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08mar10

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Déclaration à la suite des graves menaces contre la Cour suprême colombienne.


Jeudi dernier, le 4 mars 2010, le Parquet général de Colombie a informé la séance plénière de la Cour suprême de justice de la découverte d'un nouveau plan visant à éliminer certains magistrats de cette haute cour.

Le même jour, la Chambre plénière de la Cour a publié un communiqué dans lequel elle dénonçait l'existence d'une « stratégie de terreur » contre la corporation, ainsi que l' « apathie discrète » des autres branches du pouvoir public colombien face à la gravité des faits, qui ne peuvent être considérés comme un « simple épisode » au vu de l'importance des procès menés actuellement devant la Cour contre des politiques, des paramilitaires et des narcotrafiquants pour des crimes contre l'humanité commis dans ce pays.

La Cour a appelé à la solidarité de la société civile pour défendre le travail des juges et l'Etat de droit en Colombie, qui sont tous deux une nouvelle fois menacés par les activités de « forces obscures », qui portent mal leur nom et qui tentent d'empêcher le jugement des responsables de graves crimes commis en Colombie.

Au vu de ce qui précède, nous exprimons notre soutien à la Cour en cette période, étant donné les menaces et les agressions systématiques dont fait l'objet la plus haute instance judiciaire ordinaire de Colombie. Nous considérons, en effet, que de tels actes sont liés à ce que nous appelons l'attaque du pouvoir exécutif contre la Cour suprême de justice.

[Voir les informations classées par ordre chronologique sur la page spécialisée : http://www.derechos.org/nizkor/colombia/justicia/justiciamain.html#cs]

FAITS ANTÉRIEURS ET CONTEXTE

1) Depuis 2005, les magistrats et les enquêteurs de la Cour suprême sont devenus des cibles d'espionnage illégal et ont fait l'objet d'opérations d' « intelligence offensive » menées par le Département administratif de sécurité (DAS), c'est-à-dire la police secrète de Colombie, qui dépend du point de vue hiérarchique et fonctionnel du président Álvaro Uribe Vélez.

Ces actions criminelles visant la Cour ont coïncidé avec l'ouverture des enquêtes sur des parlementaires en fonction, d'anciens parlementaires, des gouverneurs et d'autres fonctions publiques en raison de leurs liens avec le paramilitarisme, ce que le droit international qualifie de participation à une entreprise criminelle commune et ce que l'on appelle en Colombie la « parapolitique ».

2) En novembre 2006, la Cour a commencé à recevoir des appels de menaces. A l'époque, la cible de ces insultes et de ces intimidations était l'un des magistrats d'assistance du magistrat Alfredo Gómez Quintero, de la chambre pénale.

3) En février 2007, l'ancien président de la Cour, le magistrat Yesid Ramírez Bastidas, a reçu différents appels de menaces.

4) En mai 2007, différents magistrats de la chambre pénale ont reçu de nouveaux appels de menaces et d'intimidation.

5) En juillet 2007, lorsque la Cour a rendu un arrêt important qui a fait jurisprudence en ce qui concerne la différenciation juridique entre les délits politiques et les délits commis par les groupes paramilitaires, la haute cour a été la cible de sérieuses mises en garde verbales de la part du président Álvaro Uribe, lors d'une confrontation inédite dans l'histoire institutionnelle colombienne.

6) En septembre et en octobre 2007, après que le sénateur Mario Uribe, cousin germain du président Álvaro Uribe, a été associé, sur base de l'interrogatoire auquel il a été soumis lors de sa mise en examen, au procès de la « parapolitique », un nouveau coup monté a été organisé par le Palais de Nariño (le siège de la Présidence de la République) contre la Cour suprême par le biais d'un paramilitaire connu sous le pseudonyme de Tasmania, qui a ensuite retiré ses accusations contre la Cour (http://www.derechos.org/nizkor/colombia/doc/ivan1.html) et notamment contre le magistrat d'assistance Iván Velásquez, principal enquêteur de ce procès.

7) En octobre 2007, on a menacé, par des appels anonymes, de faire exploser une bombe dans l'école où étudie la fille de María del Rosario González de Lemos, magistrate de la chambre pénale, ce qui a obligé l'évacuation de l'établissement scolaire. Néanmoins, l'exécutif et certains organismes de sécurité de l'Etat continuent de mettre en doute encore aujourd'hui l'authenticité de cette menace, alors que la Procuraduría General de la Nación (organe de l'État qui contrôle la conduite des fonctionnaires et mène des enquêtes pour faute disciplinaire) a conclu qu'elle était bien réelle. Quelques mois plus tard, le véhicule du dispositif de sécurité de la magistrate González a été saboté.

8) En novembre 2007, la police nationale a levé, sans justification, le dispositif de sécurité dont bénéficiait le magistrat d'assistance Iván Velásquez, chef de la commission des enquêteurs dans le cadre des procès de la « parapolitique ». Face aux dénonciations de la Cour, le dispositif a été rétabli.

9) En janvier 2008, le président Álvaro Uribe Vélez a intenté une action en justice pour injure et calomnie contre le magistrat César Julio Valencia Copete, président à l'époque de la Cour suprême de justice, en raison des propos qu'il a tenus lors d'un entretien accordé au quotidien El Espectador ; cette action constitue clairement une atteinte à l'indépendance judiciaire et à la liberté d'expression.

10) Le 10 avril 2008, la Cour a rendu un arrêt en appel, sur base de la doctrine du droit pénal international, par lequel elle estime que l'entente en vue de commettre une infraction dans un objectif de paramilitarisme constitue un crime contre l'humanité.

11) En août 2008, des hauts fonctionnaires de la présidence de la république, dont le secrétaire juridique Edmundo del Castillo, le secrétaire de presse César Mauricio Velásquez et plusieurs membres du DAS, se sont réunis au siège de la présidence avec des porte-paroles et des membres du paramilitarisme qui cherchaient, depuis décembre 2007, à causer, une fois de plus, des problèmes judiciaires aux membres de la Cour suprême en raison de leurs enquêtes sur la « parapolitique ». (http://www.derechos.org/nizkor/colombia/doc/paz/paras4.html)

12) En septembre 2008, le président Álvaro Uribe s'en est de nouveau pris à la Cour suprême, cette fois parce qu'elle avait permis de bénéficier d'une assignation à résidence à l'ancienne parlementaire Yidis Medina, qui a avoué avoir accepté des avantages et des pots-de-vin de hauts fonctionnaires de l'exécutif en échange de son vote favorable à la réélection présidentielle, ce qui a donné lieu à de nouvelles enquêtes sur des parlementaires et des fonctionnaires de l'Etat, une affaire qui est connue sous le nom de « Yidis-politique ». Le ministre de l'Intérieur Fabio Valencia a accusé, pour sa part, Francisco Ricaurte, président de la Cour de l'époque, d'avoir « agi de mauvaise foi » en raison de ses critiques à l'égard du projet de réforme de la justice, dont le but était de créer une « super cour » qui enquêterait sur les hommes et femmes politiques et les hauts fonctionnaires de l'Etat.

13) En février 2009, la revue Semana a dénoncé le fait que le DAS a mené, pendant plusieurs années, des activités d'espionnage contre des magistrats des hautes cours, des journalistes et des dirigeants de l'opposition.

14) En août 2009, la Cour a dénoncé de nouvelles menaces à son encontre ; cette fois, c'est le président de la chambre pénale de l'époque, le magistrat Julio Enrique Socha Salamanca, qui a été visé en recevant un faire-part de décès accompagné de messages d'intimidation. De la même manière, on a pris connaissance d'informations faisant état d'éventuels attentats contre les magistrats. Ces faits se sont produits deux mois après la condamnation de deux anciens parlementaires dans le cadre de la « yidis-politique ».

15) En septembre 2009, la Cour suprême de justice a établi une jurisprudence face au délit d'entente en vue de commettre une infraction dans un objectif de paramilitarisme, qualifié précédemment de crime contre l'humanité, dans l'affaire dit de la « para-politique » ( http://www.radionizkor.org/colombia/#cch1). La chambre pénale a estimé, conformément à la doctrine internationale, que ceux-ci ont appartenu à une « structure criminelle composée de plusieurs personnes, organisée de manière hiérarchique et subordonnée à une organisation criminelle » et que « les personnes qui y ont participé, y compris ceux qui se sont servis de leur position, doivent aussi répondre devant la justice de l'ensemble des crimes attribués aux commandants ou aux chefs des blocs, des fronts ou des unités qui faisaient partie de l'association criminelle ». Cette jurisprudence exercera nécessairement une influence sur les procès devant la Cour concernant des hauts fonctionnaires de l'Etat et des politiques, accusés de lien avec des groupes paramilitaires ; 90% d'entre eux ont participé à la coalition qui a mené Álvaro Uribe Vélez à la présidence de la République.

16) Tout au long de l'année 2009, on a pris connaissance de détails inédits concernant les activités d'intelligence et de contre-intelligence menées contre la Cour suprême de justice par le Groupe d'observation et de vérification nationale et internationale (GONI), créé par le DAS en 2005. On a appris notamment que le DAS s'intéressait de très près au quotidien des magistrats, à leurs goûts et à leurs faiblesses, aux membres de leur famille ainsi qu'à leurs cercles d'amis les plus proches. On a également découvert des interceptions téléphoniques de conversations entre le magistrat Iván Velásquez et un haut fonctionnaire de l'ambassade américaine, qui ont été réalisées par des membres de la police nationale et du Parquet général de la nation.

17) En raison des menaces et des attaques visant la Cour suprême, trois magistrats de ce parquet, à savoir María del Rosario González de Lemos, Julio César Valencia Copete et Iván Velásquez, bénéficient actuellement de mesures conservatoires prises par la Commission interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH).

FAITS RECENTS

18) Depuis décembre 2009, la Cour suprême de justice a prononcé de nouvelles condamnations dans l'affaire dite de la « para-politique ». Le 3 décembre, la Cour a condamné à quarante ans de prison Salvador Arana Sus, ancien gouverneur du département de Sucre, qui était également l'ambassadeur de Colombie au Chili pendant le premier mandat du Président Uribe. Il a été accusé de l'homicide de l'ancien maire de El Roble, Eudaldo Díaz, qui a eu lieu en 2003. En outre, la Cour a certifié des copies conformes pour qu'une enquête soit menée sur l'ancien fonctionnaire dans le cadre des crimes contre l'humanité commis par le groupe paramilitaire de Rodrigo Mercado Pelufo, alias « Cadena ».

19) Le 15 décembre 2009, l'ancien député conservateur Gonzalo García Angarita a été condamné à sept ans et demi de prison pour ses liens avec le paramilitarisme dans le département du Tolima.

20) Le 26 janvier 2010, la Cour a condamné l'ancien sénateur Vicente Blel Saad à sept ans et demi de prison pour ses liens avec les paramilitaires du bloc nord, dirigés par Rodrigo Tovar Pupo, alias Jorge 40, dans le département de Bolívar.

21) Le 27 janvier 2010, la Cour a condamné deux paramilitaires à des peines de 40 et 20 ans pour le massacre de quatre indigènes Kankuamos et a ordonné au Parquet général de la nation d'enquêter sur le chef paramilitaire Rodrigo Tovar Pupo, alias Jorge 40, pour ces mêmes faits. Elle a également demandé que la lumière soit faite rapidement sur l'assassinat, entre 2002 et aujourd'hui, de plus de cinquante indigènes de l'ethnie Kankuama.

22) Le 1er février 2010, la Cour a ouvert le procès contre Jorge Noguera Cotes, ancien directeur du Département administratif de sécurité (DAS), pour l'homicide de deux syndicalistes, d'un défenseur des droits de l'homme et d'une journaliste, tués en 2003. Dans le cadre de cette affaire, l'opinion publique a appris que le DAS rendait chaque semaine des rapports sur les activités syndicales au président de la République et que l'ancien sous-directeur du DAS, José Miguel Narváez, avait été nommé à la demande du président Álvaro Uribe Vélez. M. Narváez est aujourd'hui prisonnier et est entendu par la justice en tant que responsable et initiateur du groupe qui a mené, au sein du DAS, des opérations d'espionnage illégal à l'encontre de plus de 300 personnes.

23) Le 2 février 2010, la Cour a condamné l'ancien député Dixon Ferney Tapasco, à sept ans et demi de prison pour ses liens avec des groupes paramilitaires dans le département de Caldas.

24) Le 11 février 2010, la Cour a ordonné que le paramilitaire Libardo Duarte, alias Bam-Bam, soit exclu de la juridiction exceptionnelle créée par la loi 975 de 2005, qui porte mal son nom de « Justice et paix ». Cette décision est intervenue après qu'il a avoué être l'auteur d'un homicide à la suite de sa « démobilisation » des Autodéfenses Unies de Colombie. La Cour a décidé de porter l'affaire devant la juridiction ordinaire, malgré l'opposition exprimée par le gouvernement national et le Parquet général de la nation.

25) Le 16 février 2010, la Cour suprême a nié la liberté de l'ancien président du Congrès de la République, le conservateur Luis Humberto Gómez Gallo, traduit en justice pour ses liens avec des paramilitaires et des narcotrafiquants du département de Tolima.

26) Le 17 février 2010, la Cour a refusé l'extradition aux Etats-Unis du chef paramilitaire Edwar Cobos Téllez, alias Diego Vecino, qui fait l'objet d'une enquête autour des massacres de Manpujan et Las Brisas, qui ont fait 663 victimes avérées de déplacements forcés, 7 de prises d'otages et 11 d'homicides, ainsi que de torture. La Cour estime que, dans le cadre de cette procédure d'extradition, lorsque les faits peuvent être qualifiés de crimes contre l'humanité, ceux-ci ont la prééminence sur les délits de narcotrafic étant donné leur qualité de crimes graves sous le droit pénal international. [Voir le texte complet de la décision judiciare sur : http://www.derechos.org/nizkor/colombia/doc/vecino.html]

27) Le 23 février 2010, la Cour a condamné à la peine maximale de 40 ans l'ancien sénateur Álvaro García Romero pour les délits d'entente en vue de commettre une infraction, pour détournement de fonds publics et pour l'homicide de huit personnes pendant le massacre de Macayepo. La Cour a conclu que l'ancien parlementaire, « en sa qualité de représentant de la population du Sucre devant le pouvoir législatif, aurait dû sans conteste avertir les autorités de cette incursion paramilitaire qu'il a, en définitive, non seulement toléré, mais aussi encouragé, vu le soutien qu'il apportait depuis longtemps au groupe armé illégal»

28) Le 24 février 2010, la Cour suprême a formulé une accusation pour entente en vue de commettre un délit, contre l'ancien sénateur Mario Uribe Escobar, qui est le cousin germain du président Álvaro Uribe Vélez et qui a été son fidèle allié tout au long de sa carrière politique. La Cour a estimé que Mario Uribe Escobar a pris part activement au plan d'expansion politique du paramilitarisme, dans le but d'obtenir une représentation nationale grâce à des alliés qui arriveraient pour la première fois au Congrès ou, s'ils y sont déjà, qui les aideraient à atteindre leurs objectifs. [Voir le texte complet de la décision judiciare sur http://www.derechos.org/nizkor/colombia/doc/mariou.html]

29) Ce même 24 février 2010, la Cour a réitéré sa jurisprudence en ce sens que les « faux positifs », comme on les appelés, c'est-à-dire des exécutions extrajudiciaires commises de manière systématique par des membres des forces militaires, doivent être traités par la justice ordinaire. C'est pourquoi elle a annulé le jugement d'un tribunal militaire et a envoyé cette affaire au Parquet général de la nation.

30) Le 3 mars 2010, différents médias colombiens ont annoncé que la Cour suprême de justice avait ordonné l'enquête contre Mario Montoya, général retraité et actuel ambassadeur en République Dominicaine, pour ses présumés liens avec le paramilitarisme. Certaines sources de la Cour nient toutefois qu'une telle décision a été prise et considèrent que cette publication fait partie d'une stratégie de désinformation.

31) Le 4 mars 2010, la rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, Margaret Sekaggya, a rendu public le rapport concernant sa visite en Colombie de septembre 2009. La rapporteuse se dit particulièrement inquiète des menaces proférées à l'encontre des plus hautes autorités judiciaires du pays, faisant allusion aux attaques dont la Cour suprême de justice a été le cible.

AU VU DE CES FAITS, NOUS ESTIMONS QUE :

32) Il ne fait pas de doute que les actes d'intimidation et les menaces systématiques dont la Cour suprême colombienne est la cible depuis plusieurs années correspondent à une stratégie qui vise à effrayer celle-ci. Cette Cour a pour rôle d'enquêter et de juger des parlementaires, actuels et anciens, ainsi que des hauts fonctionnaires de l'Etat, par des procès qui visent à dévoiler les activités d'une vaste entreprise criminelle qui, depuis 2002, en connivence avec des narcotrafiquants et des paramilitaires, s'est emparé d'une grande partie des trois branches du pouvoir public colombien.

33) Dans ce contexte, nous estimons que le pouvoir exécutif, dirigé par le président Álvaro Uribe Vélez, est le responsable de la protection des membres de la Cour suprême de justice et de leurs proches, ainsi que de tout faille dans les dispositifs de sécurité, susceptible de permettre la matérialisation des graves menaces auxquelles la Cour est actuellement confrontée.

34) En plus de manifester notre soutien à la Cour suprême, nous voulons exprimer notre souhait que celle-ci n'abandonne pas la recherche de la vérité et de la justice face aux faits graves sur lesquels elle enquête et qu'elle juge. Il s'agit d'un défi auquel la Cour doit faire face de manière cohérente par rapport à la jurisprudence nationale et internationale dans des affaires qui entraînent l'application de la catégorie pénale des crimes contre l'humanité et la détermination des responsabilités pénales individuelles sur base de l'appartenance à une organisation criminelle conformément à la jurisprudence issue de l'application du droit pénal international en vigueur, ainsi que l'application la Convention des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée.

35) Dans le cas particulier du procès contre Jorge Noguera, nous appelons la Cour suprême à garantir le principe de publicité du procès et à ne pas satisfaire la demande de la défense de déclarer les séances secrètes.

36) Nous demandons également à la Cour de ne pas céder aux pressions exercées par ceux qui cherchent à rendre secrets certains témoignages obtenus au cours du procès. Bien que les séances puissent être tenues exceptionnellement à huis clos, le contenu de celles-ci revêt, et doit revêtir, un caractère public. C'est stipulé tel quel dans le code de procédure pénale colombien et dans les règles de droit international qui veillent au respect des droits de l'Homme dans l'administration de la justice.

Dans le cas de nouvelles liées aux procédures judiciaires, le lien entre le droit à la liberté d'expression et le système démocratique comprend l'accès au procès, aux débats et au prononcé de l'arrêt, a fortiori dans une affaire aussi importante que celle du premier procès intenté contre le système de renseignement colombien.

37) Nous demandons aux gouvernements membres de l'Union européenne, notamment au gouvernement espagnol, d'assumer leurs responsabilités politique et juridique pour avoir protégé pendant des années la structure organisée par le président Uribe.

38) Selon les indices rationnels et les éléments de preuve suffisants qui sont rassemblés dans le cadre du procès contre le système de contre-intelligence et des procédures engagées à l'encontre de sénateurs et de députés, qui sont accusés, incriminés et bien souvent condamnés, cette structure réunit les conditions pour être qualifié d' « entreprise criminelle commune ».

39) Sans le soutien explicite et souvent agressif de la diplomatie espagnole, il aurait été impossible de garder sous silence ce type d'activités. Celles-ci ont été soutenues en fournissant la justification doctrinale de la lutte contre le terrorisme, ce qui a permis, à son tour, d'aboutir de facto à un état d'exception dans lequel les organisations du paramilitarisme et du narcotrafic ont assumé, également de facto, le contrôle politique de l'Etat.

40) Nous demandons au Département d'Etat américain de revoir en profondeur la politique de coopération appelée « Plan Colombie » pour l'adapter aux règles internationales de respect des libertés civiles et des droits de l'Homme, ainsi que du droit international applicable. Nous lui demandons de revoir en profondeur et de façon rationnelle les politiques de lutte contre le narcotrafic, car elles se sont avérées totalement inefficaces dans la prétendue lutte contre le crime organisé.

De la même manière, il faudrait que les forces militaires déployées en territoire colombien soient retirées et que l'on ne procède pas à l'installation des bases militaires prévues dans les accords conclus avec le pouvoir exécutif colombien, étant donné que ces accords ne réunissent pas les conditions prévues par le droit interne colombien et par le droit international.

41) Nous rappelons que les politiques du type de celles menées par le ministère des affaires étrangères espagnol, avec la collaboration nécessaire de la Commission européenne, ainsi que celles appliquées par le Département d'Etat américain, violent le principe de non-ingérence reconnu par la Charte des Nations Unies, en particulier par les articles 2.4 et 2.7. Ces politiques ont pour conséquence de renforcer ce que l'on appelle l' « état d'exception mondial », ce qui vient remettre en cause l'existence même de l'Organisation des Nations Unies, telle qu'elle fut conçue lors de la Conférence des Nations Unies sur l'organisation internationale qui s'est tenue à San Francisco le 26 juin 1945.

Charleroi, San Francisco et Bogota, le 8 mars 2010

Gregorio Dionis, Président d'Equipo Nizkor et directeur de Radio Nizkor


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