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Rapport présenté par le Secrétaire général en application de la résolution 2240 (2015) du Conseil de sécurité sur le trafic de migrants en Méditerranée au large des côtes libyennes


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Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2016/766 |*|

Distr. générale
7 septembre 2016
Français
Original : anglais

Rapport présenté par le Secrétaire général en application de la résolution 2240 (2015) du Conseil de sécurité

I. Introduction

1. Le présent rapport est présenté en application du paragraphe 18 de la résolution 2240 (2015) du Conseil de sécurité, dans lequel le Conseil m'a prié de lui rendre compte de l'application de ladite résolution, en particulier de ses paragraphes 7 à 10.

2. Le présent rapport retrace les évolutions intervenues entre le 9 octobre 2015, date de l'adoption de la résolution 2240 (2015), et le 23 août 2016. Les informations et observations qui y figurent reposent sur les éléments communiqués par les États Membres, les mécanismes régionaux et autres parties prenantes. Les organismes des Nations Unies ont également été largement consultés.

II. Trafic de migrants et traite d'êtres humains en Méditerranée au large des côtes libyennes |1|

3. Malgré mes appels à combattre les causes et facteurs qui poussent des personnes à traverser la Méditerranée par des voies irrégulières, ainsi qu'à sauver des vies en priorité, les efforts déployés aux niveaux national et régional ne se sont pas traduits par une amélioration immédiate de la situation. Depuis 2014, plus de 10 000 hommes, femmes et enfants ont péri ou disparu en mer en tentant de rejoindre l'Europe. Au 31 août 2016, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) avait recensé 3 169 morts et disparitions en Méditerranée pour 281 740 arrivées en Europe par la mer depuis le début de 2016.

4. La grande majorité des hommes, femmes et enfants faisant l'objet de trafic ou de traite par voie maritime entre les côtes de l'Afrique du Nord et l'Europe partent de Libye, en particulier des régions se trouvant immédiatement à l'est et à l'ouest de Tripoli, pour arriver en Italie. Cet itinéraire est communément appelé « route de la Méditerranée centrale ». En 2015, le HCR a enregistré plus de 150 000 personnes arrivées par la mer en Italie, dont environ 90 % étaient parties de Libye. D'après le HCR et l'opération militaire de l'Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (l'opération navale Sophia EUNAVFOR MED), au 15 août 2016, plus de 100 000 personnes, dont la plupart étaient originaires de pays d'Afrique subsaharienne, étaient arrivées en Italie en 2016. Parmi ces personnes, on comptait des demandeurs d'asile et des réfugiés fuyant les conflits et les persécutions. Les itinéraires empruntés et la composition des groupes de personnes arrivant en Europe ne cessent de changer, comme en témoigne la forte intensification du trafic maritime entre l'Égypte et l'Italie et entre l'Algérie et l'Italie qu'a constatée l'opération militaire de l'Union européenne ces derniers mois. Quelques embarcations partant de Turquie et de Tunisie à destination de l'Italie ont également été aperçues. Selon l'opération, si davantage de contrôles avaient été effectués sur certaines voies, notamment entre la Libye et l'Italie, d'autres itinéraires auraient été plus fréquemment empruntés. Le nombre d'enfants non accompagnés ou séparés de leur famille qui sont arrivés par la mer en Italie cette année a également fortement augmenté par rapport à 2015 (d'environ 116 % environ pour la période allant de janvier à juillet 2016 ).

5. Les réseaux criminels organisés, notamment ceux qui se livrent au trafic et à la traite, ont profité de l'insécurité en Libye pour développer leurs activités, ce qui a eu pour effet d'accroître encore l'instabilité. Ces activités lucratives auraient permis de financer, directement comme indirectement, des groupes armés et des organisations terroristes, dégradant davantage les conditions de sécurité et affaiblissant le contrôle exercé par les autorités. Il semble également que les activités criminelles ont fragilisé encore davantage les structures de gouvernance en alimentant la corruption.

6. Le modèle économique des passeurs consiste à répondre à la demande des demandeurs d'asiles, réfugiés et migrants qui souhaitent traverser la Méditerranée pour se rendre en Europe. À mesure que les contrôles se renforcent, les traversées clandestines deviennent plus difficiles et l'absence de moyens sûrs et réguliers de traverser d'ampleur égale favorise l'expansion du marché des services des passeurs. Aussi faut-il s'attendre à une augmentation de la demande de ce type de services. Selon les estimations de l'Office européen de police (Europol), plus de 90 % des personnes qui se sont rendues irrégulièrement dans un État membre de l'Union européenne en 2015 ont fait appel aux services de passeurs. Europol estime également que les réseaux criminels se livrant au trafic de migrants auraient engrangé 5 à 6 milliards d'euros en 2015.

7. Pour faire la traversée de l'Afrique du Nord à l'Europe, diverses embarcations sont utilisées, allant des embarcations de fortune et des canots pneumatiques à usage unique aux grands bateaux de pêche en passant par les bateaux en bois. Ces embarcations peuvent être utilisées non seulement pour faire la traversée, mais aussi pour transférer des personnes d'une embarcation à une autre ou à des fins de surveillance par les passeurs et trafiquants. En plus d'être impropres à la navigation et de ne pas être équipées de matériel de sauvetage, la plupart de ces embarcations ne transportent pas suffisamment de carburant pour atteindre les côtes européennes. D'après l'opération militaire de l'Union européenne, les réseaux de trafic de migrants en Libye semblent avoir trouvé une source fiable d'approvisionnement en bateaux pneumatiques impropres à la navigation, ce qui est particulièrement inquiétant. Les immenses pertes humaines dont on continue d'être témoins sont la conséquence de ce commerce dangereux. S'ils n'accompagnent généralement pas les personnes transportées, les passeurs se trouvent parfois sur d'autres embarcations pour superviser la traversée. Il est généralement demandé aux migrants de gouverner eux-mêmes les embarcations, qui sont en outre souvent équipées de matériel de communication leur permettant d'appeler directement à l'aide des organismes de sauvetage tels que le Centre italien de coordination des sauvetages maritimes.

8. Les réseaux de passeurs opérant sur les principaux itinéraires entretiennent des liens lâches, sont de tailles et d'envergures variées et comptent parmi leurs membres des ressortissants de plus de 100 pays, selon l'Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) et Europol. La structure de ces réseaux repose sur diverses fonctions clefs, notamment des responsables locaux, des courtiers, des personnes chargées de collecter et de transférer l'argent, des facilitateurs locaux et des prestataires de services criminels tels que la contrefaçon de documents d'identité et de voyage. D'après les estimations de l'Union européenne, le prix demandé par personne pour traverser la Méditerranée de l'Afrique du Nord à l'Europe sur un bateau pneumatique oscillerait entre 1 000 et 3 000 euros, voire plus, en fonction du type d'embarcation et des services fournis. Le bénéfice retiré par les passeurs pour chaque traversée se situerait entre 70 000 et 400 000 euros, voire plus lorsqu'ils utilisent des bateaux de pêche. Le trafic de migrants n'est pas une activité isolée, les personnes et réseaux se livrant généralement à d'autres formes d'activités criminelles. Selon INTERPOL et Europol, les infrastructures et moyens logistiques dont disposent les réseaux de passeurs existants peuvent aussi être utilisés pour transporter clandestinement des biens illicites tels que des stupéfiants ou des armes.

9. Depuis l'adoption de la résolution 2240 (2015) du Conseil de sécurité, les États Membres - de façon unilatérale, bilatérale et multilatérale, notamment dans le cadre d'organisations régionales - ont pris des mesures pour lutter contre le trafic et la traite au large des côtes libyennes et pour intensifier les opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée. Ces mesures comprennent notamment le renforcement des services chargés du contrôle et de la gestion des frontières, le développement des capacités et l'organisation de formations, et le déploiement ciblé de moyens et d'opérations navals en Méditerranée.

III. Inspection et saisie d'embarcations au large des côtes libyennes et mesures connexes

10. Dans le cadre des mesures prises pour prévenir et combattre le trafic et la traite au large des côtes libyennes, les États Membres, agissant à plusieurs ou dans le cadre d'organisations régionales, ont inspecté et saisi des embarcations conformément au droit international applicable et en vertu des pouvoirs particuliers qui leur sont conférés par la résolution 2240 (2015) du Conseil de sécurité. En outre, les autorités libyennes auraient sauvé quelque 10 246 hommes, femmes et enfants en 2016 dans le cadre d'opérations de sauvetage et d'interception menées à l'intérieur des eaux territoriales libyennes.

11. En particulier, les États membres de l'Union européenne, à l'exception du Danemark, ont lancé, le 22 juin 2015, une opération navale afin de déployer des efforts systématiques en vue d'identifier, de capturer et de neutraliser les embarcations, navires et ressources utilisés ou soupçonnés d'être utilisés par des passeurs ou des trafiquants d'êtres humains, afin de contribuer aux plus vastes efforts déployés par l'Union européenne en vue de démanteler le modèle économique des réseaux de trafic et de traite et d'empêcher que d'autres personnes ne perdent la vie en mer.

12. L'opération a lieu dans la partie sud de la Méditerranée centrale et se décline en trois phases opérationnelles. La première, achevée en septembre 2015, consistait à fournir un appui dans le cadre de la détection et de la surveillance des réseaux migratoires en recueillant des informations et en effectuant des patrouilles en haute mer. Aux termes de la décision (PESC) du Conseil de l'Union européenne 2015/778 du 18 mai 2015, la deuxième phase prévoit l'arraisonnement, la fouille, la saisie et le déroutement en haute mer des navires et des embarcations soupçonnés d'être utilisés pour la traite ou le trafic, dans les conditions prévues par le droit international applicable. Ces activités peuvent être menées dans les eaux territoriales, à condition d'y être autorisé par une résolution du Conseil de sécurité ou d'avoir obtenu l'accord de l'État côtier concerné. Durant la troisième phase, l'opération sera autorisée, sous réserve d'une résolution du Conseil ou de l'accord de l'État côtier concerné, à prendre toutes les mesures nécessaires à l'encontre d'un navire ou d'une embarcation et des ressources connexes soupçonnés d'être utilisés pour la traite ou le trafic, y compris en les éliminant ou en les mettant hors d'usage, sur le territoire dudit État, dans les conditions prévues par ladite résolution ou ledit accord.

13. Les États membres de l'Union européenne, à l'exception du Danemark, ont indiqué avoir mis en œuvre les mesures visées aux paragraphes 7 à 10 de la résolution 2240 (2015) du Conseil de sécurité dans le cadre de la deuxième phase de leur opération en haute mer, qui a commencé le 7 octobre 2015. Le 20 juin 2016, le Conseil de l'Union européenne a prorogé le mandat de l'opération jusqu'au 27 juillet 2017 et a confié à l'opération la mission supplémentaire de contribuer au renforcement des capacités et à la formation des gardes-côtes libyens et de la marine libyenne dans le domaine du maintien de l'ordre en mer, notamment pour prévenir le trafic et la traite. Au 31 août 2016, l'opération avait favorisé le sauvetage en mer de plus de 25 400 hommes, femmes et enfants et avait aidé, grâce aux ressources dont elle dispose, à sauver un nombre encore plus grand de personnes.

14. L'opération militaire de l'Union européenne a indiqué que, les 9 et 18 juillet 2016, elle avait pour la première fois détecté et confisqué des embarcations à bord desquelles se trouvaient des individus soupçonnés de se livrer au trafic de migrants, appréhendant l'équipage en haute mer au large des côtes libyennes. En ces deux occasions, l'opération a noté qu'elle avait des motifs raisonnables de croire que les embarcations étaient utilisées par des entités criminelles organisées implantées en Libye et se livrant au trafic et à la traite. Elle a en outre relevé que toutes les embarcations qu'elle avait inspectées et saisies n'avaient pas de pavillon. Au 9 août 2016, les autorités italiennes avaient arrêté 84 personnes soupçonnées de se livrer au trafic de migrants ou de le faciliter à la suite d'informations communiquées ou d'opérations menées par l'opération.

15. Le 9 août 2016, l'opération militaire avait détruit 241 embarcations, dont 198 bateaux pneumatiques, 38 embarcations en bois et 5 bateaux de pêche. Elle a fait observer qu'elle remorquait ou transportait les embarcations vers l'Italie aussi loin que possible, eu égard notamment à leur éventuelle utilité dans le cadre d'enquêtes et de poursuites, faute de quoi elle les détruisait afin de prévenir tout risque d'atteinte à la sécurité des gens de mer, à la navigation et au milieu marin, conformément aux normes et aux règles internationales.

16. Aucune information supplémentaire n'a été portée à l'attention du Secrétariat concernant d'autres inspections ou saisies d'embarcations, avec ou sans pavillon, auxquelles auraient procédé en haute mer au large des côtes libyennes des États Membres participant, à plusieurs ou dans le cadre d'organisations régionales, à la lutte contre le trafic et la traite, conformément au droit international applicable ou en vertu du pouvoir qui leur est conféré par la résolution 2240 (2015) du Conseil de sécurité.

17. Le Conseil de sécurité a engagé les États Membres mettant en œuvre les mesures visées aux paragraphes 7 et 8 de sa résolution 2240 (2015) à coopérer, les premiers en s'employant de bonne foi à demander le consentement de l'État du pavillon du bateau avant d'exercer les pouvoirs conférés par le paragraphe 7 de la résolution, les seconds en examinant ces demandes et y répondant rapidement. À cet égard, l'opération militaire de l'Union européenne estime que quatre heures constituent une durée raisonnable pour considérer que des efforts visant à obtenir l'accord d'un État du pavillon concerné ont été faits de bonne foi, même si elle n'a pour l'instant eu à faire aucune demande de ce type.

18. L'opération militaire de l'Union européenne a indiqué qu'elle tenait compte de ses obligations juridiques relatives à la protection des droits de l'homme lorsqu'elle menait toute activité au titre de la résolution 2240 (2015) du Conseil de sécurité, et notamment qu'elle respectait le principe de non-refoulement.

19. En outre, conformément à l'appel lancé par le Conseil de sécurité en vue d'assurer en priorité absolue la sécurité des personnes à bord et d'éviter de causer des dommages au milieu marin ou de porter atteinte à la sécurité de la navigation, l'opération militaire de l'Union européenne a noté qu'elle avait publié, ou publiait, des directives générales sur la prévention de l'exploitation et des atteintes sexuelles, la destruction des embarcations conformément aux dispositions applicables du droit international et le traitement à bord des personnes sauvées en mer.

20. Lors de l'inspection et de la saisie d'embarcations soupçonnées d'être utilisées pour le trafic ou la traite, l'opération militaire de l'Union européenne coopère étroitement au niveau opérationnel avec les autorités de l'Union chargées de la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust), du maintien de l'ordre (Europol) et de la gestion des frontières (Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne). Cette dernière conduit également deux opérations maritimes en Méditerranée : Triton en Méditerranée centrale et Poséidon en Méditerranée orientale. Dans ce cadre, ces entités ont adopté, sous différentes formes, des accords de coopération, de coordination, d'échange de connaissances et d'informations ou encore d'entraide, et ont déployé des officiers de liaison. De plus, des discussions sont en cours entre l'opération militaire et d'autres entités comme INTERPOL et l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) en vue de conclure des accords similaires. L'opération militaire s'emploie à coordonner ses opérations avec les activités des gardes-côtes libyens et l'opération navale italienne Mare Sicuro en échangeant des informations au cas par cas. Elle collabore également avec le Commandement des États-Unis pour l'Afrique, le Commandement des États Unis en Europe et le Commandement maritime de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN).

21. Afin de contribuer aux enquêtes et aux poursuites visant les personnes soupçonnées de se livrer au trafic et à la traite en mer, l'opération militaire de l'Union européenne coopère étroitement avec les autorités italiennes, lesquelles sont pénalement compétentes, en leur fournissant des informations et des éléments de preuve. Le 22 octobre 2015, la Direction nationale italienne de lutte contre la mafia a publié des directives sur les conditions d'exercice de la compétence pénale de l'Italie sur les personnes ayant été appréhendées en mer par l'opération.

22. Plus largement, l'opération militaire de l'Union européenne coopère en outre avec des organisations internationales, notamment l'ONU et les organismes des Nations Unies, des États Membres et des organisations non gouvernementales. Un mécanisme visant à harmoniser et à coordonner les activités des États Membres et autres entités participant à des opérations de sécurité maritime, dénommé « Shared awareness and de-confliction in the Mediterranean », a été mis en place.

IV. Appui à la Libye et efforts connexes de lutte contre le trafic et la traite au large des côtes libyennes

23. Dans sa résolution 2240 (2015), le Conseil de sécurité demande aux États Membres d'aider la Libye, à sa demande, à renforcer les moyens dont elle dispose pour sécuriser ses frontières et prévenir les actes de trafic et de traite, enquêter à leur sujet et en poursuivre les auteurs sur son territoire et dans ses eaux territoriales.

24. Le 23 mai 2016, le Conseil de l'Union européenne s'est engagé à travailler, à la demande du Gouvernement d'entente nationale libyen et en partenariat avec lui, à l'élaboration d'une approche globale de la gestion des migrations axée à la fois sur la lutte contre les passeurs et les trafiquants et sur le renforcement des capacités et la formation des gardes-côtes libyens et de la marine libyenne. Le 23 août 2016, l'opération militaire de l'Union européenne, les gardes -côtes libyens et la sécurité portuaire libyenne ont signé un mémorandum d'accord sur la formation des gardes-côtes libyens et de la marine libyenne.

25. Le 4 août 2016, le Conseil de l'Union européenne a prorogé jusqu'au 21 août 2017 le mandat de la mission d'assistance de l'Union européenne pour une gestion intégrée des frontières en Libye, qui coopère étroitement avec la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL). Elle planifie actuellement une éventuelle participation future de l'Union européenne en matière de conseil et de renforcement des capacités dans les domaines notamment de la justice pénale, des migrations, du trafic et de la traite, à l'appui et à la demande de la Libye.

26. Le 9 juillet 2016, l'OTAN a annoncé que l'opération maritime antiterroriste « Active Endeavour » avait été transformée en une opération de sécurité maritime plus large, appelée « Sea Guardian », chargée d'accomplir l'ensemble des tâches propres aux opérations de sécurité maritime, selon les besoins. Dans le communiqué qui a été publié par les chefs d'État et de gouvernement participant à la réunion du Conseil de l'Atlantique Nord qui s'est tenue à Varsovie les 8 et 9 juillet, ces derniers donnent leur accord de principe à un éventuel rôle de l'OTAN en Méditerranée centrale afin de venir compléter et de soutenir l'opération militaire de l'Union européenne, notamment par une contribution au renforcement des capacités des gardes-côtes et de la marine de la Libye.

27. Les organismes des Nations Unies et d'autres entités appuient également le Gouvernement d'entente nationale libyen et coopèrent avec les États Membres qui fournissent une assistance au pays. La MANUL surveille la situation des migrants dans les lieux de détention et s'en est inquiétée spécifiquement auprès de l'Organisme libyen de lutte contre la migration illégale, l'exhortant à mettre fin aux violations graves et généralisées.

28. La MANUL collabore avec l'opération militaire de l'Union européenne, notamment pour mettre au point des activités de renforcement des capacités pour les gardes-côtes libyens et la marine libyenne. Depuis 2015, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) et le HCR ont organisé, à l'intention du personnel des navires de l'Union engagés en Méditerranée, des séances de formation sur les droits de l'homme et le maintien de l'ordre, les droits fondamentaux des migrants, les règles à suivre pour le traitement de toutes les personnes sauvées ou interceptées en mer, ainsi que la protection et les droits fondamentaux des réfugiés. À la suite de la prorogation du mandat de l'opération militaire de l'Union européenne en juin 2016, le HCR a tenu des discussions préliminaires au sujet du concours qu'il pourrait apporter aux activités de formation, notamment sur le droit international des réfugiés et le droit international des droits de l'homme. L'ONUDC a également organisé plusieurs consultations avec les représentants de l'opération militaire de l'Union européenne pour créer des synergies dans le cadre des activités de renforcement des capacités en matière de lutte contre le trafic et la traite.

29. Depuis mi-2015, le HCR et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont tenu trois consultations techniques avec les gardes-côtes libyens, la Direction libyenne de lutte contre la migration illégale et des organisations non gouvernementales, en vue d'examiner les questions liées au sauvetage en mer. Des travaux sont également en cours pour mettre en place un mécanisme visant à améliorer la communication et à faciliter la coopération entre les autorités libyennes, les organisations internationales et les organisations non gouvernementales, afin de renforcer les réponses opérationnelles nationales et d'améliorer la prévisibilité de la fourniture de l'aide humanitaire et de l'appui au moment du débarquement des personnes sauvées en mer.

30. L'Organisation internationale pour les migrations mène des activités de rapatriement pour raisons humanitaires dans le cadre de plusieurs projets en Libye. Ces opérations s'inscrivent dans une stratégie globale de gestion des migrations visant le retour et la réintégration, en bon ordre et dans des conditions humaines, des migrants qui ne peuvent pas ou ne veulent pas rester dans des pays d'accueil touchés par un conflit ou une catastrophe naturelle et qui souhaitent retourner volontairement dans leur pays d'origine. Cette approche facilite également le retour des migrants naufragés dans la sécurité et la dignité.

V. Mesures internationales de lutte contre le trafic et la traite

31. Au niveau international, des efforts politiques, humanitaires et autres renouvelés sont actuellement déployés pour apporter une réponse globale à la question des déplacements massifs de réfugiés et de migrants ainsi qu'au problème du trafic illicite de migrants et de la traite d'êtres humains. La réunion plénière de haut niveau que tiendra l' Assemblée générale sur la question le 19 septembre 2016 sera l'occasion idéale de définir et d'affiner notre action collective à cet égard. L'ONU apporte sa coopération et son appui aux États Membres dans la lutte contre le trafic et la traite de diverses façons, comme indiqué ci-après.

32. En 2015, l'ONUDC a lancé sa stratégie de lutte contre le trafic illicite de migrants en Méditerranée, qui vise à apporter une solution globale par une intervention stratégique et intégrée. Dans la mise en œuvre de la stratégie, et dans le cadre du Plan d'action mondial de l'ONUDC et de l'Union européenne visant à prévenir et à combattre le trafic et la traite, couvrant la période 2015 -2019, l'ONUDC a ainsi coopéré avec l'Égypte et le Maroc en vue d'évaluer l'action que ces deux pays mènent actuellement pour faire face à la traite et au trafic. En ce qui concerne le renforcement des capacités nationales et des cadres législatifs, il a entrepris plus de 10 activités de renforcement des capacités en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, y compris dans les pays qui constituent des points de transit sur la côte méditerranéenne.

33. Pour promouvoir la coopération régionale et transrégionale, l'ONUDC a organisé du 14 au 16 octobre 2015 à Syracuse (Italie) un atelier de formation transrégional sur le trafic de migrants en Méditerranée, l'une des premières initiatives d'assistance technique mises en œuvre depuis l'adoption de la résolution 2240 (2015) du Conseil de sécurité. Cet atelier était destiné aux agents de première ligne, aux professionnels de la justice pénale et aux décideurs des États membres de l'Union européenne et du bassin méditerranéen, ainsi que de l'Égypte, de l'Érythrée, du Liban, de la Libye, du Mali, du Maroc, du Niger, du Nigéria, de la Somalie, du Soudan, de la Tunisie et de la Turquie.

34. L'ONUDC appuie également les pays d'origine et de transit jalonnant la route qui mène à la côte méditerranéenne. En avril 2016, il a ainsi fourni une formation spécialisée sur la lutte contre le trafic de migrants par voie aérienne et sur la détection des documents frauduleux. En Afrique de l'Est, il a fourni un appui législatif et une formation sur la traite et le trafic. En Afrique de l'Ouest, il appuie actuellement les écoles de police et de gendarmerie de plusieurs États en vue d'intégrer des modules sur le trafic de migrants et la traite de personnes dans les programmes de formation nationaux. Ces activités ont été mises en œuvre dans le cadre de la Stratégie régionale de l'ONUDC pour la lutte contre la traite et le trafic en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale, couvrant la période 2015 -2019.

35. Les programmes, les stratégies et les projets spécifiques régionaux de l'ONUDC ont aidé les États Membres partout dans le monde. Ils ont notamment permis de mener à bien plus de 40 activités majeures d'assistance technique au profit de quelque 70 pays, et de former plus de 1 100 fonctionnaires et professionnels de la justice pénale à la prévention et à la répression de la traite de personnes et du trafic de migrants. L'ONUDC a apporté un appui technique à la troisième session du Groupe de travail sur le trafic illicite de migrants, qui s'est tenue à Vienne du 18 au 20 novembre 2015 et a abouti à l'adoption de recommandations ciblées sur le trafic illicite de migrants par voie maritime (voir CTOC/COP/WG.7/2012/6). Ces recommandations portaient sur les questions de compétence relatives aux faits de trafic de migrants en haute mer mettant en cause des bateaux sans pavillon, sur l'irresponsabilité pénale des gens de mer qui aident, secourent ou débarquent des migrants en détresse en mer, et sur l'aide et la protection à apporter aux migrants objets de trafic.

36. La résolution 2014/23 du Conseil économique et social sur le renforcement de la coopération internationale dans la lutte contre le trafic illicite de migrants et la Déclaration de Doha sur l'intégration de la prévention de la criminalité et de la justice pénale dans le programme d'action plus large de l'Organisation des Nations Unies visant à faire face aux problèmes sociaux et économiques et à promouvoir l'état de droit aux niveaux national et international et la participation du public, adoptée au treizième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale en 2015, invitent les États à envisager d'ouvrir des enquêtes financières parallèles lors des enquêtes et des poursuites concernant le trafic et la traite. À cette fin, l'ONUDC aide les États Membres à lutter contre le modèle économique des groupes criminels organisés en renforçant leurs capacités de suivre, geler et confisquer les produits tirés du trafic et de la traite, ainsi qu'en améliorant la coordination et l'échange d'informations entre les services compétents.

37. En janvier 2016, le HCDH a proposé des mesures spécifiques visant à remédier aux lacunes dans le domaine de la protection des migrants en transit, et notamment à parer à leur vulnérabilité face aux violences, aux atteintes et à l'exploitation (voir A/HCR/31/35).

38. En septembre 2015, 26 États membres de l'Organisation maritime internationale (OMI), ainsi que d'autres organisations internationales et non gouvernementales, ont conclu que le cadre juridique international régissant le sauvetage en mer des personnes prises dans des flux migratoires mixtes (mouvements parallèles de migrants, de réfugiés et de demandeurs d'asile) était solide. Ils ont souligné toutefois que le cadre n'avait pas été conçu ou envisagé pour faire face à des déplacements massifs de réfugiés et de migrants par voie maritime, et qu'il était essentiel d'empêcher les navires excessivement surchargés et manifestement dangereux de prendre la mer pour réduire les pertes en vies humaines. Les questions complexes soulevées par l'insécurité des migrations mixtes par mer ont également été examinées lors d'un colloque de deux jours, organisé par l'Université maritime mondiale de l'OMI à Malmô (Suède) les 26 et 27 avril 2016. Lors de ce colloque, l'OMI a fait observer que le secteur maritime et d'autres secteurs pourraient contribuer à atténuer les causes profondes de l'insécurité des migrations mixtes par mer, en mettant l'accent sur la création de conditions propices à l'accroissement de l'emploi, de la prospérité et de la stabilité par le renforcement du secteur maritime et de la viabilité de l'économie bleue dans les pays en développement.

39. Deux sessions du Forum opérationnel sur la lutte contre les réseaux de trafic de migrants, organisées conjointement par INTERPOL et Europol en octobre 2015 et en février 2016, a contribué au renforcement de la confiance et au resserrement de la coopération opérationnelle entre les pays d'origine, de transit et de destination touchés par les mouvements actuels de réfugiés et de migrants à destination de l'Europe. INTERPOL a également organisé des opérations ayant pour objet la localisation et l'arrestation des fugitifs internationaux pour aider les États Membres à retrouver et à appréhender les personnes recherchées pour leur participation au trafic de migrants, promouvoir le partage mondial d'informations quant à leur localisation, resserrer les liens entre les enquêteurs et les unités spécialisées, et promouvoir l'utilisation des notices et des diffusions INTERPOL.

40. L'ONU aide également les États Membres à réintégrer les migrants qui retournent chez eux, ainsi qu'à remédier aux facteurs et aux causes profondes à l'origine des mouvements dans les pays voisins et dans l'ensemble de la région (exclusion politique et économique, marginalisation, discrimination, extrémisme violent). L'amélioration des conditions socioéconomiques, notamment l'accroissement de l'accès aux services de base et de la participation politique, le renforcement des systèmes de justice et de sécurité, ainsi que la création de voies de migration régulières sûres et adaptées, seront essentiels pour faire en sorte que les migrants ne soient pas obligés d'emprunter des itinéraires dangereux et mortels.

41. Les mesures de lutte contre le trafic et la traite doivent être intégrées aux initiatives mondiales de gestion des déplacements et des migrations. À l'ONU, un comité directeur, présidé par le Vice-Secrétaire général et réunissant les organismes compétents des Nations Unies, guide l'action entreprise à l'échelle du système pour faire face aux déplacements massifs de réfugiés et de migrants depuis la mi-2015, notamment en donnant des indications sur les moyens d'aider au mieux les États Membres dans la définition d'une stratégie coordonnée à l'échelle mondiale de gestion de la mobilité humaine sous toutes ses formes pour assurer la protection des droits des migrants et des réfugiés.

42. Le 30 septembre 2015, j'ai organisé, en marge de l'Assemblée générale, une manifestation parallèle de haut niveau sur le renforcement de la coopération relative aux migrations et aux déplacements de réfugiés dans la perspective du nouveau programme de développement, qui visait à favoriser le renforcement de la coopération et de l'action collective face aux défis de la migration et de la mobilité humaine. J'ai insisté sur la nécessité de sauver des vies humaines et d'assurer la protection et la non-discrimination dans notre action, qui devrait être fondée sur les principes de la responsabilité partagée et de la coopération. Un message clef de cette manifestation était que seule la création de voies de circulation régulières et sécurisées pouvait mettre un coup d'arrêt au modèle économique des passeurs et à l'exploitation à laquelle se livrent les trafiquants.

43. Le 20 novembre 2015, le Président de l'Assemblée générale a convoqué une séance plénière, inscrite dans le prolongement de ces importantes réflexions, sur la sensibilisation de l'opinion mondiale au drame que vivent les migrants en situation irrégulière dans le bassin méditerranéen, en particulier les demandeurs d'asile syriens. Dans sa résolution annuelle sur les océans et le droit de la mer, l'Assemblée a continué de fournir des orientations générales sur la question des migrations par mer. Dans sa résolution 70/235, elle a notamment noté avec une vive préoccupation l'intensification récente du trafic de migrants par mer et de la mise en danger de vies humaines, et souligné la nécessité de parer à de telles situations conformément au droit international applicable. Elle a reconnu que tous les États devaient s'acquitter de leurs responsabilités en matière de recherche et de sauvetage, conformément au droit international, dont la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

44. Par une déclaration de son président publiée le 16 décembre 2015 (S/PRST/2015/25) à la suite de sa toute première réunion sur la traite des êtres humains, le Conseil de sécurité a demandé aux États Membres de renforcer leur engagement politique et de mieux s'acquitter des obligations qui leur incombent d'incriminer, de prévenir et de combattre de toute autre manière la traite, et de redoubler d'efforts pour détecter et désorganiser la traite. Il a également noté que la traite d'êtres humains nuisait à l'état de droit et favorisait d'autres formes de criminalité transnationale organisée, ce qui pouvait exacerber les conflits et alimenter l'insécurité. Dans une déclaration faite à la presse le 22 avril 2015, le Conseil a fait part de ces préoccupations dans le sillage d'une tragédie maritime survenue au large des côtes libyennes. Il a souligné les risques que représentaient pour la stabilité régionale la criminalité transnationale organisée et les activités frauduleuses telles que la traite et le trafic, et condamné et déploré ces agissements qui compromettent la stabilisation de la Libye et mettent des vies en danger.

45. Le 5 janvier 2016, j'ai nommé un conseiller spécial chargé de diriger la préparation de la réunion plénière de haut niveau que l'Assemblée générale tiendra le 19 septembre 2016 sur les déplacements massifs de réfugiés et de migrants. Dans le cadre des préparatifs de cette réunion, j'ai réaffirmé, dans mon rapport intitulé « Sûreté et dignité : gérer les déplacements massifs de réfugiés et de migrants » (A/70/59), la nécessité d'inscrire la lutte contre le trafic de migrants et la traite d'êtres humains dans le cadre d'une réponse mondiale aux déplacements massifs de réfugiés et de migrants. À cet égard, je tiens à souligner que seule une approche globale des déplacements forcés et de la mobilité mondiale, fondée sur le partage des responsabilités et la facilitation des migrations en bon ordre, dans des conditions sûres, régulières et responsables, constituera une stratégie efficace.

46. Le 30 mars 2016, la réunion de haut niveau que le HCR a organisée à Genève sur le partage des responsabilités au niveau mondial par des voies d'admission des réfugiés syriens a débouché sur d'importantes promesses tendant à l'accueil d'un plus grand nombre de réfugiés syriens.

VI. Principales questions

47. Ce n'est pas seulement pendant la traversée de la mer Méditerranée proprement dite, mais aussi avant et après, que les migrants risquent leur vie et peuvent être blessés. Il y a de grandes chances qu'ils soient dépouillés de leurs effets personnels par des voleurs et victimes de multiples violences à un moment ou à autre de leur périple. Les hommes, les femmes et les enfants qui arrivent en Libye restent souvent dépendants des réseaux criminels qui les ont conduits jusque-là. Pris dans des rapports de force inégaux avec les trafiquants, les migrants et les victimes de la traite sont extrêmement vulnérables à la violence, aux maltraitances et à l'exploitation, en particulier les femmes en situation de risque, les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées. La plupart du temps, elles ne sont pas en mesure d'obtenir justice et réparation. Qui plus est, elles sont parfois renvoyées de force dans leur pays d'origine ou dans des pays tiers. Les opérations de lutte contre le trafic des êtres humains doivent être menées dans le respect des droits de tous et sous la protection efficace de la police et des autorités judiciaires.

48. La Libye n'est pas partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ni au Protocole de 1967 y relatif. Le pays a ratifié la Convention de l'Organisation de l'unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique de 1969 mais n'a pas encore adopté de législation ni établi de procédures relatives au droit d'asile. Toutes les entrées et tous les séjours ou départs illégaux constituent des infractions au regard du droit interne.

49. Les autorités libyennes de transition font face à de multiples difficultés, dont la division politique, l'instabilité, l'extrémisme violent et la nécessité d'améliorer les services publics. Hommes, femmes et enfants continuent malgré tout de traverser le pays. Les réfugiés et les migrants sauvés ou interceptés en mer par les autorités nationales sont débarqués en Libye et transférés dans des centres où ils risquent d'être retenus arbitrairement pour une durée indéterminée sans possibilité de recours à un contrôle judiciaire. Dans ces centres, qui sont administrés par les autorités libyennes mais aussi par des groupes non étatiques, les conditions de vie des détenus sont inhumaines et dégradantes et les risques auxquels ils sont exposés sont nombreux : torture, maltraitance, extorsion, travail forcé, violence sexuelle et sexiste et mauvais traitements, discrimination religieuse et meurtre. Très souvent, ils ont tout juste accès aux biens et services de première nécessité. Les centres de détention connaissent une surpopulation chronique, les installations sanitaires sont insuffisantes et souvent hors d'état de fonctionnement, la sous-alimentation est générale et il n'y a pas d'installations médicales ni de possibilités de loisirs. Le conflit libyen a aggravé la condition déjà vulnérable des demandeurs d'asile, des réfugiés et des migrants, qui courent le danger d'être enlevés, torturés et maltraités, exploités, extorqués ou tués par divers groupes armés, des passeurs et des trafiquants, ainsi que par les autorités libyennes. À cet égard, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a reçu des informations jugées crédibles faisant état de violences sexuelles, y compris de viols, commises contre des femmes et des filles par des gardes de centres de détention pour migrants, ainsi que par des acteurs non étatiques, notamment des passeurs et, plus largement, des trafiquants.

50. En plus d'être exposés à tous ces risques, certains groupes sont encore plus vulnérables que les autres. Selon des informations émanant de partenaires humanitaires sur le terrain, les personnes originaires d'Afrique subsaharienne sont détenues sur de plus longues périodes que celles venues d'autres régions. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés s'est alarmé du grand nombre d'enfants non accompagnés et séparés de leurs parents. En 2016, les femmes et les enfants constituaient une part plus importante des flux de migrants qui cherchaient à traverser la mer Méditerranée qu'en 2015, une évolution qui ne fait qu'accroître les risques de violence sexuelle et sexiste, de travail forcé et de travail des enfants et d'autres formes d'exploitation et de discrimination.

51. Quand des hommes, des femmes et des enfants sont interceptés ou sauvés en mer au large des côtes libyennes, il importe plus que tout de s'assurer du maintien de leur sécurité et de leur sûreté, conformément au droit international, et notamment à l'interdiction de refoulement. En octobre 2015, le HCR a publié une mise à jour de sa position sur les retours en Libye, dans laquelle il exhortait tous les États à interrompre tous les retours forcés dans ce pays tant que les conditions de sécurité et la situation en matière de droits de l'homme ne s'y seraient pas nettement améliorées. Cette recommandation reste valable sans préjudice des autres obligations, au regard du droit international, régional ou national, concernant la protection des personnes admissibles au statut de réfugié ou toute autre forme de protection internationale prévue par la Convention de 1951 et les autres instruments pertinents. Le Haut-Commissariat a également vivement encouragé les États à ne pas renvoyer en Libye les personnes originaires de pays tiers qui seraient interceptées en mer, et à donner à ceux cherchant à obtenir une protection internationale la possibilité d'avoir accès à des procédures d'asile justes et efficaces dans le pays de débarquement.

52. Le HCDH a appelé le Gouvernement d'entente nationale libyen, les autres États Membres et les organisations régionales à coopérer à tous les niveaux pour renforcer les capacités de la marine et des gardes-côtes libyens, dans le strict respect des droits fondamentaux des personnes concernées. Ainsi, cette coopération ne devrait pas faciliter le retour des personnes rescapées à des situations qui les exposeraient au risque d'être arbitrairement détenues ou de subir des violences, principe que les États Membres qui agissent par l'intermédiaire des organisations régionales et développent leurs activités, notamment de renforcement des capacités, dans les eaux territoriales libyennes, doivent s'efforcer d'appliquer.

53. Le droit international prescrit de débarquer les personnes secourues en mer dans un lieu sûr. Il reste au Comité de la sécurité maritime de l'OMI à examiner la question dans le contexte libyen, à la lumière de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer et de la résolution MSC. 167(78) dans laquelle figurent les Directives sur le traitement des personnes sauvées en mer. Compte tenu de l'instabilité sur le plan de la sécurité et des risques spécifiques liés à la protection des ressortissants de pays tiers, le Haut-Commissariat aux réfugiés estime que la Libye ne remplit pas les conditions qui lui permettraient d'être considérée comme un lieu sûr aux fins de débarquement après un sauvetage en mer.

54. L'Union européenne a noté que pour des motifs juridiques, ses agents ne pouvaient pas monter à bord de tous les navires suspectés d'être utilisés à des fins de trafic et de traite au large de la Libye, ni les inspecter ou les saisir; en effet, aucun pays de départ présumé autre que la Libye n'est envisagé dans la résolution 2240 (2015) du Conseil de sécurité. L'Union estime que compte tenu des changements dans les voies d'acheminement des migrants vers l'Europe et de l'apparition de nouveaux itinéraires, l'opération militaire de l'Union européenne n'est pas en mesure de lutter pleinement contre le trafic et la traite. Les responsables de l'opération jugent que leur présence et leurs activités ont réduit la liberté de manœuvre des passeurs et les ont gênés dans leurs entreprises et leurs stratégies, mais que des mesures énergiques doivent être prises en mer et sur terre.

55. Les migrations maritimes à grande échelle sont source de toute une série de problèmes pour le secteur maritime et les gens de mer. Sur le plan juridique, au regard du Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, un État Partie qui prend des mesures à l'encontre d'un navire suspecté de se livrer au trafic de migrants doit tenir dûment compte de la nécessité de ne pas porter préjudice aux intérêts commerciaux ou aux droits de l'État du pavillon ou de tout autre État intéressé, et de la nécessité de ne pas compromettre la sécurité du navire ou de sa cargaison.

56. À l'échelle mondiale, plus de de 80 % des échanges commerciaux s'effectuent par mer. Toute perturbation affectant la portion maritime de la chaîne d'approvisionnement représente par conséquent un risque pour les économies nationales et régionales. En 2014 et 2015, en mer Méditerranée seulement, quelque 1 300 navires de commerce ont été déviés de leur itinéraire pour prendre part à 392 opérations de sauvetage qui ont permis à 57 515 hommes, femmes et enfants d'échapper à la mort.

57. Les marins continuent avec courage de s'acquitter de leur devoir d'assistance aux migrants. Il convient toutefois de ne pas sous-estimer le danger que courent ces gens de mer et les rescapés montés à bord. En général, les navires marchands ont des équipages peu nombreux et ne sont pas aménagés pour transporter, nourrir et prendre soin d'un grand nombre de personnes qui, dans le cas de migrants pour la plupart désespérés et sous pression, peuvent manifester de l'agitation. En outre, les équipages n'ont pas reçu la formation qui leur permettrait de répondre aux besoins médicaux des naufragés et de faire face à leur traumatisme. Avec sa haute coque, sans matériel d'embarquement adapté ni personnel spécialisé dans les opérations de sauvetage en mer, le navire marchand est mal équipé pour mener de telles opérations. Beaucoup des migrants qui sont morts en mer se trouvaient à bord d'un bateau ayant chaviré à proximité d'un navire dont l'équipage est resté impuissant à les sauver. Les navires présentent également une part de danger pour ceux qui méconnaissent les règles strictes de sécurité suivies par le personnel maritime, auxquelles peuvent s'ajouter des directives supplémentaires si les marchandises transportées sont dangereuses. L'OMI, le Haut-Commissariat aux réfugiés et la Chambre internationale de la marine marchande ont élaboré des directives relatives aux opérations de sauvetage en mer à grande échelle.

58. Le trafic et la traite perturbent également le secteur de la pêche en Libye, y compris les opérations des grandes flottes de pêche. Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, le secteur des pêches ne contribue pas du tout à l'économie nationale à la hauteur attendue. En 2015, la flotte de pêche aurait compté quelque 3 000 navires. Le Secrétariat de l'ONU n'a reçu aucune information indiquant que les activités menées au titre des dispositions prévues aux paragraphes 7 et 8 de la résolution 2240 (2015) auraient eu une incidence sur le milieu marin.

VII. Observations

59. Je tiens à saluer les efforts inestimables et le courage des hommes et des femmes qui risquent leur vie dans les opérations de recherche et de sauvetage le long des côtes méditerranéennes, qu'ils fassent partie des autorités nationales, de la marine marchande, de la société civile, des habitants des localités concernées ou encore de l'opération militaire de l'Union européenne. Je suis, dans le même temps, profondément préoccupé par le fait que le nombre d'hommes, de femmes et d'enfants qui meurent ou disparaissent en Méditerranée n'a pas diminué. En attendant que les efforts de prévention portent leurs fruits, je demande aux États Membres de continuer de renforcer les capacités de recherche et de sauvetage qu'ils mettent à disposition et de faire leur possible pour atténuer les conséquences du trafic et de la traite sur les autres professionnels de la mer, du transport maritime de marchandises ou du commerce.

60. La stratégie de lutte contre la prolifération du trafic de migrants et de la traite d'êtres humains au départ des côtes libyennes ne peut être véritablement durable et efficace que si elle est multidimensionnelle et vise à remédier aux causes du problème et aux facteurs qui poussent les gens à quitter leur foyer. Il faut en parallèle garantir leur protection et leur transit en toute sécurité, grâce à la solidarité internationale et à l'indispensable coopération des pays d'origine, de transit et de destination. Faire en sorte que ces personnes ne soient plus contraintes de faire appel aux services de passeurs pour traverser illégalement les frontières permettra non seulement de détruire le modèle économique sur lequel prospèrent ces passeurs, mais aussi d'empêcher la mort, les souffrances et l'exploitation des hommes, des femmes et des enfants qui sont à la merci de groupes criminels organisés.

61. Cette stratégie comprend un volet répressif, en particulier en ce qui concerne le crime organisé, la prévention des conflits armés et des actes de violence, les initiatives visant à mettre fin à la persécution et aux violations systématiques des droits de l'homme, ainsi que dans l'optique de remédier aux lacunes dans les domaines de la gouvernance et de l'état de droit, de créer des débouchés économiques et de mettre en place un développement durable et qui profite à tous. Les mesures visant à améliorer la prévention et le contrôle des passages irréguliers aux frontières doivent aller de pair avec la multiplication des voies de passage sûres et régulières pour les réfugiés et les migrants. Toutes les mesures prises pour lutter contre le trafic et la traite doivent être menées dans le plein respect du droit international des droits de l'homme et des normes connexes applicables. Je reconnais que cette stratégie exige des efforts qui dépassent le cadre des mesures nationales et régionales, et qui sont étroitement liés à la volonté renouvelée de la communauté internationale de remédier aux déplacements massifs de réfugiés et de migrants, de prévenir les conflits et l'extrémisme violents, de répondre à des besoins humanitaires toujours plus criants, et d'œuvrer au développement durable pour tous. Dans ce contexte, les objectifs de développement durable offrent un cadre opportun pour s'attaquer à certaines des causes profondes des mouvements de réfugiés et de migrants et promouvoir des politiques de migration bien gérées.

62. Un nombre considérable d'hommes, de femmes et d'enfants continuent d'être transportés illégalement par bateau des côtes libyennes vers l'Europe. Il incombe au premier chef aux États Membres de prévenir la prolifération du trafic de migrants et la traite des êtres humains, notamment au large des côtes libyennes. Pour ce faire, il est indispensable que les États Membres coopèrent entre eux et avec les autres acteurs concernés. La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, son Protocole contre le trafic illicite de migrants et le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants établissent des modalités générales et spécifiques de coopération et d'assistance aux fins de la prévention, des enquêtes et des poursuites relatives aux infractions visées par leurs dispositions. Ces dispositions ont trait à la coopération entre les États parties et aux mesures visant à renforcer la coordination entre eux, à l'adoption d'accords et d'arrangements multilatéraux, régionaux et bilatéraux fixant des délais raisonnables pour répondre aux demandes, aux modalités d'arraisonnement des navires soupçonnés de servir au trafic illicite de migrants, et aux questions de compétence juridictionnelle qui se posent lorsque des infractions sont commises à bord de navires battant un pavillon national, mais aussi à bord de navires sans pavillon. J'encourage les États Membres à coopérer étroitement dans la lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains et à faire usage des cadres de coopération offerts par les instruments internationaux pertinents. Je me joins par ailleurs au Conseil de sécurité pour demander aux États Membres d'envisager de ratifier le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ainsi que le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ou d'y adhérer, et demande aux États parties de les appliquer efficacement.

63. Je tiens à saluer particulièrement les efforts faits par les États Membres pour collaborer avec le Gouvernement d'entente nationale libyen et coopérer les uns avec les autres pour contrer la menace qui pèse sur la paix et la sécurité du fait de la traite et du trafic. À mesure que ces efforts s'intensifient, il faut continuer à les intégrer à l'action plus globale en faveur de la stabilité, de la sécurité et de la bonne gouvernance en Libye. Les liens qui unissent le trafic et la traite avec d'autres activités criminelles, et notamment leur financement, doivent être étroitement surveillés et documentés.

64. Le trafic et la traite ont également des conséquences sur la transition politique et la mise en œuvre de l'Accord politique libyen signé à Skhira, au Maroc, le 17 décembre 2015. La montée en puissance des organisations criminelles et terroristes et l'intensification de la menace qui plane sur la sécurité entravent la mise en œuvre des dispositifs provisoires de sécurité prévus dans l'Accord. Le Conseil de la présidence du Gouvernement d'entente nationale, qui, depuis son arrivée à Tripoli le 30 mars 2016, s'emploie à prendre le contrôle effectif des institutions de l'État, est de plus en plus pressé par l'opinion publique d'améliorer la qualité de la prestation de services. À la pression internationale et nationale à laquelle les autorités de transition sont soumises concernant la nécessité d'endiguer le flot des hommes, femmes et enfants qui traversent le pays viennent s'ajouter de nombreux autres défis, comme réduire la fracture politique, améliorer la sécurité et les services publics, lutter contre le terrorisme et promouvoir la réconciliation nationale. Je félicite la communauté internationale pour l'appui résolu qu'elle apporte au Conseil de la présidence dans les initiatives qu'il met en place pour s'attaquer à ces multiples chantiers.

65. Je salue tout particulièrement l'appui offert et fourni par les États Membres au Gouvernement d'entente nationale en vue de renforcer sa capacité à prévenir la prolifération du trafic et de la traite, notamment en mer. Ces efforts de renforcement des capacités doivent comprendre un appui à la protection des droits de l'homme, et notamment prendre en compte les droits et les besoins des demandeurs d'asile, des réfugiés et des migrants. Ils ne doivent pas viser à faciliter le retour des personnes qui risquent une détention arbitraire ou d'autres mauvais traitements dans leur pays d'origine. À cet égard, le sort des personnes vulnérables ou traumatisées est particulièrement préoccupant, y compris le droit à la justice. Par ailleurs, les droits des personnes soupçonnées de trafic ou de traite doivent être garantis, y compris leur droit à la justice. Je prie instamment le Gouvernement d'entente nationale d'améliorer la protection et les conditions de vie des réfugiés et des migrants sur le territoire libyen, notamment en s'efforçant d'améliorer leur traitement dans les institutions pénitentiaires et en mettant un terme aux détentions arbitraires. Je l'invite par ailleurs à envisager d'adhérer aux instruments internationaux pertinents, notamment à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son Protocole de 1967, d'adopter une politique d'asile et de dépénaliser la migration irrégulière.

66. Dans toutes les initiatives mises en place pour prévenir et combattre le trafic et la traite, il est primordial que les mesures et procédures adoptées tiennent compte des besoins immédiats de toutes celles et ceux qui ont été exposés à des dangers physiques ou psychologiques au cours de leur voyage, par terre comme par mer, quel que soit leur statut migratoire. Leurs besoins immédiats doivent être satisfaits et leurs droits fondamentaux protégés. La protection des demandeurs d'asile contre le refoulement et la satisfaction de leurs besoins particuliers sont toutes aussi importantes. Des procédures normalisées doivent être mises en place pour garantir le recensement rapide et exact des migrants les plus vulnérables et leur orientation vers les services appropriés. Les femmes et les enfants vulnérables sont particulièrement exposés au risque à toutes les étapes du voyage, y compris les opérations de sauvetage, les inspections et saisies de navires, les transferts en lieu sûr, les débarquements, et tout au long de la procédure de détermination de leur statut. Je note avec préoccupation l'augmentation considérable du nombre d'enfants non accompagnés ou séparés de leur famille, qui arrivent par la mer en Italie en 2016 et j'encourage l'adoption de mesures précises pour veiller à ce que leurs besoins en matière de protection soient satisfaits. Je salue les mesures prises par l'opération militaire de l'Union européenne pour prévenir l'exploitation et les abus sexuels. Je demande aux États Membres, en particulier ceux qui interviennent en Méditerranée, d'examiner leurs politiques existantes, de placer ces considérations au cœur de chaque rouage de leur réponse opérationnelle et de les intégrer dans leurs efforts visant à créer et à renforcer les capacités de lutte contre le trafic et la traite par voies maritimes.

67. Je salue les efforts faits par les États Membres et d'autres entités, notamment l'opération militaire de l'Union européenne, aux fins de la coopération, de l'échange d'informations et de l'entraide, ainsi que pour coordonner leurs activités en mer, y compris les inspections et les saisies de bateaux, grâce à des arrangements institutionnels et juridiques. J'encourage les États Membres à continuer de renforcer la coopération entre eux et avec tous les autres acteurs compétents, en particulier à présent que la détermination à lutter contre le trafic et la traite en Méditerranée a été réaffirmée. Pour mettre au point une réponse efficace et complémentaire, il est crucial d'acquérir une compréhension commune du problème.

68. Compte tenu de la nature complexe et transnationale des crimes commis dans le cadre du trafic et de la traite, il est particulièrement important que les États Membres coopèrent entre eux dans les procédures d'enquête et aux fins de la traduction en justice des responsables. Je me félicite des mesures déjà prises et j'encourage les États Membres à redoubler d'efforts pour mettre fin à l'impunité des réseaux criminels impliqués dans le trafic de migrants et la traite d'êtres humains et déstabiliser leur organisation, notamment en localisant, en gelant et en confisquant les fonds provenant de leurs activités criminelles. Conscient du fait que la corruption est un tremplin essentiel du trafic et de la traite, j'appelle les États Membres à intégrer à leurs mesures de prévention et de lutte contre ces crimes un volet anticorruption.

69. Comme l'illustre l'observation récente de départs depuis des pays autres que la Libye, les itinéraires suivis par les réfugiés et les migrants pour atteindre l'Europe évoluent. Lorsque les conditions changent, les passeurs s'adaptent, les bateaux partent de nouveaux points et de nouveaux itinéraires se font jour. Je demande aux pays d'origine, de transit et de destination, au Conseil de sécurité et aux États Membres engagés dans la lutte contre le trafic et la traite au large des côtes libyennes de s'adapter à cette évolution des mouvements migratoires et de renforcer la coopération pour continuer à lutter de manière efficace contre le trafic et la traite, y compris en menant des enquêtes et en veillant à ce que les responsables soient poursuivis.


Notes :

* Nouveau tirage pour raisons techniques (21 septembre 2016). [Retour]

1. Ci-après « trafic et traite ». [Retour]


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Corruption and organized crime
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