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15mai15

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Rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants dans le conflit armé en Afghanistan


Début

Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2015/336

Distr. générale
15 mai 2015
Français
Original : anglais

Rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants dans le conflit armé en Afghanistan pour la période allant du 1er septembre 2010 au 31 décembre 2014

Résumé

Le présent rapport, qui est le troisième rapport que le Secrétaire général consacre au sort des enfants dans le conflit armé en Afghanistan, fournit des informations sur les six formes d'atteintes graves commises contre les enfants et, plus généralement, sur la situation des enfants touchés par le conflit au cours de la période allant du 1er septembre 2010 au 31 décembre 2014.

Le rapport met en évidence le fait que les enfants sont le plus durement touchés par le conflit afghan et que leur sort n'a cessé de se dégrader avec le temps. En 2014, davantage d'enfants ont été tués ou blessés que durant toute autre année passée en revue. Les enfants continuent d'être enrôlés et utilisés à diverses fins, dont les attentats-suicides, et aussi enlevés et privés de leurs droits à l'éducation et aux soins de santé.

Si l'on peut saluer les progrès enregistrés en matière de suppression et de prévention du recrutement et de l'utilisation des enfants par le Gouvernement afghan et ses forces de sécurité, d'importantes difficultés subsistent. Le rapport comporte une série de recommandations qui visent à prévenir et à éliminer les atteintes graves dont sont victimes les enfants en Afghanistan, ainsi qu'à améliorer les mesures destinées à assurer leur protection.

I. Introduction

1. Le présent rapport, établi en application des dispositions de la résolution 1612 (2005) et de résolutions ultérieures, est le troisième rapport que je présente sur la situation des enfants dans le conflit armé en Afghanistan. Il couvre la période allant du 1er septembre 2010 au 31 décembre 2014 et met au jour les caractéristiques des atteintes commises contre les enfants dans le conflit afghan, ainsi que les progrès accomplis dans l'élimination de ces violations, conformément aux recommandations formulées par le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur le sort des enfants en temps de conflit armé dans ses conclusions concernant les enfants et le conflit armé en Afghanistan (S/AC.51/2011/3).

2. Les informations qui figurent dans le présent rapport ont été recueillies, vérifiées et compilées par l'équipe spéciale de surveillance et d'information concernant les violations perpétrées contre des enfants, conformément aux dispositions de la résolution 1612 (2005) du Conseil de sécurité. Le rapport identifie les parties au conflit responsables d'atteintes graves aux droits des enfants et recense les domaines où il conviendrait, d'une part, de renforcer et de cibler les opérations d'observation et, d'autre part, d'élaborer des interventions susceptibles de prévenir la violence et de répondre aux besoins des victimes. Il énonce des recommandations concrètes visant à renforcer la protection des enfants touchés par le conflit afghan.

II. Évolution de la situation militaire et politique et parties au conflit

3. La période à l'examen a été marquée par une augmentation de l'activité militaire et par la dégradation des conditions de sécurité, par rapport à la période précédente qui allait du 1er septembre 2008 au 30 août 2010 (S/2011/55). Au cours de la deuxième moitié de la période à l'examen, la responsabilité qu'assumaient les forces militaires internationales en matière de sécurité a été transmise aux Forces nationales de sécurité afghanes et une période de transition politique comportant, en 2014, une élection présidentielle et des élections aux conseils provinciaux a vu le jour. Les insurgés ont contesté ces processus, ce qui a entraîné une recrudescence des actes de violence liés au conflit. Depuis 2010, l'insurrection menée par les Taliban s'est étendue à partir du sud du pays pour atteindre des zones précédemment stables du nord, de l'est, de l'ouest et du centre.

4. Lors de l'élection présidentielle, qui s'est déroulée en deux tours tenus le 5 avril et le 14 juin 2014, l'équipe spéciale de pays a enregistré une forte recrudescence des incidents touchant des enfants. Dans les semaines qui ont suivi le scrutin, les tensions politiques nées d'allégations de fraude ont créé une grave impasse politique, qui a donné naissance à une période d'incertitude en matière de sécurité et sur les plans politique et économique. Une issue a été trouvée à la situation grâce à une médiation de l'ONU et de la communauté internationale, qui a abouti à la formation d'un gouvernement d'unité nationale.

5. En 2014, les Forces nationales de sécurité afghanes se sont vu confier, pour l'ensemble du pays, la responsabilité des questions de sécurité qu'assumaient les forces militaires internationales. La signature, le 30 septembre 2014, par les États-Unis d'Amérique et le Gouvernement d'union nationale afghan, de l'accord bilatéral de sécurité - condition préalable à la conclusion d'un accord distinct sur le statut des forces avec l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), signé le même jour - a conduit au remplacement de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) de l'OTAN par la Mission soutien résolu à compter du 1er janvier 2015. La Mission soutien résolu a réorienté l'action des forces militaires internationales, qui est passée des opérations de combat à des interventions consistant à former, à conseiller et à aider les Forces nationales de sécurité afghanes.

Forces nationales de sécurité afghanes

6. Les Forces nationales de sécurité afghanes se composent de toutes les forces de sécurité de l'État, dont l'Armée nationale afghane, la Force aérienne afghane, la Police nationale afghane, la police locale afghane et la Direction nationale de la sécurité. Dans les annexes de mon rapport annuel de 2014 sur le sort des enfants en temps de conflit armé (A/68/878-S/2014/339), la Police nationale afghane et la police locale afghane ont été mentionnées comme étant parties au recrutement et à l'utilisation d'enfants. En 2011, le Gouvernement afghan a adopté, en collaboration avec l'ONU, un plan d'action visant à enrayer et à prévenir le recrutement et l'utilisation d'enfants par les Forces nationales de sécurité.

7. Au moment de l'établissement du présent rapport, l'Armée nationale afghane et la Force aérienne afghane, dotées d'effectifs de 164 161 et de 6 208 éléments respectivement, avaient fait preuve d'un regain de confiance et démontré qu'elles pouvaient planifier et mener des opérations. D'importants moyens de soutien, tels que la protection des déplacements, l'appui aérien et la puissance de feu, ont été considérablement renforcés en 2014. Toutefois, les taux élevés d'érosion des effectifs et leurs faibles taux de renouvellement, l'insuffisance des moyens logistiques et le caractère encore embryonnaire de la coordination du renseignement et des capacités d'appui aérien continuent de poser des difficultés.

8. La Police nationale afghane a d'abord été citée dans les annexes de mon rapport annuel sur les enfants et les conflits armés (A/64/742-S/2010/181) pour son implication dans le recrutement et l'utilisation d'enfants. Relevant du Ministère de l'intérieur, la Police nationale afghane est la principale autorité de police. Elle participe également aux opérations militaires aux côtés des autres éléments des Forces nationales de sécurité afghanes. À la fin de 2014, la Police nationale afghane comptait un effectif de 156 751 agents, dont les gardes du Département central des prisons, contre un effectif prévu de 157 000 agents. Les groupes armés ont continué de s'attaquer à la Police nationale afghane, causant de très nombreuses pertes. La Police nationale afghane est constituée de cinq composantes : la police en uniforme (civile), la Force de la Police nationale afghane chargée du maintien de l'ordre, la police des frontières, la police anticriminalité et les éléments précurseurs. La Police nationale afghane n'est toujours pas assez outillée dans les domaines de la planification, de la formation, du commandement et du contrôle, ainsi que dans le secteur de la lutte contre la corruption. Le contrôle s'est trouvé renforcé en décembre 2011 grâce à la mise en place de la Direction des droits de l'homme, de la femme et de l'enfance au sein du Département du contrôle, des plaintes et des requêtes du Ministère de l'intérieur. L'impunité qui entoure les atteintes aux droits de l'homme reste cependant un grave sujet de préoccupation. Le Directeur adjoint de la Direction est également le coordonnateur de haut niveau pour les questions relatives à la protection des enfants à l'échelon de la Police nationale afghane et de la police locale afghane.

9. C'est dans les annexes de mon rapport annuel de 2012 sur le sort des enfants en temps de conflit armé (A/66/782-S/2012/261) que la police locale afghane a d'abord été citée pour son implication dans le recrutement et l'utilisation d'enfants. Créé en 2010, le programme de la police locale afghane est financé à titre bilatéral par les États-Unis et intégré dans la structure de commandement du Ministère de l'intérieur. Il vise à mettre en place les capacités d'exercice d'une police de proximité, dans le cadre de la lutte contre l'insurrection, en partenariat avec les Forces spéciales des États-Unis qui assurent, dans une large mesure, la formation des effectifs. Ces derniers sont passés de 10 000 éléments en 2010 à 30 000 en 2013. En octobre 2014, 150 districts accueillaient 28 707 agents de la police locale afghane, dans 29 des 34 provinces du pays. En août 2013, le chef de la police locale afghane, le général Alisha Ahmadzai, a été désigné coordonnateur de haut niveau de la police locale afghane pour la protection de l'enfance. Au cours de la période à l'examen, la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) a entrepris de promouvoir, en collaboration avec la Direction de la police locale afghane et un certain nombre d'organisations compétentes, l'intégration, dans le programme de formation de la police locale afghane, de modules complémentaires de formation aux droits de l'homme. Si les forces armées des États-Unis ont intégré une formation de base en droits de l'homme et en droits de l'enfant dans le programme de formation en 28 jours de la police locale afghane, les atteintes aux droits de l'homme commises par ladite police se sont poursuivies en toute impunité, notamment sous la forme d'exécutions extrajudiciaires, d'actes de torture et d'autres atrocités visant les civils, dont les enfants. Les insuffisances du contrôle préalable au recrutement et la constitution d'unités parallèles de la police locale afghane continuent de favoriser le recrutement de mineurs.

Forces militaires internationales

10. Depuis août 2003, la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) est déployée sous l'autorité du Conseil de sécurité et placée sous le commandement de l'OTAN. Depuis novembre 2008, le commandant de la FIAS est également le commandant des forces des États-Unis en Afghanistan, bien que les chaînes de commandent demeurent distinctes. Dans sa résolution 2120 (2013), le Conseil de sécurité a encouragé la FIAS à aider le Gouvernement afghan à appliquer le plan d'action concernant les enfants associés aux Forces nationales de sécurité afghanes.

11. Au 1er janvier 2015, la Mission soutien résolu de l'OTAN avait adopté un programme prévoyant de conserver quelque 12 800 militaires en Afghanistan, dont la majorité des troupes restantes des États-Unis, qui devraient voir leur effectif diminuer de moitié à l'échéance de 2016. Les troupes restantes des États-Unis continuent de concentrer leur action sur les opérations antiterroristes, comme les y autorise l'Accord bilatéral de sécurité passé entre l'Afghanistan et les États-Unis. Tout en étant une mission non combattante, chargée de former, de conseiller et d'aider les Forces nationales de sécurité afghanes, la Mission soutien résolu appuie les opérations anti-insurrectionnelles menées par ces forces nationales. Dans la résolution 2189 (2014), le Conseil de sécurité a réaffirmé qu'il importait d'enregistrer des progrès durables dans les domaines de la sécurité, du développement, des droits fondamentaux, en particulier des femmes et des enfants, en prenant toutes les mesures voulues pour assurer la protection des civils.

Groupes d'opposition armés

12. Les forces des Taliban et les groupes qui leur sont affiliés, dont le Front Tora Bora, le groupe Jamat Sunat al -Dawa Salafia et le Réseau Latif Mansur, sont cités dans les annexes de mon rapport annuel : depuis 2007, pour leur implication dans le recrutement et l'utilisation d'enfants; depuis 2011, pour le meurtre et les mutilations d'enfants; et depuis 2012 pour les attaques visant des écoles et des hôpitaux. Ces groupes sont considérés comme étant les auteurs de violations graves et répétées à l'encontre des enfants. On estime qu'au moment de l'établissement du présent rapport, de 30 000 à 35 000 combattants taliban opéraient dans la plupart des provinces de l'Afghanistan, même si les estimations varient considérablement. Dans la plupart des provinces, les Taliban ont mis en place des structures administratives parallèles. À la suite du retrait de la FIAS en 2014, le groupe a changé de méthodes, menant des attaques de plus grande envergure, principalement contre les Forces nationales de sécurité afghanes et les responsables de l'administration. Les tentatives visant à associer les Taliban à des pourparlers de paix n'ont guère abouti jusque-là.

13. Le Réseau Haqqani est cité dans les annexes de mon rapport annuel depuis 2010 pour son implication dans le recrutement et l'utilisation d'enfants et depuis 2011 pour le meurtre et les mutilations d'enfants. Dirigé par l'ancien moudjahidin Jalaluddin Haqqani et son fils Sirajuddin, il opère principalement dans les provinces de Paktya, Paktika et Khost. Bien qu'en ce qui concerne ses attaques il se réclame des Taliban, le Réseau Haqqani fonctionne essentiellement comme une entité indépendante, dont on pense qu'elle a perpétré des attaques sophistiquées contre des cibles gouvernementales et internationales dans des zones fortement peuplées de Kaboul. Le 5 novembre 2012, le Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1988 (2011) a inscrit le Réseau Haqqani sur liste des personnes et entités visées par des sanctions.

14. Le Hezb-e-Islami de Gulbuddin Hekmatyar est inscrit depuis 2010 dans les annexes de mon rapport annuel pour son implication dans le recrutement et l'utilisation d'enfants et depuis 2011 pour le meurtre et les mutilations d'enfants. Il a été créé par l'ancien moudjahidin Gulbuddin Hekmatyar en 1976, puis est réapparu après l'invasion dirigée par les États -Unis en octobre 2001 dans les provinces orientales de Kunar et de Nuristan. Si les objectifs de Hezb-e-Islami semblent correspondre à ceux des Taliban, Gulbuddin Hekmatyar a probablement aussi pour ambition un rôle important dans le système politique. En février 2014, le groupe a annoncé sa participation officielle au scrutin présidentiel et désigné pour ce faire un haut responsable, Qutbuddin Hilal. En septembre 2014, Hezb -e-Islami a réaffirmé qu'il subordonnait toute participation au processus politique au retrait complet des forces étrangères.

15. Al-Qaida conserverait une présence limitée dans l'est de l'Afghanistan, en particulier dans les provinces de Kunar et de Nuristan, et maintiendrait des liens avec des groupes antigouvernementaux opérant dans tout le pays.

16. Plusieurs autres groupes armés non étatiques continuent d'opérer en Afghanistan, notamment des membres de milices de la guerre civile des années 90. Nombre de ces groupes entretiennent des liens avec des partis politiques et des dirigeants d'anciennes factions djihadistes des moudjahidines et peuvent soutenir ou combattre les Forces nationales de sécurité afghanes. Ces groupes armés, qui sont fréquemment cités comme commettant des atteintes graves aux droits de l'homme, se livrent régulièrement à des affrontements qui les opposent entre eux ou les opposent aux Taliban ou aux Forces nationales de sécurité afghanes dans la lutte pour le contrôle territorial. Dans certains districts, les effectifs de ces groupes armés dépassent ceux des Forces nationales de sécurité afghanes et des Taliban réunis.

III. Violations graves commises contre des enfants

17. Durant la période à l'examen, les activités de surveillance et de vérification ont continué de se heurter à des difficultés liées aux problèmes d'insécurité. Les données fournies dans le présent rapport pourraient donc ne pas offrir un tableau complet de l'impact du conflit sur les enfants ainsi que du nombre des violations graves commises contre les enfants par les parties au conflit.

A. Recrutement et utilisation d'enfants par les forces armées et les groupes armés

18. Au cours de la période à l'examen, le recrutement et l'utilisation d'enfants aussi bien comme combattants que dans des fonctions d'appui ont été observés dans tout le pays. L'équipe spéciale de pays a recueilli des éléments attestant du recrutement et de l'utilisation de 556 garçons et 4 filles, dont 75 % (401 enfants) recrutés et utilisés par les groupes d'opposition armés. En 2014, l'équipe spéciale de pays a enregistré 55 cas de recrutement par les groupes d'opposition armés, 5 cas de recrutement par les Forces nationales de sécurité afghanes et 2 cas de recrutement par une milice progouvernementale dans la province de Kunduz. Bien que ce recul puisse s'expliquer par une volonté mieux affirmée du Gouvernement d'enrayer le recrutement d'enfants, de graves préoccupations subsistent quant à la possibilité que le nombre réel des enfants associés aux parties au conflit soit nettement supérieur à celui signalé, comme on le suppose, particulièrement en ce qui concerne les groupes d'opposition armés.

19. Parmi les groupes d'opposition armés qui recrutent et utilisent des enfants, l'équipe spéciale de pays a recueilli des éléments concernant les forces des Taliban, notamment le Front Tora Bora, Jamat Sunat al-Dawa Salafia et le Réseau Latif Mansur, ainsi que le Réseau Haqqani et Hezb-e-Islami. La plupart des enfants ont été utilisés pour fabriquer, transporter et poser des engins explosifs improvisés. Ainsi, en septembre 2013, à Gardez, dans la province de Paktya, six garçons ont été blessés lorsqu'un engin explosif improvisé qu'ils montaient a explosé dans une madrassa. Dans un autre incident survenu le 23 août 2014 à Ghazni, les Taliban ont utilisé trois garçons âgés de 6, 8 et 10 ans pour transporter, à l'insu de ces derniers, des mines antipersonnel improvisées dans une brouette. Deux des garçons ont été tués et le troisième blessé lorsque les engins ont prématurément explosé.

20. Les Taliban et les autres groupes d'opposition armés ont également recruté et utilisé des enfants pour perpétrer des attentats-suicides. Depuis septembre 2010, 20 garçons ont été tués alors qu'ils perpétraient ces attentats. Par exemple, le 9 février 2014, dans la province de Paktika, un garçon de 14 ans a fait détonner ses explosifs près d'un poste de contrôle de la police, trouvant ainsi la mort et blessant cinq agents de la Police nationale afghane et six civils. Les Taliban ont revendiqué l'attentat dans les médias locaux. En octobre 2012, d'après des témoins interrogés par l'ONU dans le district de Tirin Kot (province d'Uruzgan), un membre présumé des Taliban a obligé un garçon à pousser un engin explosif improvisé monté sur une bicyclette en direction d'un véhicule de l'Armée nationale afghane, provoquant la mort de l'enfant et celle de huit civils. Le 11 décembre 2014, un garçon de 16 ans a trouvé la mort alors qu'il faisait exploser un gilet d'explosifs à l'Institut français d'un collège de Kaboul - attentat que les Taliban ont revendiqué.

21. Des enfants arrêtés pour atteinte à la sûreté de l'État en raison de leur association avec des groupes d'opposition armés ont fait état d'opérations de recrutement transfrontières. Certains ont indiqué qu'ils avaient été enlevés et emmenés au Pakistan pour y subir une formation militaire. L'équipe spéciale de pays a continué de recevoir des informations selon lesquelles des écoles religieuses seraient utilisées au Pakistan et en Afghanistan par les Taliban et d'autres groupes d'opposition armés pour le recrutement et la formation militaire d'enfants. Dans de nombreux cas, les parents ont déclaré ne pas avoir été informés que leurs enfants avaient suivi une formation militaire.

22. S'agissant des 159 enfants qui auraient été recrutés et utilisés par les Forces nationales de sécurité afghanes, l'équipe spéciale de pays a pu vérifier de manière approfondie 38 cas, dont 27 enfants recrutés par la police locale afghane, 9 par la Police nationale afghane, y compris la police des frontières, 1 par l'Armée nationale afghane et 1 par une milice progouvernementale dirigée par Nabi Gechi dans la province de Kunduz. Les enfants ont été officiellement recrutés au sein de la Police nationale afghane et de la police locale afghane ou utilisés dans diverses fonctions d'appui, notamment comme porteurs, messagers ou espions, souvent au péril de leur vie. Ainsi, en mars 2013, un garçon de 15 ans a été blessé dans le district de Sirkani (province de Kunar) par un engin explosif improvisé alors qu'il transportait de l'eau vers un poste de contrôle de l'Armée nationale afghane. En novembre 2012, dans le district de Shah Joy (province de Zabul), des éléments de la Police nationale afghane ont obligé deux garçons âgés de 12 et 14 ans à vérifier la présence d'explosifs dans un paquet suspect. Le paquet contenait un engin explosif improvisé qui a provoqué la mort des deux enfants.

23. Je me félicite du fait que, durant la période à l'examen, les recrutements confirmés d'enfants attribués à la Police nationale afghane aient continuellement enregistré une tendance à la baisse, passant de sept cas en 2010 à seulement un cas en 2014. Un cas confirmé de recrutement d'enfant a été attribué à la police locale afghane en 2014, contre sept en 2012 et six en 2011. Toutefois, du fait de l'existence d'un important phénomène de sous-déclaration, la tendance observée pourrait ne pas refléter le niveau réel des recrutements d'enfants au sein de ces forces. Cette analyse s'appuie sur les rapports relatifs à la prévention du recrutement de mineurs, établis par les Groupes de la protection de l'enfance des centres de recrutement de la Police nationale afghane, présents uniquement dans les quatre provinces occidentales de Herat, Badghis, Ghor et Farah. Depuis leur mise en place en 2011, les quatre groupes auraient empêché 422 enfants (411 garçons et 11 filles) de s'enrôler dans la Police nationale afghane, ce qui donne une idée de l'ampleur du travail de prévention à entreprendre dans les 30 provinces où ces groupes sont absents. D'après la Direction des droits de l'homme, de la femme et de l'enfance du Ministère de l'intérieur, 48 autres demandes de mineurs ont été rejetées en 2014 par les centres de recrutement de la Police nationale afghane dans les provinces de Badghis, Herat, Laghman, Nangarhar et Nimroz; la Police nationale afghane a fait état du rejet, durant la même année, des demandes d'enrôlement de 55 enfants dans 12 provinces.

24. Des difficultés subsistent, même si le Gouvernement s'est résolument engagé à enrayer et à prévenir le recrutement d'enfants au sein des Forces nationales de sécurité afghanes et même si la mise en œuvre du plan d'action a réellement progressé. Les principaux points d'achoppement se présentent comme suit : du fait des difficultés socioéconomiques, des familles obligent leurs enfants, pour des considérations financières, à s'enrôler dans les Forces nationales de sécurité afghanes; les Forces nationales de sécurité afghanes ne disposent pas des capacités ou des éléments d'information nécessaires pour pouvoir évaluer l'âge des enfants; il n'existe pas de directives claires; l'impunité et l'absence de redevabilité sont la règle; la pratique de l'établissement des actes de naissance n'est pas courante; les documents d'identité sont aisément falsifiables. Bien que l'on ait enregistré des progrès importants en matière de déclaration des naissances - les taux passant de 6 % en 2003 à 37,4 % en 2012 -, plus de la moitié des enfants ne sont pas déclarés à la naissance.

25. D'après le Ministère de la justice, entre septembre 2010 et février 2013, au moins 656 garçons ont été détenus dans des centres de réadaptation pour mineurs, à travers tout le pays, pour des faits présumés d'association avec des groupes d'opposition armés. Fin décembre 2014, il ressortait des données du Ministère de la justice que 258 enfants étaient détenus dans des centres pour atteinte à la sûreté de l'État. La Direction nationale de la sécurité a également détenu des enfants accusés d'être associés à des groupes d'opposition armés, même si leur nombre exact reste inconnu. Au cours de la période à l'examen, des enfants interrogés dans les centres de détention ont confirmé qu'ils avaient été détenus par la Direction nationale de la sécurité, parfois durant de longues périodes dépassant le délai légal de 30 jours.

26. Pour ce qui est de la période à l'examen, le nombre exact des enfants retenus dans des centres de détention par les forces militaires internationales reste inconnu. En juillet 2012, l'équipe spéciale de pays a été informée qu'au moins 90 enfants étaient placés en internement administratif dans le centre de détention de Parwan administré par les forces militaires internationales; nombre d'entre eux s'y trouvaient depuis des années, en violation de leur droit à une procédure régulière et des normes internationales régissant la justice pour mineurs. L'ONU n'a été autorisée à se rendre dans ce centre qu'en mars 2013, après le transfert de ce dernier aux autorités afghanes. L'équipe spéciale de pays s'est rendue dans le centre et y a constaté la présence d'au moins 70 garçons, âgés de 12 à 17 ans et détenus pour des faits présumés d'association avec les Taliban et d'autres groupes d'opposition armés ainsi que de participation active aux hostilités. Le 12 mai 2014, lors d'une visite de suivi, l'équipe spéciale a dénombré 42 enfants dans le centre. Ces derniers, qui étaient séparés des détenus adultes, ne se sont pas plaints, durant les entretiens, de mauvais traitements. Le Directeur du centre a informé l'équipe spéciale qu'au moins 41 enfants avaient été libérés et rendus à leur famille depuis le transfert de l'administration aux autorités afghanes; aucune information n'était disponible, cependant, quant aux aides qui seraient éventuellement fournies à ces enfants. Depuis le transfert, en 2014, des responsabilités en matière de sécurité, l'ONU n'a plus connaissance de centres de détention qui seraient officiellement administrés par les forces militaires internationales en Afghanistan.

27. L'équipe spéciale de pays, qui a continué de recevoir des informations faisant état d'actes de torture et de mauvais traitements dans les centres de détention, de la détention prolongée d'enfants par la Direction nationale de la sécurité et par la Police nationale afghane et de l'exhibition, dans les médias nationaux, d'enfants détenus pour atteinte à la sûreté nationale, reste préoccupée par l'absence de documentation, de services de protection et de mesures de réintégration appropriées. Selon un rapport établi par la MANUA en 2013 concernant le traitement des personnes détenues en relation avec le conflit, qui couvrait la période allant d'octobre 2011 à octobre 2012, sur 105 enfants interrogés, 80 (76 %) avaient subi la torture ou de mauvais traitements, soit une progression de 14 % par rapport à la même période en 2010 et 2011. Trente-trois enfants détenus avaient été maltraités ou torturés par la Direction nationale de la sécurité, 45 par la Police nationale afghane, 1 par l'Armée nationale afghane et 1 par la police locale afghane. Le rapport de la MANUA a été à l'origine de la publication du décret présidentiel 129, qui exige des autorités qu'elles enquêtent sur toutes les allégations de torture, engagent des poursuites contre les auteurs présumés, libèrent les détenus et les prisonniers victimes de détentions arbitraires et élargissent l'accès des détenus aux avocats de la défense et au personnel médical. Toutefois, les allégations n'ont que rarement donné lieu à des enquêtes et à la poursuite des auteurs de violations. En février 2015, la MANUA a conclu dans un rapport de suivi que 44 des 105 enfants interrogés (44 %) entre février 2013 et décembre 2014 avaient fait état de mauvais traitements ou d'actes de torture; c'était notamment le cas pour 25 enfants détenus par la Direction nationale de la sécurité dans 13 provinces, 16 enfants détenus par la Police nationale afghane et la police des frontières et 3 enfants détenus par l'Armée nationale afghane. La Direction nationale de la sécurité a publié un arrêté donnant aux organisations de défense des droits de l'homme, dont la MANUA et la Commission afghane indépendante des droits de l'homme, libre accès à tous les centres de détention, y compris dans le cadre de visites surprises.

B. Meurtres et mutilations d'enfants

28. Entre le 1er septembre 2010 et le 31 décembre 2014, l'équipe spéciale de pays a pu confirmer que 2 302 enfants avaient été tués et 5 047 autres blessés (4 003 garçons, 1 501 filles et 1 845 enfants de sexe indéterminé) dans le cadre de 3 911 affaires distinctes. Si 2012 a vu une diminution du nombre de victimes chez les enfants par rapport à 2011, les chiffres ont continuellement augmenté en 2013 et 2014. Le nombre de victimes enregistrées chez les enfants en 2014 (2 502) a augmenté de plus de 47 % par rapport à 2013 (1 694 victimes) et de 110 % par rapport à 2012 (1 190 victimes), le nombre total des victimes s'élevant, pour la période à l'examen, à 7 349. Les groupes d'opposition armés, dont les Taliban et le Réseau Haqqani, sont responsables de 46 % des victimes enregistrées chez les enfants en 2011 (697 victimes), 56 % en 2012 (671 victimes), 53 % en 2013 (889 victimes) et 54 % en 2014 (1 343 victimes). Toujours chez les enfants, ce sont 433 victimes (17 % du nombre total de victimes enregistrées chez les enfants) qui sont attribuées, pour 2014, aux Forces nationales de sécurité afghanes et aux forces progouvernementales (395 victimes), ainsi qu'aux forces militaires internationales (38 victimes), soit des chiffres en progression par rapport à 2013, après un recul progressif depuis les niveaux élevés de 2011. Cette hausse est attribuée à la multiplication des opérations offensives et des contre-attaques menées par les Forces nationales de sécurité afghanes contre les groupes d'opposition armés dans les zones contestées.

29. Les victimes enregistrées chez les enfants (2 911 tués et blessés) ont principalement été causées par les affrontements opposant les Forces nationales de sécurité afghanes et les forces militaires internationales aux groupes d'opposition armés, et notamment par la mise à feu d'engins explosifs dans des zones peuplées. Les groupes d'opposition armés sont responsables de 37 % des victimes enregistrées chez les enfants (1 087 victimes) et les Forces nationales de sécurité afghanes et les forces militaires internationales de 28 % (818 victimes), tandis que les 35 % restants (1 006 victimes) n'ont pu être attribués à une partie spécifique. Sur les 818 victimes causées par les Forces nationales de sécurité afghanes et les forces militaires internationales, 238 ont été attribuées à l'Armée nationale afghane, 198 aux forces militaires internationales, 40 à la Police nationale afghane et 26 à la police locale afghane. En 2014, les victimes enregistrées chez les enfants lors des engagements au sol (1 231 victimes) ont augmenté de 330 % par rapport au chiffre de 2012 (369 victimes), conséquence d'un intérêt accru des parties en conflit pour le contrôle territorial et d'une augmentation des affrontements armés dans les zones peuplées.

30. Le nombre de victimes enregistrées chez les enfants et résultant de l'utilisation d'engins explosifs improvisés par les groupes d'opposition armés, dont les Taliban et le Réseau Haqqani, a continuellement augmenté, passant de 385 en 2011 et 370 en 2012 à 506 en 2013 et 664 en 2014. Ainsi, le 8 avril 2014, dans le village de Gajiri (province de Ghazni), les Taliban, qui visaient des responsables gouvernementaux, ont posé plusieurs engins explosifs improvisés qui ont tué un garçon et blessé deux autres garçons et une fille lorsque l'un d'eux a marché sur une mine antipersonnel improvisée.

31. Tout au long de la période à l'examen, les groupes d'opposition armés, dont les Taliban et le Réseau Haqqani, ont mené des attaques, notamment suicides, contre des objectifs militaires et civils, tuant 210 enfants et en blessant 439 autres. Ainsi, le 6 décembre 2011, un groupe dissident de Lashkar-e Jhangvi, Lashkar-e Jangvi al Almani, a attaqué une procession religieuse chiite, tuant au moins 10 enfants et en blessant 12 autres. Le groupe a ensuite revendiqué l'attaque dans un communiqué de presse. En 2014 uniquement, au moins 60 enfants ont été tués et 154 blessés dans de telles attaques qui, souvent, visaient délibérément des civils. L'incident le plus marquant a été l'attentat-suicide perpétré le 23 novembre 2014 lors d'un match de volley-ball qui se déroulait dans le district de Yahya Khel (province de Paktika), attentat qui a tué au moins 23 garçons et en a blessé 23 autres. On considère que des agents de la police locale afghane présents lors du match constituaient l'objectif visé.

32. Les frappes aériennes des forces militaires internationales ont blessé 174 enfants en 2011, le nombre de ces victimes diminuant ensuite pour se situer à 78 en 2012, à 56 en 2013 et à 36 en 2014. On attribue principalement cette tendance à la baisse aux directives de la FIAS limitant l'utilisation de la force aérienne durant les opérations militaires. Les attaques de drones auraient tué deux enfants en 2013 et causé 10 victimes chez les enfants en 2014. Par exemple, le 21 mai 2014, un enfant de 14 ans a été tué et un autre de 13 ans blessé lors d'une attaque de drone alors qu'ils jouaient à proximité d'un lieu où se tenait une réunion de Taliban.

33. Au cours de la période à l'examen, au moins 14 enfants (6 garçons, 3 filles et 5 enfants de sexe indéterminé) ont été blessés lors de bombardements transfrontières provenant du Pakistan, principalement dans la province de Kunar. En 2014 uniquement, 5 enfants ont été tués et 52 autres blessés. D'après les forces armées pakistanaises, ces faits se sont produits lors de raids visant des insurgés qui opéraient dans les zones frontalières et attaquaient des objectifs au Pakistan.

34. Au moment de l'élaboration du présent rapport, suite à des décennies de guerre et d'instabilité, quelque 521 kilomètres carrés de terres à travers l'Afghanistan se trouvaient contaminés par des restes explosifs de guerre. L'équipe spéciale de pays a établi qu'au moins 1 275 enfants (887 garçons, 154 filles et 234 enfants de sexe indéterminé) avaient été tués ou blessés par des restes explosifs de guerre. Ainsi, le 9 décembre 2012, au moins neuf filles ont été tuées et deux autres blessées lorsqu'une mine a explosé dans le district de Chaparhar (province de Nangarhar). Au cours de la période à l'examen, le nombre de victimes a continuellement augmenté chez les enfants, atteignant, en 2014, un taux de 81 % de toutes les victimes de restes explosifs de guerre. En dépit d'une action soutenue visant à sensibiliser davantage le public et à modifier les comportements en vue de faire face aux risques que posent les restes explosifs de guerre, la stratégie actuelle de sensibilisation au danger des mines se heurte à des difficultés importantes, notamment dans la communication avec les plus de 50 % d'enfants afghans non scolarisés.

35. À la suite d'une campagne de communication soutenue de l'ONU, la FIAS et la communauté internationale ont pris d'importantes mesures visant à neutraliser les munitions non explosées des champs de tir abandonnés. La FIAS a procédé au déminage de la couche superficielle de plus de 20 champs de tir d'obus à explosif brisant et s'est engagée à achever le déminage de la couche superficielle de ce type de champ de tir au début de 2015.

C. Violences sexuelles contre les enfants

36. Au cours de la période à l'examen, l'équipe spéciale de pays a recensé 40 rapports relatifs à des violences sexuelles concernant 27 garçons et 24 filles et attribuées, dans leur grande majorité, à la Police nationale afghane et à la police locale afghane. Dans certains cas, le Gouvernement a fait preuve de la diligence requise, à l'heure d'instruire, de poursuivre en justice et de sanctionner les actes de violence sexuelle contre les enfants. Ainsi, en mars 2014, la Police nationale afghane a arrêté un membre de la police locale afghane pour le viol présumé d'un garçon de 7 ans. Le Tribunal de première instance a condamné l'auteur du délit à une peine d'emprisonnement de 10 ans. En juin 2014, la Cour d'appel de la même province a confirmé l'arrêt du Tribunal de première instance, mais en novembre 2014, la Cour suprême a réduit la peine d'emprisonnement à 5 ans. En décembre 2014, deux membres de la police locale afghane ont enlevé et violé une fille de 15 ans dans la province de Kapisa. Au moment de l'élaboration du présent rapport, les auteurs de ces faits avaient été arrêtés et une enquête était en cours.

37. Des garçons détenus pour atteinte à la sûreté de l'État ont également déclaré avoir été victimes de violences sexuelles ou menacés de violences sexuelles à leur arrestation et durant leur détention par les Forces nationales de sécurité afghanes et particulièrement par la Police nationale afghane. En 2011, sur 76 garçons détenus pour atteinte à la sûreté de l'État et interrogés par l'ONU, 10 ont déclaré avoir été victimes de violences sexuelles ou menacés de violences sexuelles. En 2013, 15 garçons détenus ont également déclaré avoir été victimes de viol et autres violences sexuelles ou menacés de violences sexuelles.

38. Les enfants ont continué de subir des violences sexuelles de la part des groupes d'opposition armés, dont les Taliban et le Réseau Haqqani. En août 2013, selon des informations parues dans la presse, des commandants taliban auraient infligé des sévices sexuels à de jeunes garçons. Des enfants détenus pour atteinte à la sûreté de l'État ont déclaré que des garçons avaient subi des violences sexuelles de la part de commandants des Taliban et du Réseau Haqqani alors qu'on les entraînait à commettre des attentats suicides. Ces informations n'ont pas pu être vérifiées de manière indépendante par l'équipe spéciale de pays. Néanmoins, l'ONU s'est vivement inquiétée, d'une part, des risques en matière de protection concernant les enfants dont l'identité avait été divulguée lors des témoignages publics relatifs aux violences sexuelles et, d'autre part, de la violation persistante, par les médias et les pouvoirs publics, du droit des enfants à la confidentialité et à la vie privée. À plusieurs reprises, l'équipe spéciale de pays a directement exprimé ces préoccupations aux autorités, en les exhortant à respecter les droits des enfants concernés et à leur assurer des services de protection adéquats.

39. L'ONU demeure gravement préoccupée par la culture des bacha bazi (« jeunes danseurs »), à laquelle sont généralement associées diverses formes d'exploitation et de violences sexuelles exercées contre des garçons parfois d'à peine 6 ans par des hommes de pouvoir. En août 2014, à la suite d'une enquête nationale sur les causes et les conséquences préjudiciables de ce phénomène, la Commission afghane indépendante des droits de l'homme a recommandé que l'on s'attaque sans retard à la culture d'impunité qui règne dans ce domaine.

D. Enlèvement d'enfants

40. Des membres des groupes d'opposition armés et des Forces nationales de sécurité afghanes ont enlevé des enfants pour divers motifs - représailles, rançon, punition des membres de la famille des victimes, sévices sexuels ou recrutement et utilisation, notamment. Au cours de la période à l'examen, 111 cas d'enlèvement concernant 242 enfants (235 garçons et 7 filles) ont été signalés, l'équipe spéciale ayant pu vérifier 53 de ces cas, qui concernaient 93 garçons et 7 filles. La région orientale a continué d'être la plus touchée.

41. Sur 53 cas vérifiés d'enlèvements, 44, concernant 80 garçons et 5 filles, sont le fait des Taliban et d'autres groupes d'opposition armés, qui ont notamment invoqué l'association présumée de ces jeunes avec les Forces nationales de sécurité ou leur utilisation présumée par ces forces. Après leur enlèvement, 20 garçons ont été exécutés, les oreilles de deux garçons ont été coupées et un garçon et une fille ont été violés. D'autres victimes ont été libérées ou leur sort reste inconnu. Les Forces nationales de sécurité afghanes ont souvent participé, par l'intermédiaire des anciens des tribus, à des négociations visant à libérer les victimes d'enlèvements.

42. Les Forces nationales de sécurité afghanes et les groupes armés progouvernementaux ont été impliqués dans sept cas d'enlèvement dont, notamment, un attribué à la Police nationale afghane et quatre à la police locale afghane : 13 garçons et 2 filles ont ainsi été enlevés dans les régions du centre, du nord-est et de l'ouest du pays. Au moins six garçons et une fille ont ensuite été exécutés et quatre violés. Par ailleurs, le 19 octobre 2013, dans le district de Bala Buluk (province de Farah), quatre garçons ont été sommairement exécutés par la police locale afghane après avoir été enlevés et accusés d'avoir posé des engins explosifs improvisés. Je suis particulièrement préoccupé par ces informations et par le fait qu'aucune enquête n'a été ouverte sur ces affaires et sur d'autres affaires similaires en vue d'identifier les auteurs de ces faits et de les amener à répondre de leurs actes.

E. Attaques contre des écoles et des hôpitaux

Attaques contre des écoles et les personnes qui leur sont associées

43. L'équipe spéciale de pays a confirmé 883 incidents affectant l'accès des enfants à l'éducation. Après une diminution du nombre de ces incidents, passé de 197 en 2010 à 132 en 2013, on en a recensé 208 en 2014, attribués principalement à des attaques de groupes d'opposition armés visant des écoles utilisées comme bureaux de vote pour l'élection présidentielle; ces attaques ont constitué 57 % de l'ensemble des attaques menées contre des écoles en 2014. Une campagne de communication entreprise par l'équipe spéciale de pays a permis de retirer certaines écoles de la liste des bureaux de vote et de renforcer les mesures de sécurité. Au cours de la période à l'examen, les attaques visant les écoles et le personnel éducatif se sont propagées à partir du sud du pays pour atteindre des provinces généralement plus sûres.

44. Les groupes d'opposition armés, y compris les Taliban, ont mené 89 % des attaques confirmées contre des écoles, notamment en utilisant des engins explosifs improvisés, en brûlant les bâtiments et les biens, en obligeant les écoles à fermer leurs portes et aussi en tuant, en blessant, en intimidant et en enlevant le personnel éducatif. Plus de 90 cas d'incendies volontaires de bâtiments scolaires et d'autres biens appartenant à des écoles ont été confirmés durant la période à l'examen, la majorité de ces faits étant imputables aux Taliban et à des éléments locaux opposés à l'éducation des filles. Ainsi, en avril 2013, un établissement secondaire a été brûlé dans le centre provincial de Sari Pul. Même lorsqu'elles n'étaient pas directement visées, les écoles ont également été touchées par les attaques et les opérations militaires qui se déroulaient à proximité.

45. L'équipe spéciale de pays a confirmé 111 cas de meurtre et de mutilation du personnel éducatif et 36 cas d'enlèvement par des groupes d'opposition armés, dont les Taliban. Ces attaques se sont déroulées dans leur grande majorité en 2011, avant de diminuer jusqu'en 2013 et d'augmenter en 2014. Ainsi, en septembre 2013, des éléments d'un groupe d'opposition armé inconnu ont forcé à descendre de son véhicule une enseignante qui voyageait à destination de la ville de Farah et l'ont tuée. En août 2014, dans le district de Shah Joy (province de Zabul), les Taliban sont entrés de force dans une école, ont enlevé, puis tué un enseignant de 32 ans qui avait préalablement été sommé de ne plus enseigner dans ladite école.

46. L'équipe spéciale de pays a pu vérifier 23 des 62 cas de menaces qui avaient été proférées à l'encontre du personnel éducatif et des élèves et qui concernaient, pour la plupart, l'éducation des filles. En 2011, les Taliban auraient publié une directive interdisant les attaques contre les écoles et les enseignants et, en 201 2, le groupe a nié toute responsabilité dans cinq cas d'attaques contre des écoles. Toutefois, les Taliban ont continué d'être les principaux auteurs de ces attaques. En mai 2013, par exemple, dans le district de Khogyani (province de Nangarhar), les Taliban locaux ont prévenu que le personnel éducatif, les enseignants et les élèves d'une école de filles s'exposaient à des mesures sévères et notamment à voir leurs visages aspergés d'acide si les filles continuaient de fréquenter l'école.

47. Quoique dans une bien moindre mesure, les Forces nationales de sécurité afghanes et les forces militaires internationales ont également porté la responsabilité d'incidents affectant l'accès à l'éducation. Il s'est notamment agi de l'utilisation complète ou partielle d'établissements scolaires à des fins militaires, de dégâts causés aux bâtiments et autres biens appartenant aux écoles, de l'intimidation du personnel éducatif, d'incursions et d'entrées par effraction, de confiscation ou de pillage de matériaux didactiques et d' opérations à proximité des écoles, qui ont provoqué la mort ou la mutilation d'élèves.

48. L'équipe spéciale de pays a vérifié 51 cas d'utilisation d'écoles à des fins militaires, dont 26 attribuables aux groupes d'opposition armés, 9 à l'Armée nationale afghane, 7 à la Police nationale afghane, 6 aux groupes armés progouvernementaux et 3 aux forces militaires internationales. C'est un nombre similaire d'incidents qui ont été confirmés chaque année durant la période à l'examen. Dans un des cas vérifiés, survenu en juin 2014 dans le district de Dasht-e Archi (province de Kunduz), l'Armée nationale afghane s'est installée de force dans une école primaire de filles pendant plus de trois semaines. Dans un autre cas, dans le district de Wardoj (province de Badakhshan), les Forces nationales de sécurité afghanes utilisaient trois écoles à des fins militaires depuis octobre 2013. À la suite d'un plaidoyer mené par l'équipe spéciale de pays, une école a été évacuée en juin 2014. Des préoccupations ont subsisté durant toute la période à l'examen quant au stationnement de forces de sécurité à proximité d'établissements scolaires, à l'origine de dégâts collatéraux et de la mort ou de la mutilation d'enfants.

49. En 2014, l'équipe spéciale de pays a confirmé le maintien de la fermeture de 469 écoles à travers le pays, due à l'insécurité, 360 de ces écoles se trouvant dans la région du sud. Les initiatives engagées par les conseils d'école et par les notables locaux ont permis d'améliorer légèrement la situation par rapport à 2013, année où le Ministère de l'éducation avait fait état de la fermeture de 539 écoles en raison de l'insécurité, phénomène qui affectait l'accès à l'éducation de quelque 115 000 enfants.

Attaques contre des hôpitaux et les personnes qui y sont associées

50. L'équipe spéciale de pays a confirmé la réalité de 214 cas d'attaques ou de menaces d'attaques visant des établissements de santé et le personnel médical, ainsi que d'autres incidents affectant l'accès aux soins de santé, dont la perturbation de campagnes de vaccination contre la poliomyélite et l'utilisation d'établissements de santé à des fins militaires. La majorité des incidents ont été causés par les groupes d'opposition armés. Sur 20 cas vérifiés d'utilisation à des fins militaires, de pénétration par la force et de fouille d'établissements de santé ainsi que d'intimidation du personnel médical, 12 ont été attribués aux Forces nationales de sécurité afghanes, 5 aux forces militaires internationales et 3 aux groupes armés progouvernementaux.

51. Plus de 155 membres du personnel médical ont été touchés par des attaques ciblées ou aveugles. L'équipe spéciale de pays a vérifié la réalité de 34 cas de meurtres et de mutilations et au moins de 40 cas d'enlèvement par des groupes d'opposition armés ayant abouti au meurtre des personnes enlevées dans sept cas. Par exemple, en avril 2013, dans la province de Jawzjan, des hommes armés qui seraient associés à un groupe d'opposition armé auraient arrêté sous la menace de leurs armes un véhicule humanitaire identifiable, tuant son chauffeur et blessant un médecin. L'équipe spéciale de pays a également vérifié 12 cas d'intimidation du personnel de santé par des membres de groupes d'opposition armés. Ainsi, en juillet 2013, dans la ville de Jalalabad (province de Nangarhar), une fillette de 3 ans a été blessée lors d'une attaque à l'engin explosif improvisé visant le domicile du directeur de l'hôpital public de Nangarhar, qui avait précédemment été sommé par un élément d'un groupe d'opposition armé de soigner des membres de groupes d'opposition armés.

52. L'utilisation à des fins militaires, la pénétration par la force et la fouille des établissements de santé par les Forces nationales de sécurité afghanes, les forces militaires internationales et les groupes d'opposition armés ont également continué de compromettre la neutralité de ces établissements et de perturber l'accès aux soins de santé. Ainsi, en avril et mai 2014, la Force de la Police nationale afghane chargée du maintien de l'ordre a mené des incursions dans deux hôpitaux du district de Sayed Abad (province de Wardak), se livrant à des agressions graves contre des médecins et des patients et causant des dégâts aux établissements alors qu'ils recherchaient des membres d'un groupe d'opposition armé.

53. Si l'action visant à éradiquer la poliomyélite en Afghanistan a enregistré des progrès durant toute la période à l'examen, la persistance de l'insécurité et l'impossibilité d'accéder aux zones instables ont continué de compromettre les campagnes de vaccination. En 2013, l'accès à la région du sud s'est amélioré en raison de l'appui public apporté à la vaccination contre la poliomyélite par les Taliban. Cependant, en février 2014, avec l'intensification de la violence dans la province de Helmand, les Taliban ont suspendu, pendant plusieurs mois, les campagnes de vaccination contre la poliomyélite. Des informations faisant état de restrictions et de limitations d'accès sont également provenues des provinces de Kunar, Nangarhar et Nuristan, dans l'est du pays. Ainsi, en mars 2014, dans le district de Bati Kot (province de Nangarhar), des membres présumés des Taliban ont enlevé sept vaccinateurs de la campagne de lutte contre la poliomyélite et détruit leur matériel, déclarant que le travail de ces vaccinateurs était anti -islamique. En janvier 2014, dans le district de Maiwand (province de Kandahar), des membres d'un groupe d'opposition armé réputé relever des Taliban ont enlevé et agressé quatre vaccinateurs et leur ont enjoint de passer par les notables locaux pour la tenue de toutes leurs activités. Dans les deux cas, les vaccinateurs enlevés ont été libérés à la suite d'une intervention des anciens des tribus. En octobre 2014, les Taliban ont brûlé des boîtes de vaccins dans la province de Sari Pul, privant ainsi de vaccination quelque 4 000 enfants de moins de 5 ans.

F. Déni d'accès aux secours humanitaires

54. L'insécurité généralisée a continué de compromettre gravement l'accès du personnel humanitaire aux enfants non seulement dans le sud et l'est, mais également de plus en plus dans les régions du nord et de l'ouest de l'Afghanistan. Les cas d'enlèvement de membres du personnel humanitaire ont atteint un niveau record en 2014, avec les enlèvements de 99 démineurs, 22 agents de santé et quatre membres du personnel humanitaire. La médiation par l'intermédiaire des notables des communautés s'est révélée être le meilleur moyen de négocier la libération du personnel humanitaire enlevé. Toutefois des agents humanitaires ont également été tués en captivité ou lors d'attaques, comme cela a été le cas en décembre 2013 dans le district de Musa Qaleh (province de Helmand), lorsqu'un démineur a été enlevé et tué par les Taliban après huit jours de captivité.

55. Les menaces et les intimidations visant le personnel humanitaire, ainsi que le pillage des articles humanitaires ont également perturbé les conditions de prestation de l'aide humanitaire. Les Taliban ont publié plusieurs déclarations menaçant quiconque paraîtrait soutenir le Gouvernement, y compris les organisations internationales. Ainsi, en octobre 2013, dans la ville de Jalalabad (province de Nangarhar) un employé d'une organisation non gouvernementale (ONG) nationale aurait reçu un message texte d'un membre présumé des Taliban, le menaçant de décapitation s'il ne renonçait pas à son emploi.

56. Les groupes d'opposition armés, dont les Taliban et le Réseau Haqqani, ont également mené des attaques indirectes ou ciblées contre des convois et des complexes d'organismes humanitaires, dont l'ONU. Ainsi, en mai 2013, lors d'une attaque sophistiquée contre le complexe d'une organisation internationale à Kaboul, revendiquée par les Taliban, un membre du personnel a été tué et trois autres blessés.

57. Sur plus de 20 cas confirmés de meurtre et d'intimidation d'agents humanitaires, l'équipe spéciale de pays en a attribué 7 aux Forces nationales de sécurité afghanes, 9 aux forces militaires internationales et 4 à divers groupes armés progouvernementaux. Ces faits se sont produits pour la plupart en 2011; au cours des trois années suivantes, ils ont fortement diminué en nombre, les Forces nationales de sécurité s'en voyant attribuer seulement trois et les forces militaires internationales aucun. Par exemple, en juin 2011, dans le district de Nahri Saraj (province de Helmand), un agent d'une ONG qui procédait à des opérations de déminage a succombé à ses blessures après avoir essuyé les tirs d'une patrouille de forces militaires internationales qui l'avait pris à tort pour un membre d'un groupe d'opposition armé. Au nombre des autres incidents attribués aux forces militaires internationales figuraient des menaces par lesquelles on enjoignait à des prestataires de services de ne pas fournir de services à des groupes d'opposition armés.

58. En mars 2013, dans la province de Badkhshan, les Forces nationales de sécurité afghanes et les autorités gouvernementales locales ont stoppé la distribution de l'aide aux personnes déplacés au motif que des éléments de groupes d'opposition armés se trouveraient parmi elles. Dans un autre incident, survenu en janvier 2014 dans le district de Nad-e-Ali de la province de Helmand, la police locale afghane aurait tué par balle un garçon de 16 ans qui travaillait comme volontaire dans le cadre d'une campagne d'éradication de la poliomyélite.

IV. Progrès accomplis sur la voie de l'élimination et de la prévention des violations graves commises contre les enfants

59. Le 30 juin 2011, en présence de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, l'équipe spéciale de pays et le Gouvernement afghan ont signé le plan d'action visant à prévenir le recrutement des enfants par les Forces nationales de sécurité afghanes. À l'invitation du Gouvernement afghan, le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur le sort des enfants en temps de conflit armé a effectué une mission en Afghanistan du 4 au 8 juin 2012. La délégation a rencontré le Gouvernement, l'équipe spéciale de pays et la société civile en vue d'examiner les progrès accomplis dans la mise en œuvre du plan d'action et les répercussions, pour les enfants afghans, des attaques visant les écoles et les établissements de santé.

60. L'ONU a constaté que les autorités afghanes avaient réalisé des progrès et pris des dispositions concrètes à la suite de la signature du plan d'action. Toutefois, la dynamique politique n'a vu le jour dans ce domaine qu'en 2013, lorsque le Comité directeur interministériel pour le sort des enfants touchés par le conflit armé a commencé à se réunir plus régulièrement pour coordonner les interventions du Gouvernement et sa collaboration avec l'ONU. Le Groupe de travail technique sur le sort des enfants en temps de conflit armé, présidé par le Directeur de la Division des droits de l'homme du Ministère des affaires étrangères et composé des coordonnateurs de toutes les entités gouvernementales compétentes, s'est réuni en mai 2013 pour la première fois depuis décembre 2011 et se réunit régulièrement depuis pour formuler des avis sur la mise en œuvre du plan d'action.

61. Toujours en 2013, en vue d'accélérer la mise en œuvre du plan d'action et de tirer parti de la dynamique politique, l'équipe spéciale de pays et les partenaires du Gouvernement ont élaboré un plan ciblé et mesurable, en 15 points (la « feuille de route pour la mise en conformité »), destiné à compléter le plan d'action et à en accélérer la mise en œuvre. En août, le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) ont entrepris une mission conjointe en Afghanistan en vue de faciliter ce processus. Le 23 juillet 2014, à la suite d'un plaidoyer de l'équipe spéciale de pays, le Comité directeur interministériel pour le sort des enfants touchés par le conflit armé a entériné la feuille de route. Auparavant, le 6 mars 2014, durant la cérémonie de lancement de la campagne « Des enfants, pas des soldats », le Gouvernement afghan a exprimé sa ferme volonté d'enrayer et de prévenir le recrutement et l'utilisation d'enfants par les forces de sécurité. La campagne « Des enfants, pas des soldats » est une initiative commune de la Représentante spéciale et de l'UNICEF, qui vise à mettre un terme, à l'échéance de 2016, au recrutement d'enfants par toutes les forces de sécurité gouvernementales à travers le monde.

62. Le Ministère de l'intérieur a continué de mettre en place des groupes de protection de l'enfance et de les renforcer dans les centres de recrutement de la Police nationale afghane et de la police locale afghane, dans la région de l'ouest, en vue d'identifier et de rejeter les demandeurs mineurs et de les orienter vers les services de protection appropriés. Au moment de l'établissement du présent rapport, 418 demandeurs mineurs, dont des filles, avaient été rejetés dans les provinces de Herat, Badghis, Ghor et Farah, dans la région de l'ouest. Le Ministère et le Groupe de travail technique sur le sort des enfants en temps de conflit armé se sont engagés à privilégier la mise en place des Groupes de protection de l'enfance dans les autres subdivisions des Forces nationales de sécurité afghanes et à les instituer dans toutes les régions de l'Afghanistan, conformément à la feuille de route. Le 26 juillet 2014, le Ministère a publié et diffusé auprès de toutes les unités de la Police nationale afghane et de la police locale afghane une directive interdisant le recrutement de mineurs et l'utilisation d'enfants dans les postes de contrôle, notamment en tant que messagers, serveurs de thé, cuisiniers ou gardes du corps. La directive prévoit également des sanctions à l'encontre de ceux qui enfreindront ses dispositions. Le Ministère a aussi désigné des coordonnateurs pour les enfants et les conflits armés à la fois au sein de la Police nationale afghane (le Directeur adjoint des droits de l'homme au Ministère de l'intérieur) et de la police locale afghane et a mis au point un modèle de rapport devant servir à la constitution de dossiers relatifs aux demandes rejetées. Il a ainsi été possible, dans un premier temps, de partager les données relatives à ces cas avec l'équipe spéciale de pays, en vue de la réintégration éventuelle des enfants et de leur réunification avec leur famille, ainsi que de la réalisation d'activités telles que la création de moyens de subsistance, l'acquisition de compétences, la scolarisation ou l'appui psychosocial. Dans son troisième rapport annuel sur la mise en œuvre du plan d'action, présenté en avril 2014, le Gouvernement a fait état de 16 incidents relatifs au recrutement d'enfants au sein de la police locale afghane.

63. Depuis septembre 2010, plus de 8 000 personnes, dont des membres des Forces nationales de sécurité afghanes, des autorités provinciales et de district, des chefs religieux, des dirigeants traditionnels, des membres de la société civile, des membres du personnel éducatif, des agents de santé et des membres du Réseau d'action en faveur de la protection de l'enfance (un réseau d'acteurs d'organisations de la société civile locale, du Gouvernement ou d'intervenants locaux qui assure un appui et une coordination de première ligne en matière de protection de l'enfance dans 31 provinces) ont été informés par l'UNICEF, la Commission afghane indépendante des droits de l'homme et d'autres partenaires des questions de protection de l'enfance, des violations graves commises contre les enfants et des mécanismes de prévention. En 2014, la MANUA a organisé des sessions de formation concernant la protection de l'enfance et le plan d'action à l'intention de 25 membres de la Division des droits de l'homme du Ministère de l'intérieur et de 40 membres de la Force aérienne afghane.

64. Au cours des neuf premiers mois de 2014, le Gouvernement a organisé 51 séminaires et ateliers de formation à l'intention de plus de 1 000 agents de police. Ces sessions, qui ont été consacrées aux questions relatives aux droits de l'homme, notamment les enfants et les conflits armés, ont bénéficié de l'appui de l'UNICEF, de l'UNION européenne et d'organisations non gouvernementales spécialisées dans les questions relatives aux droits de l'homme.

65. Le 27 août 2014, le Président afghan a signé un décret établi avec l'appui technique de la MANUA, érigeant en infraction criminelle le recrutement de mineurs par les Forces nationales de sécurité afghanes. Le décret a été adopté par les deux chambres du Parlement et est entré en vigueur le 2 février 2015. Il s'agit là d'une démarche importante, dans la mesure où l'incrimination du recrutement d'enfants se situe au cœur de l'action visant à mettre en cause les responsabilités et à prévenir le recrutement et l'utilisation des enfants à la fois par le Gouvernement et par les groupes armés. Les procédures d'évaluation de l'âge ont été renforcées par le biais de directives nationales établies avec l'appui de l'UNICEF. Une autre étape importante a été franchie dans le domaine de la prévention du recrutement des enfants grâce à l'adoption d'une stratégie nationale de déclaration des naissances (voir A/69/801) et aux progrès enregistrés d'une manière générale en ce qui concerne le taux d'enregistrement des naissances.

66. Le Gouvernement a déclaré qu'en 2014 et conformément à la feuille de route, la Direction nationale de la sécurité avait donné pour instructions à tous les départements d'orienter tous les enfants mineurs vers les centres provinciaux compétents en matière de formation et de réhabilitation. En outre, la Direction nationale de la sécurité a fait savoir qu'elle avait pris des dispositions pour permettre aux militants des droits de l'homme de se rendre dans les centres de détention afin de s'assurer que des enfants n'y étaient pas présents. La Direction nationale de la sécurité a en outre souligné la nécessité d'engager davantage la responsabilité des auteurs de violations contre les enfants, en vue d'assurer une meilleure mise en œuvre de la feuille de route et du plan d'action. L'on a également signalé qu'une procédure unifiée d'application du plan d'action et de la feuille de route concernant le processus de recrutement avait été adoptée à l'initiative du Ministère de la défense.

67. En dépit des progrès enregistrés jusque-là, tous les acteurs doivent encore s'investir pleinement pour assurer la mise en œuvre du plan d'action. Il s'agit par exemple de remédier, d'une part, au manque de programmes qui permettraient de s'attaquer au problème de l'utilisation des enfants dans des fonctions d'appui par les Forces nationales de sécurité afghanes et, d'autre part, à l'absence de services et de solutions de remplacement destinés aux enfants refusés par les services de recrutement ou démobilisés. Par ailleurs, le recours aux lois et aux politiques nationales existantes pour prévenir le recrutement de mineurs continue de poser des problèmes, notamment pour ce qui est de la disponibilité et l'allocation des ressources. L'absence de responsabilisation en ce qui concerne les violations des droits de l'homme et des droits des enfants et le climat d'impunité qui règne, particulièrement au sein de la Police nationale afghane et de la police locale afghane, demeurent également d'importants sujets de préoccupation auxquels il convient de s'attaquer sans tarder.

68. Le 12 mai 2014, la MANUA a publié un manuel intitulé « Protecting Afghanistan's Children in Armed Conflict » (« La protection des enfants afghans en temps de conflit armé »), un outil de plaidoyer spécifique au contexte local, qui s'attaque aux six violations graves des droits des enfants en temps de conflit et met en lumière la compatibilité entre, d'une part, la charia et, d'autre part, le droit international relatif aux droits de l'homme et le droit international humanitaire. Au 24 juillet 2014, 38 actions de plaidoyer avaient été menées dans 16 provinces, allant des programmes de télévision aux initiatives de sensibilisation au niveau local. Dans un certain nombre de provinces, des chefs religieux ont cité les messages clefs du manuel lors de la prière du vendredi.

69. Tout au long de la période à l'examen, le Haut Conseil pour la paix, chargé par le Président afghan de négocier avec des éléments de l'insurrection, a continué de plaider afin que toutes les parties au conflit privilégient la protection des enfants et mettent un terme au recrutement de mineurs. La mise en œuvre du Programme afghan pour la paix et la réintégration s'est poursuivie, même en l'absence d'un mécanisme spécialisé pour la réintégration des enfants enrôlés. Le programme a été mis en place par le Gouvernement en vue de renforcer la capacité des institutions nationales et infranationales de soutenir le processus de paix.

70. La concertation avec les groupes d'opposition armés concernant le recrutement et l'utilisation d'enfants a continué d'être entravée par les conditions de sécurité et la fragmentation des groupes d'opposition armés, source de difficultés quant à l'attribution des responsabilités relatives aux violations graves commises contre les enfants. Dans la mesure où la poursuite des recrutements demeure un important sujet de préoccupation, l'ONU reste disposée à élaborer, en collaboration avec les autorités afghanes, une stratégie destinée à faire face à cette pratique des groupes d'opposition armés.

V. Recommandations

71. Je condamne les violations graves commises contre les enfants par les groupes armés en Afghanistan, notamment les Taliban, le Réseau Haqqani et Hezb -e-Islami, en particulier l'utilisation d'enfants comme kamikazes, ainsi que les meurtres et les mutilations d'enfants résultant de l'utilisation aveugle des engins explosifs improvisés dans les zones peuplées, et exhorte les intéressés à mettre immédiatement un terme à toutes les violations graves commises contre les enfants.

72. Je me félicite, d'une part, des progrès tangibles que le Gouvernement afghan a accomplis dans la mise en œuvre du plan d'action, en collaboration avec l'ONU, en vue d'enrayer et de prévenir le recrutement et l'utilisation d'enfants par les Forces nationales de sécurité afghane et, d'autre part, de l'adoption de la feuille de route destinée à accélérer la mise en œuvre du plan d'action.

73. Je demeure vivement préoccupé par l'impunité généralisée qui entoure les violations graves commises par les forces de sécurité gouvernementales contre les enfants, notamment les enfants détenus en raison de leur association présumée avec des groupes armées, et invite le Gouvernement à se pencher sans tarder sur cette question.

74. J'exhorte le Gouvernement à garantir le droit à une procédure régulière pour tous les enfants détenus en raison de leur association présumée avec des groupes armés, quelles que soient les autorités qui ont procédé à leur arrestation, et à privilégier des solutions autres que les poursuites en justice.

75. Je suis profondément préoccupé par le fait que 7 349 enfants ont été tués ou blessés au cours de la période à l'examen, particulièrement lors des engagements au sol. Compte tenu du processus de transition et du nouveau mandat de l'OTAN, j'exhorte toutes les parties au conflit à s'acquitter des obligations qui leur incombent en vertu du droit international et à continuer de revoir leurs tactiques et leurs procédures, de manière à éviter les victimes civiles, particulièrement parmi les enfants.

76. J'exhorte le Gouvernement afghan à coopérer étroitement avec l'ONU et les autres partenaires en Afghanistan en vue d'intégrer une formation adéquate à la protection de l'enfance et aux droits des enfants dans le programme de formation initiale et de formation continue de toutes les Forces nationales de sécurité afghanes.

77. J'engage le Gouvernement à veiller à ce que des ressources suffisantes soient consacrées au traitement des problèmes subsistants, particulièrement en ce qui concerne la prévention du recrutement et de l'utilisation des enfants et les responsabilités à engager dans ces domaines. J'encourage en outre le Gouvernement à veiller à ce que des dispositions concernant spécifiquement les enfants et l'affectation de crédits suffisants figurent bien dans le Programme pour la paix et la réconciliation en Afghanistan et dans toutes les initiatives relatives à la paix et à la réconciliation engagées par le Gouvernement avec les groupes armés.

78. J'invite la communauté des donateurs à fournir un appui technique et financier durable au Gouvernement afghan pour lui permettre de continuer à renforcer ses mécanismes juridiques et ses mécanismes de gouvernance, notamment en ce qui concerne les mesures judiciaires, en vue de lutter contre l'impunité.

79. J'engage la communauté des donateurs à veiller à ce qu'un financement durable soit disponible pour assurer une application efficace et dans les délais du plan d'action susmentionné, conformément à l'objectif de la campagne de 2016 visant à mettre un terme aux recrutements par les forces gouvernementales, et à ce que des activités adéquates de contrôle et d'information soient menées afin de mieux protéger les enfants vivant en Afghanistan des répercussions du conflit armé.


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