EQUIPO NIZKOR
Información

DERECHOS


24oct46

English | Español


Compte-rendu de la trente-cinquième séance plénière de l'Assemblée générale au cours de laquelle la "Question espagnole" a été abordée.


TRENTE-CINQUIEME SEANCE PLENIERE:
Tenue le jeudi 24 octobre 1946, à 11 heures

84. Installation des Sous-Secrétaires généraux
85. Renvoi des pouvoirs au Comité de vérification des pouvoirs
86. Election aux postes vacants dans les Commissions de l'Assemblée générale
87. Rapport complémentaire du Secrétaire général sur l'œuvre de l'Organisation
88. Rapports du Conseil de sécurité et du Conseil économique et social
89. Ouverture de la discussion générale. Discours de M. Castillo Najera (Mexique)

Président: M. P.-H. Spaak (Belgique).

84. Installation des Sous-Secrétaires généraux

Le Président: L'ordre du jour appelle en premier lieu l'installation des Sous-Secrétaires généraux et leur confirmation dans leurs fonctions.

L'Assemblée générale, par une résolution relative à l'organisation du Secrétariat, adoptée le 13 février 1946, a décidé que les Sous-Secrétaires généraux prêteraient serment au cours d'une séance publique de l'Assemblée générale.

(Sur l'invitation du Président, les Vice-Prési-' dents de l'Assemblée prennent place à la tribune et le Secrétaire général présente les Sous-Secrétaires généraux. )

Le Secrétaire général (traduction de l'anglais) : Monsieur le Président, j'ai l'honneur de vous informer que, conformément à la résolution adoptée par l'Assemblée générale le 13 février 1946, concernant l'organisation du Secrétariat, j'ai désigné huit Sous-Secrétaires généraux, qui auront chacun la direction d'un des huit principaux départements.

J'ai le plaisir de vous présenter MM. Arkady Alexandrovitch Sobolev, Sous-Secrétaire général chargé du Département des affaires du Conseil de sécurité; Arthur David Kemp Owen, Sous-Secrétaire général chargé du Département des affaires économiques; Henri Laugier, Sous-Secrétaire général chargé du Département des affaires sociales; Victor Hoo Chi-Tsai, Sous-Secrétaire général chargé du Département de la tutelle et des renseignements relatifs aux territoires non autonomes; Benjamin A. Cohen, Sous-Secrétaire général chargé du Département de l'information; Ivan Kerno, Sous-Secrétaire général chargé du Département juridique; Adrian Pelt, Sous-Secrétaire général chargé du Département des conférences et services généraux; John B. Hutson, Sous-Secrétaire général chargé des Services administratifs et financiers.

Le Président : Je vous remercie, Monsieur le Secrétaire général, de votre communication et je suis certain d'être l'interprète de l'Assemblée tout entière en vous félicitant de l'heureux choix que vous avez fait en désignant les Sous-Secrétaires généraux.

Je suis heureux aussi, au nom de l'Assemblée générale, de féliciter les personnalités qui ont été choisies par vous. Je suis persuadé qu'elles accompliront leur tâche avec la plus grande conscience et un dévouement absolu. La tâche qu'elles ont accepté de remplir est extrêmement importante et difficile, surtout dans la période actuelle d'organisation. Je suis sûr que nous pouvons compter sur elles et sur leurs efforts pour faire en sorte que notre Organisation connaisse le succès.

Je vais maintenant donner lecture de la formule du serment que chacun des Sous-Secrétaires généraux va prêter.

    "Je prends l'engagement solennel d'exercer en toute loyauté, discrétion et conscience, les fonctions qui m'ont été confiées en ma qualité de membre de l'administration internationale de l'Organisation des Nations Unies, de m'acquitter de ces fonctions et de régler ma conduite en ayant exclusivement en vue les intérêts de l'Organisation, sans solliciter ni accepter, dans l'accomplissement de mon devoir, les instructions d'aucun Gouvernement ni d'aucune autorité extérieure à l'Organisation."

Prêtent successivement serment:

M. Arkady Alexandrovitch Sobolev, Sous-Secrétaire général chargé du Département des affaires du Conseil de sécurité;
M. Arthur David Kemp Owen, Sous-Secrétaire général chargé du Département des affaires économiques;
M. Henri Laugier, Sous-Secrétaire général chargé du Département des affaifes sociales;
M. Victor Hoo Chi-Tsai, Sous-Secrétaire général chargé du Département de la tutelle et des renseignements relatifs aux territoires non autonomes;
M. Benjamin A. Cohen, Sous-Secrétaire-général chargé du Département de l'information;
M. Ivan Kerno, Sous-Secrétaire général chargé du Département juridique;
M. Adrian Pelt, Sous-Secrétaire général chargé du Département des conférences et des services généraux;
M. John B. Hutson, Sous-Secrétaire général chargé des Services administratifs et financiers.

85. Renvoi des pouvoirs au Comité de vérification des pouvoirs

Le Président: Au cours de la première partie de la première session de l'Asemblée générale, un Comité de vérification des pouvoirs a été élu conformément à l'article 23 du règlement intérieur. Le Comité de vérification élu à Londres comprend un représentant de chacun des pays suivants: République socialiste soviétique de Biélorussie, Chine, Danemark, France, Haïti, Paraguay, République des Philippines, Arabie Saoudite et Turquie.

Le représentant du Danemark est le Président du Comité; je l'invite à convoquer, aussitôt que possible, une première réunion de ce Comité afin de procéder à la vérification des pouvoirs.

Je pense qu'il n'y a pas d'observation sur ce point de l'ordre du jour?

Décision : La procédure proposée par le Président est adoptée.

86. Election aux postes vacants dans les Commissions de l'Assemblée générale (document A/140/Rev.l)

Le Président: Les postes de président, de vice-président et de rapporteur de certaines commissions se trouvent vacants. Voici la liste de ces vacances d'après le document A/ 140/Rev.l :

Commission Poste
Première Rapporteur M. Viteri Lafronte (Equateur)
Deuxième Rapporteur M. Portillo (Bolivie)
Troisième Président M. Fraser (Nouvelle-Zélande)
Vice-président M. Soto Harrison (Costa-Rica)
Rapporteur Mme Dalen (Norvège)
Quatrième Rapporteur M. Kerno (Tchécoslovaquie)
Sixième Rapporteur M. Read (Canada)

Une correction doit cependant y être apportée: le Rapporteur de la Première Commission, M. Viteri Lafronte, de la délégation de l'Equateur, sera présent.

Il s'agit en premier lieu de procéder à l'élection du Président et du Vice-Président de la Troisième Commission. M. Peter Fraser, représentant de la Nouvelle-Zélande, ne sera malheureusement pas parmi nous et doit être remplacé. Je propose que la Troisième Commission se réunisse aujourd'hui, à 15 h. 15, dans la salle de commission A, ici, à Flushing et qu'elle procède à la nomination de son Président et de son Vice-Président. Cette élection est urgente car le Président de la Commission, comme vous le savez, fait partie du Bureau de l'Assemblée Générale, lequel doit se réunir aussi rapidement que possible.

Je me permets maintenant de formuler une recommandation à l'intention des membres de la Troisième Commission. A Londres, deux principes avaient été établis pour le choix des présidents: d'abord leur compétence particulière, ensuite une certaine répartition géographique. Il est nécessaire que ces deux principes soient respectés; et nous croyons possible, pour la Troisième Commission, d'élire son Président en tenant compte du fait que M. Fraser avait été élu à Londres et qu'il serait bon qu'un représentant de la Nouvelle-Zélande soit à nouveau élu président.

87. Rapport complémentaire du Secrétaire général sur l'œuvre de l'Organisation (document A/65/Add.l)

Le Secrétaire général (traduit de l'anglais) : C'est le 30 juin que le Secrétaire général a achevé son rapport à l'Assemblée (document A/65). Beaucoup d'événements se sont produits entre cette date et l'ouverture de l'Assemblée générale. J'ai donc jugé bon de faire verbalement à l'Assemblée un rapport complémentaire.

Depuis la signature de la Charte, en juin 1945, l'Organisation des Nations Unies a connu une existence vagabonde.

Elle s'est déplacée d'abord de San-Fran-cisco à Londres, où la Commission préparatoire a commencé ses travaux au mois de septembre de l'année dernière. Pendant six mois, le siège de l'Organisation est demeuré à Londres; tous les services étaient réunis à Church House. Il est curieux de constater que Church House est, jusqu'à présent, l'endroit où l'Organisation est demeurée le plus longtemps.

En mars, nous avons commencé à nous installer à New-York, d'abord à Hunter College, dans le Bronx, puis depuis la mi-août à Lake Success.

Il est évident que, dans ces conditions, il était impossible de donner au Secrétariat des Nations Unies une organisation aussi satisfaisante que je l'eusse souhaité.

Au moment même où les circonstances contraignaient les Nations Unies à mener cette existence errante, l'activité internationale devenait si intense, pendant l'année 1945-1946, que toutes les organisations internationales étaient mises à une rude épreuve. Tel est surtout le cas de l'organisation centrale, qui a dû prêter son concours à des travaux internationaux de toute nature.

Outre la Conférence de la Paix à Paris, sept institutions internationales ont organisé des congrès ou des conférences avec l'aide du Secrétariat des Nations Unies. De plus, il n'y a pas eu moins de vingt-huit conférences internationales durant cette période.

En ce qui concerne les travaux de l'Organisation des Nations Unies proprement dite, le Conseil de sécurité et ie Conseil économique et social ont tenu de fréquentes réunions et dix-sept autres organismes se sont également réunis sous nos auspices ou avec notre concours.

Pour ce qui est de l'organisation matérielle, nous avons rencontré des difficultés qui avaient trait principalement aux locaux administratifs et au logement du personnel.

Locaux administratifs

Dans mon rapport à l'Assemblée, j'ai déjà exposé les conséquences de l'insuffisance des locaux.

Comme vous le savez, nous occupons actuellement la partie de l'usine Sperry, à Lake Success, que nous avons louée. De plus, on est en train de transformer pour notre usage une surface de plus de 9.000 mètres carrés. Nous avons conservé les deux bureaux de Manhattan. Nous avons loué, d'autre part, des locaux destinés à la Commission du siège permanent et une surface de plus de 6.000 mètres carrés, dans l'Empire State Building, pour fournir des bureaux aux délégations.

La surface totale des bureaux dont nous disposons ainsi, ajoutée à l'emplacement supplémentaire que nous devons occuper à Lake Success, est loin d'être suffisante. De plus, une partie de l'emplacement que nous occupons actuellement ne donne pas satisfaction. Il est évident qu'il est difficile de transformer une usine en bâtiments administratifs.

Après avoir examiné attentivement cette situation, j'ai conclu que ce problème ne pourrait être résolu de façon satisfaisante qu'en créant un nouveau bâtiment administratif des Nations Unies, qui soit bien situé et conçu spécialement pour nos besoins. C'est pourquoi je vous demanderai, en temps voulu, l'autorisation de construire de nouveaux bâtiments provisoires.

Logement du personnel

L'un des quatre groupes de logements projetés que j'ai mentionnés dans mon rapport antérieur, celui qui concerne Great Neck, a été achevé en partie et des membres du personnel ont déjà commencé à s'y installer. Trois groupes plus vastes sont encore en cours de construction et ne seront pas achevés avant plusieurs mois. J'ai pu également louer à bail au Gouvernement des Etats-Unis le Lido Beach Hôtel pour loger temporairement le personnel.

Recrutement du personnel

Le travail du Secrétariat, depuis l'installation à New-York, a été forcément affecté par le problème du recrutement d'un personnel qualifié.

L'effectif du personnel du siège a augmenté au fur et à mesure que le travail croissait. Le 15 octobre, il comprenait 2.516 personnes à New-York et 476 dans les bureaux de Londres et de Genève, soit au total 2.992 personnes. Un rapport détaillé sera remis à la Cinquième Commission lorsqu'elle entreprendra l'examen du budget.

En recrutant le personnel, nous nous sommes constamment efforcés de suivre le principe de répartition sur la base géographique la plus large possible. Il y a maintenant, au Secrétariat, des ressortissants de quarante Etats Membres. Peu à peu, nous avons augmenté la répartition des postes importants sur cette base géographique, mais pour les postes secondaires, nous avons délibérément adopté, comme mesure provisoire, une politique de recrutement local.

Dans l'intérêt de l'efficacité du travail et pour arriver en même temps à une répartition géographique équitable, je me propose de consacrer encore un an ou deux au recrutement du personnel permanent du Secrétariat.

En ce qui concerne le problème général du personnel, je dois signaler un certain mécontentement de la part des employés à petits traitements. Il faut étudier cette question en tenant compte de l'augmentation du coût de la vie aux Etats-Unis.

Les problèmes qui se sont posés pour nous, en ce qui concerne les services techniques et le logement, ne peuvent se comparer à ceux qu'aucune autre organisation internationale ait eu à résoudre dans le passé.

Contributions des Etats Membres

Une résolution adoptée pendant la première partie de la première session de l'Assemblée générale a fixé à vingt-cinq millions de dollars le montant du fonds de roulement. Cette résolution a fixé également les chiffres provisoires des avances respectives que les Etats Membres doivent verser au fonds de roulement.

Sur ce total de vingt-cinq millions de dollars, nous avons reçu la somme de 23.500.000 dollars, soit quatre-vingt-quatorze pour cent. Des cinquante et un Etats Membres, trente-huit ont payé intégralement leur contribution, six l'ont payée en partie et sept n'ont encore rien versé.

L'Assemblée générale désirera peut-être rechercher les moyens propres à assurer à l'avenir le paiement ponctuel des contributions. Les fonds n'ont pas manqué pendant l'année financière; cependant, il n'est que juste et désirable de faire verser à l'échéance, les avances et les contributions dues par chaque Etat Membre.

Institutions spécialisées

L'un des indices qui a attesté la vitalité de la coopération internationale a été la création d'institutions spécialisées, chargées de l'exécution de tâches bien définies.

Nous possédons déjà l'Organisation internationale du travail, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, l'Organisation provisoire de l'aviation civile internationale, le Fonds monétaire international et la Banque internationale. Avec les quatre premières, le Conseil économique et social a négocié des accords tendant à assurer la coordination générale de leurs activités ainsi qu'à établir des relations fructueuses entre elles et les Nations Unies. L'Organisation mondiale d'hygiène sera bientôt constituée. Je compte que nous aurons en outre une Organisation internationale du commerce et une Organisation internationale pour les réfugiés.

J'ai agi selon le principe évident que les Nations Unies doivent apporter à ces diverses institutions spécialisées toute la compréhension et l'aide désirables. D'autre part, je me suis donne pour ligne de conduite d'éviter tout chevauchement" et tout gaspillage d'hommes et d argent.

C'est toutefois aux Etats Membres qu'il appartient de déterminer les institutions spécialisées qu'ils désirent établir et d'en fixer les attributions. Il conviendra peut-être bientôt de nous demander si la famille des institutions spécialisées n'a pas déjà atteint des proportions suffisantes. Plus le nombre de ces institutions sera grand, plus lourde sera la charge financière des Gouvernements Membres et plus s'accroîtra le danger de chevauchement et de double emploi.

A mesure que surgissent de nouveaux problèmes, il serait bon d'examiner s'il ne vaudrait pas mieux en confier le règlement soit au Secrétariat des Nations Unies, soit à l'une des organisations existantes, plutôt que de créer des organismes nouveaux.

Services d'information

Des plans sont en cours de préparation en vue d'accroître notablement l'activité du Département de l'information des Nations Unies et de permettre ainsi de mieux renseigner les Nations Membres, en particulier les pays qui ne sont pas situés dans l'Amérique du Nord.

Nous nous proposons d'instituer des centres d'information à tous les points stratégiques de diffusion des nouvelles, dans le monde entier. En outre, nous mettons au point un réseau de radiodiffusion qui permettra de recevoir, partout dans le monde, les émissions de notre siège. Nous espérons ainsi toucher des millions de lecteurs et d'auditeurs fort peu renseignés, à l'heure actuelle, sur notre activité. Je compte vous soumettre plus tard, au cours de la présente session, un projet de création d'un poste émetteur permanent à ondes courtes.

Privilèges et immunités

Depuis mon arrivée aux Etats-Unis, on m'a posé de nombreuses questions sur la Convention relative aux privilèges et immunités. Le fait que la Convention relative aux privilèges et immunités, ainsi que le projet de convention avec les Etats-Unis concernant le siège, ne sont pas encore entrés en application aux Etats-Unis, a causé ^certains désagréments à des membres des délégations et du Secrétariat.

La loi américaine reconnaît maintenant certains privilèges et immunités. Le Secrétariat a demandé au State Department des Etats-Unis de conférer à titre transitoire, par un acte ministériel, d'autres privilèges indispensables aux aux représentants et au personnel du Secrétariat.

Le State Department m'a fait connaître qu'il n'est pas en mesure d'engager le Gouvernement des Etats-Unis à octroyer ces privilèges et immunités. Toutefois, il s'est engagé à recommander certaines demandes du Secrétaire général à , l'examen bienveillant des autorités compétentes, dans certains cas particuliers, quand il s'agira d'actes officiels.

J'espère que tous les autres Membres des Nations Unies procéderont le plus rapidement possible, comme l'a fait le Royaume-Uni, à la ratification de la Convention relative aux privilèges et immunités.

Suisse

J'ai déjà informé l'Assemblée que le Conseil fédéral suisse a signé avec nous, au début de l'été, un accord provisoire relatif aux privilèges et immunités dont les Nations Unies jouiront en Suisse. Dans le procès-verbal joint à cet accord, les représentants de la Suisse ont formulé cette réserve que "dans le cas où de nouveaux accords seraient conclus, l'examen des problèmes pouvant concerner la sauvegarde des intérêts de la Suisse devrait être repris."

Au mois d'août, j'ai profité de mon voyage en Suisse pour discuter cette clause restrictive avec les autorités suisses. J'ai estimé qu'il m'était impossible de faire une recommandation au sujet de l'utilisation future des locaux des Nations Unies à Genève, tant que n'aurait pas été dissipée toute incertitude sur le point de savoir si les Nations Unies seraient libres, comme il est indispensable, de se servir de ces locaux pour les réunions de tel ou tel de leurs organes ou pour les activités de tel ou de tel de leurs services.

Mon représentant à Genève a poursuivi les conversations entamées à Berne avec le Président et le Chef du Département politique fédéral; et, il y a quelques semaines, le Conseil fédéral a bien voulu déléguer un représentant à New-York en vue de reprendre avec moi des pourparlers directs. A la suite de cette visite, nous avons préparé un projet d'échange de lettres que j'ai accepté de présenter à l'approbation de l'Assemblée générale, si ce projet recevait l'agrément du Conseil fédéral suisse.

On trouverait ainsi le moyen pratique de répondre au besoin d'un bureau régional qui se fait sentir en Europe. A mon avis, la région du Pacifique a aussi besoin d'un bureau de ce genre.

Tutelle

Le 29 juin 1946, j'ai adressé une lettre aux Etats administrant des territoires sous mandat de la Société des Nations, à savoir: Australie, Belgique, France, Nouvelle-Zélande, Union Sud-Africaine et Royaume-Uni, leur demandant de me faire connaître s'il est possible de conclure des accords de tutelle pour les territoires sous mandat et de me renseigner sur l'état des négociations relatives à ces accords.

Tous les Etats à qui j'avais adressé cette lettre y ont répondu. La réponse du Gouvernement français, reçue le 30 septembre, s'accompagnait de deux projets d'accord de tutelle intéressant le Togo et le Cameroun, qui sont les deux territoires administrés par la France en vertu d'un mandat. Ce sont les premiers accords de tutelle officiellement soumis à l'approbation des Nations Unies.

La semaine dernière, le Gouvernement australien et le Gouvernement du Royaume-Uni ont officiellement soumis des projets d'accord de tutelle pour les territoires qu'ils administrent sous mandat: Nouvelle-Guinée, Tanganyika, Togo et Cameroun.

De plus, on m'a informé que deux autres Puissances mandataires, la Belgique et la Nouvelle-Zélande, ont établi des projets d'accord de tutelle pour les territoires dont les mandats leur sont confiés; et que le texte de ces accords, dont la transmission n'a été retardée que par des difficultés matérielles, sera remis aux Nations Unies dans un délai de quelques heures ou de quelques jours.

Le Gouvernement de l'Union Sud-Africaine a demandé l'inscription à l'ordre du jour d'une question relative au Sud-Ouest Africain.

Je tiens à insister sur l'importance que j'attache à la présentation des accords de tutelle à l'Assemblée générale et à leur approbation par elle, car ces actes permettront d'accélérer la création du Conseil de tutelle. Ce Conseil est l'un des organes principaux des Nations Unies; sans lui, notre Organisation, telle qu'elle est prévue par la Charte, ne saurait être complète.

De plus, nous ne devons jamais perdre de vue cette idée que nous avons une obligation sacrée envers les pays non autonomes dont les habitants, par millions, ont fidèlement soutenu la cause des Nations Unies au cours de la dernière guerre et ont contribué à notre victoire au prix d'immenses sacrifices. Nons devons également nous souvenir que ces peuples ne sont pas directement représentés ici et il faut que nous leur donnions, de toutes les manières possibles, l'assurance que nous avons constamment à l'esprit le souci de leur bien-être.

Je souhaite vivement qu'on ne laisse aucune difficulté empêcher la création prochaine du Conseil de tutelle.

Territoires non autonomes

L'application effective des principes formulés au Chapitre XI de la Charte, principes qui affectent l'existence de ces centaines de millions d'hommes qui n'ont pas encore pleinement atteint le stade de l'autonomie, constitue un autre aspect important de la tâche des Nations Unies. Les principes et les obligations énoncés au Chapitre XI sont particulièrement significatifs du fait qu'ils s'appliquent aux nombreux territoires non autonomes qui pourraient ne pas être placés sous le régime de la tutelle internationale.

Ces principes et ces obligations, contenus dans le Chapitre XI, sont déjà pleinement en vigueur. C'est pourquoi, par lettre en date du 29 juin, j'ai appelé l'attention de tous les Etats Membres sur certains problèmes d'ordre pratique se rapportant à ce Chapitre. Les nombreuses réponses reçues jusqu'ici ont été aussi utiles qu'encourageantes. En outre, il est particulièrement remarquable que trois des Etats administrant des territoires non autonomes, l'Australie, la France et les Etats-Unis, ont déjà transmis, conformément aux dispositions de l'Article 73, paragraphe es les renseignements relatifs aux territoires qui ne s'administrent pas eux-mêmes.

L'Assemblée générale voudra certainement mettre à profit ces renseignements, à seule fin que les peuples des colonies et des territoires en question, aussi bien que ceux des territoires soumis à la tutelle, reçoivent des Nations Unies l'assurance que leur niveau de vie sera progressivement amélioré, leur bien-être généralisé et que la promesse contenue dans le Chapitre XI sera entièrement exécutée.

Les droits de l'homme et la condition de la femme

La Charte des Nations Unies contient des phrases d'une grande noblesse sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales.

Certains sceptiques ont peut-être le sentiment que ces mots ne seront jamais que des mots. Ils se trompent. Des millions d'hommes dans le monde espèrent que ces principes leur apporteront les droits et les libertés auxquels ils peuvent prétendre. Us exigeront l'application de ces principes. Malheureusement, il est de trop nombreux cas, même dans nos pays plus évolués, où l'exercise des droits élémentaires de l'homme est refusé à certaines catégories de la population.

C'est un motif de satisfaction que de voir la condition de la femme maintenant mise à l'étude par le Conseil économique et social. Nous ne pouvons nous dissimuler le fait que l'émancipation de la femme n'a pas atteint, dans de nombreuses parties du monde, le degré que l'opinion de l'humanité civilisée estime juste et convenable. Nous ne devrons avoir ni cesse ni repos tant que les femmes ne jouiront pas partout des mêmes droits et des mêmes possibilités que les hommes.

Tous les Membres des Nations Unies devront s'employer à faire une réalité vivante des principes auxquels ils ont donné leur assentiment. Pour sa part, le Secrétariat, je m'y engage, se consacrera, dans les limites de son pouvoir, à faire de la Charte un acte d'une signification réelle et vitale pour la masse de l'humanité.

Droit international

Aux termes de la Charte, les Nations Unies ont la mission de favoriser le développement progressif et la codification du droit international. Un point, qui concerne la mise à exécution des dispositions de l'Article 13, figure à l'ordre du jour provisoire.

J'ai le plaisir de faire connaître que le Secrétariat a pris des mesures en vue d'accomplir cette importante tâche. Une division spéciale du Département juridique procède actuellement à une étude d'ensemble de la législation internationale et s'efforce de la codifier en prenant des contacts officieux avec de hauts fonctionnaires des Etats Membres des Nations Unies, avec des organisations privées et avec des personnes faisant autorité en la matière.

Les procès de Nuremberg ont ouvert dans ce domaine une voie nouvelle. C'est la première fois dans l'histoire, comme l'a dit hier le Président Truman, que, grâce à la collaboration internationale fondée sur la démocratie et le gouvernement représentatif, on a pu se mettre d'accord sur l'institution d'un tribunal international chargé de juger les criminels de guerre et les dirigeants d'un peuple qui avaient déchaîné la guerre sur l'humanité.

Onze des plus grands criminels des temps modernes ont été jugés, suivant des lois internationales, par un tribunal international.

Pour garantir la paix et protéger l'humanité contre de nouvelles guerres, il y aura un intérêt capital à incorporer définitivement le plus tôt possible, dans le code de droit international, les principes qui ont été appliqués au cours des procès de Nuremberg et au nom desquels les criminels de guerre allemands ont été condamnés.

Dorénavant, les auteurs de nouvelles guerres devront savoir qu'il existe à la fois une loi et des sanctions pour châtier leurs crimes. C'est là pour nous un noble encouragement à aller de l'avant et à nous efforcer de donner une vie nouvelle au droit international.

La question espagnole

Je ne saurais manquer d'attirer l'attention de l'Assemblée générale sur la question espagnole qui résulte de l'existence en Espagne du régime fasciste imposé au peuple espagnol par l'intervention armée des Puissances de l'Axe.

La question espagnole a sollicité à maintes reprises l'attention de divers organes «des Nations Unies. Je n'ai pas besoin de vous rappeler la résolution qu'a adoptée à ce sujet l'Assemblée générale, dans la première partie de la présente session. Depuis lors, le Conseil de sécurité a discuté la question en détail et le Conseil économique et social l'a, lui aussi, plus d'une fois examinée à propos des problèmes qui lui ont été soumis.

Il est probable que la tâche d'autres organes des Nations Unies et des institutions spécialisées sera rendue plus difficile par la question espagnole.

Dans ces conditions, l'Assemblée générale, au cours de la présente session, peut rendre un service considérable aux organes et aux Etats Membres des Nations Unies en leur donnant des directives générales sur les relations qu'ils doivent entretenir avec le régime franquiste.

Nous devons malheureusement constater qu'en dépit de la défaite de l'Allemagne et du Japon la domination fasciste en Espagne s'est maintenue sans changement. Il apparaît clairement que le régime franquiste, tant qu'il subsistera en Espagne, demeurera une cause permanente de méfiance et de désaccord entre les fondateurs des Nations Unies. J'espère, par conséquent, qui: ceux qui nous ont donné la victoire et la paix sauront aussi trouver le moyen de restaurer en Espagne la liberté et la démocratie.

Commission de l'énergie atomique

La Commission de l'énergie atomique a poursuivi ses travaux sans interruption au cours de l'été et elle a abouti à un certain nombre de résultats.

La Commission a commencé ses travaux par des déclarations de politique générale faites par les Gouvernements Membres.

La Commission n'a pas cherché à conclure sur les questions de politique générale, mais a décidé de préparer la voie aux discussions à venir, en réunissant de plus amples renseignements sûr les faits fondamentaux de la, fission nucléaire, du .point de vue scientifique et technique.

En conséquence, à la fin de juillet, le Comité scientifique et technique a commencé une étude approfondie de ces questions. Le résultat de cette étude a été un rapport sur la série d'opérations nécessaires à la production du combustible nucléaire indiquant les points de cette série où le combustible nucléaire peut être détourné d'une utilisation pacifique. La conclusion est que, dans l'état actuel de la science, rien ne permet de supposer qu'un contrôle effectif soit techniquement impossible.

Fait significatif, ce rapport exprime l'opinion unanime "des experts scientifiques des douze nations représentées à la Commission.

Ce rapport a été soumis le 8 octobre au Comité No 2, chargé de la politique générale de la Commission. Ce Comité, à son tour, a adopté une résolution dans laquelle il a accepté "de procéder à une étude et de faire rapport sur les mesures de sauvegarde exigées à chaque stade de la production et de l'emploi de l'énergie atomique à des buts pacifiques, afin de prévenir les possibilités d'abus".

Ainsi, l'attention de la Commission est maintenant fixée sur les opérations mêmes qu'exige la production de l'énergie atomique.

Je crois que nous pouvons dire que des progrès ont été réalisés, mais ces progrès sont strictement limités et ils ont été lents. Le problème est extrêmement compliqué et il faudra manifestement du temps pour le résoudre. J'ajouterai simplement que personne dans le monde ne pourra dormir en paix tant que ce problème ne sera pas résolu et qu'il appartient aux Nations Unies, par l'organe de la Commission de l'énergie atomique, de trouver cette solution.

Problèmes économiques et sociaux

Les fondateurs des Nations Unies ont mis dans le Conseil économique et social de grands espoirs que les événements sont en train de justifier. Les résultats de trois sessions du Conseil sont maintenant soumis à l'Assemblée. Il faudrait des heures pour passer en revue le détail de-l'œuvre accomplie; je mentionnerai seulement quelques points. L'Organisation mondiale de la santé et les Commissions du Conseil ont été instituées. L'Organisation internationale pour les réfugiés, dont la création est envisagée, laisse entrevoir la solution du problème que créent des centaines de milliers de personnes déplacées et sans foyer. Vous sentez bien l'urgente nécessité de créer cette Organisation pour éviter la coupure tragique qui résulterait sans cela de la cessation des activités de l'UNRRA.

Signalons aussi tout particulièrement la proposition de créer un fonds international de l'enfance. Les Nations Unies ont ici une occasion magnifique de soulager les souffrances humaines en leur aspect le plus pitoyable.

Dans le domaine économique, vous avez sous les yeux le rapport de la Sous-Commission temporaire de la reconstruction économique des régions dévastées. Sous les faits économiques substantiels qui étayent ce rapport, il faut savoir lire l'histoire de la souffrance des peuples dans les pays dévastés par la guerre et de leur persévérant effort de reconstruction. Mais il y a plus; ce rapport fournit la base d'une action positive des Nations Unies, la base d'une coopération internationale en vue d'accélérer la reconstruction.

Une partie de ce travail a été effectuée dans les régions dévastées elles-mêmes. Des équipes de la Sous-Commission temporaire se sont rendues dans un certain nombre de pays européens, ont pris contact avec les autorités responsables et les experts et ont discuté avec eux des divers problèmes de reconstruction. C'était, je crois, la première fois qu'un organisme des Nations Unies procédait à des enquêtes sur place; et je peux vous assurer que cette méthode de travail s'est révélée des plus efficaces. Le Secrétariat poursuit ce travail de bien des manières. En particulier, il établit actuellement une évaluation préliminaire des secours qui seront nécessaires en 1947 à divers pays actuellement secourus par l'UNRRA.

Naturellement, il y a encore beaucoup à faire. Nous n'avons pas seulement à restaurer l'économie des territoires dévastés; nous devons aussi travailler à faire revivre le commerce international dans le monde entier. C'est là le but des travaux du Comité préparatoire du commerce et de l'emploi, qui se réunit actuellement à Londres. Tous les pays, quel que soit leur régime économique intérieur, qu'il ait pour base le contrôle de l'Etat ou le régime de la libre entreprise, ont besoin, pour prospérer et se développer, d'entretenir des relations commerciales avec l'étranger. Chacun des peuples du monde a besoin, pour assurer son développement économique, de l'aide et de la coopération des autres.

Cependant, nous ne pouvons pas nous borner à essayer de faire revivre le commerce international. Les peuples ont besoin d'un niveau élevé et stable d'emploi et d'activité économique et leur vœu est que ce niveau leur soit assuré. Les Nations Unies et les institutions spécialisées dans le domaine économique sont les instruments essentiels d'une coopération internationale orientée dans ce sens. Il nous appartient de veiller à ce que ces instruments soient utilisés avec énergie et efficacité.

Conclusion

Le fait qui importe et qu'il faut souligner aujourd'hui est que l'Organisation des Nations Unies constitue un organisme vivant et agissant qui a engagé toutes ses forces dans l'accomplissement du plus lourd ensemble de tâches auquel une organisation ait jamais eu à faire face.

Cinquante et une nations consacrent toute leur énergie à la solution de problèmes que nous ont légués le passé et la plus destructive des guerres que l'histoire ait connue. Au moment où les représentants de ces nations se réunissent ici aujourd'hui, personne ne peut mettre en doute leur volonté bien arrêtée de résoudre ces problèmes par un effort commun. Le désir de camaraderie et de coopération qui a incité les Nations Unies à s'associer pour mener le combat contre des légions d'ennemis puissants et cruels demeure vivant.

Parler de guerre exalte peut-être ceux qui ignorent ce que ce mot signifie. La guerre peut sembler encore une heureuse évasion; elle peut apparaître comme une occasion de revanche aux éléments du fascisme qui ont survécu à notre victoire; il ne faut pas que ces éléments puissent faire passer de telles idées dans le domaine des faits.

Chez les peuples des Nations Unies qui ont connu toutes les cruautés de la guerre, la simple évocation d'un conflit armé doit soulever des sentiments d'horreur et d'écœurement.

Un grand nombre de nos peuples souffrent encore profondément des coups que leur a portés l'ennemi. Les plans établis pour améliorer leurs conditions d'existence, ces peuples les ont vus retardés et bouleversés par l'invasion, par • la désorganisation de leurs économies, par des pertes immenses en vies humaines, en argent et en matériel.

Toutes les nations tendent aujourd'hui à un même but: recommencer leur vie; assurer au peuple cette vie plus large qui est l'objet des efforts de tout Gouvernement digne de ce nom.

Les mois qui se sont écoulés depuis la fin des hostilités ont fait apparaître entre les Nations Unies bien des désaccords au sujet de la paix. Au cours de l'été dernier, â Paris, la Conférence de la Paix a fait de durs efforts pour que les traités de paix soient durables et satisfaisants. Nous sommes tous reconnaissants aux délégués des efforts qu'ils ont faits et nous souhaitons au Conseil des Ministres des Affaires étrangères un succès complet lors de ses prochaines délibérations.

La Charte des Nations Unies a été édifiée sur le postulat d'une paix véritable et d'un ferme accord entre les grandes Puissances. La conclusion des traités de paix fournira aux Nations Unies une solide base de travail et éliminera un grand nombre des divergences qui ont gêné l'Organisation dans l'accomplissement de sa tâche durant les premiers mois de son activité.

Les Nations Unies pourront alors consacrer leurs efforts au maintien d'une paix durable et à la réalisation de leur programme d'amélioration de la condition humaine dans le monde entier. Nous sommes déjà profondément engagés dans la réalisation de ce programme et nous nous y engagerons de plus en plus à mesure que les mois et les années passeront.

Toute notre existence et l'existence de ceux qui viendront après nous doivent être consacrées à la tâche de rendre la vie plus généreuse pour les hommes, sur toute la surface de la terre. Le monde ne nous pardonnerait pas, nous ne nous pardonnerions pas nous-mêmes, si nous manquions de comprendre que cette tâche constructive est, pour toujours, le but ultime des Nations Unies.

88. Rapports du Conseil de sécurité et du Conseil économique et social

Le Président: Je dois faire à l'Assemblée générale une communication concernant les points 5 et 6 de l'ordre du jour.

En vertu de l'Article 24, paragraphe 3, de la Charte, le Conseil de sécurité est tenu de soumettre à l'examen de l'Assemblée un rapport annuel. Ce rapport figure au document A/93.

La Charte n'exige pas que le Conseil économique et social présente un rapport annuel à l'Assemblée générale. Toutefois, au cours de sa troisième session, le Conseil économique et social a décidé de faire rapport à l'Assemblée générale sur ses activités au cours de ses première, seconde et troisième sessions. Ce rapport vous a été remis dans le document A/125.

Le Bureau a décidé de recommander à l'Assemblée que les rapports du Secrétaire général, ainsi que les rapports du Conseil de sécurité et du Conseil économique et social, forment la base de la discusion générale à laquelle l'Assemblée générale va procéder au point 7 de l'ordre du jour de la présente séance.

Décision : La recommandation du Bureau est adoptée.

89. Ouverture de la discussion générale

Le Président: Je rappelle que les représentants qui désirent prendre part à la discussion générale sont priés de remettre leur nom à l'un des secrétaires de l'Assemblée qui sont auprès du Président.

Je rappelle aussi, et ceci est fort important, que, suivant notre règlement intérieur, les orateurs doivent, à moins d'exception tout à fait particulière, recevoir la parole dans l'ordre de leur inscription, ce qui m'empêche de donner satisfaction aux orateurs qui demandent à être inscrits soit avant, soit après l'un ou l'autre de leurs collègues, ou qui désirent choisir exacte ment là date et l'heure de leur intervention.

J'ajoute que si, à un moment déterminé, il n'y avait plus d'orateur inscrit, le débat serait déclaré clos et non pas ajourné.

Au cours de sa réunion du 22 octobre, le Bureau a décidé qu'en vue d'accélérer le débat, la possibilité devait être donnée à ceux des représentants qui le désireraient de faire circuler une traduction de leur discours. La distribution de cette traduction remplacerait l'interprétation verbale. Le Secrétaire général se chargera de la traduction des discours dans l'une ou l'autre des langues de travail, et de leur distribution, si les textes complets. lui sont remis au plus tard la veille du jour où le discours doit être prononcé.

Décision: L'Assemblée accepte que le débat soit organisé dans les conditions suggérées par le Président.

Le Président: La parole est au premier orateur inscrit, M. Castillo Najera, représentant du Mexique.

M. Castillo Najera (Mexique) (traduit de l'espagnol) : Notre présence à New-York prouve de façon manifeste combien nos Gouvernements sont convaincus de la vérité que voici: de même qu'une ville ne peut se développer sans la prévoyance vigilante de l'autorité municipale, de même il faut de toute nécessité, dans un monde tourmenté par le doute, qu'il existe un organisme international, placé au-dessus des intérêts particuliers et des passions divergentes, qui puisse réaliser sa mission conciliatrice pour le plus grand bien de la justice et de la paix.

Les petites nations, et le Mexique en est une au premier chef, sentent qu'il est nécessaire que les relations entre Etats se déroulent de façon harmonieuse, sous le règne du droit. Les petites nations le sentent aujourd'hui plus que jamais, car elles ont l'intuition d'un grave danger surgi ces derniers mois, celui de voir, dans les décisions internationales, la politique supplanter la justice.

Nous ne croyons pas à l'imminence d'une guerre, mais nous nous sentons obligés, malgré la conscience que nous avons de notre faiblesse matérielle, ou peut-être justement à cause d'elle, de signaler le devoir qui nous incombe, à tous également, de rendre plus puissant l'organisme de paix que nous avons laborieusement édifié à San-Francisco. A cet égard, notre message, le message du Mexique, sera marqué ici, comme il le fut à Genève, du signe du courage, du désintéressement et de la conviction.

Un examen objectif et même indulgent de la situation mondiale nous conduit forcément à admettre que les relations entre les Etats sont loin de répondre à l'idéal que nous nous sommes librement fixé quand nous avons rédigé la Charte, celui de vivre en paix comme de bons voisins. Nous nous tromperions nous-mêmes et nous tromperions également les peuples que nous représentons ici, si nous tentions de tirer, du simple fait de notre présence à l'Assemblée, des conclusions optimistes.

La réunion d'une Assemblée générale ou les séances du Conseil de sécurité, indépendamment du cérémonial qui les entoure, ne sont que les manifestations purement extérieures d'une ferme volonté, celle d'atteindre un but. Et cela est loin de suffire: après tout, l'échec irréparable de la Société des Nations s'est produit au moment même où elle était le plus florissante, au moment où elle quittait le quai Wilson pour le palais de l'Ariana.

Nous ne pouvons non plus accepter comme valable la théorie qui voudrait que notre Organisation, parce qu'elle ne compte encore qu'une année, et même un peu moins, requît un certain temps pour prendre corps. Une pareille attitude facile porte en soi des germes destructeurs analogues à ceux qui ont consommé la ruine de la Société des Nations, dont l'expérience devrait nous instruire, puisqu'elle constitue ou devrait constituer une part de notre patrimoine.

Pour que les Nations Unies puissent accomplir leur noble tâche, il ne suffira pas qu'elles puissent compter sur l'appui des Gouvernements. Il leur faudra, plus que jamais, la confiance des peuples, confiance que ceux-ci n'accorderont que dans la mesure où nous aurons réussi.

Le Gouvernement du Mexique ne voit pas d'autres moyens de résoudre les graves problèmes particide la paix et de la guerre que ceux que peut proposer une organisation internationale; c'est pour cette raison qu'il est disposé à collaborer sans relâche à l'œuvre des Nations Unies; mais il ne voit pas, sans de graves préoccupations, se reproduire les phénomènes qui ont caractérisé les années qui ont précédé le dernier conflit et se répéter les mêmes erreurs. Les conférences et les négociations se succèdent en marge de l'Organisation des Nations Unies dont l'activité politique se solde par des résultats que, pour ne pas être trop sévères, nous qualifierons seulement d'insuffisants pour répondre aux espoirs des peuples.

Il y a, à mon avis, deux raisons qui expliquent notre insuccès; je dis "notre" parce que, à des degrés divers, la responsabilité est nôtre. De ces deux raisons, la première est la difficulté que l'on éprouve à consolider une paix si chèrement acquise sur les champs de bataille. La deuxième provient du système de vote introduit non moins péniblement à l'Article 27 de la Charte de San-Francisco.

Les discussions autour des traités de paix, dont certains n'ont pas encore pris une forme matérielle, bien que l'on puisse en entrevoir les lignes générales à travers des phénomènes secondaires, ne correspondent pas aux obligations que nous avons contractées durant la guerre. L'homme de la rue, qui a accepté de bonne foi les promesses de ses dirigeants, qui a accueilli la Charte de l'Atlantique comme l'aube d'un jour nouveau et qui a célébré dans la joie la déclaration des Nations Unies, ne réussit pas à comprendre qu'on lui présente comme des faits accomplis des décisions dans lesquelles il estimait avoir le droit d'intervenir. L'impossibilité où il se trouve de comprendre cet état de choses se transforme en soupçon, quand il croit s'apercevoir que, sur le plan complexe des transactions internationales, certains problèmes sont traités à des fins stratégiques, tant du point de vue politique que du point de vue économique.

Devant une situation si délicate, il est secondaire de rechercher qui a raison; avec la complexité des problèmes auxquels nous devons faire face, il est puéril en effet de rechercher des solutions toutes faites. Le fait essentiel est que ces problèmes existent. On le relève dans les déclarations des hommes d'Etat, on le lit dans les colonnes des journaux quotidiens, et l'homme de la rue les commente.

Et puisque des problèmes existent, notre devoir est de les résoudre. Comment? En renforçant l'Organisation des Nations Unies, en évitant qu'elle ne tombe dans le discrédit et en empêchant que son œuvre ne se borne à enregistrer des événements d'importance mondiale qui se déroulent sans qu'elle intervienne. C'est pourquoi, de l'avis du Gouvernement du Mexique, il est absolument nécessaire d'accélérer l'établissement de la paix au. moyen d'instruments internationaux qui suppriment l'incertitude; il faut également que la discussion de ces conventions ait lieu dans le cadre de notre Organisation, ou du moins avec la participation active et sur un pied d'égalité de tous les pays qui ont formé le noyau des Nations Unies.

J'ai dit précédemment que l'autre élément qui a eu une influence défavorable sur nos décisions est le "veto," ou, pour être plus précis, la façon dont, on s'en est servi. Au cours de la dernière séance du Conseil de sécurité, que j'ai eu l'honneur de présider, j'ai exposé mon point de vue sur la question. Comme cette question figure à notre ordre du jour, la délégation du Mexique aura l'occasion d'en parler; c'est pourquoi mes observations se borneront à quelques-uns des aspects essentiels du problème.

A San-Francisco, on nous a dit que le système de vote au Conseil de sécurité, tel qu'il a été définitivement fixé par la Charte, tendait à garantir l'unité des grandes Puissances. Si les résultats de l'application de cette procédure avaient correspondu aux prédictions, nous n'aurions aucune objection à formuler. Les petits pays, ou les pays d'importance moyenne, sont les plus intéressés à ce que la meilleure compréhension et la plus grande harmonie régnent parmi les Membres permanents du Conseil de sécurité. Ces pays n'ont rien à gagner aux divergences d'opinion. En effet, les différends des Membres du Conseil, que nous ne voyons aucun inconvénient à admettre et qui résultent de sentiments patriotiques purs et de conceptions justes selon le point de vue de chacune des parties, ont des répercussions défavorables sur les conditions politiques, économiques et sociales du monde entier et créent même des dissensions à l'intérieur de nos propres pays.

Nous désirons ardemment et sincèrement l'unité des grandes Puissances. Nous la désirons dans notre propre intérêt. Nous la désirons en tant que citoyens d'un monde indivisible; nous la désirons dans l'intérêt de la paix et de la prospérité de tous les pays.

Malheureusement, l'expérience nous prouve que, loin de contribuer à réaliser cette unité, le veto la compromet de telle façon que nous ne pouvons que le déplorer en espérant que ce n'est là qu'une situation transitoire. Nous ne pensons pas qu'il soit audacieux de supposer que la suppression du veto contribuerait à renforcer cette unanimité que nous désirons tous. En effet, tant qu'il existe la certitude qu'il ne peut y avoir de défaite d'ordre juridique, il n'est pas nécessaire de transiger ni de parcourir la moitié du chemin pour se rapprocher du point de vue opposé. Si au contraire, le danger d'une telle défaite reste latent, il est naturel de rechercher la transaction qui aboutit à l'unanimité.

Nous, qui représentons les petits pays et les pays d'importance moyenne, n'avons jamais eu ce que nous pourrions appeler le veto collectif des grandes Puissances. Nous comprenons que c'est à ces grandes Puissances qu'incombe essentiellement la responsabilité du maintien de la paix, et nous admettons, avec un sens aigu de la réalité, qu'elles jouissent de certains privilèges spéciaux. Ce qui nous préoccupe, ce n'est pas la crainte de voir les cinq membres permanents du Conseil de sécurité essayer, avec l'aide des deux membres non permanents, d'imposer des décisions arbitraires. Non. Indépendamment du fait que cette hypothèse est purement théorique, nous avons suffisamment confiance dans la conception que les grandes Puissances ont de l'équité, pour ne pas avoir de crainte à cet égard. Ce qui nous inquiète, c'est la probabilité, et non pas la simple possibilité, de voir le veto paralyser les meilleures intentions de notre Organisation et, par suite, ruiner le principal espoir d'aboutir, par la voie de la justice, à une paix permanente.

Les discussions qui vont commencer réussiront peut-être à exercer à l'avenir une influence psychologique en faveur de l'unanimité dans les votes du Conseil de sécurité, rendant ainsi de plus en plus rare l'emploi de la procédure du veto. Si les événements futurs arrivent à démontrer que nous avons obtenu cette victoire dans l'intérêt de la paix et de la bonne entente, l'œuvre de l'Assemblée générale, quelles que soient les conclusions auxquelles elle aboutira, n'aura pas été inutile.

Le Président : Je dois signaler dès à présent que, si d'autres dispositions ne sont pas prises, nous risquons de perdre les journées de demain et de samedi. Deux orateurs seulement sont inscrits pour demain et trois pour samedi. Tout le monde se prépare à parler lundi, mardi ou mercredi. Il importe que certains chefs de délégations s'efforcent d'être prêts à intervenir demain et samedi; sinon, le débat général sera déclaré clos, aucun orateur n'étant prêt à parler.

La séance est levée à 13 h. 45

Donaciones Donaciones Radio Nizkor

Impunité en Espagne et crimes franquistes
small logoThis document has been published on 12Sep11 by the Equipo Nizkor and Derechos Human Rights. In accordance with Title 17 U.S.C. Section 107, this material is distributed without profit to those who have expressed a prior interest in receiving the included information for research and educational purposes.