distr. générale
4 octobre 2016
Français
Original : anglais

Rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants dans le contexte du conflit armé en Colombie (septembre 2011-juin 2016)

Résumé

Le présent rapport, qui couvre la période allant de septembre 2011 à juin 2016, a été établi en application de la résolution 1612 (2005) et de résolutions ultérieures du Conseil de sécurité. Il s'agit du troisième rapport que le Secrétaire général présente au Conseil de sécurité sur le sort des enfants dans le contexte du conflit armé en Colombie. On y trouvera des informations sur les six violations graves commises contre les enfants et sur l'identité des parties au conflit responsables, ainsi qu'une description des progrès accomplis s'agissant de la protection des enfants touchés par le conflit.

La période considérée dans le présent rapport a été marquée par le lancement en 2012 d'un processus de paix historique entre le Gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie - Armée populaire (FARC-EP), ce qui a permis une diminution de l'intensité du conflit et une réduction générale du nombre de violations commises contre des enfants, en particulier vers la fin de la période. On notera tout particulièrement que le Gouvernement et les FARC-EP ont signé en mai 2016 un accord qui a défini la voie à suivre en vue, dans un premier temps, de la sortie des enfants de moins de 15 ans des rangs des FARC-EP, et, par la suite, de la mise en place d'un programme spécial visant à ce que tous les enfants de moins de 18 ans anciennement associés aux FARC-EP soient rétablis dans leurs droits, réintégrés et indemnisés. En outre, en mars 2016, le Gouvernement et un deuxième groupe armé, l'Armée nationale de libération (ELN), ont fait un grand pas en avant en annonçant qu'ils avaient décidé d'entamer des pourparlers de paix. Si ces événements historiques ont fait grandir l'espoir de voir se terminer le conflit, les activités des groupes armés formés de combattants démobilisés ont continué de mettre en péril la protection des enfants.

Tout au long de la période considérée, le Gouvernement colombien s'est efforcé de renforcer le cadre mis en place pour mettre fin aux violations commises contre les enfants, les prévenir et y donner suite. Il est souligné dans le présent rapport qu'il est nécessaire de donner la priorité au respect des engagements pris et à la mise en œuvre de la législation et des politiques existantes en vue d'en tirer des résultats concrets en faveur de tous les enfants du pays. Une série de recommandations est à cet égard formulée dans le rapport à l'intention de toutes les parties, aux fins de l'amélioration de la protection des enfants et du renforcement des garanties de non-répétition à l'issue du conflit.

I. Introduction

1. Le présent rapport, qui couvre la période allant de septembre 2011 à juin 2016, est présenté en application de la résolution 1612 (2005) et de résolutions ultérieures du Conseil de sécurité. Troisième rapport établi sur le sort des enfants dans le contexte du conflit armé en Colombie, il complète mes deux précédents rapports sur la question (S/2009/434 et S/2012/171). Les grandes tendances observées s'agissant des violations commises contre les enfants dans le contexte du conflit armé en Colombie y sont mises en évidence, de même que les progrès accomplis dans l'action visant à éliminer et à prévenir ces violations, conformément aux conclusions et recommandations adoptées par le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur le sort des enfants en temps de conflit armé en 2010 et 2012 (voir S/AC.51/2010/3 et S/AC.51/2012/4).

2. La situation en Colombie a été portée à l'attention du Conseil de sécurité en 2003 au titre de l'Article 99 de la Charte des Nations Unies, compte tenu des incidences du conflit armé sur les enfants. En 2003, les Forces armées révolutionnaires de Colombie - Armée populaire (FARC-EP), l'Armée nationale de libération (ELN) et le groupe paramilitaire Milices d'autodéfense unies de Colombie |1| ont été inscrits pour la première fois sur la liste figurant à l'annexe II de mon rapport annuel sur le sort des enfants en temps de conflit armé (A/58/546-S/2003/1053) pour recrutement et utilisation d'enfants. Dans mon dernier rapport annuel en date (A/70/836-S/2016/360), l'ELN et les FARC-EP figuraient de nouveau sur la liste pour les mêmes raisons.

3. Les informations qui figurent dans le présent rapport ont été recueillies, vérifiées et compilées par l'Équipe spéciale de surveillance et d'information concernant les violations perpétrées contre des enfants en Colombie, mise en place en application de la résolution 1612 (2005) du Conseil de sécurité.

II. Aperçu des faits nouveaux en matière de politique et de sécurité

4. La période considérée a été marquée, dans l'ensemble, par la diminution de l'intensité du conflit |2| et par le lancement en 2012 de pourparlers de paix historiques entre le Gouvernement et les FARC-EP, ainsi que par l'annonce en 2016 de pourparlers avec l'ELN.

5. Les pourparlers de paix entre le Gouvernement du Président colombien, Juan Manuel Santos, et les FARC-EP ont été lancés en août 2012, Cuba et la Norvège jouant le rôle de pays garants, et le Chili et le Venezuela endossant celui de pays accompagnateurs. Bien que les pourparlers aient été suspendus à plusieurs reprises en raison de crises ponctuelles, le processus de paix avec les FARC-EP a nettement progressé, en particulier ces deux dernières années. Des accords partiels ont notamment été adoptés sur le développement rural, la participation politique, l'éradication des cultures de drogues illicites, les questions clefs que sont celles des victimes et de la justice transitionnelle, ainsi que sur ce qui touche à la fin du conflit, y compris le cessez-le-feu et la cessation des hostilités et le dépôt des armes. En 2014, une sous-commission sur la problématique hommes-femmes a été créée pour examiner les accords et faire en sorte que cette problématique soit prise en compte tout au long du processus et dans tous les volets de ce dernier.

6. La réélection, en juin 2014, du Président Santos pour un deuxième mandat de quatre ans l'a habilité à poursuivre le processus de paix avec les FARC-EP. Néanmoins, la campagne présidentielle a révélé que la société était fortement divisée à propos du processus de paix et que celui-ci suscitait beaucoup de scepticisme. En appui à l'action menée en faveur de la paix, l'Organisation des Nations Unies (ONU) en Colombie a organisé une campagne de sensibilisation pour promouvoir une culture de paix, intitulée « Respira Paz » (« Respire la paix »).

7. L'annonce, en mars 2016, par le Gouvernement colombien et l'ELN qu'ils avaient décidé d'entamer des pourparlers de paix a constitué un autre événement politique majeur. Le début de ces pourparlers et l'approche de la conclusion de ceux conduits avec les FARC -EP ont fait grandir l'espoir de mettre fin à cinquante-deux ans de conflit et d'instaurer une paix durable en Colombie.

8. Les violations graves commises contre des enfants se sont poursuivies, souvent du fait de combats intermittents entre les parties au conflit, ainsi que d'activités menées par des groupes armés formés de combattants démobilisés et d'autres groupes armés locaux cherchant à contrôler des territoires à des fins de trafic de drogues, d'extorsion, d'exploitation minière illégale, de prostitution et de traite d'êtres humains. À l'issue de la démobilisation des organisations paramilitaires opérée entre 2003 et 2006, certains des anciens membres de ces organisations ont formé de nouveaux groupes, actifs sur de vastes pans du territoire. À la mi-2016, une grande partie des violations était le fait de cinq groupes principaux : a) Los Urabeños ou Autodefensas Gaitanistas de Colombia (également appelés Clan Úsuga); b) Los Rastrojos; c) Águilas Negras; d) Los Paisas; e) Ejército Revolucionario Popular Antiterrorista Colombiano (ERPAC) |3|. Les membres de l'EPARC ont été partiellement démobilisés, laissant derrière eux un groupe appelé Libertadores del Vichada. Au fil des ans, ils ont fait évoluer leurs structures pour contrecarrer les stratégies de l'État visant à les combattre, et ont noué des alliances avec d'autres groupes armés ou se sont opposés à eux pour le contrôle du territoire. Le 22 avril 2016, le Ministère de la défense nationale a publié une directive autorisant la conduite d'opérations militaires contre les groupes armés formés de combattants démobilisés ayant été reclassés comme groupes armés organisés.

9. La prolongation du conflit a fait obstacle à la mise en œuvre des politiques étatiques et à l'instauration d'un développement équitable dans les régions touchées par le conflit et les régions isolées du pays |4|. Ce sont les enfants d'origine afro-colombienne et autochtones vivant dans les zones rurales qui ont le plus souffert du conflit armé. La situation humanitaire étant difficile, il y a eu des déplacements massifs à l'intérieur du pays tout au long de la période considérée, même si les négociations de paix entre le Gouvernement et les FARC-EP ont permis d'améliorer nettement la situation et de réduire de 40 % le nombre d'enfants déplacés entre 2013 et 2015. En outre, le cessez-le-feu unilatéral que les FARC-EP ont annoncé en juillet 2015 et les mesures de désescalade prises ensuite par les parties ont contribué à réduire les effets de la violence sur les civils, ainsi que les déplacements de population. Depuis la mi-2015, l'ONU n'a enregistré aucun déplacement résultant d'hostilités commises par les FARC-EP. En dépit de ces progrès, il y avait encore en décembre 2015 5,8 millions de déplacés, dont environ 45 % d'enfants. Il sera crucial, aux fins de la réconciliation et de l'intégration, de proposer aux déplacés des solutions durables.

10. Le Gouvernement colombien a mis en place un cadre juridique et institutionnel ambitieux visant à fournir une assistance et à accorder des réparations à plus de 7 millions de victimes du conflit armé, dont une sur trois est un enfant. Grâce aux efforts déployés par l'État par l'intermédiaire de l'Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale (Unidad para las Victimas -UARIV), créée en 2012, des progrès ont été faits dans le système d'enregistrement des victimes, leur indemnisation financière et l'exercice de leur droit de participation aux procédures. L'adoption de la loi nº 1448 (2011) sur les victimes et la restitution des terres, qui a été signée en ma présence, le 13 juin 2011 |5|, a revêtu une importance particulière car la loi prévoit des dispositions spéciales pour les enfants victimes. Il y a eu d'autres évolutions sur le plan législatif, telles que l'adoption de la loi nº 1719 (2014) relative à l'accès à la justice des victimes de violences sexuelles, en particulier dans le contexte du conflit armé |6|. Afin d'améliorer la protection des populations déplacées en raison du conflit, la Cour constitutionnelle a également rendu en juin 2013 l'arrêt 119, qui autorise l'inscription des personnes déplacées de force suite aux violences, y compris celles commises par les groupes armés formés de combattants démobilisés, sur le registre national des victimes. Au 1er juillet 2016, l'Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale avait recensé 283 251 victimes pouvant prétendre à une aide d'urgence et à des réparations en vertu de cet arrêt.

11. Le dialogue politique a lui aussi produit des résultats notables s'agissant de la reconnaissance des victimes du conflit armé et de leur participation aux pourparlers entre le Gouvernement et les FARC-EP à La Havane. Avec l'appui de l'ONU en Colombie, cinq délégations de victimes se sont rendues à La Havane en 2014, dont deux victimes qui avaient été recrutées par des groupes armés à l'âge de 13 ans et une femme qui a été agressée sexuellement par des paramilitaires à l'âge de 16 ans. Leur présence a permis au Gouvernement et aux FARC-EP de prendre conscience des répercussions du conflit armé sur la population civile, et ainsi d'engager le travail de consolidation de la paix et de réconciliation.

12. Le 4 juin 2015, les deux parties ont annoncé s'être entendues sur la création d'une commission chargée d'établir la vérité et de garantir la coexistence et la non-répétition du conflit. Peu de temps après, le 23 septembre, le Président Santos et le chef des FARC-EP, Rodrigo Londoño Echeverri, alias « Timochenko », ont rendu publics les principaux points d'un accord sur la justice transitionnelle, qui ont ensuite été étoffés et incorporés à un accord global en faveur des victimes du conflit sur la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition, conclu le 15 décembre 2015.

13. Le fait nouveau le plus important en ce qui concerne la protection des enfants est intervenu en mai 2016 à La Havane, lorsque le Gouvernement et les FARC-EP ont annoncé la conclusion d'un accord sur la sortie des enfants de moins de 15 ans des camps des FARC-EP et leur engagement d'élaborer un plan d'action en vue de la sortie de tous les enfants et un programme global spécial de réintégration de ces enfants.

14. Le cessez-le-feu unilatéral déclaré par les FARC -EP et la suspension des frappes aériennes annoncée par le Gouvernement en juin 2015 ont été dans l'ensemble respectés par les parties. Cela a permis de réduire l'intensité du conflit et d'atténuer les souffrances endurées par les enfants au cours de la dernière année de la période considérée. Le 19 janvier 2016, les parties ont demandé ensemble à l'ONU de surveiller et de vérifier le dépôt des armes, ainsi que le cessez-le-feu et la cessation des hostilités, dans le cadre d'un mécanisme tripartite (voir S/2016/53). Le 25 janvier, le Conseil de sécurité a unanimement appuyé cette demande dans sa résolution 2261 (2016). Le 23 juin, j'ai été témoin de la signature des accords historiques que sont l'Accord portant cessez-le-feu et cessation des hostilités bilatéraux et définitifs et dépôt des armes, l'Accord sur les garanties de sécurité |7| et l'Accord sur la ratification. La mission politique spéciale de l'ONU formera la composante internationale du mécanisme de surveillance et de vérification de l'Accord portant cessez-le-feu et cessation des hostilités bilatéraux et définitifs et dépôt des armes. À ce titre, elle vérifiera le respect par les parties de leur engagement de mettre fin à leur affrontement militaire et de s'abstenir de commettre des violations contre les populations dans les zones d'observation, et en rendra compte. La mission sera également chargée de surveiller et vérifier le dépôt des armes.

15. Le 24 août, les parties ont annoncé qu'elles avaient clos leurs négociations et conclu un accord de paix final, qui a été signé à Carthagène le 26 septembre, lors d'une cérémonie à laquelle j'ai pris part. Il a été souligné au point 3 de l'accord de paix final sur la « fin du conflit » que les enfants associés aux FARC-EP seraient libérés et bénéficieraient d'une prise en charge et d'une protection spéciales. En outre, le point 6, qui porte sur la mise en œuvre des accords, comporte une disposition établissant la primauté du meilleur intérêt et des droits des enfants.

III. Violations graves commises sur des enfants

16. Entre novembre 2012 et décembre 2015, l'ONU a recensé 2 078 actions armées. Une tendance à la baisse a été observée tout au long de la période considérée : 945 actions armées ont été enregistrées en 2012, contre 533 en 2015, ce qui représente une baisse de 28 % par rapport à 2013 et de 21 % par rapport à 2014. La portée géographique du conflit a également été réduite : 29 des 32 zones administrées par des autorités locales, ou départements, ont été touchées en 2012, contre 20 pendant la deuxième moitié de 2015 |8|. Dans ce contexte, de graves violations ont été commises sur des enfants, bien qu'une forte diminution ait été constatée pendant la dernière partie de la période considérée, particulièrement en ce qui concerne le nombre d'enfants tués ou mutilés.

A. Recrutement et utilisation d'enfants

17. D'après les données reçues par l'ONU, de multiples cas de recrutement et d'utilisation d'enfants ont été signalés en Colombie. On a néanmoins constaté une diminution progressive du nombre de cas confirmés chaque année. En février 2015, les FARC-EP se sont engagées à mettre fin au recrutement d'enfants de moins de 17 ans et ont relevé cet âge minimum à 18 ans en novembre 2015 durant la visite de mon Représentant spécial à La Havane. Comme mentionné plus haut, l'annonce d'un accord conclu en mai 2016 entre le Gouvernement colombien et les FARC-EP sur la séparation et la réintégration des enfants a constitué un jalon important.

18. Il est demeuré difficile de rassembler des preuves concernant ces violations en raison de la difficulté d'accéder aux groupes armés et de les surveiller; la majorité des cas ont été confirmés après que les enfants ont été libérés par l'armée colombienne ou remis à des organisations humanitaires ou à des institutions chargées de leur protection. Au total, 1 556 cas de recrutement et d'utilisation d'enfants ont pu être confirmés par l'ONU dans 29 départements du pays; les plus jeunes des enfants en question étaient âgés de 8 ans seulement. Ces cinq dernières années, 30 % des enfants recensés et ayant quitté des groupes armés étaient des filles, et l'âge moyen de recrutement des filles (13,4 ans) était inférieur à celui des garçons (14,1 ans).

19. La plupart des cas confirmés sont imputables aux FARC-EP. Les recrutements d'enfants par groupes et d'autres, tels que l'ELN, ont principalement concerné les communautés autochtones et afro-colombiennes des zones rurales, alors que les groupes formés de combattants démobilisés et d'autres groupes armés locaux ont fréquemment recruté et utilisé des enfants dans des zones urbaines marginalisées et des zones rurales stratégiques pour prendre le contrôle du trafic de drogues et d'armes. Pour attirer ces enfants, les groupes armés leur auraient promis de la nourriture, de l'argent, une protection et d'autres avantages et bénéfices pour leur famille. Dans le rapport du Bureau du médiateur sur le recrutement des enfants paru en décembre 2014, il a été souligné que les populations autochtones et afro-colombiennes vivaient dans des conditions d'extrême vulnérabilité et qu'elles continuaient d'être particulièrement exposées aux violations commises en période de conflit. En mars 2014, les responsables des populations autochtones du Panama ont également signalé que les FARC-EP recrutaient des enfants des deux côtés de la frontière entre la Colombie et le Panama.

20. Dans certains cas, des enfants recrutés par des groupes armés ont été contraints de commettre des crimes graves. Un enfant qui avait été recruté par les FARC-EP dans le département d'Antioquia à l'âge de 12 ans a ainsi expliqué en 2013 au Bureau du médiateur qu'il avait été forcé de tuer et de torturer plusieurs de ses amis |9|. Le fait que des enfants aient été recrutés et utilisés pour commettre des crimes graves au sein de leurs propres communautés a rendu leur réintégration encore plus difficile.

21. On a constaté que les cinq principaux groupes armés formés de combattants démobilisés et d'autres groupes armés locaux, parmi lesquels La Empresa et Los Machos recouraient de plus en plus fréquemment au recrutement et à l'utilisation d'enfants. Le système d'alerte rapide du Bureau du médiateur a révélé que ces groupes, présents dans près de la moitié des départements, étaient responsables de graves violations commises en 2015 sur des enfants dans des villes comme Buenaventura, Cûcuta, Medellin et Tumaco. Pendant la première moitié de 2016, les risques de recrutement par ces groupes persistaient dans les départements de Bolivar, Chocó, Meta, Guaviare, Córdoba et Norte de Santander. Des menaces et des tentatives de recrutement ont été signalées dans les départements de Bolivar, Risaralda, Casanare, Amazonas et Guaviare, où sept incidents se sont produits au premier semestre de 2016, contre 18 au deuxième semestre de 2015.

22. Le recrutement et l'utilisation d'enfants, ainsi que d'autres violations graves, ont continué d'être des facteurs de déplacement tout au long de la période considérée, les familles fuyant pour protéger leurs enfants. À cet égard, entre septembre 2011 et juin 2016, le système d'alerte rapide du Bureau du médiateur |10| a diffusé au moins 105 alertes relatives au risque de recrutement dans 30 départements; le nombre d'alertes a atteint un pic en 2013 (46), avant de retomber à 18 en 2014 et 2015.

23. L'utilisation d'enfants par l'armée colombienne aux fins du renseignement est une autre pratique préoccupante. Le paragraphe 29 de l'article 41 de la loi 1098 (2006) sur l'enfance et l'adolescence dispose que les forces armées doivent s'abstenir d'utiliser des enfants dans le cadre d'activités militaires, d'opérations de guerre psychologique, de campagnes civilo-militaires et d'autres activités de ce type. L'article 176 de cette loi interdit explicitement aux forces de sécurité d'interroger ou d'utiliser des enfants précédemment associés à des groupes armés aux fins du renseignement. Le Code pénal colombien et les directives du Ministère de la défense nationale (D.15/2007; D.30743/2007; D.048/2008; D.7169/2008) interdisent aussi ces pratiques. Toutefois, en mars 2015, durant la « Toma masiva de Urabâ », une opération militaire menée dans le département d'Antioquia, des membres de l'armée colombienne auraient offert de l'argent à des enfants en échange d'informations relatives à la présence d'un dirigeant d'un groupe armé non étatique. En mai 2014, les FARC-EP ont annoncé avoir libéré trois filles qui auraient été recrutées par l'armée colombienne et auraient infiltré leur groupe à des fins d'espionnage. Un cas analogue s'est produit en février 2015 dans le département de Valle del Cauca, où les FARC -EP ont remis au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) deux enfants autochtones qu'ils soupçonnaient d'avoir infiltré leurs rangs pour le compte de l'armée colombienne.

24. Au cours de la période considérée, au moins 22 activités civilo-militaires ont également été signalées dans des municipalités, y compris dans l'enceinte d'écoles. Dans les zones où des acteurs armés sont présents, ces activités sociales, axées sur le développement, la culture et le sport et menées par l'armée colombienne exposent les enfants à des risques de représailles motivées par le simple fait d'avoir interagi avec les membres de l'armée colombienne. En outre, bien que la Commission intersectorielle pour la lutte contre l'enrôlement et l'utilisation d'enfants par des groupes armés soit l'organe chargé de coordonner les efforts de prévention, les campagnes menées par le Ministère de la défense pour prévenir le recrutement d'enfants par des groupes armés ont soulevé des inquiétudes quant au risque que des enfants soient utilisés à des fins de renseignement. Dans ses observations finales parues le 6 mars 2015 (CRC/C/COL/CO/4-5), le Comité des droits de l'enfant a prié instamment la Colombie d'« appliquer les directives institutionnelles visant à protéger les droits de l'enfant, en particulier celles ordonnant la suspension de toutes les activités civilo-militaires impliquant des enfants, y compris celles menées par la police, et d'interdire l'utilisation d'enfants aux fins de collecte de renseignements militaires ».

B. Meurtre ou atteinte à l'intégrité physique d'enfants

25. En Colombie, les actions armées ont continué de provoquer la mort et de porter atteinte à l'intégrité physique d'enfants pris dans des tirs croisés, des combats et des attaques aveugles, ou touchés par des mines terrestres et des munitions non explosées. Entre septembre 2011 et juin 2016, l'ONU a confirmé 117 cas d'enfants tués et 147 cas d'enfants blessés. Les données nationales pour la période allant de janvier 2012 à juin 2016 indiquent des chiffres considérablement plus élevés, car parmi les 4 523 cas recensés par l'Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale figurent les membres de la famille des victimes d'homicide, qui sont considérés comme des victimes indirectes du conflit. L'Unité a également recensé 68 cas d'enfants victimes de torture et d'autres mauvais traitements au cours de la même période.

26. Au début de la période considérée, il est souvent arrivé que des enfants soient tués ou blessés lors d'attaques aveugles ou de combats. En 2012 par exemple, 37 membres des FARC-EP, dont huit enfants âgés de 14 à 16 ans, ont été tués dans une attaque lancée par l'armée colombienne contre un camp du groupe situé dans le département de Meta. En 2012 toujours et dans des circonstances similaires, cinq enfants associés à l'ELN ont été grièvement blessés lors d'une opération menée dans le département de Bolivar. En 2013, de jeunes enfants ont été gravement blessés et d'autres ont été tués dans des attentats à la bombe perpétrés par les FARC-EP et l'ELN et visant la police locale. Des enfants ont aussi été tués et mutilés suite à des tirs croisés. En février 2012 par exemple, dans le département de Valle del Cauca, une fusillade opposant les FARC-EP et la police a entraîné la mort d'un garçon de 4 ans. En août 2013, dans le département de Putumayo, un garçon âgé de 14 ans a été tué dans une fusillade opposant les FARC-EP et l'armée colombienne.

27. Au cours de la seconde moitié de la période considérée, on a observé une diminution considérable du nombre de victimes parmi les enfants. Ce sont les mines terrestres qui ont fait le plus de victimes parmi les enfants au cours de cette période. Bien que l'utilisation de ces mines soit interdite, des groupes armés y ont eu recours. La Colombie est le deuxième pays au monde s'agissant du nombre de victimes de mines terrestres parmi les enfants. Les données nationales fournies par la Direction chargée de la lutte intégrée contre les mines antipersonnel (Dirección para la Acción Integral contra Minas Antipersonal) ont révélé qu'entre septembre 2011 et décembre 2015 au moins 188 enfants (136 garçons et 52 filles) avaient subi des mutilations et 41 (35 garçons et 6 filles) avaient été tués par des mines antipersonnel et des munitions non explosées. Même si de nombreux cas ne sont pas signalés, on a observé une diminution considérable du nombre total de victimes des mines antipersonnel et des munitions non explosées parmi les civils depuis 2012, en particulier grâce aux activités de déminage et aux campagnes de sensibilisation au danger que représentent les mines. En 2014 -2015, les autorités ont enregistré une diminution de 66 % du nombre d'incidents par rapport à 2012-2013. Toutefois, la proportion que représentent les enfants tués ou blessés lors de ces incidents par rapport à l'ensemble des victimes civiles a augmenté, passant de 30 % en 2013 à 45 % en 2015.

28. Le fait que l'on continue à confirmer des informations faisant état d'enfants tués ou mutilés par des mines antipersonnel ou des munitions non explosées à proximité ou dans l'enceinte d'écoles est demeuré un sujet particulièrement préoccupant. En février 2013 par exemple, une fille de 17 ans est morte et deux autres de 15 et 17 ans ont été blessées suite à l'explosion d'une mine terrestre près de leur école dans le département d'Antioquia. En mai 2014, deux enfants ont été blessés par un engin explosif qu'ils avaient trouvé près de leur école dans le département de Putumayo. En novembre 2015, une fille âgée de 15 ans a été blessée par une mine terrestre qui a explosé à l'extérieur de son école dans le département d'Antioquia.

29. On a recensé des meurtres ciblés et des atteintes à l'intégrité physique d'enfants commis par des groupes armés formés de combattants démobilisés. En avril 2012, huit filles âgées de 14 à 15 ans ont été attaquées dans le département de Narino par le groupe Los Rastrojos, au motif qu'elles avaient fraternisé avec les forces armées américaines déployées dans le pays. L'une d'entre elles est morte, une autre a été blessée et les six autres ont été déplacées de force. En mars 2015, une fille âgée de 15 ans, qui avait été exploitée sexuellement par le groupe Autodefensas Gaitanistas de Colombia, a été assassinée par des membres du groupe dans le département d'Antioquia au cours d'une opération menée par l'armée colombienne pour tenter de la sauver. Toujours dans le département d'Antioquia, en août 2015, un garçon âgé de 16 ans qui participait à un programme de « police civique » organisé par la Police nationale a été exécuté par le groupe Autodefensas Gaitanistas de Colombia.

30. D'après des informations fournies par le bureau du Procureur général, le nombre d'exécutions extrajudiciaires perpétrées par l'armée colombienne, y compris celles d'enfants, a nettement diminué : un seul cas a été rapporté en 2012, contre 43 en 2007. Un cas a également été signalé par l'ONU en 2014, des informations ayant fait état de l'exécution d'une fille âgée de 17 ans par l'armée colombienne au cours d'une opération militaire menée contre les FARC-EP dans le département d'Antioquia. Au moment de la rédaction du présent rapport, une enquête ouverte par le bureau du Procureur de Tierralta, dans le département de Córdoba, était en cours.

C. Viols et autres formes de violences sexuelles commis sur des enfants

31. Le conflit armé accentue le risque que des enfants subissent des violences sexuelles et, comme dans d'autres situations de conflits armés, ces violations sont souvent largement passées sous silence. Durant la période considérée, compte tenu des difficultés que rencontrent les victimes lorsqu'elles veulent signaler des violations et accéder à des services, l'ONU n'a été en mesure de confirmer que 23 cas d'enfants victimes de violences sexuelles perpétrées par l'armée colombienne (8 cas), le groupe Autodefensas Gaitanistas de Colombia (6 cas), les FARC-EP (4 cas), l'ELN (1 cas), le groupe Águilas Negras (1 cas) et des groupes armés non identifiés (3 cas).

32. Les filles associées aux groupes armés sont particulièrement vulnérables. En avril 2013 par exemple, une fille âgée de 13 ans a été victime de sévices sexuels commis par un dirigeant des FARC-EP dans le département de Putumayo, à la suite de quoi elle est tombée enceinte. En avril 2014, des informations ont fait état de la détention de trois personnes arrêtées dans le département de Bolivar au motif qu'elles auraient vendu des filles à des groupes armés, dont l'ELN, à des fins sexuelles. Les violences sexuelles perpétrées sur des enfants par des groupes locaux armés et des groupes armés formés de combattants démobilisés se sont poursuivies dans les territoires où ces groupes sont présents. Pour intimider et contrôler les défenseurs des droits de l'homme ou des dirigeants locaux, ces groupes les menacent aussi de soumettre leurs enfants à des violences sexuelles, et passent parfois à l'acte.

33. En outre, des cas d'exploitation sexuelle de filles de 12 ans, pour les plus jeunes d'entre elles, par des groupes armés formés de combattants démobilisés ont été signalés chaque année de la période considérée, en particulier dans les zones aurifères contrôlées par des groupes armés, comme je l'ai souligné dans mes derniers rapports en date au Conseil de sécurité sur les violences sexuelles liées aux conflits (S/2015/203 et S/2016/361).

34. Des cas de violences sexuelles commises par des membres des forces armées colombiennes et de la police ont été signalés, particulièrement en 2012. Depuis la fin 2015, il y a eu des progrès dans la lutte contre l'impunité. Par exemple, un membre des forces armées colombiennes a été arrêté pour le viol d'une fille de 12 ans dans le département de Meta en 2012, et un autre a été condamné à quatorze ans de prison pour le viol d'une fille de 14 ans en 2012 dans le département de Cundinamarca. La directive nº 11 (2010) du Ministère de la défense, relative à la prévention des violences sexuelles, a également été revue pour veiller au respect de la politique de « tolérance zéro » applicable aux violences sexuelles commises par des membres des forces armées.

D. Attaques visant des écoles et des hôpitaux

35. Des attaques lancées contre des écoles et des hôpitaux par des groupes armés et l'armée colombienne ont été confirmées dans plusieurs départements du pays, notamment dans des zones rurales, mais une tendance à la baisse a été observée tout au long de la période considérée. Malgré l'existence dans le Code pénal colombien de dispositions visant à sanctionner les attaques visant des infrastructures civiles, et notamment des établissements scolaires, et l'utilisation de ces infrastructures, les auteurs de ces violations restent souvent impunis.

36. Au cours de la période considérée, des écoles ont été endommagées suite à des fusillades, des bombardements et des explosions de mines terrestres et de restes explosifs de guerre. Dans bien des cas, les engins explosifs avaient été placés à proximité ou dans l'enceinte même des établissements scolaires en raison de leur proximité avec des cibles telles que des commissariats et des bases militaires, ou parce que les forces armées et les groupes armés utilisaient ces établissements à des fins militaires. En janvier 2013, une bombe a explosé dans un internat dans le département de Caquetâ; aucun enfant n'était présent lors de l'explosion, car les FARC-EP avaient prévenu les habitants avant l'explosion. Dans certains cas, les engins explosifs ont été désactivés par l'armée colombienne, notamment dans les départements de Cauca en février et en novembre 2014, de Caquetâ en avril 2015, de Meta en octobre 2015 et de Tolima en février 2016. Dans d'autres cas, des explosions et des fusillades ont endommagé ou détruit des écoles. En juin 2012 par exemple, dans le département de Narino, plus de 700 élèves ont été privés de cours à la suite de la destruction de leur école lors d'une attaque des FARC-EP contre un commissariat situé à proximité. En août 2014, une école a aussi été endommagée par une attaque à la grenade commise par les FARC-EP contre un commissariat dans le département de Narino. En février 2016, une école du département d'Antioquia a été prise dans une fusillade entre les FARC-EP et l'ELN, et les enfants terrifiés se sont réfugiés sous leurs pupitres.

37. Par ailleurs, on a recensé 54 allégations faisant état de l'assassinat d'enseignants (13) ou de menaces proférées à leur encontre (41), dans la plupart des cas par des groupes armés formés de combattants démobilisés. Dans certains cas, ces attaques étaient des représailles liées à la participation des victimes à des activités visant à prévenir le trafic de drogues ou le recrutement d'enfants. On a également signalé des menaces proférées à l'encontre du personnel médical et des restrictions imposées à la fourniture de services de santé. Durant la période allant de janvier 2011 à juillet 2016, le CICR a recensé au moins 985 cas d'entraves aux activités de soins de santé, notamment des menaces et des attaques contre du personnel et des infrastructures de santé et contre des convois d'évacuation sanitaire.

38. L'utilisation d'une école à des fins militaires par une force armée ou un groupe armé peut remettre en cause son statut civil et l'exposer davantage aux attaques de parties adverses. La présence de militaires ou d'autres personnes armées accroît également le risque de recrutement et d'utilisation d'enfants et celui de violences sexuelles perpétrées par des acteurs armés opérant dans l'enceinte ou à proximité d'écoles. Elle peut aussi entraîner une hausse du taux de décrochage scolaire et de l'absentéisme, les parents ayant peur d'envoyer leurs enfants à l'école. Bien que la Colombie fasse partie des rares pays à avoir imposé des restrictions explicites à l'utilisation à des fins militaires d'établissements scolaires par les forces armées, on sait de source sûre que l'armée colombienne a eu recours à cette méthode à plusieurs reprises au cours de la période considérée, le cas le plus récent datant d'octobre 2015. En février 2013, dans le département de Putumayo, l'armée colombienne a utilisé une école comme base militaire pendant plusieurs jours, ce qui a poussé certains parents à arrêter d'y envoyer leurs enfants. En février 2015, une autre école, située dans le département de Cauca, a été utilisée par l'armée colombienne durant des combats. Des groupes armés ont également utilisé des écoles pour y entreposer des armes. En mars 2015, l'armée colombienne a désactivé plusieurs engins explosifs entreposés dans une école du département de Putumayo par les FARC-EP. Dans certains autres cas, des écoles utilisées par des groupes armés ont été endommagées au cours d'affrontements avec l'armée colombienne. En avril 2013 par exemple, une école du département d'Arauca utilisée comme refuge par les FARC-EP a été endommagée lors de tirs croisés avec l'armée colombienne. Dans les régions reculées, cette pratique est particulièrement problématique étant donné que les villageois peuvent mettre des mois, voire des années, à reconstruire les écoles détruites.

E. Enlèvements

39. Au cours de la période considérée, l'Équipe spéciale de surveillance et d'information concernant les violations perpétrées contre des enfants a recensé six enlèvements d'enfants, dont trois qu'elle a pu confirmer. En mai 2012 par exemple, un garçon âgé de 14 ans a été enlevé puis tué par les FARC-EP. En août 2014, dans le département d'Antioquia, l'ELN a enlevé une fille de 13 ans et son père, avant de libérer la jeune fille quelques heures plus tard. D'après l'Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale, entre janvier 2012 et décembre 2015, 77 enfants (36 filles et 41 garçons) ont été recensés comme victimes d'enlèvements en rapport avec le conflit. Bien que peu de cas d'enlèvements d'enfants aient été confirmés, des personnes ayant récemment quitté des groupes armés ont raconté avoir été enlevés comme enfant et ont indiqué que leurs familles n'avaient pas signalé leur enlèvement par crainte de représailles.

40. Le 17 octobre 2015, les représentants des FARC-EP et du Gouvernement menant les pourparlers de paix sont parvenus à un accord sur la question des personnes disparues, et ont notamment décidé de prendre des « mesures humanitaires immédiates en vue de la recherche, de la localisation, de l'identification et de la restitution digne des corps des personnes réputées disparues » lors du conflit armé. Dans ce domaine aussi, il importe aussi de donner la priorité aux cas impliquant des enfants.

F. Refus d'accès humanitaire

41. Le confinement et les restrictions à la circulation imposées par les groupes armés ont eu de lourdes incidences sur la situation humanitaire des enfants. En juillet 2014 par exemple, le groupe Los Urabeños a confiné plus de 3 200 personnes dans le département de Bolivar pendant plusieurs semaines en appliquant des contrôles stricts des déplacements, y compris en imposant des restrictions à la circulation des organisations humanitaires et des agents de l'aide publique.

42. Les FARC-EP et l'ELN ont également imposé des restrictions à la libre circulation des biens et des personnes, privant de nombreuses municipalités de l'accès à l'aide humanitaire et à des services de base. En février 2013 par exemple, les FARC-EP ont interdit toute forme de transport (de personnes comme de biens) pendant une semaine dans au moins quatre municipalités du département de Chocó. En février 2014, dans le département de Cauca, une mission humanitaire a essuyé des coups de feu tirés par des hommes armés non identifiés et qui ont blessé trois membres de la mission.

IV. Suite donnée aux recommandations du Secrétaire général et mesures prises dans le cadre des programmes

A. Réponse et suite données aux conclusions

43. Pour instaurer une paix durable en Colombie, il importe de sanctionner plus fermement les violations commises sur des enfants et d'améliorer les politiques de prévention adoptées dans ce domaine. Au cours de la période considérée, des mesures ont été prises pour améliorer la coordination interinstitutionnelle en vue de prévenir et de réprimer le recrutement et l'utilisation d'enfants, d'éviter les accidents causés par des mines antipersonnel et des munitions non explosées, et de gérer les conséquences des déplacements forcés et de la violence sexuelle liés aux conflits. Ces efforts ont permis d'importants progrès, mais il convient toutefois de noter que la mise en œuvre des mesures adoptées a varié d'une région du pays à l'autre et que des problèmes en la matière subsistent, principalement dans les zones rurales et isolées.

Prévention du recrutement

44. Le Gouvernement a mis au point des politiques publiques axées sur la prévention du recrutement d'enfants par des groupes armés. En juillet 2010, il a lancé la mise en œuvre du plan CONPES 3673 |11|, qui détaille la stratégie de l'État pour prévenir le recrutement et l'utilisation d'enfants par des groupes armés et propose des lignes directrices concernant l'allocation et la distribution des ressources publiques au titre des différents programmes de prévention mis en œuvre entre 2010 et 2014.

45. Il ressort des résultats obtenus suite à la mise en œuvre du plan CONPES 3673 et de l'évaluation y relative menée en mars 2015 que des efforts supplémentaires doivent être faits pour garantir une coordination efficace entre les niveaux national et local, et qu'il faut mettre en place un dispositif de suivi approprié pour veiller à la réalisation intégrale des objectifs de ce plan. Il a par ailleurs été constaté que la mise en œuvre des feuilles de route et des plans de prévention se heurtait à des difficultés financières et à des problèmes de sécurité, ce qui limitait l'efficacité de la lutte contre le recrutement des enfants menée au niveau local. Je me félicite que le Plan national de développement pour la période 2014 -2018, intitulé « Todos por un Nuevo País » (Tous ensemble pour un nouveau pays) et promulgué par la loi 1753 de 2015, comporte en son article 123 des dispositions prévoyant une évaluation des politiques de prévention qui mette l'accent sur une approche adaptée aux besoins des peuples autochtones, afro-colombiens, raizal, palenquero et rom. J'engage à cet égard les autorités à allouer judicieusement les ressources afin de garantir l'efficacité des activités menées en Colombie en vue de prévenir le recrutement et l'utilisation d'enfants, ainsi que les actes de violence sexuelle perpétrés sur des enfants par des groupes armés et des groupes armés formés de combattants démobilisés.

46. Sous la direction du Conseil présidentiel pour les droits de l'homme, la Commission intersectorielle pour la lutte contre l'enrôlement et l'utilisation d'enfants par des groupes armés, qui rassemble 22 entités étatiques, a appuyé, sur le plan technique, l'élaboration de politiques, de feuilles de route et de plans régionaux visant à prévenir le recrutement et l'utilisation d'enfants, à promouvoir la création d'espaces sûrs pour les enfants, à former les fonctionnaires locaux et à informer les communautés au sujet des services de prévention. Après la signature, en mai 2016, d'un accord sur les enfants, le Conseil présidentiel pour les droits de l'homme et le Bureau du médiateur ont activement participé à la coordination des travaux d'un comité technique, en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), l'Organisation internationale pour les migrations, le CICR et trois organisations de la société civile (Anzorc, Conpaz et Coalico). Accédant à la demande formulée par le Gouvernement colombien et les FARC -EP dans leur communiqué conjoint nº 70 concernant les mineurs, le comité technique a présenté aux parties un protocole en vue de la sortie des camps des FARC-EP des enfants de moins de 15 ans, ainsi qu'un programme spécial de prise en charge et de réintégration de tous les enfants de moins de 18 ans. Le protocole a été adopté le 6 septembre, comme indiqué dans le communiqué conjoint nº 97, qui est consacré à cette question, et le processus de séparation et de transition a commencé le 10 septembre, avec la sortie de 13 enfants de moins de 15 ans.

47. Grâce à son système d'alerte rapide, le Bureau du médiateur a lancé en temps opportun des alertes efficaces pour prévenir des communautés de l'existence d'un risque, notamment lorsque des enfants étaient en danger. Toutefois, comme l'a indiqué le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur le sort des enfants en temps de conflit armé dans ses conclusions sur la Colombie (voir S/AC.51/2012/4, al. b) et h) du paragraphe 10), il serait bon de mieux coordonner la réponse institutionnelle à ces alertes afin de répondre de façon plus adéquate aux besoins des enfants.

Réintégration

48. L'Institut colombien de protection de la famille a poursuivi l'exécution de son programme de protection et de réintégration des enfants séparés de groupes armés, y compris de groupes armés formés de combattants démobilisés. Entre 1999, année de sa création, et juillet 2016, l'Institut a pris en charge 6 035 enfants au total. Au cours de la période considérée, 1 310 enfants ont rejoint le programme.

49. Conformément aux principes énoncés dans l'accord sur les enfants signé en mai 2016, les enfants officiellement démobilisés et ayant quitté les camps des FARC-EP seront pris en charge en vue de leur réintégration dans la société, dans le cadre du protocole établi à cette fin et du programme spécial de réintégration. Au moment de la rédaction du présent rapport, en septembre 2016, un premier groupe d'enfants avait quitté les camps des FARC-EP et était pris en charge par l'UNICEF et ses partenaires. Les parties concernées continueront de collaborer afin de garantir la sortie des camps de tous les enfants, dans le respect du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant et de sa primauté en tant que victime, comme le stipulent les législations nationale et internationale.

50. Par le passé, il est souvent arrivé qu'il y ait une différence de traitement entre les enfants séparés de groupes armés tels que les FARC-EP et l'ELN et ceux séparés de groupes formés de combattants démobilisés ou d'autres groupes armés. Ainsi, certains enfants ont été déférés devant le bureau du Procureur général pour association avec des groupes formés de combattants démobilisés, considérés comme des « bandes criminelles », sans pouvoir bénéficier d'une assistance à la réintégration. Toutefois, en 2012, la Cour constitutionnelle a décidé que toutes les personnes ayant eu à subir des déplacements forcés en raison du conflit armé, et pas seulement celles ayant été victimes de groupes armés spécifiques, devaient être considérées comme des personnes déplacées de force (voir ordonnance C-781/2012). En outre, en février 2016, elle a confirmé que tous les enfants séparés de groupes armés, y compris ceux recrutés par des groupes armés formés de combattants démobilisés, devaient être considérés comme des victimes au regard de la loi 1448 (2011) sur les droits des victimes et la restitution des terres, de façon à garantir que tous les enfants ayant été associés à des groupes armés non étatiques soient traités de façon égale.

Accès des victimes à la justice

51. Les activités entreprises à la suite de l'adoption de la loi 1448 (2011) ont essentiellement porté sur la création de structures institutionnelles, telles que l'Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale, l'Unité chargée de la restitution des terres, le Centre national du souvenir et l'Unité nationale de protection, ainsi que sur la nomination de juges et de magistrats spécialisés dans la restitution des biens. L'Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale a déployé des responsables locaux et mis au point des outils permettant d'évaluer les réparations individuelles et collectives offertes aux victimes. Au niveau local, des sous-comités techniques ont été créés en vue d'améliorer la coordination entre les autorités nationales et locales et les représentants des victimes et, ce faisant, de mieux cerner les besoins de ces dernières pour y répondre de façon adéquate.

52. Conformément aux conclusions les plus récentes du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur le sort des enfants en temps de conflit armé, dans lesquelles était soulignée l'importance d'adopter une démarche davantage axée sur les victimes, des progrès ont également été accomplis en ce qui concerne l'enregistrement et la participation des victimes, la restitution des terres, ainsi que l'octroi d'indemnités financières. On s'est surtout attaché à élaborer des plans de secours, de prévention et de réparation, mais ceux-ci n'ont été que partiellement mis en œuvre. En plus des problèmes persistants dans le pays, tels que le grand nombre de victimes enregistrées et la poursuite du conflit armé dans certaines régions, la présence restreinte de l'Unité pour la prise en charge des victimes et la réparation intégrale et d'autres institutions de l'État dans les zones rurales et dans les zones les plus touchées s'est traduite par un manque de résultats dans plusieurs domaines clefs, notamment en ce qui concerne la nécessité de garantir les droits des personnes déplacées et des réfugiés et leur accès à des services de protection, à la justice et à des réparations, en particulier s'agissant des communautés autochtones et afro-colombiennes.

Violence sexuelle

53. S'agissant des actes de violence sexuelle liés au conflit, des progrès ont été réalisés à la fois sur les plans juridique et institutionnel. Tout au long de la période considérée, les autorités colombiennes ont travaillé à la mise au point d'une stratégie interinstitutionnelle visant à lutter contre l'impunité des auteurs de ces actes et à promouvoir une action intégrée en faveur des victimes de violence sexiste liée au conflit. En 2012, la Commission intersectorielle pour la lutte contre l'enrôlement et l'utilisation d'enfants par des groupes armés s'est engagée, entre autres choses, à s'attaquer à prévenir les violences sexuelles visant des enfants. Par ailleurs, en 2013, des directives visant à garantir les droits des femmes victimes du conflit armé (document CONPES 3784) ont été publiées.

54. Des lois prévoyant l'accès des victimes de violences sexuelles à des indemnités, à un soutien psychosocial et à des soins médicaux gratuits ont été adoptées. Le champ d'application de la loi 1448 (2011) a été étendu et inclut maintenant les victimes de groupes armés formés de combattants démobilisés. Enfin, pour ce qui est de remédier au problème du faible taux de signalement des violations, il est prévu dans la loi 1719 (2014) sur l'accès à la justice pour les victimes de violences sexuelles que soit créé un système d'enregistrement global des actes de violence commis à l'égard de filles ou de femmes, qui centralise des informations provenant de différentes sources et entités étatiques.

55. Dans l'accord sur les victimes conclu entre le Gouvernement et les FARC-EP le 15 décembre 2015, une attention particulière a été portée à la question des violences sexuelles liées aux conflits, question qui a également été prise en compte dans les différentes composantes du dispositif pour l'établissement de la vérité, la justice, la réparation et la non-répétition du conflit. Grâce à l'accord de paix conclu par les deux parties, l'État dispose des outils nécessaires pour mettre en place une politique intégrée en faveur des victimes d'actes de violence sexuelle liés aux conflits, qui prévoirait un accès à des soins de santé physique et mentale et à la justice et favoriserait la lutte contre l'impunité, la réintégration socioéconomique et la collecte de données complètes.

Lutte antimines

56. Tout au long de la période considérée, la Direction chargée de la lutte intégrée contre les mines antipersonnel a coordonné des programmes de déminage qui prévoyaient notamment un appui aux victimes et le lancement de campagnes de sensibilisation au danger que représentent les mines. Entre 2011 et 2015, des campagnes de sensibilisation ont été menées dans 11 départements et ont touché au moins 138 234 enfants, parents et enseignants. Le 7 mars 2015, le Gouvernement et les FARC-EP ont annoncé avoir conclu un accord de déminage humanitaire, ce qui a constitué une mesure de confiance majeure qui a fait avancer le processus de paix. Dans le cadre de cet accord, un projet pilote de nettoyage et de décontamination concernant les mines antipersonnel, les munitions non explosées et les engins explosifs improvisés d'une part, et de sensibilisation au danger des mines d'autre part a été lancé par l'armée colombienne et les FARC-EP, avec l'appui de l'organisation Norwegian People's Aid, dans les départements de Meta et d'Antioquia. J'encourage les parties à intensifier leurs efforts conjoints de déminage humanitaire, car cette activité permettra aux enfants de retourner à l'école en toute sécurité et aux communautés de récupérer leurs terres, ce qui contribuera à l'instauration d'une paix durable.

Lutte contre l'impunité

57. Dans les conclusions qu'il a rendues en 2012 concernant le sort des enfants dans le contexte du conflit armé en Colombie, le Groupe de travail du Conseil de sécurité a encouragé le Gouvernement colombien à lutter plus fermement contre l'impunité des auteurs de violations commises sur des enfants, en menant des enquêtes et en traduisant les responsables en justice. Au cours de la période considérée, 92 condamnations pour recrutement d'enfants ont été prononcées. À la suite de l'adoption de la loi sur la justice et la paix, en 2005, un système de poursuites spécial visant les membres démobilisés de groupes paramilitaires, à l'exception des enfants ayant été associés à ces groupes, a été mis en place. En avril 2016, 158 anciens paramilitaires avaient été condamnés en vertu de cette loi.

58. En outre, conformément à l'accord sur les victimes conclu le 15 décembre 2015, le recrutement d'enfants de moins de 15 ans et les actes de violence sexuelle ne peuvent pas faire l'objet d'une amnistie.

B. Actions de sensibilisation

59. Lorsque les négociations de paix entre le Gouvernement et les FARC-EP ont commencé en octobre 2012, la question des enfants ne figurait pas à l'ordre du jour. C'est grâce aux actions de sensibilisation menées dans différentes instances, notamment par ma Représentante spéciale pour le sort des enfants en temps de conflit armé, avec l'appui du bureau du Coordonnateur résident et de l'UNICEF en Colombie, que cette question a pu être portée à l'attention des parties aux négociations. Par exemple, en 2013, ma Représentante spéciale a défendu auprès du Gouvernement colombien et des garants du processus de paix la nécessité de débattre de la question des enfants à un stade précoce des négociations et accords.

60. En 2013, durant les tables rondes régionales organisées par l'Organisation des Nations Unies à la demande des commissions pour la paix du Congrès et du Sénat, les questions du recrutement d'enfants et des violences sexuelles ont été mises en exergue. Les parties aux négociations ont chargé l'Université nationale de Colombie et l'Organisation des Nations Unies d'organiser trois forums régionaux et un forum national sur les victimes, auxquels des adolescents et de jeunes adultes ont été invités à participer en vue d'élaborer des recommandations concrètes au nom des victimes directes et indirectes du conflit. À La Havane, en 2014, des délégations de victimes ont appelé l'attention sur des cas de recrutement d'enfants et d'actes de violence sexuelle commis sur des enfants, d'exécutions extrajudiciaires ordonnées par l'armée, de meurtres et de déplacements forcés.

61. À l'invitation du Gouvernement et des FARC-EP, ma Représentante spéciale pour le sort des enfants en temps de conflit armé s'est entretenue, en mai, octobre et novembre 2015, avec les représentants des deux parties, ainsi qu'avec les facilitateurs envoyés par Cuba et la Norvège. Lors de ces réunions, elle a demandé que cessent les activités de recrutement d'enfants et que tous les enfants puissent quitter les camps des FARC-EP, cela dans l'intérêt supérieur des enfants et conformément au principe qui veut que ceux-ci soient avant tout considérés comme des victimes. Elle a également réaffirmé que l'Organisation des Nations Unies était déterminée à aider les parties à parvenir à un accord concernant la séparation des enfants des groupes armés et leur réintégration. Grâce à ces efforts, un accord concernant la sortie des enfants de moins de 15 ans des camps des FARC-EP a été signé le 15 mai, à La Havane, et les parties se sont engagées à élaborer un plan d'action et un programme spécial et complet de réintégration.

62. En cette période critique de la mise en œuvre des accords conclus entre le Gouvernement et les FARC-EP, on sait bien que la collaboration entre les entités étatiques, l'Organisation des Nations Unies et la communauté internationale est un facteur déterminant pour l'instauration de la paix et la protection des enfants en Colombie. En ce moment crucial, les parties ont l'occasion d'établir un partenariat grâce auquel tous les enfants pourront grandir dans un environnement pacifique, comme ils le méritent. Dans ce contexte, il importe que des garanties de non-répétition soient présentées sans plus attendre pour s'attaquer aux causes profondes du recrutement d'enfants et des autres violations graves commises par les groupes armés, y compris les groupes formés de combattants démobilisés.

V. Recommandations

63. J'appelle toutes les parties à honorer les obligations qui leur incombent de respecter les droits de l'homme et le droit international humanitaire et, en particulier, à mettre un terme aux violations graves commises à l'encontre d'enfants. Je demande instamment aux groupes armés de prendre des engagements et de les honorer en vue de mettre fin au recrutement et à l'utilisation d'enfants et de libérer immédiatement tous les enfants présents dans leurs rangs.

64. Je me félicite que le Gouvernement colombien et les FARC-EP aient conclu un accord sur la séparation de tous les enfants associés aux FARC-EP et leur réintégration, et je constate avec satisfaction que son application a débuté, un premier groupe d'enfants ayant déjà pu quitter les camps des FARC-EP. J'encourage les parties aux négociations à veiller à l'application de cet accord, en conformité avec les principes directeurs qui y sont énoncés, en particulier en ce qui concerne le fait d'agir dans l'intérêt supérieur des enfants et de les considérer comme des victimes avant tout. Rappelant que, par le passé, le Gouvernement n'a pas été en mesure d'empêcher que des membres démobilisés soient de nouveau recrutés par des organisations criminelles et des groupes armés, je lui demande instamment de veiller à ce que la réintégration des enfants touchés par le conflit armé soit traitée comme une question de la plus haute importance.

65. Je réaffirme mon plein appui au processus de paix engagé par le Gouvernement colombien et les FARC-EP et je salue les différents acteurs et pays ayant contribué aux progrès accomplis en jouant le rôle de garants et en accompagnant les parties au conflit sur le chemin de la paix. J'invite la communauté internationale à continuer de soutenir, tant sur le plan politique que financier, les initiatives de consolidation de la paix en Colombie et l'application des accords de paix, en accordant une attention particulière aux conséquences du conflit pour les enfants vivant dans des régions reculées et dans des communautés afro-colombiennes ou autochtones.

66. Je me félicite de l'annonce d'une feuille de route organisant les pourparlers de paix avec l'ELN et je prie instamment les parties aux négociations d'engager officiellement un dialogue dès que possible. Je demande également aux parties aux négociations et aux facilitateurs d'examiner la question des enfants dès le début du processus de paix, afin de garantir que des engagements spécifiques visant à leur protection soient pris avant le lancement de la phase de démobilisation. L'Organisation des Nations Unies se tient prête à appuyer ces pourparlers, notamment en ce qui concerne la prise en compte des besoins des enfants ayant quitté les rangs de groupes armés.

67. Je salue les progrès que le Gouvernement colombien a accomplis dans la prévention du recrutement et de l'utilisation d'enfants et dans la lutte contre ce phénomène. J'exhorte le Gouvernement à prendre en compte les conclusions tirées de l'évaluation du plan CONPES 3673, menée en 2015, dans laquelle sont mis en évidence les lacunes et les problèmes persistants en matière de coordination et de budget, ainsi que le manque de résultats mesurables et durables au niveau local. À cet égard, je me félicite de la création, par l'intermédiaire du document CONPES 3850 (2015), du Fonds pour une Colombie en paix, qui permettra d'améliorer le financement des initiatives de paix locales.

68. En ce qui concerne l'assistance fournie aux enfants ayant quitté les rangs de groupes armés, je demande instamment au Gouvernement de redoubler d'efforts pour favoriser la réunification des familles et offrir aux victimes une meilleure protection, qui tienne compte des disparités entre les sexes, ainsi que des services de soins adaptés, et d'apporter une aide adéquate aux communautés d'accueil pour garantir le succès de la réintégration. Il est par ailleurs tout aussi important que des solutions socioéconomiques viables et un soutien psychosocial soient offerts aux enfants susceptibles de rejoindre d'autres groupes armés.

69. Je me félicite de la décision 069 rendue par la Cour constitutionnelle en février 2016, qui vise à garantir que tous les enfants victimes de recrutement puissent être inscrits au registre des victimes et recevoir réparation, quel que soit le groupe armé auquel ils ont été associés. Toutefois, les nombreuses violations commises de façon récurrente sur des enfants par des groupes armés formés de combattants démobilisés me préoccupent et j'exhorte le Gouvernement à poursuivre ses efforts en vue de protéger les enfants de ces groupes.

70. Je constate avec préoccupation la persistance des viols et autres formes de violences sexuelles commises à l'encontre des enfants, et je demande à tous les groupes armés de mettre fin immédiatement à ces violations. En outre, je prie instamment le Gouvernement de veiller à ce que l'armée applique le principe de tolérance zéro en ce qui concerne les violences sexuelles et d'enquêter sur les cas de violations afin de poursuivre et de punir quiconque en est reconnu responsable.

71. Je me félicite des progrès réalisés dans les domaines du déminage humanitaire et de la sensibilisation au danger des mines, et je demande aux groupes armés de cesser immédiatement et définitivement d'avoir recours à des engins explosifs frappant sans discrimination et faisant donc des morts et des blessés parmi les enfants.

72. S'agissant de la justice transitionnelle, la priorité devrait être donnée aux besoins de protection particuliers des enfants en leur qualité de victimes ou de témoins mais également en tant qu'auteurs, lorsqu'ils sont associés à des groupes armés, sous la forme de mécanismes de justice réparatrice et de programmes de réintégration sociale tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.

73. Les déplacements de population et les violations commises sur des enfants étant liés, j'encourage le Gouvernement à créer un environnement protecteur propice au retour volontaire des populations déplacées dans leur communauté d'origine, dans la sécurité et la dignité, en leur donnant accès à des services de base, tels que l'éducation et les soins de santé.


Notes :

1. Les Milices d'autodéfense unies de Colombie ont été retirées de la liste après leur démobilisation en 2005-2006. Toutefois, des groupes formés d'anciens membres des forces paramilitaires sont nés et leur ont succédé, parfois avec d'anciens responsables de niveau intermédiaire des Milices à leur tête. Ces groupes emploient des techniques semblables à celles utilisées par les Milices mais diffèrent de ces dernières par leurs structures de commandement et de contrôle. [Volver]

2. Au cours de la période considérée, l'Organisation a observé une diminution générale du nombre d'actions armées et d'attaques contre des civils. On désigne par « actions armées » les attaques contre des installations militaires, le barrage de routes et d'autoroutes, les points de contrôle illégaux, les combats, les embuscades, les tirs croisés, le harcèlement armé et d'autres agressions armées. Les « attaques contre les civils » comprennent les menaces et les agressions contre des civils, les disparitions forcées, les meurtres et les mutilations de civils dans des actions armées, les massacres, le recrutement d'enfants, les enlèvements, les agressions sexuelles et la torture. [Volver]

3. Voir le document interne établi par le système d'alerte rapide du Bureau du défenseur du peuple, 2013 « Defensoría del pueblo : Defensoría Delegada para la prevención de riesgo de violaciones a los derechos humanos y derecho internacional humanitario - sistema de alertas tempranas ». [Volver]

4. Dans son rapport de 2014 sur la situation des droits de l'homme en Colombie, le Haut -Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a noté que la présence de l'État variait selon les zones géographiques et les couches sociales, ce qui portait atteinte à l'exercice de tous les droits de l'homme. Bien qu'étant reconnu comme un droit par la loi colombienne, l'accès à des soins de santé et à une éducation de base était inégal et plus aisé dans les zones prospères. Ces services étaient pourtant nécessaires pour remédier aux inégalités existantes. Selon le Haut -Commissaire, tant que ces inégalités ne seront pas comblées, les problèmes de droits de l'homme continueront de miner la Colombie (voir A/HRC/28/3/Add.3, par. 15, 16 et 17). [Volver]

5. Allocution du Secrétaire général, « Secretary-General, at signing of Colombia's Victims' Rights and Land Restitution Bill, says 'real transforming effect on the ground must accompany new law' », disponible (en anglais) à l'adresse suivante : www.un.org/press/en/2011/sgsm13634.doc.htm. [Volver]

6. Voir www.secretariasenado.gov.co/senado/basedoc/ley_1719_2014.html. [Volver]

7. Accord sur les garanties de sécurité et la lutte contre les organisations criminelles responsables d'homicides et de massacres ou celles qui visent les défenseurs des droits de l'homme et les mouvements sociaux ou politiques, y compris les organisations criminelles réputées avoir pris la suite des paramilitaires et de leurs réseaux d'appui, et sur la traduction en justice des auteurs d'actes criminels qui mettent en péril l'application des accords et l'édification de la paix (voir communiqué conjoint nº 76, consultable à l'adresse suivante : www.mesadeconversaciones.com.co/ sites/default/files/comunicado-conjunto-76-version-ingles-1467304952.pdf, p. 6). [Volver]

8. Données du Bureau de la coordination des affaires humanitaires sur la Colombie, pour la période allant du 1er novembre 2012 au 31 décembre 2015 (Tendencias humanitarias y paz - Colombia, noviembre 2012-diciembre 2015), disponible en espagnol uniquement à l'adresse www.humanitarianresponse.info/es/system/files/documents/files/160503_tendencias_humanitarias _2016_vff.pdf. [Volver]

9. Voir le rapport du Bureau du médiateur paru en mars 2014 (« Informe trabajo de campo Antioquia, 2013 »), « Child recruitment prevention - analysis of the public policy with an ethnic focus », p. 29. [Volver]

10. Le système d'alerte rapide du Bureau du médiateur colombien a été conçu pour prévenir les violations graves et systématiques des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Son principal objectif est de prévenir les violations graves en analysant le conflit aux niveaux local et régional, en anticipant les menaces, en émettant des alertes, en formulant des recommandations à l'intention des autorités compétentes et en appliquant des mesures protectrices. [Volver]

11. Conseil national de la politique économique et sociale (CONPES), Département national de planification, Política de prevención del reclutamiento y utilización de niños, niñas, adolescentes por parte de los grupos armados organizados al margen de la ley y de los grupos delictivos organizados. [Volver]


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