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DERECHOS


2001

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Les principes de Princeton sur la compétence universelle


Table des matières

  • Note verbale datée du 27 novembre 2001, adressée au Secrétaire général par les Missions permanentes du Canada et des Pays-Bas auprès de l'Organisation des Nations Unies
  • Comité directeur
  • Préface de Stephen Macedo
  • Avant-propos de Mary Robinson
  • Introduction et Principes
  • Commentaires des Principes de Princeton
  • Participants à la réunion d'adoption des Principes
  • Remerciements

    Nations Unies A/56/677
    ASSAMBLÉE GÉNÉRALE

    Distr. générale
    4 décembre 2001
    Français
    Original: anglais



    Cinquante-sixième session
    Point 164 de l'ordre du jour
    Mise en place de la Cour pénale internationale

    Note verbale datée du 27 novembre 2001, adressée au Secrétaire général par les Missions permanentes du Canada et des Pays-Bas auprès de l'Organisation des Nations Unies

    La Mission permanente du Canada et la Mission permanente du Royaume des Pays-Bas auprès de l'Organisation des Nations Unies présentent leurs compliments au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies et ont l'honneur de lui transmettre ci-joint les « Principes de Princeton sur la compétence universelle » |voir annexe|. Les « Principes de Princeton sur la compétence universelle » sont l'aboutissement d'une étude du droit international sur la question que plusieurs universitaires et experts ont menée pendant une année.

    La Mission permanente du Canada et la Mission permanente du Royaume des Pays-Bas auprès de l'Organisation des Nations Unies seraient obligées au Secrétaire général de bien vouloir faire distribuer les « Principes de Princeton sur la compétence universelle » comme document de l'Assemblée générale, au titre du point 164 de l'ordre du jour.

    La Mission permanente du Canada et la Mission permanente du Royaume des Pays-Bas pensent que les « Principes de Princeton sur la compétence universelle » constituent un cadre utile pour l'analyse de la notion de compétence universelle et ne doutent pas que les autres États Membres souhaiteront mener plus loin la réflexion sur les questions abordées dans le document.

    La Mission permanente du Canada et la Mission permanente du Royaume des Pays-Bas estiment que les « Principes de Princeton sur la compétence universelle » soulèvent des questions intéressantes dans un domaine du droit pénal international dont l'importance ne cesse de croître, à savoir le jugement par les tribunaux nationaux d'auteurs de violations graves du droit international humanitaire et des droits de l'homme. La diffusion de ces principes offre à la communauté internationale l'occasion de relancer le débat sur la question de la compétence universelle.


    Annexe à la note verbale datée du 27 novembre 2001, adressée au Secrétaire général par les Missions permanentes du Canada et des Pays-Bas auprès de l'Organisation des Nations Unies

    Principes de Princeton sur la compétence universelle

    Projet de Princeton sur la compétence universelle - Comité directeur

    Stephen Macedo, Président du projet
    Professeur de sciences politiques, titulaire de la chaire Laurance S. Rockefeller
    The University Center for Human Values
    Directeur fondateur du programme Droit et affaires publiques, 1999-2001
    Université de Princeton

    Gary J. Bass

    Maître de conférences en sciences politiques et affaires internationales
    Université de Princeton

    William J. Butler
    Ancien Président du Comité exécutif de la Commission internationale de juristes,
    1975-1990
    Président de l'Association américaine pour la Commission internationale de juristes

    Richard A. Falk
    Professeur de droit international et de pratique internationale, titulaire de la chaire
    Albert G. Milbank, professeur de sciences politiques et affaires internationales
    Université de Princeton

    Cees Flinterman
    Professeur de droits de l'homme, Université d'Utrecht
    Directeur de l'Institut néerlandais des droits de l'homme et de l'École néerlandaise
    de recherche en matière de droits de l'homme

    Bert B. Lockwood
    Professeur émérite de droit
    Directeur de l'Institut des droits de l'homme Urban Morgan
    Faculté de droit de l'Université de Cincinnati

    Stephen A. Oxman
    Membre du Conseil d'administration de l'Association américaine pour la
    Commission internationale de juristes
    Ancien Secrétaire d'État adjoint |États-Unis| chargé des affaires européennes et
    canadiennes


    Principes de Princeton sur la compétence universelle

    Avant-propos de Mme Mary Robinson, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme

    Projet de Princeton sur la compétence universelle

    Sous les auspices et avec la participation des organisations suivantes :
  • Programme Droit et affaires publiques et École des affaires publiques et internationales Woodrow Wilson, Université de Princeton
  • Commission internationale de juristes
  • Association américaine pour la Commission internationale de juristes Institut néerlandais des droits de l'homme Institut Urban Morgan des droits de l'homme Stephen Macedo, Directeur du projet et éditeur
  • Programme Droit et affaires publiques, Université de Princeton, Princeton, New Jersey >hr>

    Préface

    Le Projet de Princeton est né en janvier 2000, lorsque William J. Butler et Stephen A. Oxman sont venus à Princeton proposer, au nom de la Commission internationale de juristes et de l'Association américaine pour la Commission internationale de juristes, l'idée qu'il faudrait formuler des principes permettant de clarifier et de rationaliser un domaine du droit pénal international dont l'importance ne cesse de croître, à savoir la possibilité pour les tribunaux nationaux, en vertu de la compétence universelle, de juger des personnes accusées d'infractions graves au droit international, même si les liens juridictionnels classiques avec les victimes ou avec les auteurs de ces infractions n'existent pas. Michael Rothschild, doyen de l'École d'affaires publiques et internationales Woodrow Wilson, m'a demandé, en ma qualité de Directeur fondateur du nouveau programme Droit et affaires publiques de l'Université Princeton, d'assister à la réunion. L'idée m'a paru très intéressante, dans la mesure où elle offrait à des universitaires et à des praticiens du droit la possibilité de réfléchir ensemble à un important problème juridique et de s'interroger sur les moyens de l'aborder. Nous nous sommes toujours préoccupés de conjuguer théorie et pratique, et nous nous penchons sur des problèmes épineux de justice et de droit international en vue de formuler des principes qui emportent l'adhésion générale.

    Le Projet de Princeton a consisté essentiellement à mettre en place plusieurs groupes de travail faisant appel à des compétences diverses et avec le souci de permettre à différents points de vue de s'exprimer. Son objectif était d'examiner les problèmes que soulève la compétence universelle, mais aussi de formuler des principes dans des délais raisonnables. Le professeur M. Cherif Bassiouni a rédigé un premier projet de principes. Celui-ci a été examiné à l'Université de Princeton les 10 et 11 novembre 2000 par un groupe d'universitaires de renom qui avaient déjà participé à l'élaboration de documents de travail sur la compétence universelle. Un comité de rédaction a aidé à reformuler le texte initial, et la nouvelle version a été adressée, accompagnée de documents de travail révisés, à un groupe international de praticiens du droit, qui se sont réunis à Princeton du 25 au 27 janvier 2001.|1|

    Des juristes du monde entier ont participé à cette réunion en vue d'élaborer des principes qui fassent l'objet d'un consensus. Dans leur forme actuelle, les Principes de Princeton, y compris les exposés liminaires, sont l'aboutissement de leurs travaux. Ils ont été distribués à nouveau en février 2001 aux participants au Projet et à des dizaines d'organisations s'occupant de droits de l'homme dans le monde entier, dont certaines ont formulé des observations.

    Nous nous sommes efforcés de formuler ces principes de façon aussi ouverte et transparente que possible, tout en tenant compte de la nécessité de constituer des groupes de participants aussi représentatifs et efficaces que possible.

    Je tiens à remercier tout particulièrement le professeur M. Cherif Bassiouni qui a joué un rôle de premier plan, travaillant à la rédaction et à la révision des Principes pendant plusieurs mois et qui, grâce à ses vastes connaissances et à son énergie sans faille, a apporté une contribution essentielle à toutes les étapes du projet.

    Mes remerciements vont aussi aux universitaires qui ont donné au Projet l'assise intellectuelle indispensable, ainsi qu'aux juristes du monde entier qui ont participé à la réunion de janvier. Leur sagacité et leur rigueur morale ont dépassé nos espérances. Je suis aussi reconnaissant à tous ceux qui, nombreux, ont offert leur précieux concours, dont les professeurs Gary J. Blass et Richard A. Falk, de l'Université de Princeton, et Diane Orentlicher qui a participé, en tant que chargée de recherche, au programme Droit et affaires publiques en 2000-2001.

    Merci enfin à Bill Butler et à Steve Oxman, qui ont proposé leur idée à l'Université de Princeton et m'ont ainsi offert un projet inattendu mais combien gratifiant pour inaugurer le programme Droit et affaires publiques. L'entreprise a bénéficié, dès le départ, de l'attention scrupuleuse que Steve Oxman a portée à tous les aspects du projet, y compris dans ses moindres détails, ainsi que du dynamisme notoire de Bill Butler et de son engagement indéfectible en faveur de la justice et du droit.

    Les Principes de Princeton ne mettront pas fin aux nombreuses controverses qui entourent la compétence universelle. Tel n'est pas non plus leur objet. Toutefois, je veux espérer qu'ils serviront à clarifier la notion de compétence universelle et à montrer que, si les tribunaux nationaux en font un usage raisonnable et responsable, la compétence universelle peut améliorer les chances des victimes de graves infractions au droit international d'obtenir justice.

    Stephen Macedo
    Président du projet
    Mai 2001

    Avant-propos

    Pour tous ceux qui travaillent à promouvoir les droits de l'homme, la compétence universelle est une question du plus grand intérêt. Pour moi, je considère rechercher les moyens de mettre fin à l'impunité en cas de violation massive des droits de l'homme faire partie de la mission essentielle du Haut Commissariat, car ils sont une arme indispensable dans la lutte pour la cause des droits de l'homme. Je me félicite de l'initiative connue sous le nom de Projet de Princeton et suis convaincue que la généralisation des principes qui en sont issus sera un atout pour le développement et l'approfondissement du principe de la compétence universelle.

    Il m'arrive souvent, dans mes fonctions ordinaires de Haut Commissaire aux droits de l'homme, de rencontrer des situations caractérisées par des violations des droits de l'homme massives et parfois généralisées, dont les auteurs pourtant restent impunis. La torture, les crimes de guerre |y compris les sévices à motivation sexiste| et les « disparitions » forcées ne sont que quelque-unes de ces violations. La nouvelle vitalité de la criminalité transnationale, favorisée par la mondialisation et l'ouverture des frontières, rend plus difficile encore le pari contre l'impunité. Il y a aussi la traite des êtres humains, des femmes et des enfants surtout, question qui intéresse tout particulièrement mes services. Ces tendances inquiétantes m'ont amenée à m'interroger sur les autres solutions qui s'offraient pour faire régner la justice et mettre en cause les responsables.

    On dispose actuellement de deux grands moyens complémentaires d'exercer la compétence pénale universelle : les poursuites devant un tribunal international d'une part, l'application au plan national du principe de la compétence universelle d'autre part. Pour ce qui est de la première procédure, je trouve des encouragements dans le nombre des États qui signent et ratifient le Statut de la Cour pénale internationale, en espérant que celle-ci deviendra bientôt une réalité. Mais, alors même qu'elle n'est pas encore en place, son statut s'est déjà révélé une arme précieuse pour la lutte contre l'impunité. C'est en effet la première fois que sont codifiés les crimes contre l'humanité dans un traité multilatéral, qui qualifie certains actes de crimes de guerre lorsqu'ils sont commis dans des conflits armés non internationaux.

    Le principe de base du Statut de la CPI est celui de la subsidiarité, c'est-à-dire que jamais des poursuites internationales ne suffiront à assurer le règne de la justice et que les systèmes judiciaires nationaux ont une fonction capitale à assumer pour mettre un terme à l'impunité. La triste vérité est que les États dont le territoire est mis en cause se dispensent souvent d'enquêter sur les violations graves des droits de l'homme et d'en poursuivre les auteurs. La compétence universelle est donc une voie de justice d'une importance décisive.

    Le principe répond à l'idée que certains crimes lèsent si gravement les intérêts internationaux que les États ont le droit, et même l'obligation, d'agir contre ceux qui en sont les auteurs, quelle que soit leur nationalité ou celle de leurs victimes, quel que soit le lieu du crime. Les violations des droits de l'homme qui, d'une manière générale, sont réputées relever de la compétence universelle sont le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et la torture. Si le principe de la compétence universelle est bien antérieur à ces figures pénales, il évolue rapidement sous la poussée des événements récents. Je suis heureuse de voir dans les Principes de Princeton une confirmation du fait que la doctrine continue de se développer dans le droit et dans la pratique.

    Il faut rappeler à ce propos que la compétence universelle pourrait aussi s'appliquer à l'égard d'autres crimes de droit international, hypothèse qui a déjà été relevée dans certaines instances. La Déclaration des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, par exemple, prévoit la compétence universelle à l'égard des actes de « disparition forcée », conception dont on voit déjà le reflet au niveau régional dans la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes. La communauté internationale est par ailleurs en voie d'étudier un projet de convention internationale pour la protection des êtres humains contre les enlèvements.

    La question de la compétence universelle a d'autre part fait l'objet d'un débat au colloque sur la cybercriminalité sans frontières face à la lutte internationale contre la criminalité transnationale organisée. Ce colloque s'est tenu à Palerme |Italie| en marge de la conférence de signature de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Et au cours de la négociation de certains traités, on a vu encore apparaître la question de la compétence civile à l'égard d'actes constitutifs d'un crime international, dans l'optique de la Convention de La Haye sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile et commerciale. Ces négociations intéressent le Haut Commissariat car elles peuvent avoir des conséquences considérables au niveau de l'accès aux tribunaux des victimes qui réclament réparation pour infraction à leurs droits fondamentaux. Enfin, la Cour internationale de Justice étudie également diverses questions liées à celle de la compétence universelle dans l'affaire en instance relative au mandat d'arrêt lancé contre un ancien ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo par un juge d'instruction belge qui souhaitait le placer en détention provisoire sur présomption de violations graves du droit international humanitaire.

    Tous ces événements montrent qu'un chemin nouveau est en train de se frayer dans le domaine de l'exercice de la compétence universelle. Loin de moi cependant l'idée que cet exercice est chose facile. L'application du principe se heurte à des difficultés d'ordre pratique et d'ordre juridique considérables. D'ailleurs, l'Association du droit international a fait paraître une étude très riche d'enseignement sur ces difficultés.

    Au nombre des obstacles, il y a l'argument de l'immunité souveraine. De ce point de vue, la décision prise par la Chambre des lords du Royaume-Uni en l'affaire Pinochet - selon laquelle les anciens chefs d'État ne jouissent pas en droit britannique de l'immunité pour le crime de torture - a été une heureuse surprise et, avec certaines autres affaires récentes, a remis en cause la notion d'immunité pénale pour les crimes de droit international commis dans l'exercice de fonctions officielles.

    Il y a un autre domaine encore qui m'intéresse tout particulièrement, c'est celui des législations d'amnistie. J'insiste sur le fait que les violations massives des droits de l'homme et du droit international humanitaire ne sont pas susceptibles d'amnistie. Lorsque l'Organisation des Nations Unies a signé l'Accord-cadre pour la paix en Sierra Leone qui mettait fin aux atrocités qui ravageaient le pays, elle a bien stipulé que les dispositions sur l'amnistie et la grâce de l'article IX ne s'appliqueraient pas aux crimes internationaux que sont le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les autres violations graves du droit international humanitaire. Il faut bien veiller à ce qu'il n'y ait pas de malentendu à propos de l'amnistie en cas de violation grave des droits de l'homme et du droit international humanitaire, et je crois que les Principes de Princeton font bien valoir cette idée qu'il y a des crimes si odieux qu'ils ne peuvent rester impunis.

    La compétence universelle ouvre la voie à une meilleure justice en faveur des victimes de violations graves des droits de l'homme dans le monde entier. Le Haut Commissariat continuera de suivre l'évolution de la situation dans ce domaine en mutation constante, notamment les activités relevant du Projet de Princeton qui visent à renforcer ce moyen de lutter contre l'immunité qu'est la compétence universelle. Je souhaiterais voir aussi largement diffusés que possible les Principes de Princeton relatifs à la compétence universelle.

    La Haut Commissaire des Nations Unies
    aux droits de l'homme
    Mary Robinson

    Les Principes de Princeton relatifs à la compétence universelle

    Introduction

    Le problème

    Le siècle passé a vu périr des millions d'êtres humains victimes de génocides, de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et d'autres crimes graves de droit international. Or, ceux qui en sont les auteurs et qui devraient être poursuivis n'ont été que rarement appelés à rendre des comptes. Pour interrompre le cycle des violences et assurer le règne de la justice, il faut que l'impunité cède le pas à la responsabilité de ceux qui commettent des crimes graves. Mais comment y parvenir? Quels doivent être les rôles respectifs des cours de justice nationales et des tribunaux internationaux?

    Les organes judiciaires nationaux administrent des régimes pénaux qui visent à rendre justice aux victimes et à garantir un procès équitable aux accusés. Un tribunal national exerce sa compétence à l'égard des crimes commis dans son ressort et poursuit ceux qui ont été commis à l'étranger par des nationaux de son pays, contre les nationaux de celui-ci ou contre ses intérêts. Si ces conditions, parmi d'autres, ne sont pas réalisées, il peut exercer quand même sa compétence en droit international à l'égard de crimes d'une telle gravité qu'ils lèsent les intérêts fondamentaux de la communauté internationale dans son ensemble. Telle est la compétence universelle : une juridiction définie uniquement par la nature des crimes qu'elle punit. Un tribunal national peut exercer la compétence universelle pour réprimer et punir, et par là prévenir les actes odieux tenus pour crimes graves en droit international. Lorsqu'il le fait à bon escient, c'est-à-dire conformément aux normes qui garantissent universellement l'équité des procès, ce tribunal agit dans le sens non seulement des intérêts et des valeurs propres à son pays, mais aussi de ceux qui sont communs à toute la communauté internationale.

    La compétence universelle est la promesse d'une justice meilleure, mais la jurisprudence est dans cette matière disparate, inconséquente et mal comprise. Tant que les choses en resteront là, l'arme qu'offre la compétence universelle contre l'immunité restera soumise aux incohérences, à la confusion, et même parfois à la partialité.

    Les tribunaux pénaux internationaux ont également un rôle décisif à jouer dans la lutte contre l'impunité, en venant en complément des tribunaux nationaux. Ceux-ci, après des cas d'atrocités massives ou de régimes répressifs n'ont pas souvent les moyens ou la volonté de poursuivre les auteurs de crimes graves de droit international, ce qui explique pourquoi il a fallu créer des tribunaux internationaux. Les traités conclus à l'issue de la Seconde Guerre mondiale ont renforcé des institutions internationales et donné plus de transparence et d'autorité au droit international pénal. Un jalon important de ce mouvement historique a été marqué par la Conférence des Nations Unies où, en juillet 1998, a été adopté le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Lorsque cette juridiction sera mise en place, la communauté internationale aura pour la toute première fois la possibilité de mettre en cause la responsabilité des personnes accusées de crimes graves de droit international. Cependant, la compétence de la Cour ne s'exercera que si justice ne peut être faite au niveau national. C'est encore aux appareils judiciaires nationaux qu'il appartient au premier chef de poursuivre les personnes sur lesquelles pèsent des allégations de ce genre.

    Favoriser l'exercice à bon escient de la compétence universelle par les tribunaux nationaux serait une des façons de combler une lacune dans l'appareil pénal répressif dont ont su profiter certains auteurs de crimes graves de droit international. Et l'élaboration de principes plus clairs et mieux conçus susceptibles d'orienter cet exercice serait une contribution à la répression, et donc à la prévention de ces crimes odieux. Cela dit, un principe bien pensé n'a pas simplement pour objet de faire exercer la compétence pénale dans les plus brefs délais, toujours et partout, indépendamment des circonstances. La compétence pénale, y compris la compétence universelle, peut être dévoyée pour soumettre des adversaires politiques à des vexations ou servir des fins qui n'ont rien à voir avec la justice pénale. De surcroît, l'exercice téméraire ou inopportun de la compétence universelle perturberait la recherche de la paix et de la réconciliation nationales dans les pays qui cherchent à se relever d'un conflit violent ou d'une oppression politique. Un esprit prudent et un jugement sûr sont aussi nécessaires ici qu'ailleurs en politique et en droit.

    Il faut donc se doter de principes qui orienteront l'exercice de la compétence universelle, tout en lui donnant plus de cohérence et de légitimité. Ils devront tendre à renforcer la responsabilité des auteurs des crimes de droit international graves, par des moyens qui répondent à la fois à la crainte des abus de pouvoir et à un souci raisonnable de la recherche de la paix.

    Le Projet de Princeton

    Le Projet de Princeton relatif à la compétence universelle se veut une contribution au travail actuel de développement de la juridiction universelle. Il est parrainé par le Programme de droit et de gouvernance de l'Université de Princeton, l'École de politique civile et d'affaires internationales Woodrow Wilson, la Commission internationale de juristes, l'Association américaine de la Commission internationale de juristes, l'Institut Urban Morgan pour les droits de l'homme et l'Institut néerlandais pour les droits de l'homme. C'est à ce titre qu'a été organisée à l'Université de Princeton en janvier 2001 une réunion d'universitaires et de praticiens du droit, venus du monde entier, à titre personnel pour définir par consensus les principes de la compétence universelle |2|.

    Les participants représentaient diverses écoles de pensée et plusieurs systèmes juridiques. Ils partageaient pourtant le désir commun de renforcer la responsabilisation pénale des personnes accusées de crimes graves de droit international.

    Le Projet a pu bénéficier de l'indispensable contribution des spécialistes auxquels avaient été commandées des communications sur divers aspects de la compétence universelle et qui s'étaient réunis, à Princeton déjà, en novembre 2000 pour examiner les communications en question ainsi qu'un avant-texte des principes présentés ici |3|.

    Le 27 janvier 2001, la réunion organisée à Princeton pour faire avancer le Projet a abouti, après des débats prolongés et approfondis, à un texte définitif. Chaque participant aurait sans doute trouvé d'autres mots pour reformuler le droit international existant et exprimer ses intentions implicites mais, en fin de compte, ce sont les Principes présentés ici qui ont été adoptés |4|.

    Les Principes relatifs à la compétence universelle se veulent un instrument à l'usage du législateur qui souhaite s'assurer que le droit interne est conforme au droit international, du magistrat appelé à interpréter et à appliquer le droit international et à apprécier la conformité du droit national avec les obligations internationales de l'État, du fonctionnaire qui exerce, en quelque qualité que ce soit, une autorité qu'il tient du droit national ou du droit international, d'organisations non gouvernementales et des membres de la société civile qui tâchent à promouvoir la justice pénale internationale et les droits de l'homme, et du citoyen qui veut mieux comprendre ce qu'est le droit international et ce que pourrait devenir l'ordre juridique international.

    Les participants sont aussi conscients de l'importance de la compétence universelle que des risques d'exercice abusif ou malveillant de la compétence pénale, y compris la compétence universelle. Ils ont donc réaffirmé dans tout le texte les sauvegardes juridiques et judiciaires qui concourent à prévenir les abus. Ces sauvegardes, qui sont concrétisées par les règles internationales de l'équité des procédures qui protègent les personnes accusées de crime, sont particulièrement importantes pour la personne qui fait l'objet de poursuites uniquement en vertu de la compétence universelle dans un État dont elle n'a pas la nationalité et où elle n'a pas sa résidence.

    Les participants reconnaissent que l'incurie et le manque de ressources et de temps sont des contraintes d'ordre pratique qui s'opposent à l'administration d'une justice parfaite, et que les sociétés qui émergent d'un conflit ont parfois à opérer un choix entre plusieurs initiatives conduisant à une paix juste et durable, entre autres la reconnaissance de la responsabilité pour crime international. Ils reconnaissent enfin qu'il existe parfois des désaccords entre les sociétés et au sein des sociétés mêmes à propos de la culpabilité de personnes accusées ou de la bonne fois des autorités qui exercent les poursuites ou encore sur le point de savoir s'il est sage et possible sur le plan pratique d'intenter des poursuites contre des criminels présumés. Pour toutes ces raisons, la compétence universelle doit s'exercer avec prudence, dans le respect des normes les plus rigoureuses de l'équité des poursuites et de l'indépendance, de l'impartialité et de l'équité judiciaire.

    Les participants recommandent aux États d'adopter ces Principes, dont ils ne doutent pas qu'ils favoriseront la marche de la justice, renforceront l'état de droit et feront progresser la réalisation des autres objectifs et des autres valeurs décrits dont on vient de parler.


    Les Principes de Princeton sur la compétence universelle

    Les participants au Projet de Princeton sur la compétence universelle proposent les principes ci-après pour faire progresser l'évolution du droit international et l'application de ce droit dans les systèmes juridiques nationaux :

    Principe 1 -- Éléments fondamentaux de la compétence universelle

    1. Aux fins des présents principes, on entend par compétence universelle la compétence pénale fondée uniquement sur la nature de l'infraction, ni le lieu où elle a été commise, ni la nationalité de celui qui en est accusé ou en a été reconnu coupable, ni la nationalité de la victime, ni aucun autre lien avec l'État exerçant la compétence n'étant pris en considération.

    2. La compétence universelle peut être exercée par un organe judiciaire de droit commun compétent de tout État pour juger une personne dûment accusée d'avoir commis un crime grave au regard du droit international au sens du paragraphe 1 du principe 2, à condition que l'intéressé soit présent devant cet organe judiciaire.

    3. Un État peut invoquer la compétence universelle pour demander l'extradition d'une personne accusée d'avoir commis un crime grave au regard du droit international au sens du paragraphe 1 du principe 2 ou condamnée pour un tel crime, à condition qu'il ait établi prima facie que la personne dont il demande l'extradition est coupable et qu'elle sera jugée ou exécutera sa peine conformément aux normes et principes internationaux sur la protection des droits de l'homme dans l'administration de la justice pénale.

    4. Lorsqu'ils exercent ou invoquent la compétence universelle pour demander une extradition, l'État et ses organes judiciaires doivent respecter les normes internationales en matière d'administration de la justice, y compris celles relatives aux droits de l'accusé et des victimes, à l'équité de la procédure et à l'indépendance et l'impartialité de la magistrature |ci-après appelées « normes internationales en matière d'administration de la justice »|.

    5. L'État exerce sa compétence universelle de bonne foi et conformément à ses droits et obligations au regard du droit international.

    Principe 2 -- Crimes graves au regard du droit international

    1. Aux fins des présents principes, les crimes graves au regard du droit international comprennent : 1) la piraterie; 2) l'esclavage; 3) les crimes de guerre; 4) les crimes contre la paix; 5) les crimes contre l'humanité; 6) le génocide; et 7) la torture.

    2. L'application de la compétence universelle aux crimes énumérés au paragraphe 1 est sans préjudice de son application à d'autres crimes au regard du droit international.

    Principe 3 -- Invocation de la compétence universelle en l'absence de législation nationale

    En ce qui concerne les crimes graves au regard du droit international visés au paragraphe 1 du principe 2, les organes judiciaires nationaux peuvent invoquer la compétence universelle même si leur législation nationale ne le prévoit pas expressément.

    Principe 4 -- Obligation d'assistance

    1. L'État exécute toutes ses obligations internationales concernant l'exercice de poursuites contre des personnes accusées de crimes au regard du droit international ou condamnées pour de tels crimes ou l'extradition de ces personnes selon une procédure conforme aux normes internationales en matière d'administration de la justice, en fournissant aux autres États enquêtant sur de tels crimes ou en poursuivant les auteurs tous les moyens d'assistance administrative et judiciaire à leur disposition, et en prenant toutes les autres mesures nécessaires et appropriées qui sont conformes aux normes et principes internationaux.

    2. Dans l'exercice de la compétence universelle l'État peut, aux fins de poursuites, solliciter l'assistance judiciaire d'un autre État pour obtenir des preuves, à condition que l'État requérant soit de bonne foi et que les preuves demandées soient utilisées conformément aux normes internationales en matière d'administration de la justice.

    Principe 5 -- Immunités

    En ce qui concerne les crimes graves au regard du droit international visés au paragraphe 1 du principe 2, la qualité officielle de l'accusé, qu'il s'agisse d'un chef d'État ou de gouvernement ou d'un agent de l'État responsable, ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale et n'est pas un facteur d'atténuation de la peine.

    Principe 6 -- Prescription

    Les crimes graves au regard du droit international visés au paragraphe 1 du principe 2 sont imprescriptibles.

    Principe 7 -- Amnisties

    1. D'une manière générale, les amnisties sont incompatibles avec l'obligation des États de réprimer les crimes graves au regard du droit international visés au paragraphe 1 du principe 2.

    2. L'exercice de la compétence universelle en ce qui concerne les crimes graves au regard du droit international visés au paragraphe 1 du principe 2 ne peut être exclu par des amnisties incompatibles avec les obligations juridiques internationales de l'État qui les accorde.

    Principe 8 -- Règlement des conflits de compétences nationales

    Lorsque plusieurs États ont compétence ou peuvent invoquer leur compétence en ce qui concerne une personne et lorsque l'État qui a la garde de cette personne n'a pas d'autre base de compétence que le principe de l'universalité, cet État ou ses organes judiciaires, lorsqu'ils décident s'il convient de poursuivre ou d'extrader, fondent leur décision sur les critères ci-après :

    a) Obligations conventionnelles multilatérales ou bilatérales;

    b) Lieu où le crime a été commis;

    c) Lien de nationalité entre l'accusé et l'État requérant;

    d) Lien de nationalité entre la victime et l'État requérant;

    e) Tout autre lien entre l'État requérant et l'accusé, le crime ou la victime;

    f) La probabilité de poursuites dans l'État requérant et la bonne foi et l'efficacité de ces poursuites;

    g) L'équité et l'impartialité des procédures dans l'État requérant;

    h) La commodité pour les parties et les témoins, ainsi que l'existence de preuves dans l'État requérant; et

    i) Les intérêts de la justice.

    Principe 9 -- Non bis in idem

    1. Dans l'exercice de la compétence universelle, l'État ou ses organes judiciaires veillent à ce qu'une personne faisant l'objet d'une action pénale ne soit pas exposée à des poursuites ou peines multiples pour le même comportement délictueux lorsque le procès pénal ou autre procédure de jugement qui a précédé a été mené de bonne foi et conformément aux normes et principes internationaux. Ne relèvent pas du présent principe les simulacres de poursuites ou les peines dérisoires résultant d'une condamnation pénale ou autre procédure de jugement.

    2. Les États reconnaissent la validité de l'exercice régulier de la compétence universelle par un autre État et reconnaissent le jugement définitif d'un organe judiciaire national compétent et de droit commun ou d'un organe judiciaire international compétent exerçant cette compétence conformément aux normes internationales en matière d'administration de la justice.

    3. Toute personne qui a été jugée ou condamnée par un État exerçant sa compétence universelle en ce qui concerne les crimes graves au regard du droit international visés au paragraphe 1 du principe 2 a le droit d'invoquer le principe non bis in idem pour s'opposer à une nouvelle action pénale devant tout organe judiciaire national ou international et a qualité pour le faire.

    Principe 10 -- Motifs pouvant être invoqués pour refuser l'extradition

    4. L'État ou ses organes judiciaires refusent de faire droit à une demande d'extradition reposant sur la compétence universelle si la personne recherchée risque la peine de mort ou risque d'être soumise à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou s'il est probable qu'elle sera soumise à une parodie de procès dans le cadre de laquelle les normes internationales en matière d'administration de la justice seront violées et qu'aucune assurance satisfaisante que tel ne sera pas le cas n'est fournie.

    5. L'État qui refuse d'extrader en se fondant sur le présent principe doit, lorsque le droit international le permet, exercer des poursuites contre l'individu accusé d'un crime grave au regard du droit international visé au paragraphe 1 du principe 2 ou extrader l'intéressé vers un autre État s'il peut le faire sans l'exposer aux risques mentionnés au paragraphe 1.

    Principe 11 -- Adoption d'une législation nationale

    Si nécessaire, les États se dotent d'une législation nationale pour leur permettre d'exercer la compétence universelle et d'appliquer les présents principes.

    Principe 12 -- Inclusion d'une disposition relative à la compétence universelle dans les traités conclus à l'avenir

    Dans tous les traités qu'ils concluront à l'avenir, et dans les protocoles aux traités existants qui concernent les crimes graves au regard du droit international visés au paragraphe 1 du principe 2, les États devront inclure des dispositions prévoyant la compétence universelle.

    Principe 13 -- Renforcement de la responsabilité et compétence universelle

    6. Les organes judiciaires nationaux interprètent le droit national d'une manière qui soit compatible avec les présents principes.

    7. Rien dans les présents principes ne doit être interprété comme limitant les droits et les obligations des États de prévenir ou de réprimer, par des moyens licites reconnus par le droit international, la commission de crimes au regard du droit international.

    8. Les présents principes ne peuvent être interprétés comme limitant le développement continu de la compétence universelle en droit international.

    Principe 14 -- Règlement des différends

    9. Les États devraient, conformément au droit international et à la Charte des Nations Unies, régler les différends découlant de l'exercice de la compétence universelle par tous les moyens de règlement pacifique à leur disposition et en particulier en portant ces différends devant la Cour internationale de Justice.

    10. En attendant qu'il soit statué sur la question en litige, l'État voulant exercer sa compétence universelle ne place l'accusé en détention ou ne demande à un autre État de le placer en détention que s'il existe un risque raisonnable de fuite et qu'on ne trouve aucun autre moyen raisonnable d'assurer que l'intéressé comparaîtra devant les organes judiciaires de l'État voulant exercer sa compétence.


    Commentaires des Principes de Princeton |5|

    Pourquoi des principes? Pourquoi maintenant?

    Les Principes de Princeton sur la compétence universelle (les « Principes ») constituent un exposé progressiste du droit international de la compétence universelle. Des spécialistes et juristes éminents se sont réunis deux fois à l'Université Princeton pour contribuer à clarifier cet important domaine du droit |6|. Les Principes contiennent des éléments de lex lata|le droit tel qu'il est| et de lege ferenda |le droit tel qu'il devrait être|, mais ils ne doivent pas être compris comme limitant l'évolution future de la compétence universelle. Ils visent à aider les législateurs nationaux souhaitant adopter une législation d'application, les magistrats qui peuvent être amenés à interpréter la compétence universelle lorsqu'ils appliquent le droit interne ou prennent des décisions en matière d'extradition et les gouvernements qui doivent décider entre poursuivre ou extrader, ainsi qu'à contribuer à la promotion de la responsabilité pénale au plan international et aider tous ceux qui, dans la société civile, souhaitent que les auteurs de crimes internationaux graves soient traduits en justice.

    Les participants au Projet de Princeton ont examiné plusieurs questions complexes concernant la compétence universelle. Le principe de la compétence universelle est-il solidement établi en droit international? Il est bien entendu reconnu dans des traités, des lois nationales, des décisions de justice et dans la doctrine, mais chacun ne tire pas les mêmes conclusions de ces sources. Les commentateurs ne sont même pas d'accord sur la manière de déterminer si la compétence universelle est bien établie en droit international coutumier : pour certains, le fait pour les États d'accepter qu'une pratique est obligatoire (opinio juris) suffit; pour d'autres, il faut que la pratique des États soit constante.

    Lorsqu'il est admis qu'une obligation a été créée par un traité, les modalités de l'incorporation des

    obligations internationales dont le droit interne sont différentes selon les systèmes juridiques. Dans de nombreux systèmes, l'appareil judiciaire ne peut invoquer la compétence universelle en l'absence de loi à cet effet. Dans d'autres, la justice peut faire directement fond sur les traités et le droit international coutumier, sans attendre la législation d'application (ces questions complexes et d'autres seront examinées dans une série d'essais publiés sous les auspices du projet Princeton |7|). C'est pourquoi le Principe 3 encourage les tribunaux à invoquer la compétence universelle en l'absence de dispositions à cet effet dans le droit interne dans la mesure où le système juridique les y autorise. Le Principe 11 demande aux législateurs d'adopter des lois permettant d'exercer la compétence universelle. Le Principe 12 demande aux États de prévoir la compétence universelle dans les traités futurs et les protocoles à des traités existants.

    Les participants au Projet de Princeton se sont aussi demandé si c'était bien le moment d'expliquer plus clairement ce qu'est la compétence universelle. Elle existe depuis des siècles, mais c'est aujourd'hui seulement qu'elle semble acquérir toute son importance en tant que moyen de promouvoir la responsabilité juridique. Une très large place a été accordée à la compétence universelle dans l'action intentée à Londres contre l'ancien dirigeant chilien, le général Augusto Pinochet, et aujourd'hui des tribunaux sont en train dans le monde d'envisager sérieusement de dresser des actes d'accusation sur le fondement de la compétence universelle |8|.

    Étant donné la dynamique actuelle du droit pénal international, certains partisans de la compétence universelle se demandent si c'est le bon moment pour expliciter les principes qui devraient en régir l'exercice. Ne serait-il pas préférable d'attendre une évolution qui est imprévisible et pourrait être étonnamment progressiste? Ne risque-t-on pas d'étouffer le développement de la juridiction universelle en énonçant prématurément des principes directeurs?

    Tous ceux qui ont été associés au Projet de Princeton ont pris ce problème au sérieux. Il est inhérent à toute entreprise de codification. Ces préoccupations n'en semblent pas moins particulièrement importantes dans le cas de la compétence universelle, étant donné le large fossé qui sépare le droit positif de la juridiction universelle de ce que les partisans de davantage de justice voudraient qu'il soit. Après de longs débats, ceux qui se sont réunis à Princeton en janvier 2001 ont soutenu notre effort visant à apporter davantage de clarté et d'ordre à l'exercice de la compétence universelle. Notre objectif est de guider ceux qui estiment que les tribunaux nationaux ont un rôle capital à jouer dans la lutte contre l'impunité, même en l'absence des liens juridictionnels classiques. Les Principes devraient contribuer à éclaircir les fondements juridiques de l'exercice responsable et raisonné de la compétence universelle. Dans la mesure où celle-ci est exercée et apparaît comme étant exercée de manière raisonnable, licite et ordonnée, elle en viendra à être largement acceptée. Soucieux de la nécessité d'encourager des progrès constants en droit international, ces principes ont été rédigés pour susciter et non pour entraver la poursuite du développement de la compétence universelle.

    Les Principes sont rédigés de manière à clarifier le droit actuel de la compétence universelle et à encourager son développement. Comme on l'a déjà noté, ces principes s'adressent parfois aux législateurs, à l'exécutif ou à la justice, parfois aux uns et aux autres |9|. Les Principes sont destinés à toute une série d'acteurs opérant au sein de systèmes juridiques différents et qui peuvent en tirer parti de diverses manières. Nous n'ignorons pas, par exemple, que dans certains systèmes juridiques et selon certaines conceptions doctrinales, la capacité des juges d'interpréter le droit en vigueur à la lumière des aspirations à plus de justice ou d'autres objectifs élevés est limitée |10|. Néanmoins, les juges des tribunaux internationaux et régionaux et les juges des cours constitutionnelles et des cours suprêmes nationales ont souvent davantage de latitude s'agissant d'interpréter la loi. Nous espérons que les Principes inspireront et guideront la pratique de ces magistrats et de tous ceux qui, dans les limites des fonctions officielles qu'ils exercent, peuvent agir pour promouvoir davantage de justice et de responsabilité juridique. Nous proposons ces principes pour guider et informer les citoyens, les dirigeants d'organisations de la société civile et les agents de l'État de toutes sortes : tous ces acteurs différents peuvent tirer parti d'une meilleure compréhension commune de ce qu'est la compétence universelle et savoir quand et comment elle peut raisonnablement être exercée.

    Quand et comment engager des poursuites sur le fondement de l'universalité?

    Pour définir la compétence universelle, les participants ont mis l'accent sur le cas de la compétence universelle « pure », à savoir le cas où la nature de l'infraction est le seul fondement de la compétence ratione materiae. Il y a une certaine confusion dans la doctrine sur le rôle de la compétence universelle dans des procès pénaux célèbres, comme celui d'Aldolf Eichmann à Jérusalem |11|. En outre, il est important de rappeler que le seul fait que certaines infractions soient universellement condamnées ne signifie pas qu'un État peut exercer sa compétence universelle en ce qui les concerne.

    Les participants au Projet de Princeton se sont demandés si, d'une manière générale, les États devaient être encouragés à exercer la compétence universelle sur la seule base de la gravité du crime allégué en l'absence des facteurs traditionnels de rattachement aux victimes ou auteurs de crimes graves au regard du droit international. D'une part, l'objet même de la compétence universelle semble être d'autoriser ou même d'encourager les poursuites lorsque les États découvrent sur leur territoire un non-national accusé de crimes graves au regard du droit international. De cette manière, la compétence universelle favorise au maximum la mise en oeuvre de l'obligation redditionnelle et réduit l'impunité au minimum. L'essence même de la compétence universelle semblerait donc être que les tribunaux nationaux doivent poursuivre ceux qui sont accusés de crimes en l'absence de tout facteur de rattachement (par exemple, même si les crimes n'ont pas été commis contre ou par des nationaux de l'État qui exerce cette compétence).

    En revanche, certains craignent vivement que des États n'abusent de la compétence universelle pour engager des poursuites politiquement motivées. Des gouvernements mercenaires et des procureurs peu scrupuleux pourraient essayer de mettre en accusation des chefs d'État ou d'autres hauts responsables de pays avec lesquels ils ont des désaccords politiques. Les États puissants peuvent essayer d'exonérer leurs propres dirigeants de toute responsabilité, tout en tentant d'engager des poursuites contre d'autres, à l'encontre du principe de base selon lequel les égaux doivent être également traités. Les membres de forces de maintien de la paix risquent d'être harcelés par des poursuites injustifiées et ceci risque de décourager les opérations de maintien de la paix.

    Les Principes devraient-ils au moins exiger que l'accusé soit physiquement présent sur le territoire de l'État exerçant la compétence universelle? Devrait-il aussi y avoir d'autres facteurs de rattachement? Les participants ont décidé de ne pas exiger expressément un lien territorial dans la définition qui figure au paragraphe 1 du Principe 1, en partie pour que les débats puissent se poursuivre, en partie pour ne pas étouffer l'évolution de la compétence universelle et en partie par déférence pour la Cour internationale de Justice, devant laquelle une affaire où la question se pose est pendante |12|. Néanmoins, le paragraphe 2 du Principe 1 stipule qu'un organe judiciaire « de droit commun compétent » peut juger des accusés sur la base de la compétence universelle « à condition que l'intéressé soit présent » devant lui. Le libellé du paragraphe 2 du Principe 1 n'empêche pas un État d'engager l'action pénale, de mener une enquête, d'établir un acte d'accusation ou de demander l'extradition lorsque l'accusé n'est pas présent.

    Les Principes contiennent des dispositions décrivant les normes auxquelles les systèmes juridiques et les poursuites particulières devraient satisfaire pour que la compétence universelle soit exercée de manière responsable et légitime. Les paragraphes 3 et 4 du Principe 1 soulignent qu'un État peut demander l'extradition de personnes accusées ou condamnées sur la base de la compétence universelle « à condition qu'il ait établi prima facie que la personne ... est coupable » et à condition que les procès et les peines soient conformes aux « normes internationales en matière d'administration de la justice », ou normes applicables en ce qui concerne les droits de l'homme et l'indépendance et l'impartialité de la magistrature. Des principes ultérieurs contiennent des garanties supplémentaires contre les poursuites abusives : le Principe 9, par exemple, empêche les poursuites répétées pour la même infraction en violation du principe non bis in idem, ou interdit la double mise en accusation |13|. Aux termes du Principe 10, les États peuvent refuser de faire droit à une demande d'extradition si la personne recherchée « risque la peine de mort ou risque d'être soumise à la torture » ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou à une parodie de procès en violation des normes internationales en matière d'administration de la justice. Les Principes renforcent les normes juridiques régissant l'action des tribunaux et devraient fournir des indications aux autorités saisies d'une demande d'extradition.

    Bien entendu, l'efficacité de l'activité judiciaire requiert la coopération active de diverses institutions, notamment les tribunaux et les procureurs. La mise en place de réseaux internationaux de coopération sera particulièrement importante pour le développement effectif de la compétence universelle. C'est pourquoi le Principe 4 demande aux États d'exécuter leurs obligations internationales de poursuivre ou d'extrader les personnes accusées de crimes au regard du droit international ou condamnées pour de tels crimes, pour autant que les procédures utilisées pour ce faire soient conformes aux « normes internationales en matière d'administration de la justice ». Pour fonctionner, la compétence universelle nécessite une entraide judiciaire, notamment aux fins des poursuites, entre tous les États, et ceux-ci devront veiller à ce que les normes internationales en matière d'administration de la justice soient respectées.

    Tous les pouvoirs juridiques peuvent faire l'objet d'abus de la part d'individus malintentionnés. Les Principes de Princeton font tout ce que des principes peuvent faire pour éviter de tels abus : ils indiquent les considérations qui peuvent et doivent dicter l'action d'acteurs internationaux consciencieux.

    Quels sont les crimes visés?

    On a longuement discuté à Princeton de ce qu'il fallait entendre par « crimes graves au regard du droit international »|14|. L'ordre dans lequel ces « crimes graves » sont énumérés tient à des considérations historiques et l'on n'a pas tenté d'ordonner les crimes en fonction de leur gravité.

    • La « piraterie » est un crime qui par définition est réprimé par n'importe quel État sur le fondement des principes de l'universalité et, étant donné le rôle crucial qu'il a joué dans la naissance de la compétence universelle, c'est le crime qui ouvre la liste |15|.
    • L'« esclavage » est visé en partie parce que ses liens historiques avec la piraterie remontent à la Déclaration du Congrès de Vienne en 1815. Il n'existe toutefois guère de dispositions conventionnelles autorisant l'exercice de la compétence universelle contre l'esclavage ou les pratiques connexes |16|. À Princeton, l'expression « esclavage et pratiques connexes » a été examinée mais rejetée comme trop technique. Il a toutefois été convenu que par « esclavage », il fallait également entendre les pratiques interdites par la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage |17|.
    • Initialement, les « crimes de guerre » étaient limités aux « crimes de guerre graves », à savoir les « violations graves » des Conventions de Genève de 1949 et du Protocole additionnel I afin d'éviter que de nombreuses actions pénales soient engagées pour des violations moins graves |18|. Les participants n'ont cependant pas voulu donner l'impression que certains crimes de guerre n'étaient pas graves et ont donc décidé de ne pas utiliser l'adjectif « graves ». Ils sont toutefois convenus qu'il n'était pas souhaitable que la compétence universelle soit invoquée pour poursuivre les auteurs de violations mineures des Conventions de Genève de 1949 et du Protocole I.
    • On a aussi longuement débattu des « crimes contre la paix ». Beaucoup soutiennent que l'agression est le crime international le plus grave, d'autres estiment que définir le crime d'« agression » est en pratique extrêmement difficile et source de divisions. Finalement, malgré le désaccord de quelques participants, on a fait figurer les « crimes contre la paix » dans la liste, en partie pour rappeler le libellé de l'alinéa a| de l'article 6 du Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg |19|.
    • Il n'y a pas eu d'opposition à l'inclusion des « crimes contre l'humanité » dont la définition qui figure à l'article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale fait maintenant autorité |20|. Il n'existe pas actuellement de disposition conventionnelle prévoyant l'exercice de la compétence universelle pour les crimes contre l'humanité.
    • Le « génocide » a été inclus sans opposition. L'article VI de la Convention sur le génocide dispose qu'une personne accusée de génocide est traduite devant les tribunaux de l'État « sur le territoire duquel l'acte a été commis » |21|. Toutefois, l'article VI n'exclut pas qu'au cas où un tribunal pénal international viendrait à être créé, il puisse invoquer la compétence universelle.
    • La « torture » a été incluse sans opposition même si certains ont noté qu'il existait des désaccords sur ce qu'est la torture. Par « torture » il faut également entendre les « autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » tels que définis dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants |22|. De plus, la Convention contre la torture prévoit implicitement l'exercice de la compétence universelle s'agissant des comportements qu'elle interdit |23|.

    On a proposé de faire figurer l'apartheid, le terrorisme et les crimes liés à la drogue dans la liste des crimes graves. Il convient de noter que cette liste a valeur d'exemple et qu'il est expressément indiqué qu'elle n'est pas exhaustive. Le paragraphe 1 du Principe 2 laisse subsister la possibilité qu'à l'avenir d'autres crimes puissent être considérés comme si odieux qu'ils justifient l'application de la compétence universelle.

    Quand et contre qui la compétence universelle devrait-elle être exercée?

    L'exercice de la compétence universelle et la question de savoir quand, le cas échéant, il convient de faire droit aux immunités et amnisties en ce qui concerne la commission de crimes graves au regard du droit international ont été parmi les questions les plus difficiles examinées dans le cadre du Projet de Princeton. L'immunité des anciens et actuels chefs d'État, diplomates et autres représentants de l'État posent des problèmes moraux, politiques et juridiques particulièrement complexes (voir Principe 5). L'immunité de poursuites pénales internationales des chefs d'État en exercice est reconnue par le droit coutumier et celle des diplomates est établie par traité. Il existe néanmoins une différence très importante entre immunité « de fond » et immunité « procédurale ». Une immunité de fond exonérerait les chefs d'État, diplomates et autres représentants de l'État de toute responsabilité pénale pour la commission de crimes graves au regard du droit international lorsque ces crimes ont été commis à titre officiel. Le Principe 5 écarte cette immunité de fond (« la qualité officielle de l'accusé, qu'il s'agisse d'un chef d'État ou de gouvernement ou d'un agent de l'État responsable, ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale et n'est pas un facteur d'atténuation de la peine »). Néanmoins, devant les tribunaux nationaux, l'immunité procédurale demeure en vigueur pendant tout le temps où un chef d'État ou autre représentant de l'État est en fonctions, ou durant la période pendant laquelle un diplomate est accrédité auprès de l'État hôte. En droit international positif, les chefs d'État en exercice, les diplomates accrédités et les autres agents de l'État ne peuvent être poursuivis alors qu'ils sont en fonction pour des actes commis en leur qualité officielle |24|.

    Le rejet dans les Principes de l'immunité de fond est fidèle au Statut du Tribunal de Nuremberg, qui dispose : « La situation officielle des accusés, soit comme chefs d'État, soit comme hauts fonctionnaires, ne sera considérée ni comme une excuse absolutoire ni comme un motif de diminution de la peine » |25|. Plus récemment, les statuts du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie |TPIY| et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ont supprimé l'immunité de fond pour les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l'humanité |26|. Le Principe 5 s'inspire en fait du libellé de ces statuts, qui ont eux-mêmes été rédigés d'après l'article 7 du Statut du Tribunal de Nuremberg |27|.

    Aucun de ces statuts n'envisage la question de l'immunité procédurale. Le droit international coutumier est par contre très clair à cet égard : les chefs d'État jouissent d'une immunité complète pour les « actes de gouvernement » accomplis durant leur mandat. De même, les diplomates accrédités auprès d'un État d'accueil jouissent ès-qualités d'une immunité complète durant l'exercice de leurs fonctions officielles |28|. Un chef d'État, un diplomate ou un autre agent de l'État est donc à l'abri des poursuites alors qu'il est en fonctions mais, une fois qu'il quitte ses fonctions, il ne peut invoquer l'immunité, et il peut alors faire l'objet de poursuites.

    Les Principes ne visent pas à abolir la protection qu'offre l'immunité procédurale, mais ils ne confirment pas non plus cette immunité en tant que principe. À l'avenir, les immunités procédurales au bénéfice des chefs d'État, diplomates et autres agents de l'État en fonctions pourraient être de plus en plus remises en cause, comme le montre la mise en accusation de Slobodan Milosevic par le TPIY alors qu'il était chef d'État en exercice |29|. Il reste à voir si cette initiative sans précédent donnera naissance à un nouveau régime en droit international. Les participants au Projet de Princeton se sont efforcés de ne pas arrêter de principes en matière d'immunité procédurale pour laisser à la matière la possibilité d'évoluer.

    Une autre limite possible aux poursuites à raison de « crimes graves au regard du droit international » sont les lois sur la prescription |30|. Le Principe 6 réaffirme que les crimes relevant de la compétence universelle sont imprescriptibles. Le droit international conventionnel étaye cette position, au moins en ce qui concerne les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité |31|. Certes, la pratique des États laisse quelque peu à désirer, dans ce domaine comme dans d'autres. Le paragraphe 1 du Principe 13 dispose que les organes judiciaires nationaux « interprètent le droit national d'une manière qui soit compatible avec les présents Principes ». Si la législation d'un État est muette quant à la prescription de l'un ou l'autre des crimes graves au regard du droit international, par exemple le génocide, un magistrat local pourrait invoquer ce paragraphe pour légitimement refuser d'appliquer par analogie la prescription prévue pour un autre crime, par exemple le meurtre. Du fait que les lois de nombreuses nations prévoient des prescriptions, un certain nombre de participants ont proposé que les Principes engagent les États à supprimer la prescription pour les crimes graves au regard du droit international; c'est ce que fait le Principe 11.

    Un autre débat nourri a eu lieu en ce qui concerne les amnisties et autres grâces qui peuvent êtres accordées par un État ou en vertu d'un traité à des individus ou catégories d'individus. Certains participants étaient fermement opposés à tout principe admettant l'amnistie pour les « crimes graves en regard du droit international ». D'autres estimaient que certains types d'amnistie associés à des mécanismes autres qu'un procès pénal obligeant les intéressés à rendre des comptes étaient acceptables dans certains cas : au moins durant les périodes difficiles de transition politique, et cela à défaut de poursuites pénales. Les mécanismes obligeant certains individus à rendre des comptes comme la Commission vérité et réconciliation d'Afrique du Sud ont suscité une vive controverse. Nous avons envisagé de définir les conditions minimales qui devraient être satisfaites pour que de tels mécanismes soient considérés comme légitimes (par exemple l'individualisation de la responsabilité) mais, finalement, les participants au Projet de Princeton ont décidé de ne pas essayer de définir des critères généraux. C'est pourquoi le Principe 7 se contente d'énoncer une présomption, à savoir que les amnisties sont incompatibles avec les obligations de l'État de prévenir l'impunité |32|. Le paragraphe 2 dispose que si un État accorde des amnisties qui sont incompatibles avec ses obligations juridiques internationales s'agissant de réprimer les crimes graves au regard du droit international, d'autres États peuvent essayer d'exercer la compétence universelle.

    Qui devrait engager des poursuites?

    Le Principe 8 vise à définir les facteurs devant être pris en considération lorsqu'il faut décider de poursuivre ou d'extrader en présence de revendications de compétence concurrentes. La liste des facteurs n'est pas donnée comme exhaustive |33|. Ce principe vise à fournir des directives aux États pour régler les conflits lorsque l'État qui a la garde d'une personne accusée de crimes internationaux graves ne peut faire reposer sa compétence que sur l'universalité, et qu'un ou plusieurs autres États se sont déclarés compétents ou sont en position d'exercer leur compétence.

    Initialement, les rédacteurs des Principes pensaient présenter les différentes bases de compétence par ordre de priorité pour indiquer laquelle devait prévaloir en cas de conflit. On a estimé, presque sans exception, que le principe de territorialité devait prévaloir. Ceci découlait notamment de la conviction traditionnelle selon laquelle un accusé doit être jugé par son « juge naturel ». De nombreux participants ont déclaré que les sociétés qui avaient été victimisées par des crimes politiques devaient avoir la possibilité d'en traduire les auteurs en justice, à condition que leur appareil judiciaire soit en mesure de le faire et prêt à le faire.

    Bien qu'il ait été décidé de ne pas établir de priorité entre les bases de compétence, les Principes ne nient pas que souvent certaines revendications de compétence traditionnelles se verront accorder un poids particulier. Par exemple, l'exercice de la compétence territoriale répondra souvent à plusieurs des autres facteurs énumérés au Principe 8, comme la convenance des parties et des témoins ou l'accès aux éléments de preuve.

    Quelles protections pour l'accusé?

    Pour que la compétence universelle serve à promouvoir davantage la justice, les droits de l'accusé doivent être protégés. Le Principe 9 protège les accusés contre les poursuites multiples pour le même crime. Aucun des participants ne s'est opposé à ce type de garantie. Toutefois, plusieurs participants ont contesté que l'interdiction de la double incrimination - non bis in idem - fût un principe reconnu du droit international. En vertu des accords régionaux en matière de droits de l'homme, non bis in idem a été interprété comme s'appliquant à l'intérieur de l'État, mais non entre États. On a néanmoins noté que l'importance du principe non bis in idem était reconnue dans presque tous les systèmes juridiques : il constitue un principe général de droit et, comme tel, peut être considéré comme applicable en droit international |34|. Le paragraphe 3 reconnaît expressément à l'accusé le droit d'invoquer le principe non bis in idem pour s'opposer à une nouvelle action pénale et lui reconnaît « qualité pour le faire ». Cette disposition vise à permettre à l'accusé d'invoquer indépendamment ce moyen de défense dans des pays qui autrement n'autoriseraient que l'État requis à invoquer, à sa discrétion, le principe non bis in idem au nom d'un accusé.

    Le paragraphe 1 du Principe 10 exige qu'une demande d'extradition reposant sur l'universalité soit rejetée si l'accusé risque la peine de mort ou risque d'être soumis à la torture ou à « d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Cette dernière expression doit être interprétée selon l'usage, tel que celui-ci est défini dans la Convention contre la torture |35|.

    On s'est demandé s'il fallait inclure dans les Principes une disposition sur les procès par contumace. Bien que généralement considérés comme inacceptables dans les pays de common law, ces procès sont traditionnels dans certains pays de droit civil, comme la France, et ont une fonction utile s'agissant de préserver les preuves. Il a finalement été décidé de ne pas viser ces procès dans les Principes.

    Conclusion : responsabiliser au moyen du droit international

    Plusieurs des principes restants ont déjà été mentionnés, et leur importance devrait être claire. Les Principes 11 et 12 demandent aux États de se doter d'une législation leur permettant d'exercer la compétence universelle et d'inclure des dispositions prévoyant cette compétence dans tous les traités qu'ils concluront à l'avenir. La première phrase du Principe 13 vise à consigner l'opinion des rédacteurs des Principes selon laquelle rien dans ces derniers ne doit être interprété comme modifiant les obligations existantes de tout État en vertu des conventions antiterroristes.

    Le paragraphe 1 du Principe 14 demande aux États de régler par des moyens pacifiques les différends découlant de l'application de la compétence universelle. Un exemple de règlement que ce paragraphe vise à promouvoir est donné par l'affaire du Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 |République démocratique du Congo c. Belgique|, qui est pendante devant la Cour internationale de Justice comme les présents Principes sont en cours de publication |36|. Il s'agit d'un différend concernant la revendication par la Belgique de sa compétence universelle s'agissant du Ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo.

    La compétence universelle constitue un moyen d'amener les personnes accusées d'un crime international grave à rendre des comptes et de leur refuser l'impunité. Elle reflète l'adage consacré dans de si nombreux traités : aut dedere aut judicare, c'est-à-dire extrader ou poursuivre. Tous les participants au Projet de Princeton ont jugé qu'il était important que les Principes ne soient pas interprétés de manière à limiter le développement de la compétence universelle ou l'évolution de l'obligation de rendre des comptes pour les crimes au regard du droit international, et cette conviction est exprimée dans le Principe 13.

    Les tribunaux nationaux exerçant la compétence universelle ont un rôle vital à jouer s'agissant de traduire les auteurs de crimes internationaux en justice : ils font partie du réseau d'instruments juridiques qui peuvent et devraient être déployés pour lutter contre l'impunité. Les Principes de Princeton ne visent pas à indiquer de manière définitive comment exercer la compétence universelle de manière appropriée. Notre espoir est que ces principes apporteront davantage de clarté et d'ordre dans l'exercice de la compétence universelle, et qu'ils encourageront ce faisant son exercice raisonnable et responsable.


    Participants à la réunion d'adoption des Principes, (25-27 janvier 2001)

    Adrian Arena
    Secrétaire général par intérim de la Commission internationale de juristes

    Lloyd Axworthy
    Directeur du Liu Centre for the Study of Global Issues
    University of British Columbia
    Ancien Ministre des affaires étrangères du Gouvernement fédéral canadien

    Gary J. Bass
    Maître de conférences en sciences politiques et affaires internationales
    Princeton University

    M. Cherif Bassiouni
    Professeur de droit et Président du International Human Rights Law Institute
    DePaul University College of Law

    Nicolas Browne-Wilkinson*
    Lord légiste, Chambre des lords du Royaume-Uni

    William J. Butler
    Ancien Président du Comité exécutif de la Commission internationale de juristes
    (1975-1990)
    Président de l'Association américaine pour la Commission internationale de juristes

    Hans Corell
    Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques
    Organisation des Nations Unies

    Param Cumaraswamy
    Rapporteur spécial des Nations Unies sur l'indépendance des juges et des avocats
    Organisation des Nations Unies

    E. V. O. Dankwa
    Professeur de droit Université du Ghana
    Président de la Commission africaine des droits de l'homme et des droits
    des peuples

    Richard A. Falk
    Professeur de droit et de pratique internationale (Albert G. Milbank)
    Professeur de sciences politiques et de politique internationale
    Princeton University

    Tom Farer
    Doyen du Graduate School of International Studies
    University of Denver

    Cees Flinterman
    Professeur de droits de l'homme
    Université d'Utrecht
    Directeur de l'Institut néerlandais des droits de l'homme et de l'École néerlandaise
    de recherche en matière de droits de l'homme

    Mingxuan Gao
    Professeur de droit Institut de droit chinois

    Menno T. Kamminga
    Professeur de droit public international
    Université de Maastricht

    Michael Kirby
    Juge
    Cour suprême australienne

    Bert B. Lockwood
    Professeur émérite, professeur de droit
    Directeur du Urban Morgan Institute for Human Rights
    University of Cincinnati College of Law

    Stephen Macedo
    Professeur de sciences politiques (Laurance S. Rockefeller)
    University Center for Human Values
    Directeur du programme de droit et d'affaires publiques Princeton University

    Stephen P. Marks
    Professeur |François-Xavier Bagnoud| Harvard School of Public Health

    Michael O'Boyle
    Greffier de section
    Cour européenne des droits de l'homme

    Diane F. Orentlicher
    Chargée de recherche en droit et en affaires publiques (2000-2001)
    Princeton University
    Professeur de droit
    Directrice du War Crimes Research Office
    American University

    Stephen A. Oxman
    Membre du Conseil d'administration de l'Association américaine pour la
    Commission internationale de juristes
    Ancien Secrétaire d'État adjoint des États-Unis chargé des affaires européennes et
    canadiennes

    Vesselin Popovski
    Professeur de droit University of Exeter

    Michael Posner
    Directeur exécutif
    Lawyers Committee for Human Rights

    Yves Sandoz
    Ancien Directeur du droit international
    Comité international de la Croix-Rouge

    Jerome J. Shestack
    Ancien Président de l'American Bar Association
    Membre du Comité exécutif de la Commission internationale de juristes

    Stephen M. Schwebel
    Ancien Président de la Cour internationale de Justice

    Kuniji Shibahara
    Professeur émérite de l'Université de Tokyo

    Anne-Marie Slaughter
    Professeur de droit international, de droit étranger et de droit comparé
    (J. Sinclair Armstrong)
    Directrice du Graduate and International Legal Studies Harvard Law School

    Turgut Tarhanli
    Professeur de droit international Université de Bilgi (Istanbul)

    Wang Xiumei
    Chercheur
    Université Renmin (Chine)

    * * *

    Participants à la réunion qui s'est tenue les 10 et 11 novembre 2000

    Georges Abi-Saab
    Professeur de droit international
    The Graduate Institute of International Studies

    Gary J. Bass
    Maître de conférences en sciences politiques et affaires internationales
    Princeton University

    M. Cherif Bassiouni
    Professeur de droit et Président du International Human Rights Law Institute
    DePaul University College of Law

    George A. Bermann
    Professeur de droit (Charles Keller Beekman) et Directeur de l'European Legal
    Studies Center
    Columbia Law School

    William J. Butler
    Ancien Président du Comité exécutif de la Commission internationale de juristes
    (1975-1990)
    Président de l'Association américaine pour la Commission internationale de juristes

    Lori F. Damrosch
    Professeur (Henry L. Moses)
    Spécialiste du droit international et des organisations internationales
    Columbia Law School

    Pablo De Greiff
    Professeur assistant de philosophie State University of New York (Buffalo)
    Titulaire d'une bourse de recherche Laurance S. Rockfeller (2000-2001) Princeton University Center for Human Values

    Richard A. Falk
    Professeur de droit et de pratique internationale (Albert G. Milbank)
    Professeur de sciences politiques et de politique internationale
    Princeton University

    Cees Flinterman
    Professeur de droits de l'homme
    Université d'Utrecht
    Directeur de l'Institut néerlandais des droits de l'homme et de l'École néerlandaise
    de recherche en matière de droits de l'homme

    Marc Henzelin
    Maître de conférences en droit pénal international
    Université de Genève

    Jeffrey Herbst
    Professeur de sciences politiques et de politique internationale
    Princeton University

    Bert B. Lockwood
    Professeur émérite, professeur de droit
    Directeur du Urban Morgan Institute for Human Rights
    University of Cincinnati College of Law

    Stephen Macedo
    Professeur de sciences politiques (Laurance S. Rockefeller)
    University Center for Human Values
    Directeur du programme de droit et d'affaires publiques
    Princeton University

    Martha L. Minow
    Professeur de droit Harvard Law School

    Stephen P. Marks
    Professeur (François-Xavier Bagnoud)
    Harvard School of Public Health

    Diane F. Orentlicher
    Chargée de recherche en droit et en affaires publiques (2000-2001)
    Princeton University Professeur de droit
    Directrice du War Crimes Research Office
    American University

    Stephen A. Oxman
    Membre du Conseil d'administration de l'Association américaine pour la
    Commission internationale de juristes
    Ancien Secrétaire d'État adjoint des États-Unis chargé des affaires européennes et
    canadiennes

    Jordan Paust
    Professeur de droit
    University of Houston Law Center

    W. Michael Reisman
    Professeur de droit international (Myres S. McDougal)
    Yale Law School

    Leila Sadat
    Professeur de droit
    The Washington University School of Law

    Anne-Marie Slaughter
    Professeur de droit international, de droit étranger et de droit comparé
    (J. Sinclair Armstrong)
    Directrice du Graduate and International Legal Studies
    Harvard Law School

    Chandra Sriram
    Chargé de recherche
    Académie mondiale pour la paix

    * * *

    Comité de rédaction des Principes de Princeton relatifs à la compétence universelle

    M. Cherif Bassiouni, Président
    Professeur de droit et Président du International Human Rights Law Institute
    DePaul College of Law
    Ancien Président du Comité de rédaction de la Conférence diplomatique de
    plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une cour criminelle internationale

    Christopher L. Blakesley
    (réunion de novembre seulement)
    Professeur de droit (J. Y. Sanders)
    Paul M. Hebert Law Center
    Louisiana State University

    William J. Butler
    Ancien Président du Comité exécutif de la Commission internationale de juristes
    (1975-1990)
    Président de l'Association américaine pour la Commission internationale de juristes

    Stephen Macedo
    Professeur de sciences politiques (Laurance S. Rockefeller)
    University Center for Human Values
    Directeur du programme de droit et d'affaires publiques
    Princeton University

    Diane F. Orentlicher
    Chargée de recherche en droit et en affaires publiques (2000-2001)
    Princeton University Professeur de droit
    Directrice du War Crimes Research Office
    American University

    Stephen A. Oxman
    Membre du Conseil d'administration de l'Association américaine pour la
    Commission internationale de juristes
    Ancien Secrétaire d'État adjoint des États-Unis chargé des affaires européennes et
    canadiennes

    Lloyd L. Weinreb
    (réunion de novembre seulement)
    Professeur de droit
    Harvard Law School


    Remerciements

    Nous tenons à adresser nos remerciements aux institutions qui ont mis à notre disposition les moyens nécessaires à la réalisation du projet. Nous remercions également tous les participants officiels et observateurs ainsi que tous ceux qui, à un moment ou à un autre, nous ont adressé des observations sur le projet.

    Le Comité de rédaction exprime sa gratitude à Stephen W. Becker |J. D., DePaul University College of Law, juin 2001|, Sullivan Fellow, International Human Rights Law Institute, qui a secondé avec beaucoup de dynamisme le professeur Bassiouni en qualité de chargé de recherche et de rapporteur du Comité de rédaction des Principes de Princeton.

    Nombreux sont ceux à Princeton University, notamment à la Woodrow Wilson School of Public and International Affairs, à avoir aidé à organiser les deux réunions du Projet de Princeton dans des délais très courts. David Figueroa-Ortiz, Chandra Sriram et Simon P. Stacey ont apporté une aide précieuse. Nous remercions aussi Betteanne Bertrand et Sally Buchanan de leur abnégation et de leur dévouement.

    Scott Wayland s'est chargé d'apporter les corrections indispensables au présent ouvrage. Laurel Masten Cantor nous a fait bénéficier de sa connaissance des filières de production documentaire. Un grand merci à Cynthia Kinelski qui a tout fait pour que nos réunions se déroulent le plus commodément possible.


    Note documentaire de Equipo Nizkor du 22 octobre, 2010: Ce document est une copie certifiée du document original Nations Unies A/56/677, du 4 décembre, 2001, dont l'annexe contient les Principes de Princeton sur la Jurisdiction Universelle. Cette publication numérique diffère de l'édition originale en papier uniquement dans l'énumération séquentielle des notes de bas de page qui sont devenues notes de fin de document et la réélaboration et le placement de la table des matières afin de faciliter la lecture du document en ligne.


    Notes:

    1. On trouvera plus loin la liste des participants officiels. L'ensemble des documents produits dans le cadre de ce projet est actuellement à l'étude aux presses de l'Université de Princeton. Voir ci-après, note 3, p. 18. [Retour]

    2. Pour la liste de ceux qui ont participé à la réunion de janvier 2001, voir p. 30 à 32. [Retour]

    3. Pour la liste des participants, voir p. 33.[Retour]

    4. Un participant s'est abstenu lors de l'adoption, voir infra p. 25. [Retour]

    5. Établi par Steven W. Becker (J.D., DePaul University College of Law, juin 2001), Sullivan Fellow, International Human Rights Law Institute. Ce commentaire a été établi sous la direction du professeur Cherif Bassiouni et avec l'assistance de Stephen Macedo, Stephen A. Oxman et autres. [Retour]

    6. Lors de la première réunion, en novembre 2000, d'éminents universitaires ont établi et examiné des documents de recherche sur divers aspects de la compétence universelle. La deuxième réunion, en janvier 2001, comprenait des juristes de renom dont certains des universitaires qui avaient participé à la première réunion. On trouvera après le présent commentaire une liste des participants. [Retour]

    7. Publiée sous la direction de Stephen Macedo, cette série d'essais est à l'examen chez l'éditeur, Princeton University Press. Elle comprendra : M. Cherif Bassiouni, Universal Jurisdiction in Historical Perspectives; Georges Abi-Saab, Universal Jurisdiction and International Criminal Tribunals: A Study of Interaction; Gary J. Bass, The Adolph Eichmann Case; Richard A. Falk, Assessing the Pinochet Litigation: Whither Universal Jurisdiction?; Stephen P. Marks, The Hissène Habré Case: The Law and Politics of Universal Jurisdiction; Chandra Lekha Sriram & Jordan J. Paust, Universal Jurisdiction and Responsibility: A Survey of Current, Impending, and Potential Cases; Hon. Justice Michael Kirby, Universal Jurisdiction and Judicial Reluctance: A New « Fourteen Points »; Leila Nadya Sadat, Universal Jurisdiction and National Amnesties, Truth Commissions and Other Alternatives to Prosecution: Giving Justice a Chance; Anne-Marie Slaughter, The limits of Universal Jurisdiction; Diane F. Orentlicher, Frontiers of Universal Jurisdiction; A. Hays Butler, A Survey of Enabling Statutes. [Retour]

    8. Voir Falk, supra, note 3. [Retour]

    9. Voir par exemple le Principe 3, qui encourage les organes judiciaires à invoquer la compétence universelle, le Principe 11, qui engage les parlements à adopter des lois prévoyant l'exercice de la compétence universelle, et le Principe 12, qui exhorte les gouvernements à faire figurer des dispositions prévoyant la compétence universelle dans les nouveaux traités et dans les protocoles aux traités existants. [Retour]

    10. Voir Kirby, supra, note 3. [Retour]

    11. Le Procureur général d'Israël c. Eichmann, 36 I.L.R.QQ5 (Isr. D.C., Jérusalem, 12 décembre 1961), aff'd, 36 I.L.R.277 (Isr. S.Ct., 29 mai 1962), qui est souvent cité comme représentant l'exercice de la compétence universelle par Israël, même si nombre de commentateurs estiment que plus fondamentalement la décision reposait sur la doctrine de la personnalité passive et le principe de protection dans le cadre d'une loi israélienne unique adoptée par la Knesset en 1950. Voir Bass, supra, note 3. [Retour]

    12. Voir l'ordonnance de la Cour internationale de Justice dans l'affaire du Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (Congo c. Belgique) (8 décembre 2000), dans laquelle ces questions sont au premier plan. Récemment, le 20 mars 2001, la Cour de cassation sénégalaise a jugé que Hissène Habré, l'ancien Président du Tchad, ne pouvait être jugé au Sénégal pour actes de torture. Voir Marks, supra, note 3. [Retour]

    13. Voir Principe 9. On notera aussi que, pour les rédacteurs, les normes internationales en matière d'administration de la justice visées au paragraphe 4 du Principe 1 sont citées à titre d'exemple et que la liste n'en est pas exhaustive. Le droit à être libéré moyennant une caution raisonnable (voir Principe 14, par. 2) et le droit à un conseil ont également été mentionnés parmi les garanties essentielles en matière d'administration de la justice. Voir aussi Déclaration universelle des droits de l'homme, 10 décembre 1948, art. 10 et 11, résolution 217A (III) de l'Assemblée générale, document A/810 (1948); Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 décembre 1966, art. 14 et 15, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1999, p. 171. [Retour]

    14. Voir Principe 2 1).[Retour]

    15. Voir, par exemple, la Convention sur la haute mer du 29 avril 1958, art. 19, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 450, p. 92 (« Tout État peut saisir un navire ou un aéronef pirate, ou un navire capturé à la suite d'actes de piraterie et qui est au pouvoir de pirates, et appréhender les personnes et saisir les biens se trouvant à bord dudit navire ou aéronef, en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d'aucun État. »); Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, 10 décembre 1982, art. 105, document A/CONF.62/122, 21 I.L.M. 1261. Voir également Bassiouni, supra, note 3. [Retour]

    16. Voir la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui, 21 mars 1950, art. 11, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 96, p. 271 (« Aucune disposition de la présente Convention ne sera interprétée comme portant atteinte à l'attitude d'une Partie à ladite Convention sur la question générale de la compétence de la juridiction pénale comme question de droit international. »); Convention relative à la traite des esclaves et à l'importation en Afrique d'armes à feu, de munitions et de spiritueux, de juillet 1890, art. 5, 27 Sat. 886, 17 Martens Nouveau Recueil(ser.2) p. 345; Traité pour la répression de la traite des esclaves africains, 20 décembre 1841, art. 6, 7 et 10 et annexe B, partie 5, Martens Nouveau Recueil(ser.1), vol. 2, p. 392. [Retour]

    17. 7 septembre 1956, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 266, p. 3, 18 U.S.T. 3201. [Retour]

    18. Voir Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, 12 août 1949, art. 50, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 75, p. 31, 6 U.S.T. 3114, T.I.A.S. No 3362; Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des malades et des naufragés des forces armées sur mer, 12 août 1949, art. 51, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 75, p. 85, 6 U.S.T. 3217, T.I.A.S. No 3363; Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, 12 août 1949, art. 130, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 75, p. 135, U.S.T. No 3316, T.I.A.S. No 3364; Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, art. 147, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 75, p. 287, 6 U.S.T. 3516, T.I.A.S. No 3365; Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), 12 décembre 1977, art. 85, Nations Unies, document A/32/144, annexe I. [Retour]

    19. Voir Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg, 8 août 1945, art. 6 a), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 82, p. 284, 59 Stat. 1546 [ci-après le Statut de Nuremberg], annexé à l'Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l'Axe, 8 août 1945, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 82, p. 279, 59 Stat. 1544. [Retour]

    20. 17 juillet 1998, art. 7, document des Nations Unies A/CONF.183/9, 37 I.L.M. 999 [ci-après le Statut de la CPI]. [Retour]

    21. Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1948, art. VI, Nations Unies, Recueil des Traités, vol 78, p. 277. [Retour]

    22. Résolution 39/46 de l'Assemblée générale, annexe, Documents officiels de l'Assemblée générale, trente-neuvième session, Supplément No 51 |A/39/51| |1984|, entrée en vigueur le 26 juin 1987 [ci-après Convention contre la torture], projet reproduit dans 23 International Legal Materials 1027, modifié dans 24 I.L.M 535. [Retour]

    23. Ibid., art. 5, 7 1). [Retour]

    24. Lord Browne-Wilkinson a donné, de son désaccord avec les Principes de Princeton, les raisons suivantes :

    Je suis un partisan convaincu de la compétence universelle pour les crimes internationaux graves si on entend par compétence universelle l'exercice par un tribunal international ou par les tribunaux d'un État de leur compétence à l'égard des nationaux d'un autre État sans le consentement préalable de ce dernier, c'est-à-dire dans des cas tels que la CPI ou la Convention contre la torture.

    Mais les Principes de Princeton permettraient aux divers tribunaux nationaux d'exercer une telle compétence contre les nationaux d'un État qui n'a pas accepté cette compétence. En outre, les Principes ne reconnaissent aucune forme d'immunité souveraine : Principe 5 1). S'il devait en être ainsi en droit, les États hostiles aux puissances occidentales n'hésiteraient pas à appréhender des responsables politiques et militaires en fonctions ou retraités de ces puissances et à organiser un procès à grand spectacle en les accusant de crimes internationaux. À l'inverse, certains dans les États occidentaux pourraient engager des poursuites contre, par exemple, les extrémistes islamiques pour leurs activités terroristes. Il est naïf de penser que dans de tels cas l'État dont l'accusé a la nationalité resterait les bras croisés durant le déroulement du procès : il est plus probable qu'il recourrait à la force. De toute façon, la crainte de tels procès dissuaderait d'utiliser les forces de maintien de la paix lorsque cela serait souhaitable et entraverait le libre échange de personnel diplomatique.

    J'estime que l'adoption d'une telle compétence universelle sans préserver les modalités existantes de l'immunité risquerait de nuire à la paix internationale plus que de la servir. [Retour]

    25. Statut du Tribunal de Nuremberg, supra note 15, art. 7. [Retour]

    26. Voir Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, art. 7, par. 2, résolution 808 |1993| du Conseil de sécurité, Documents officiels du Conseil de sécurité, quarante-huitième session, 3175e séance, document de l'ONU S/RES/808 (1993), annexé au rapport présenté par le Secrétaire général en application du paragraphe 2 de la résolution 808 (1993) du Conseil de sécurité de l'ONU, document de l'ONU S/25704 et Add.1 (1993) [ci-après le Statut du TPIY]; Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, art. 6, par. 2, résolution 955 (1994) du Conseil de sécurité, Documents officiels du Conseil de sécurité, quarante-neuvième session, 3453e séance, annexe, document de l'ONU S/RES/955 (1994) [ci-après le Statut du TPIR]. [Retour]

    27. Voir Statut du TPIY, supra, note 22, art. 7, par. 2; Statut du TPIR, supra, note 22, art. 6, par. 2. L'article 27 du Statut de la CPI dispose de même :

      1. Le présent Statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d'État ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement, de représentant élu ou d'agent d'un État, n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine.

      2. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne.

    Statut du TPIY, supra, note 16, art. 27.

    Toutefois, l'article 98 du Statut de la CPI admet la primauté d'autres traités multilatéraux s'agissant d'évaluer l'immunité :

      1. La Cour ne peut présenter une demande d'assistance qui contraindrait l'État requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en droit international en matière d'immunité des États ou d'immunité diplomatique d'une personne ou de biens d'un État tiers, à moins d'obtenir au préalable la coopération de cet État tiers en vue de la levée de l'immunité.

      2. La Cour ne peut présenter une demande de remise qui contraindrait l'État requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en vertu d'accords internationaux selon lesquels le consentement de l'État d'envoi est nécessaire pour que soit remise à la Cour une personne relevant de cet État, à moins que la Cour ne puisse au préalable obtenir la coopération de l'État d'envoi pour qu'il consente à la remise.

    Id., art. 98.

    On notera que l'article 27 figure dans le chapitre III du Statut de la CPI, alors que l'article 98 se trouve dans le chapitre IX du Statut, qui ne contient aucune prohibition en ce qui concerne les immunités et semble ainsi autoriser un chef d'État, diplomate ou autre agent de l'État, à invoquer, le cas échéant, l'immunité procédurale. [Retour]

    28. Voir Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, 18 avril 1961, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 500, p. 95; voir également Affaire du Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran (États-Unis c. République islamique d'Iran), C.I.J. Recueil 1980, p. 3 (24 mai). Ces immunités temporaires ne sont pas supprimées par ce paragraphe. Il se pourrait néanmoins que de telles doctrines soient en train d'être battues en brèche. Voir infra, note 25 et texte connexe. [Retour]

    29. Le Procureur c. Milosevic (acte d'accusation) (24 mai 1999), à l'adresse <http://www.un.org/icty/indictment/french/mil-ii990524f.htm>. [Retour]

    30. Voir Principe 6. [Retour]

    31. Voir Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, 26 novembre 1968, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 754, p. 73; Convention européenne sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre, 25 janvier 1974, Traités européens, No 82. [Retour]

    32. Voir Principe 7, par. 1. [Retour]

    33. Cette méthode, consistant à énumérer les facteurs pertinents, a été utilisée dans des contextes comparables, par exemple pour déterminer quelle est la juridiction prioritaire en cas d'infraction extraterritoriale, voir RESTATEMENT (THIRD) OF FOREIGN RELATIONS LAW OF THE UNITED STATES, par. 403 (1987) et, en matière de conflits de lois, voir RESTATEMENT (SECOND) OF CONFLICT OF LAWS, par. 6 (1971). [Retour]

    34. Il est également énoncé dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, supra, note 9, art. 14, par. 7, et dans la Convention américaine relative aux droits de l'homme du 22 novembre 1969, art. 8, par. 4, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1144, p. 123. [Retour]

    35. Voir Convention contre la torture, supra, note 18, art. 1. [Retour]

    36. Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 |République démocratique du Congo c. Belgique|, 8 décembre 2000. [Retour]


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