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12fév18

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Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (aoû. 17-fév. 18)


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Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2018/140

Distr. générale
12 février 2018
Français
Original : anglais

Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'appui des Nations Unies en Libye

I. Introduction

1. Le présent rapport, soumis en application de la résolution 2376 (2017) du Conseil de sécurité, couvre les faits nouveaux survenus en Libye sur les plans politique et de la sécurité, donne un aperçu de la situation humanitaire et des droits de l'homme dans le pays et décrit les activités de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL) depuis la publication de mon précédent rapport en date du 22 août 2017 (S/2017/726).

II. Faits nouveaux survenus sur les plans politique et de la sécurité

2. La période considérée a été marquée par un regain de dynamisme et la volonté renouvelée de tous les acteurs libyens de mener à terme le processus de transition, après le lancement, le 20 septembre 2017, à la soixante-douzième session de l'Assemblée générale, d'un plan d'action en vue de la reprise du processus politique associant toutes les parties. Les États Membres se sont dits fermement résolus à régler la crise dans le pays et à apporter leur soutien politique au plan d'action, tout en consolidant l'action menée à l'appui des moyens mis en œuvre par le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, Ghassan Salamé.

3. Pour redynamiser le plan d'action, mon Représentant spécial a apporté son concours à deux cycles de consultations parmi des représentants de la Chambre des députés et du Haut Conseil d'État, afin de négocier les modifications à apporter à l'Accord politique libyen. Il a eu dans le même temps des contacts avec un large éventail d'acteurs pour évoquer les étapes suivantes de la transition politique et pour élargir le soutien et la participation au processus politique.

4. Le processus politique libyen mené sous l'égide de l'ONU a repris dans l'insécurité ambiante. Si l'éviction de Tripoli des groupes armés opposés au Gouvernement d'entente nationale a quelque peu favorisé une amélioration des conditions de sécurité, les affrontements se sont poursuivis dans l'ouest de la ville entre des groupes rivaux, notamment à Warchefana et Sabrata, et dans la partie est de la ville de Derna. À Tripoli, des accrochages à l'aéroport de Mitiga le 15 janvier 2018 ont suscité une vive inquiétude car ils ont fait un grand nombre de victimes et entraîné directement la suspension, pendant une semaine, du trafic aérien à destination et en provenance de Tripoli.

5. À ma demande, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, Jeffrey Feltman, s'est rendu en Libye du 9 au 12 janvier pour s'entretenir notamment avec le Premier Ministre, le Président de la Chambre des députés et le Président du Haut Conseil d'État, afin de donner suite à l'application du plan d'action et de leur faire part de mon attachement personnel à règlement de la crise en Libye.

Application de l'Accord politique libyen

6. Le plan d'action des Nations Unies a été élaboré pour mettre un terme à la transition prolongée de la Libye, grâce à trois composantes essentielles : faciliter un accord sur les modifications restreintes à apporter à l'Accord politique libyen afin de revitaliser le Gouvernement pour le reste de la période de la transition ; convoquer une conférence nationale afin de redynamiser l'État et de fixer des orientations pour le reste de la période de transition ; et tenir des élections. Le plan vise, dans le même temps, à revigorer les institutions libyennes, à obtenir la participation des groupes armés, à régler les questions économiques urgentes et à promouvoir la réconciliation locale et nationale.

7. Les comités de dialogue formés par la Chambre des députés et le Haut Conseil d'État se sont réunis à Tunis pour la première fois le 26 septembre 2017. Chaque comité a délégué des membres, y compris une femme, en vue de la constitution d'un comité de rédaction conjoint. Ses membres ont accepté la restructuration du Conseil de la présidence et la constitution d'une autorité exécutive distincte mais n'étaient pas parvenus à un consensus au moment de l'établissement du présent rapport. Le 10 novembre, la MANUL a présenté aux présidents la Chambre des députés et du Haut Conseil d'État une proposition s'inspirant des éléments qui s'étaient dégagés des débats, afin de promouvoir davantage le dialogue entre les parties et de mener à terme les pourparlers sur l'autorité exécutive. Les deux institutions continuent de se mobiliser activement et se sont réunies à quatre occasions au moins, à leur propre initiative.

8. Le 6 décembre, la Haute Commission électorale nationale a commencé à mettre à jour les listes, afin d'aider les citoyens à s'inscrire et à participer aux prochaines élections. En prévision de la conférence nationale, mon Représentant spécial a organisé des réunions-débats dans l'ensemble du pays pour écouter les avis d'un large éventail d'interlocuteurs dans bon nombre de circonscriptions.

9. La signature de l'Accord politique libyen est entrée dans sa deuxième année le 17 décembre 2017. Outre la publication d'une déclaration du Président du Conseil de sécurité en date du 14 décembre (S/PRST/2017/26), beaucoup d'autres États Membres ont réaffirmé publiquement que l'Accord était le seul cadre viable pour mettre un terme à la crise politique libyenne.

Engagement régional et international

10. L'engagement régional et international en faveur de la Libye a continué de jouer un rôle essentiel pour ce qui est de soutenir le processus politique et la transition politique en cours.

11. Mon Représentant spécial a participé à Brazzaville le 9 septembre 2017 à la quatrième réunion du Comité ad hoc de haut niveau sur la Libye de l'Union africaine. Le 21 septembre, la quatrième réunion du Quatuor sur la Libye, composé de représentants de la Ligue des États arabes, de l'ONU, de l'Union africaine et de l'Union européenne, s'est tenue au Siège de l'Organisation à New York. Le Quatuor a publié un communiqué pour avaliser le plan d'action des Nations Unies et s'est déclaré résolu à continuer d'œuvrer à la mise en place d'une démarche commune et complémentaire, afin de résoudre les problèmes auxquels la Libye fait face.

12. Le 17 décembre, la Tunisie a accueilli une réunion tripartite des Ministres des affaires étrangères algérien, égyptien et tunisien, qui ont exprimé leur soutien sans réserve à l'action de l'ONU et exhorté toutes les parties à travailler de concert pour appliquer le plan d'action. Le Maroc a également accueilli mon Représentant spécial en vue d'un cycle de réunions pour évoquer la situation sur le terrain et faire progresser le plan d'action. Les 3 et 4 janvier 2018, mon Représentant spécial s'est rendu à Niamey pour s'entretenir avec le Président Mahamadou Issoufou et ensuite à N'Djamena pour se concerter avec le Président Idriss Déby ; ils lui ont tous les deux fait part de leurs inquiétudes au sujet de la situation en Libye et de leur attachement sans faille à un règlement de la crise.

13. Le 15 janvier, mon Représentant spécial s'est rendu à Addis-Abeba pour se concerter avec de hauts responsables de l'Union africaine, afin de resserrer davantage la collaboration entre l'Union et l'ONU en ce qui concerne la Libye. Mon Représentant spécial a passé en revue avec le Président de la Commission de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat, les moyens concrets de renforcer la collaboration entre la MANUL et la Commission, avant le Sommet de l'Union. Lorsque j'y ai participé, j'ai eu l'occasion, avec mon Représentant spécial, d'échanger des vues avec nombre de chefs d'État et de gouvernement de pays d'Afrique au sujet de l'incidence de la crise sur le continent et des moyens de redoubler d'efforts afin de promouvoir un règlement pacifique et une gouvernance stable.

Situation dans l'ouest du pays

14. Une intense activité militaire s'est déroulée dans la partie occidentale de la Libye au cours de la période considérée. La Cellule des opérations anti-EIIL, une force affiliée au Gouvernement d'entente nationale, a pris en octobre 2017 le contrôle de Sabrata qui était aux mains de deux groupes de milices, après trois semaines de combats acharnés qui ont fait 43 morts et plus de 300 blessés. Le 31 octobre, le commandant de la région militaire occidentale affiliée au Gouvernement d'entente nationale a lancé une opération contre la 4e Brigade affiliée à l'Armée nationale libyenne à Warchefana, au sud-ouest de Tripoli, afin de sécuriser le territoire se trouvant sous le commandement des forces alliées au Conseil de la présidence. Les accrochages, qui ont duré 11 jours, ont fait 18 morts. En janvier 2018, le même commandant a lancé une opération pour étendre le contrôle des forces alliées au Conseil de la présidence le long de la zone frontalière avec la Tunisie, autour de Ras Ajdir.

15. Un nombre considérable d'incidents a été également signalé dans la ville de Tripoli et dans ses environs immédiats, dont certains autour de l'aéroport, ce qui a entraîné sa fermeture à la mi-janvier. En octobre 2017, des accrochages ont éclaté entre des forces favorables au Gouvernement d'entente nationale et d'autres au sud de Tripoli et débouché sur l'arrestation d'un chef qui soutenait l'ancien régime. En représailles, les forces adverses ont pris le contrôle du réseau de distribution d'eau dont ils ont privé pendant une semaine Tripoli, y compris le complexe des Nations Unies. Les 16 et 17 octobre, dans le quartier de Ghararat, la Force spéciale de dissuasion a mené un raid pour fermer un centre de trafic de drogue, qui a dégénéré en accrochage armé et fait 7 morts, dont un civil, et 11 blessés, de part et d'autre. Du fait de la proximité de l'aéroport de Mitiga et de l'utilisation d'armes légères et de moyen calibre, l'ONU a gelé toute opération aérienne du 16 au 18 octobre.

16. Le 17 décembre, le maire de Misrata, Mohamed Eshtewi, a été enlevé dans les parages de l'aéroport de Misrata par des hommes armés non identifiés, peut-être à la suite d'une querelle interne. Son corps portant des traces multiples de balle et d'un coup à la tête a été retrouvé devant un hôpital local. Des enquêtes sont en cours. La MANUL a condamné fermement l'assassinat d'un maire civil élu.

17. Le 15 janvier 2018, les affrontements se sont intensifiés entre la Force spéciale de dissuasion et la milice Bougra qui avait lancé une attaque de grande envergure contre l'aéroport de Mitiga. Elle visait, semble-t-il, à obtenir la libération de personnes détenues dans un centre géré par la Force spéciale de dissuasion et probablement le contrôle de l'aéroport lui-même. Les combats, qui ont duré des heures, chars et autres armes lourdes à l'appui, ont fait 23 morts et plus de 60 blessés. Nombre d'avions civils garés au sol ont été légèrement endommagés et l'aéroport a dû fermer par la suite pendant une semaine tandis que le secteur était passé au peigne fin, à la recherche d'engins non explosés.

Situation dans l'est du pays

18. Des accrochages ont été signalés par intermittence entre les forces de l'Armée nationale libyenne et des groupes armés dans les villes de Benghazi et de Derna. À Benghazi, après de nouveaux combats autour de Sidi Khreïbech, l'Armée nationale libyenne a annoncé le 28 décembre 2017 la libération de ce secteur. Les tensions entre le Vice-Ministre de l'intérieur du Gouvernement d'entente nationale, Faraj al-Gaem, et les forces de l'Armée nationale libyenne ont débouché sur un regain de violence, le 10 novembre, avec un tir de quatre obus de mortier contre le bâtiment du Ministère de l'intérieur à Benghazi. Les brigades de l'Armée nationale libyenne ont pris le lendemain le contrôle du bâtiment et arrêté le Vice-Ministre de l'intérieur et ses partisans. Le Vice-Ministre de l'intérieur est maintenu au secret depuis le 11 novembre et, d'après certaines allégations, aurait été torturé. Les heurts ont fait 14 morts, dont au moins 1 civil, et 25 blessés, dont 4 civils. Le 24 janvier 2018, un double attentat à la voiture piégée dans le quartier de Salmani à Benghazi a fait plus de 30 morts, dont des enfants, et des dizaines de blessés. L'attaque a visé de hauts responsables de la sécurité, d'obédience salafiste, affiliés à l'Armée nationale libyenne. Tout comme la MANUL, j'ai immédiatement condamné les attentats et réaffirmé qu'il ne saurait y avoir de solution militaire à la crise en Libye. En représailles, le commandant de l'Armée nationale libyenne Mahmoud el-Werfalli a procédé le 25 janvier à 10 exécutions sommaires, que la MANUL a condamnées. Elle a demandé que M. Werfalli fasse l'objet d'un mandat d'arrêt et soit remis à la Cour pénale internationale. Dans les jours qui ont suivi, plus de 25 corps portant des traces de balle et de ligature aux poignets ont été retrouvés à Benghazi. Le 9 février 2018, 2 personnes ont été tuées et 75 autres blessées à la suite d'un attentat contre une mosquée du secteur de Majouri, à Benghazi.

19. La situation à Derna était toujours tendue et l'accès à la ville continue d'être restreint, ce qui a entraîné une dégradation de la situation humanitaire. Des quartiers sous le contrôle de la Choura des moujahidin de Derna sont encore assiégés par les forces de l'Armée nationale libyenne. Au lendemain de l'attentat de Benghazi et des représailles qui ont suivi, la Choura a procédé à trois exécutions extrajudiciaires contre des membres d'une cellule de l'Armée nationale libyenne suspectés d'avoir planifié des assassinats ciblés.

20. Le 30 octobre 2017, un avion non identifié a mené des raids aériens contre plusieurs positions autour de Derna, qui ont fait au moins 15 morts, dont 12 femmes et enfants, et 17 blessés, dont 6 civils.

Situation dans le sud du pays

21. Les conditions de sécurité sont demeurées précaires dans le sud. Des actes criminels comme des vols, des détournements de voiture et des enlèvements se sont produits avec fréquence du fait la précarité des conditions de sécurité et de la prolifération des armes. Le 3 novembre 2017, un groupe d'hommes armés non identifiés a enlevé quatre employés agents d'organisations internationales, qui venaient d'arriver à l'aéroport d'Oubari. Leur sort reste indéterminé. Le 12 janvier 2018, un travailleur humanitaire international et deux Libyens qui se rendaient de Tripoli à Sabha ont été enlevés dans le quartier d'Abdelkafi dans le sud de Sabha, puis relâchés par la suite. Le même jour, un médecin ukrainien a été enlevé à Sabha et libéré deux jours plus tard.

22. L'Armée nationale libyenne s'est employée comme par le passé à renforcer sa présence dans le sud, à la suite du retrait des forces de Misrata en 2017. Le 27 août 2017, l'Armée nationale libyenne a promulgué un décret portant création d'une force militaire de dissuasion à Braq el-Chati, à 120 km au nord de Sabha. Le 28 septembre, des affrontements armés ont été signalés entre les 160e et 116e brigades de l'Armée nationale libyenne au sujet du dépôt de carburant de Sabha.

23. La question des groupes armés étrangers en Libye continue d'être un facteur de déstabilisation, tout particulièrement dans le sud-ouest et dans le sud-est. Du 19 au 21 septembre, des affrontements se sont déroulés dans la ville d'Oum el-Araneb, à 100 km au sud de Sabha, entre des membres de la tribu Tébou et des rebelles tchadiens (tribu Zaghawa) et darfouriens. Les accrochages ont éclaté après que les rebelles ont attaqué le point de contrôle de Tamsa, à 250 km au sud-est de Sabha, et tué cinq membres de la tribu Tébou. Le 4 décembre, des accrochages ont opposé, dans la ville de Sabha, des mercenaires tchadiens et des hommes armés de la tribu des Qadhadhfa au sujet de l'allocation des ressources. Dans le sud-ouest, l'Armée nationale libyenne n'a cessé de s'en prendre à des groupes armés tchadiens et darfouriens, le long de la frontière libyo-tchadienne.

L'État islamique d'Iraq et du Levant en Libye

24. L'État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL) a intensifié ses mouvements autour de l'ancien bastion de Syrte, ce qui a suscité des frappes aériennes de la part des forces libyennes et américaines. Le 22 septembre 2017, le Commandement des forces des États-Unis en Afrique (AFRICOM) a confirmé six frappes aériennes contre des positions de l'EIIL dans le secteur de Khouchoum el-Kheïl, qui ont entraîné 17 décès parmi les membres de ce dernier. Quatre jours plus tard, l'AFRICOM a annoncé deux nouvelles frappes aériennes contre les militants de l'EIIL, menées en coordination avec le Gouvernement d'entente nationale. Le 15 novembre, l'aviation libyenne a lancé deux frappes aériennes contre des positions de l'EIIL à Haraoua, petite localité à l'est de Syrte. Le 17 novembre, dans une aire désertique au sud de Syrte, l'aviation américaine a mené des frappes qui ont visé des positions de l'EIIL et fait un nombre indéterminé de victimes. Le 28 novembre, près de la ville de Fouqaha à Joufra, l'aviation libyenne a visé un convoi de l'EIIL et fait un nombre indéterminé de blessés. L'Armée nationale libyenne a déclaré « zone militaire », le secteur allant du sud du golfe de Syrte jusqu'à la Montagne noire, englobant les champs pétrolifères.

25. Le 4 octobre, l'EIIL a revendiqué la responsabilité d'une attaque contre le palais de justice de Misrata, au cours de laquelle 3 des assaillants et 4 autres personnes, dont 2 civiles, ont été tués et 41 autres personnes blessées. Le 8 octobre, la brigade de police anti-crime, appuyée par les forces de sécurité locales de Misrata, a arrêté six membres d'une cellule présumée de l'EIIL, dans un logement du quartier de Roueïssat, à l'est de Misrata. Des quantités considérables d'armes et de munitions, y compris des systèmes de défense aérienne portatifs, ont été découvertes et saisies.

26. L'EIIL a revendiqué deux attaques contre des postes de contrôle de l'Armée nationale libyenne dans le centre et le sud de la Libye. Le 23 août, une attaque a été menée contre un poste de contrôle de l'Armée nationale libyenne (à 90 km au nord-ouest de Fouqaha), qui a entraîné la mort de neuf soldats de l'Armée nationale libyenne et de deux civils. Le 31 août, une attaque à la voiture piégée contre un poste de contrôle de l'Armée nationale libyenne à Naoufaliya a fait deux morts et quatre blessés. Le 25 octobre, une nouvelle attaque contre un poste de contrôle de l'Armée nationale libyenne au « portail n° 60 », à 60 km au sud-ouest d'Ajdabiya, a fait deux morts et quatre blessés parmi les gardes de la 152e brigade.

27. Le 11 janvier 2018, dans la localité d'Abou Qreïn, à Misrata, les forces de Bouniyan Marsous ont annoncé l'arrestation d'un membre de l'EIIL qui était au volant d'un véhicule piégé qu'il n'a pas réussi à faire exploser à un poste de contrôle de sécurité. Les forces du Ministère de l'intérieur à Tripoli ont par la suite établi des barrages et arrêté deux autres membres suspectés d'appartenir à l'EIIL.

28. Si l'EIIL ne contrôle plus le territoire, il est toujours actif en Libye et conserve la capacité de mener des attaques terroristes complexes. Les « unités du désert » de l'EIIL continuent également de mener des opérations dans le Croissant pétrolier, dans la région centrale autour de Joufra et dans le sud. Il existe des cellules dormantes dans d'autres zones du pays, y compris dans l'ouest. Cette présence est renforcée par des éléments de l'EIIL qui s'introduisent en Libye, après avoir été évincés d'Iraq et de la République arabe syrienne.

Situation économique

29. D'après les indicateurs économiques, la situation s'est sensiblement améliorée grâce à l'augmentation de la production pétrolière (1,1 million de barils par jour en janvier 2018, contre 860 000 barils par jour en août 2017), ainsi qu'à la hausse des cours internationaux du pétrole. Les questions structurelles n'ayant toujours pas été réglées, les crises budgétaire et monétaire risquent de s'aggraver davantage à long terme. La National Oil Corporation est parvenue à un accord avec l'Organisation des pays exportateurs de pétrole au terme duquel la Libye est exonérée des mesures visant à réduire la production mondiale de pétrole.

30. Les autorités libyennes n'ont pas réussi à négocier un accord sur le cadre budgétaire pour 2018. La crise monétaire, qui va s'aggravant, comme en témoignent l'inflation galopante et la perte du pouvoir d'achat, a contraint le Gouvernement d'entente nationale à accroître les dépenses pour assurer les services publics. La dépréciation de la monnaie a atteint un record à la hausse à la fin de 2017 : un dollar des États-Unis valait 9,8 dinars libyens sur le marché noir, contre 1,39 dinar au taux de change officiel. La devise libyenne s'est rapidement appréciée sur le marché informel après l'annonce faite par la Banque centrale d'augmenter les réserves de devises étrangères disponibles et celle faite par le Ministère de l'économie d'accroître les importations d'articles non alimentaires.

31. Les divisions politiques et l'insécurité ont exacerbé davantage l'instabilité macroéconomique dans le pays. Le vote contesté à la Chambre des députés au sujet du remplacement du gouverneur de la Banque centrale, le 19 décembre, a suscité l'incertitude au sujet de l'autorité légitime de la Banque.

32. La MANUL a reçu des rapports au sujet d'une corruption généralisée. Les irrégularités liées au taux de change officiel pour l'obtention de gains immédiats sur le marché noir ont poussé les prix à la hausse et créé des pénuries au niveau des produits de première nécessité ; des pots-de-vin auraient été versés pour faciliter les opérations. Des frontières poreuses ont favorisé la contrebande systématique de marchandises, y compris du carburant subventionné au profit du peuple libyen, ce qui concourt à l'économie illégale.

III. Élaboration de la constitution

33. Les membres de l'Assemblée constituante ont activement cherché à promouvoir le projet de constitution, adopté le 29 juillet 2017. La remise en cause de la légitimité de l'Assemblée constituante et de la validité du vote qui a débouché sur l'adoption du projet a été contestée au tribunal. Le 7 janvier 2018, le tribunal de Benghazi-Sud a rejeté la contestation de la légitimité de l'organe constitutionnel en attendant la décision finale de la Cour suprême de Tripoli. Le 14 février 2018, la Cour suprême s'est prononcée en faveur du projet de constitution, ce qui a levé tous les obstacles à la tenue d'un référendum.

34. Les organisations libyennes et internationales se sont efforcées de soutenir l'action de sensibilisation menée par l'Assemblée constituante pour préparer la voie à un référendum, en prévision des élections législatives et présidentielle. Des efforts ont été déployés en particulier pour mobiliser les populations s'opposant au projet, y compris des groupes minoritaires.

VI. Autres activités de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye

A. Appui électoral

35. Des progrès considérables ont été accomplis en prévision des élections de 2018. La MANUL a fourni des conseils et un appui à la Haute Commission électorale nationale et à d'autres organismes libyens. Un exercice visant à actualiser et à étendre les listes électorales a été lancé le 6 décembre 2017, à partir du fichier de 2014 qui comptait 1,48 million d'électeurs inscrits. Au moment de l'établissement du présent rapport, plus de 600 000 nouvelles personnes s'étaient inscrites depuis le début de l'exercice, avec un nombre d'électeurs supérieur à 2 millions au 24 janvier 2018. Plus d'un million de femmes se sont inscrites sur les listes électorales, soit 42 % du nombre total d'électeurs inscrits. Il était prévu que ceux résidant à l'étranger commencent à s'inscrire sur les listes au début de février.

36. La MANUL a établi trois groupes de travail avec les partenaires internationaux chargés de l'assistance électorale, qui comprend la constitution des listes électorales, la rédaction des textes électoraux et la mobilisation de l'opinion, afin de coordonner l'appui de la communauté internationale au processus électoral. En coordination avec la Haute Commission électorale nationale, des ateliers ont été organisés pour examiner les projets en cours en vue d'arrêter une loi électorale.

37. À la suite d'une requête de la Haute Commission électorale nationale, une mission des Nations Unies chargée de l'évaluation des besoins, encadrée par le Département des affaires politiques du Secrétariat, a été dépêchée en septembre 2017. Un nouveau projet d'aide électorale du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a été élaboré afin de compléter l'action de la Mission. Le projet relatif à la promotion d'élections pour le peuple libyen a été financé à hauteur de 10 millions de dollars de la part de l'Union européenne et des pays suivants : Allemagne, France, Italie et Pays-Bas.

B. Droits de l'homme, justice transitionnelle et état de droit

38. Des groupes armés qui participaient aux combats ont commis des violations du droit international des droits de l'homme et du droit humanitaire international. La faiblesse des institutions judiciaires et le climat général d'anarchie et d'insécurité ont entravé la capacité des victimes de demander une protection, de réclamer justice et d'obtenir des réparations.

39. Le conflit persistant a continué de faire des victimes parmi les civils : au cours de la période considérée, la Mission a relevé parmi eux 135 victimes dont 56 morts et 79 blessés, principalement à la suite de tirs de balle, de frappes aériennes, de pilonnages et de l'explosion de restes de guerre et d'engins improvisés.

40. La MANUL a consigné sept attaques contre des établissements de soins de santé à Benghazi, Misrata, Oubari, Sabrata, Syrte et Warchefana. Elle a relevé des cas avérés de coups et blessures contre des membres du personnel médical dans l'exercice de leurs fonctions, tandis que des médecins étaient privés de leur liberté, en toute illégalité, dans les villes de Beïda, Derna, Sabha et Tripoli. L'Armée nationale libyenne a continué d'imposer des restrictions à la liberté de circulation des habitants de Derna et à l'entrée de certaines marchandises dans la ville.

Enlèvements et assassinats

41. Des groupes armés ont continué en toute illégalité de prendre des civils en otage et de les priver de leur liberté. Certains ont été délibérément enlevés contre rançon du fait de leur appartenance familiale ou tribale ou de leurs affiliations ou opinions politiques. Des arrestations pour « outrage aux mœurs » ont été signalées dans l'est et dans l'ouest de la Libye.

42. Dans le cadre des affrontements armés qui ont opposé la Force spéciale de dissuasion à des membres de la famille Moungar du 16 au 22 octobre dans le quartier de Ghararat à Tripoli, la Force a capturé trois hommes encore en vie, dont les corps ont été retrouvés quelques jours plus tard, portant des traces de balle. Le 26 octobre 2017, 36 corps ont été découverts à Abiyar, à une soixantaine de kilomètres au nord-est de Benghazi. Plusieurs portaient des traces de balle, de torture et de ligature aux poignets. Des hommes armés cagoulés auraient enlevé plusieurs victimes à leur domicile à Benghazi dans les jours ou les mois qui ont précédé la découverte des corps. L'Armée nationale libyenne a annoncé qu'elle mènera des enquêtes sur l'incident, mais n'a communiqué aucune information.

43. La MANUL a également relevé des assassinats politiques. Le 4 janvier 2018, des assaillants non identifiés ont tué par balle le Directeur du Département de l'éducation à son domicile à Abiyar. Il aurait reçu des menaces de mort après s'être déclaré candidat aux élections législatives.

44. Au moment de l'établissement du rapport, un commandant des opérations des Forces spéciales à Benghazi, Mahmoud el-Werfalli, se serait rendu à la police militaire dans l'est de la Libye mais aurait été relâché par la suite, à la suite de violentes manifestations en vue de sa libération. Le 15 août, la Cour pénale internationale a émis un mandat d'arrêt contre M. Werfalli pour homicide et pour son implication présumée dans l'exécution sommaire de combattants suspectés de faire partie de la Choura des révolutionnaires de Benghazi et d'autres opposants.

Incarcération, torture et décès survenus en détention

45. Dans tout le pays, les détentions arbitraires ont continué d'être légion, tant dans les prisons officielles que dans les centres contrôlés par des groupes armés. En octobre 2017, les agents de la police judiciaire ont estimé que quelque 6 400 hommes, femmes et enfants se trouvaient dans 26 prisons officielles et que 75 % d'entre eux environ étaient en détention provisoire. Pratiquement rien n'a été fait pour apprécier l'opportunité de poursuivre ou d'élargir les personnes détenues, comme le prescrit le droit libyen.

46. La MANUL a effectué six visites dans des prisons dans l'ouest de la Libye et s'est entretenue avec des détenus en privé. Malgré des demandes répétées, elle n'a pas été autorisée à se rendre au centre de détention de Mitiga, contrôlé par la Force spéciale de dissuasion, où quelque 2 600 personnes étaient retenues en décembre. La Mission a continué de recevoir des rapports crédibles de torture et autres mauvais traitements, de conditions lamentables de détention, de négligence médicale et d'interdiction de visites de la part de proches ou d'un avocat. De même, des arrestations illégales ont été signalées dans l'est de la Libye. La Mission a relevé des détentions arbitraires et des mises au secret prolongées, des cas de torture et de mauvais traitements et des conditions de détention inhumaines à la prison de Koueïfiya. La MANUL a exprimé ses préoccupations par écrit, notamment dans des communications officielles avec les autorités compétentes. Le nombre exact de détenus à la prison de Koueïfiya n'est pas connu, la Mission n'ayant pas pu s'y rendre depuis qu'elle a quitté la partie est de la Libye, en mai 2014. Au cours d'une réunion avec la MANUL en août 2017, les agents de la police judiciaire ont estimé que 1 800 personnes environ étaient détenues à Koueïfiya. Le bâtiment pénitentiaire est gardé par l'Armée nationale libyenne et des groupes armés qui lui sont alliés.

Groupes dans des situations vulnérables

Migrants

47. Les migrants ont été soumis à des détentions arbitraires et à de la torture, y compris les viols et d'autres formes de violence sexuelle ; les enlèvements contre rançon ; l'extorsion ; le travail forcé et les homicides illégaux. On compte parmi les auteurs de hauts responsables et des membres de groupes armés, de réseaux de contrebande et d'autres bandes criminelles.

48. La MANUL s'est rendue dans quatre centres de détention surveillés par le Service de la lutte contre l'immigration illégale et a observé une surpopulation carcérale aiguë et des conditions d'hygiène déplorables. Les détenus étaient mal nourris et vivaient avec peu ou pas d'accès à des soins médicaux. Le 15 janvier 2018, quelque 5 200 migrants étaient encore détenus dans les centres du Service, contre 19 000 en octobre 2017.

49. La MANUL a continué de consigner le comportement imprudent et violent des garde-côtes libyens au cours des sauvetages ou des interceptions en mer. Ils se sont par exemple servis d'une corde le 6 novembre 2017 pour frapper des migrants sur lesquels ils ont braqué des armes à feu, au cours d'une opération en mer. La MANUL a également relevé l'emploi d'une force meurtrière excessive et illégale de la part de responsables du Service de la lutte contre l'immigration illégale. Le 19 novembre, lors d'une descente dans un camp de fortune, dans le secteur de Warchefana, des membres des groupes Tajoura et Janzour, affiliés au Service de la lutte contre l'immigration illégale, ont ouvert le feu sans sommation sur des migrants, faisant parmi eux bon nombre de morts et de blessés.

Femmes

50. Des femmes ont été détenues de manière arbitraire, souvent pour leur appartenance familiale ou une « atteinte à la moralité », comme le fait d'avoir des relations sexuelles hors des liens du mariage, et se sont retrouvées dans des installations où n'était postée aucune gardienne, ce qui les a exposées au danger de violences sexuelles. Certaines ont enduré des fouilles intégrales et des investigations corporelles, parfois sous le regard de gardiens. Des femmes et des filles migrantes ont subi des viols, de la prostitution forcée et d'autres formes de violence de la part d'agents de l'État, de membres de groupes armés, de passeurs et de trafiquants. Bon nombre d'activistes femmes ont déclaré avoir subi des interrogatoires et été harcelées lorsqu'elles se déplaçaient à l'étranger sans « tuteur ».

Enfants

51. La MANUL a continué de consigner de graves violations à l'encontre d'enfants, y compris le meurtre, la mutilation et l'enlèvement d'enfants. Au cours de la période considérée, 20 enfants ont été tués et 25 autres blessés par balle, lors de raids aériens ou en raison de restes explosifs de guerre ou d'engins explosifs non identifiées. Des enlèvements d'enfants par divers groupes armés, milices et organisations criminelles ont été constatés dans le cadre du conflit, tandis que d'autres ont continué d'être recrutés et utilisés par des groupes armés ou encore détenus du fait de leur association présumée ou avérée avec d'autres parties au conflit.

Activistes et professionnels des médias

52. Les journalistes, les écrivains et les activistes ont subi des restrictions de leurs droits à la liberté d'expression et d'association ou encore des enlèvements, des détentions arbitraires, des actes d'intimidation et des menaces. Le 13 novembre 2017, des combattants affiliés à l'Armée nationale libyenne ont investi le bâtiment de la chaîne de télévision libyenne Roh el-Watan à Benghazi et en ont confisqué le matériel. Ils ont également détenu brièvement deux journalistes qu'ils ont soumis à de mauvais traitements.

53. Le 28 août, une activité qui devait se dérouler au centre Faqih à Tripoli pour inaugurer une série de nouvelles et de poèmes écrits par des Libyens a été annulée lorsque les organisateurs ont appris que des membres de la Force spéciale de dissuasion s'y rendaient à bord de véhicules blindés. Le 30 août, le comité officiel chargé de la culture a critiqué la teneur « pornographique et immorale » des écrits et demandé une action légale contre les personnes impliquées.

Justice transitionnelle et réconciliation nationale

54. Avec l'aide du Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix et du PNUD, la MANUL a continué de soutenir le processus de réconciliation nationale grâce à un programme global associant toutes les parties. Les 20 et 21 septembre 2017, elle a facilité le dialogue entre des représentants de Tripoli et de Zintan afin de parvenir à un accord qui garantirait, grâce à une série de dispositifs de sécurité et de responsabilisation, le retour en toute sécurité des personnes déplacées à Zintan en 2014.

55. À la suite d'un processus de réconciliation entre les tribus Qadhadhfa et Aoulad Souleïman, inauguré en mai 2017, un volet du dialogue consacré aux femmes s'est déroulé à Tripoli le 6 novembre. Le 26 novembre, des délégations des villes de Kabao et de Baten el-Jabal (mont Nefoussa) ont accepté d'établir une commission d'enquête indépendante pour se pencher sur les violations commises et demandé la création d'une commission foncière nationale. Grâce au dialogue, les fondements et les principes d'un processus de négociation futur entre les deux tribus voisines ont été mis en place.

56. Le 24 octobre, des représentants tribaux et des notables de l'est de la Libye et de Misrata sont parvenus, sous l'égide de la MANUL, à un accord qui a débouché sur l'établissement d'un comité de liaison officiel entre les deux parties pour promouvoir le retour en toute sécurité des populations déplacées de Benghazi et de Taouargha.

57. En décembre 2017, des manifestations en série ont eu lieu à Taouargha pour dénoncer les conditions déplorables dans les camps et la lenteur de la mise en place d'un accord entre les Misrata et les Taouargha au sujet du retour des déplacés et des indemnisations à verser, qui a été avalisé par le Conseil de la présidence en juin. Celui-ci a annoncé le 26 décembre que les déplacés de Taouargha pourraient commencer à regagner leur ville à compter du 1er février 2018. Il a également demandé aux administrations publiques compétentes et notamment à celles chargées de la sécurité nationale d'instaurer les conditions nécessaires aux retours et à la Banque centrale de débloquer des fonds en vue de la première série d'indemnisations aux victimes. Le décret 1423 de 2017 du Conseil, publié le 26 décembre, a porté création d'un comité chargé de l'application de l'accord auquel le comité de dialogue entre Misrata et Taouargha était parvenu en août 2016 au sujet des retours et des indemnisations. Le 1er février, des extrémistes ont empêché des familles de la tribu des Taouargha de réintégrer leur localité, comme prévu. La MANUL a déploré les menaces proférées contre des membres de cette tribu et demandé l'application de l'accord afin de permettre leur retour.

58. En décembre, plus de 70 chefs tribaux, notables et activistes dans le sud ont signé une Charte de la coexistence pacifique dans le Fezzan et décidé de mettre en place un cadre conjoint d'analyse du conflit ainsi qu'une série de mesures, de mécanismes et de principes pour instaurer la paix dans le sud de la Libye. La MANUL a entrepris des contacts avec d'autres parties dans le sud pour obtenir un soutien élargi à la Charte.

59. Au niveau national, la commission préparatoire du projet de réconciliation nationale, établie par un décret du Conseil de la présidence, le 14 mai, n'a toujours pas été mise sur pied. Le 16 octobre, le Conseil a publié un décret portant création d'un fonds national de réparations pour toutes les victimes du conflit depuis 2011, dont l'administration n'a toujours pas été nommée.

Systèmes judiciaire et pénitentiaire

60. Les procureurs, les juges et les autres membres du personnel judiciaire ont continué de travailler dans des conditions de sécurité précaires, tandis que des attaques étaient lancées contre des bâtiments officiels comme celle qui s'est produite le 4 octobre 2017 contre le palais de justice de Misrata. Malgré ces obstacles, les bureaux des procureurs et les greffes ont partiellement repris leurs activités à Syrte et à Warchefana.

61. La MANUL a continué de soutenir le renforcement des institutions nationales. En septembre et en décembre, en coopération avec le PNUD, elle a apporté son concours à la tenue de deux ateliers sur la détention arbitraire et prolongée, qui ont réuni des représentants des municipalités, des juges, des procureurs, des avocats, des universitaires, des activistes de la société civile, des directeurs de prison et des agents de la police judiciaire.

62. En décembre, la MANUL a concouru à une formation au droit international des droits de l'homme d'une semaine à Tripoli à laquelle ont assisté 17 hauts responsables de la Garde présidentielle libyenne. Elle a continué de prodiguer des conseils à la Garde présidentielle sur la mise en place d'un dispositif interne d'application du principe de responsabilité.

63. Également en décembre, l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), en partenariat avec le Ministre libyen de la justice et le Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs des États-Unis, a organisé un atelier sur la réforme de la justice criminelle, axée sur les modifications qu'il est proposé d'apporter au Code de procédure pénale libyen. Parmi les participants se trouvaient des représentants du Ministère de la justice, de l'Institut supérieur de la magistrature, de la Cour suprême, du Bureau du procureur général, des milieux universitaires et de la société civile. Le 10 décembre, en coopération avec l'École de l'administration pénitentiaire algérienne, l'ONUDC a commencé à dispenser une formation intensive à 12 membres de la police judiciaire libyenne afin de renforcer la gestion des prisons et d'encourager la réinsertion sociale des criminels.

Politique de diligence voulue en matière de droits de l'homme

64. Le système des Nations Unies en Libye a continué de mettre en œuvre la politique de diligence voulue en matière de droits de l'homme en cas d'appui de l'ONU à des forces de sécurité non onusiennes. La MANUL et l'équipe de pays des Nations Unies examinent pour l'heure leur soutien aux forces de sécurité libyennes, en vue d'atténuer les risques relatifs à la commission de violations graves du droit international humanitaire, du droit international des droits de l'homme et du droit international des réfugiés de la part de bénéficiaires de l'aide des Nations Unies.

65. Le 4 septembre 2017, l'équipe spéciale chargée de la politique de diligence voulue en matière de droits de l'homme en Libye a évalué les risques s'agissant du soutien apporté par l'ONU à la garde côtière libyenne. Les organismes des Nations Unies qui y participent appliquent plusieurs mesures d'atténuation des risques et notamment d'accroissement de la surveillance, de la mobilisation et de la responsabilisation. Des mesures d'évaluation et d'atténuation des risques s'agissant du soutien apporté par l'ONU au Service de la lutte contre l'immigration illégale sont également en cours d'examen.

C. Secteur de la sécurité

Appui à la planification libyenne en vue d'un dispositif de sécurité provisoire

66. Le calme relatif qui régnait dans la capitale a favorisé la poursuite de l'application du plan de sécurité pour Tripoli. Avec le soutien constant de la MANUL et de la Cellule de planification et de liaison de l'Union européenne, la police et l'armée ont réussi à instaurer un plus grand contrôle opérationnel de la ville. Des donateurs ont consacré des fonds à des projets ayant trait à la sécurité, y compris un soutien technique au système libyen de justice pénale, au programme de police de proximité conjoint du PNUD et de la MANUL et au commissariat de police modèle. Un appui supplémentaire a été fourni au Centre d'opérations conjoint à Tripoli. La Garde présidentielle joue un rôle de plus en plus influent pour tout ce qui a trait à la sécurité. Ces initiatives participatives concourent à instaurer les conditions nécessaires pour unifier davantage les services de sécurité libyens.

Gestion des armes et des munitions

67. En collaboration avec le Service de la lutte antimines de l'ONU, la MANUL a continué d'aider les autorités libyennes à faire face à la menace que représente la prolifération incontrôlée des armes et des munitions. À Misrata, le Service de la lutte antimines a entamé un projet de destruction des stocks. L'action internationale menée pour parer à la menace des engins explosifs dangereux s'est poursuivie à Syrte.

68. En vue de renforcer l'intervention face à la situation humanitaire actuelle et d'assurer l'accès en toute sécurité des déplacés et des rapatriés, la MANUL et le Service de la lutte antimines ont organisé des formations à l'intention des autorités nationales dans le domaine du renforcement des capacités institutionnelles et opérationnelles, y compris la destruction des engins explosifs. Le Centre libyen de lutte antimines a également reçu une aide sur le plan de l'élaboration et de l'application de normes nationales. Le Service de la lutte antimines a poursuivi sa coordination avec les partenaires chargés de l'éducation aux risques, afin de sensibiliser davantage le public au danger des engins explosifs. De juillet à décembre 2017, quelque 9 000 personnes ont participé à des programmes dans toute la Libye. Le Service a également poursuivi la formation axée sur la sensibilisation des femmes aux risques liés aux armes légères et de petit calibre.

D. Autonomisation des femmes

69. Au cours de la période considérée, la MANUL a observé dans l'ensemble du pays une tendance positive en faveur de la participation des femmes à divers processus politiques et sociaux, associée à des demandes de réconciliation au niveau local. Trois ministères (éducation, travail et économie) ont établi des unités spécialisées pour appuyer l'autonomisation des femmes en Libye. La MANIL a fourni aux représentants des femmes au comité de rédaction conjoint une aide technique pour veiller à ce que les perspectives de ces dernières soient prises en compte dans les modifications qu'il est proposé d'apporter à l'Accord politique libyen. Les représentants ont obtenu que le Service d'appui aux femmes et de promotion de leur autonomisation du Conseil de la présidence soit placé sous l'autorité du Premier ministre s'agissant de toute restructuration future du Gouvernement.

70. Pour promouvoir le rôle des femmes dans la vie politique en Libye et la sensibilisation aux comportements discriminatoires fondés sur le sexe au cours du processus législatif, la MANUL a appuyé la création d'un forum composé de 14 femmes, qui a examiné le projet de constitution depuis la perspective des femmes. Il présentera en février 2018 des recommandations générales aux membres de la Chambre des députés et du Haut Conseil d'État.

71. En partenariat avec le PNUD, la MANUL a achevé l'élaboration globale d'une campagne de paix sur la coexistence sociale, qui sera dirigée par des femmes libyennes. Les diverses activités de renforcement des capacités se sont poursuivies. En novembre 2017, 20 employées du bureau de l'autonomisation des femmes au Ministère de l'éducation ont suivi un cours d'initiation sur la prise en compte de la problématique femmes-hommes.

E. Les jeunes, la paix et la sécurité

72. En collaboration avec l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a débattu avec des partenaires locaux d'un plan stratégique pour la jeunesse pour 2018, appuyé par les Réseaux de la jeunesse méditerranéenne, qui s'est tenu à Tunis. Dans ce cadre et en collaboration avec les associations de jeunes et de femmes en Libye, le FNUAP a organisé deux ateliers à Tripoli and Misrata sur les politiques publiques ainsi que des sessions de formation des formateurs dans des domaines comme l'action à l'engagement civique en faveur du changement social, la santé sexuelle et procréative, la prévention de la violence sexiste et la lutte contre la toxicomanie. En décembre, le FNUAP a aidé le Réseau électronique d'information pour l'éducation des jeunes par leurs pairs à élaborer sa stratégie pour 2018. L'UNESCO a organisé des ateliers pour former des enseignants et assuré des formations en cascade et des cours de sensibilisation à Benghazi, Misrata, Sabha et Tripoli, qui ont porté sur le plan stratégique pour la jeunesse et été suivis de microprojets locaux sur la consolidation de la paix et la lutte contre l'extrémisme violent.

F. Coordination et aide internationale

73. Le Comité supérieur des politiques, qui constitue le principal organe de coordination de la coopération technique internationale avec le Gouvernement libyen, a créé deux groupes de travail respectivement chargés des droits de l'homme et des migrations. Les progrès accomplis par ces groupes de travail pour définir les priorités sectorielles devaient faire l'objet d'un bilan lors d'une réunion qui doit se tenir à Tripoli à la fin de février 2018.

74. Le 29 novembre 2017, des responsables des organismes des Nations Unies intervenant dans le domaine du développement ainsi que des organismes humanitaires et des États Membres qui travaillent en Libye ont rencontré 67 responsables nationaux de différents ministères libyens et d'entités nationales ainsi que des représentants de la société civile pour examiner le projet de cadre stratégique intégré des Nations Unies pour la Libye pour la période 2019-2020. Trois domaines prioritaires ont été recensés, notamment la gouvernance, les services sociaux et l'économie, la paix et la sécurité constituant le thème principal du cadre stratégique et un lien avec les objectifs de développement durable. L'équipe de pays des Nations Unies prépare actuellement une évaluation conjointe du pays et le cadre stratégique de l'ONU pour 2019-2020, dont elle devrait arrêter la version finale avec le Gouvernement d'ici à la fin du mois de janvier 2018.

G. Aide humanitaire, et aide à la stabilisation et au développement

75. La situation humanitaire en Libye s'est dégradée pendant la période considérée. Réfugiés et migrants continuent d'être victimes de violence, de travail forcé et d'autres atteintes et mauvais traitements graves. Les allégations selon lesquelles des migrants seraient vendus comme esclaves en Libye ont révélé les conditions épouvantables auxquelles la majorité d'entre eux sont soumis en toute impunité.

76. En marge du Sommet de l'Union européenne et de l'Union africaine tenu à Abidjan les 29 et 30 novembre 2017, l'Union africaine, l'Union européenne et l'Organisation des Nations Unies ont constitué un groupe de travail conjoint sur les migrations pour apporter de l'aide aux migrants et aux réfugiés le long des voies de migration et à l'intérieur des frontières libyennes. Au mois de décembre, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) avait dénombré 621 706 migrants dans l'ensemble du pays, mais on estime qu'ils seraient en réalité de 700 000 à 1 million.

77. L'OIM a intensifié son programme humanitaire d'aide aux retours volontaires. Au 25 janvier 2018, en tout 7 723 migrants souhaitant rentrer chez eux avaient été rapatriés. Au cours de la période considérée, au total, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a évacué 389 réfugiés et demandeurs d'asile en coordination avec les autorités libyennes. Environ 24 000 réfugiés et migrants sont arrivés en Italie par la Méditerranée centrale ; quelque 780 ont perdu la vie ou ont été portés disparus. L'OIM et le HCR ont assuré un suivi de la protection et fourni une assistance à 12 points d'arrivée en Libye occidentale.

78. De septembre à décembre 2017 le HCR a enregistré 2 277 réfugiés et demandeurs d'asile en Libye. Le nombre de réfugiés est désormais supérieur à 45 000. Le HCR a effectué plus de 450 visites de contrôle dans des centres de détention répartis sur l'ensemble du territoire libyen, fourni une aide médicale et préconisé des mesures de substitution à la détention. Quelque 1 034 réfugiés et demandeurs d'asile ont été remis en liberté à la suite d'interventions du HCR.

79. Depuis le mois de novembre, le HCR a intensifié son programme de réinstallation et d'évacuation humanitaire pour mettre en place des solutions dans les pays tiers à l'intention des réfugiés et demandeurs d'asile les plus vulnérables. Au total, de novembre à décembre, des solutions ont été trouvées pour 659 réfugiés qui ont soit été directement réinstallés, soit fait l'objet d'une évacuation humanitaire.

80. La recrudescence sporadique de la violence dans l'ouest du pays a provoqué des déplacements de faible ampleur et exacerbé les besoins en matière d'aide médicale. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a acheminé des fournitures médicales à quelque 90 000 personnes, ainsi que des trousses de secours pour soigner plus de 1 600 blessures modérées à graves, et acheté 42 000 poches de sang. En novembre, l'OMS a envoyé sur place une équipe composée de deux médecins et d'infirmiers spécialisés, fourni des médicaments vitaux et assuré la remise en service de l'hôpital de Ghat qui était fermé depuis deux ans.

81. À la suite d'informations faisant état d'une augmentation des décès maternels dans le sud de la Libye, le FNUAP et l'OMS ont conjointement déployé des équipes de santé mobiles qui ont permis à 1 850 femmes d'accoucher en toute sécurité dans les zones sinistrées et distribué des trousses de santé procréative d'urgence. L'OMS a par ailleurs aidé le Ministère de la santé à étendre son réseau d'alerte sanitaire rapide à plus de 100 postes sentinelles et centres de détention en Libye. En novembre, avec l'appui de l'OMS, du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et de l'OIM, le Ministère de la santé a conduit une campagne nationale de vaccination au cours de laquelle quelque 1,4 million d'enfants ont été vaccinés contre la poliomyélite et 721 488 contre les virus de la rougeole, des oreillons et de la rubéole.

82. Grâce à l'aide de l'UNICEF, 18 350 migrants et réfugiés ont pu avoir accès à de l'eau potable et à des services d'assainissement aux points de rassemblement de Sabrata/Dahman, Tajoura et Ghariyan. Le Fonds a également remis en état les installations d'eau et d'assainissement de 30 écoles à Benghazi, Sabha, Oubari, Syrte et Tripoli qui continuent d'offrir des conditions propices à l'apprentissage à 19 510 enfants. À Benghazi et Tobrouk, 5 000 familles déplacées et rapatriées ont eu accès à de l'eau potable, ainsi qu'à des services d'assainissement et d'hygiène.

83. Dans le cadre de son programme en faveur de la résilience et du relèvement, le PNUD collabore étroitement avec les municipalités pour en renforcer les capacités en tant qu'autorités légitimes étant au service des besoins de la population et délivrant des services publics essentiels. Dans ce contexte, le PNUD est intervenu dans les principales communautés situées sur les routes migratoires (Sabha et Mourzouq, Koufra, Sabrata, Benghazi et Tripoli) pour collaborer avec les municipalités locales, identifier les points d'entrée afin de mobiliser les principaux membres de la communauté, renforcer la stabilité et la sécurité au niveau local, promouvoir le développement socioéconomique local des municipalités et permettre aux populations, en particulier aux jeunes, d'avoir des activités génératrices de revenus.

84. À Zintan, 125 enfants et adolescents démobilisés par les groupes armés ont bénéficié d'un programme d'aide à la réinsertion locale mis en œuvre par l'UNICEF. Quelque 3 500 adolescents ont participé à des stages de prévention visant à enrayer l'enrôlement des jeunes dans les groupes armés. En outre, quelque 70 agents du secteur judiciaire (policiers, juges, procureurs et travailleurs sociaux) ont reçu une formation sur les procédures adaptées aux enfants et au moins 121 femmes et enfants migrants ont eu accès à des services spécialisés de soutien psychosocial à Sabrata.

85. Au cours de la période considérée, des cours de remise à niveau et de rattrapage ont été dispensés à plus de 9 000 élèves (dont 4 767 de sexe féminin) dans des zones touchées par les conflits et mal desservies, notamment à Benghazi, à Syrte et dans huit zones du Sud libyen. Au total, 4 120 enfants (dont 2 120 filles) ont pu assister à des cours grâce à la création de six classes mobiles à Benghazi. À Benghazi et Syrte, 61 315 enfants (dont 31 044 filles) ont reçu des supports et fournitures pédagogiques de base. 187 enseignants et maîtres formateurs (dont 146 femmes) ont suivi un programme de formation continue organisé par l'UNICEF.

86. À la fin de janvier 2018, le Fonds de stabilisation pour la Libye a reçu des contributions financières d'un montant de 62 millions de dollars. À la fin de 2017, 22 installations, dont des écoles, des hôpitaux et des centres sportifs, avaient été remises en état sur l'ensemble du territoire libyen grâce au Fonds.

V. Déploiement de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye et dispositif de sécurité

87. La MANUL et l'équipe de pays des Nations Unies ont progressivement intensifié leurs opérations en Libye où ils assurent la présence temporaire de personnel technique, de sécurité et d'appui au moyen d'un système de roulement. Le 30 décembre 2017, le groupe de gardes des Nations Unies a achevé son déploiement pour protéger les locaux de la MANUL à Tripoli. Le 7 février 2018, le Département de la sûreté et de la sécurité a mis fin à la situation d'évacuation en Libye.

Sûreté et sécurité du personnel et des opérations

88. Le personnel des Nations Unies en service en Libye a continué de travailler dans un environnement à haut risque. Les déplacements du personnel dans le pays et les vols internationaux de membres du personnel se rendant à Tripoli et en d'autres points du territoire libyen sont restés soumis à des restrictions en Libye.

VI. Observations

89. Depuis que le plan d'action des Nations Unies a été mis en place, des progrès importants ont été accomplis pour relancer le processus politique en Libye. Ces deux années écoulées sans incident majeur depuis la signature de l'Accord politique libyen ont apporté la preuve que toutes les parties étaient attachées au processus et à l'Accord, comme seul cadre politique pour mettre fin à la transition. À cet égard, je me félicite vivement du regain de dynamisme des protagonistes libyens et de leur collaboration avec mon Représentant spécial. Je salue également l'unité dont la communauté internationale a fait preuve pour soutenir le plan d'action et les efforts que mon Représentant spécial a déployés pour promouvoir la mise en place d'une gouvernance stable, unifiée, représentative et efficace, comme l'évoquait la déclaration du Président du Conseil de sécurité en date du 14 décembre 2017 (S/PRST/2017/26).

90. La reconnaissance mutuelle de la Chambre des députés et du Haut Conseil d'État et la constitution du comité conjoint de rédaction témoignent de la volonté de rejeter les solutions militaires et de trouver des solutions politiques dans le cadre d'un processus pris en main et dirigé par les Libyens. Le comité conjoint de rédaction a achevé ses réunions en insistant sur la nécessité d'adopter un mode de gouvernement plus solidaire, représentatif et efficace pour faciliter la fin de la période de transition et préparer les élections. J'espère que cet esprit de concertation et de compromis continuera de prévaloir entre tous les Libyens à mesure qu'ils ouvriront la voie à suivre.

91. L'enthousiasme que les Libyens ont manifesté dans tout le pays à la perspective de tenir des élections pour mettre fin à la période de transition me semble encourageant. Le nombre élevé d'inscrits sur les listes électorales, notamment parmi les femmes et les jeunes, témoigne de la hâte des Libyens de participer à des élections libres et régulières qui marqueront la fin de la période de transition. L'ONU demeure déterminée à prêter appui à la Haute Commission électorale nationale tout au long du processus électoral. La constitution des listes électorales est toutefois une des conditions préalables nécessaires à la tenue des élections. Il est essentiel que cette dernière recueille un large consensus pour que la population soit incitée à y participer et pour qu'elle en accepte les résultats. Il est également essentiel qu'un cadre juridique adéquat soit en place. Je demande donc instamment à la Chambre des débutés d'accomplir son devoir envers le peuple libyen en promulguant les dispositions législatives nécessaires, conformément à l'Accord politique libyen. L'ONU est prête à appuyer ces processus selon que de besoin.

92. Je rends par ailleurs hommage aux efforts qui ont été faits pour organiser des élections municipales quand les mandats des élus sont arrivés à échéance. Les municipalités ont pris de plus en plus des responsabilités non seulement pour promouvoir la gouvernance, mais aussi en assurant la prestation de services de base. Il est donc essentiel que l'appui à ces institutions soit maintenu et renforcé.

93. Mon Représentant spécial a estimé à juste titre qu'une vraie réconciliation était nécessaire pour procéder à la reconstruction des structures politiques. Il est indispensable d'agir en ce sens pour réunifier les institutions et rétablir la sécurité et la stabilité. À cet égard, je m'engage à ses côtés à nouer un dialogue avec les acteurs et groupes auparavant marginalisés qui sont maintenant prêts à s'engager dans le processus politique pour les y associer.

94. Je salue en outre les efforts constamment déployés par les populations de l'ensemble du pays pour travailler ensemble et parvenir à des accords de réconciliation au niveau local. Ces accords, dont certains ont été conclus avec l'aide de l'ONU, posent les premiers jalons indispensables sur la voie de la réconciliation nationale. Ils sont également essentiels pour améliorer les conditions de vie des victimes du conflit, car ils permettent dans certains cas à des personnes déplacées de revenir dans leur foyer dans des conditions de sécurité et dans la dignité. À cet égard, l'annonce faite par le Gouvernement d'entente nationale d'assurer le retour des déplacés de Taouargha dans leur foyer me semble encourageante. J'appelle de mes vœux la mobilisation de la commission préparatoire du projet de réconciliation nationale et la mise en place d'un fonds de réconciliation nationale.

95. Je me félicite vivement de la participation active des femmes libyennes au processus politique, ainsi qu'aux efforts de réconciliation en cours. À cet égard, j'ai constaté avec satisfaction que des femmes faisaient partie du comité conjoint de rédaction. Il reste toutefois encore beaucoup à faire pour que la représentation des femmes leur permette de participer réellement et efficacement à la vie politique. Je demande de nouveau à tous les acteurs politiques libyens d'œuvrer pour l'application de la résolution 1325 (2000) sur les femmes, la paix et la sécurité.

96. Je suis préoccupé par la détérioration de la situation humanitaire dans certaines parties du pays. Je me félicite que le Gouvernement libyen ait alloué 5 millions de dollars au fonds de stabilisation, et engage les États Membres à continuer de lui fournir une aide dont il a grandement besoin. À cet égard, j'exhorte les États Membres à financer le plan d'aide humanitaire pour la Libye dont devraient bénéficier 1,1 million de personnes dans le besoin à travers le pays.

97. Je demeure également préoccupé par l'insécurité latente qui règne dans une grande partie du pays. Le mois dernier, l'aéroport de Mitiga a dû fermer pendant près d'une semaine à la suite de violents affrontements qui avaient éclaté à Tripoli et la ville de Benghazi a été frappée par des attentats à la bombe les 24 janvier et 9 février qui ont provoqué des pertes en vies humaines, notamment parmi les civils. Je demande à tous les protagonistes d'éviter que l'insécurité ne s'aggrave davantage et de nouer un dialogue constructif pour trouver une solution politique. Je réaffirme qu'il est urgent de réformer et d'unifier les forces armées et les forces de sécurité, qui opèrent sous le contrôle des autorités civiles. Il faut par ailleurs mettre un frein à la prolifération généralisée des armes dans le pays, car celles-ci mettent en péril l'ordre public et le rétablissement de l'autorité de l'État.

98. Je prends note des efforts déployés par les experts libyens pour enrayer la prolifération de mines et de munitions non explosées, et tiens à exprimer ma gratitude aux donateurs dont l'appui a permis de renforcer les capacités requises à cette fin. La présence d'engins explosifs demeurant une grave menace qui pèse sans discernement sur l'ensemble la population civile, j'exhorte les États Membres à financer les activités conduites dans les domaines prioritaires en dispensant des formations et en fournissant du matériel.

99. Je suis profondément préoccupé par les allégations persistantes faisant état de traite d'êtres humains en Libye. J'encourage les autorités libyennes à n'épargner aucun effort pour identifier et traduire en justice les responsables de ces crimes odieux. Je demande à tous les acteurs de coopérer avec les autorités libyennes et de les aider à traduire ces responsables en justice. Le sort des migrants et les abus dont ceux-ci sont victimes en Libye et lorsqu'ils tentent de traverser la Méditerranée exigent toujours que soit menée d'urgence une action conjointe et concertée. J'ai bon espoir que la nouvelle équipe spéciale constituée par l'Organisation des Nations Unies, l'Union africaine et l'Union européenne permettra de traiter la question des migrations de manière globale. Je salue par ailleurs les efforts qu'ont récemment entrepris les pays d'origine pour améliorer le sort de leurs citoyens. Les organismes des Nations Unies continueront de faire face à la situation humanitaire et ont déjà accru leur soutien aux initiatives de rapatriement librement consenti et de réintégration. Je félicite les pays qui ont accepté d'accueillir les migrants qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d'origine et ont besoin de trouver asile.

100. Je tiens à saluer le rôle important que jouent les organisations régionales et les États voisins pour aider l'ONU à faciliter le processus politique libyen. L'unité de la communauté internationale pour aider à trouver un règlement pacifique à la crise libyenne conserve une importance cruciale. Je tiens à exprimer ma gratitude aux États membres pour le ferme appui qu'ils ont fourni à mon Représentant spécial et les encourage à veiller à ce que l'ONU puisse maintenir la dynamique enclenchée au cours des derniers mois.

101. Je tiens à remercier sincèrement le Gouvernement népalais d'avoir fourni le personnel de l'unité de gardes des Nations Unies. Je tiens également à exprimer ma gratitude à mon Représentant spécial, Ghassan Salamé, et au personnel du système des Nations Unies en Libye pour le dévouement dont ils ont fait preuve et le travail acharné qu'ils ont fourni pour que la transition en Libye ait une issue pacifique et pour mettre en place une gouvernance stable et efficace qui réponde aux aspirations légitimes du peuple libyen.


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Libya War
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